mercredi 10 avril 2019

Francesca Melandri - Tous, sauf moi

Éditeur : Gallimard - Date de parution : Mars 2019 - Traduit de l'italien par Danièle Valin - 576 pages

Rome, 2010. Ilaria la quarantaine voit débarquer chez elle migrant qui prétend être son neveu. Comme tant d'autres, le jeune homme a fui son pays l’Ethiopie pour l'Italie. Surprise et déconcertée, elle ne sait comment réagir. La carte d’identité du jeune homme indique bien qu’il porte son nom Profeti mais également le prénom de son père Attilio.  Ce dernier, séducteur et charmeur,  avait mené une double existence à Rome jonglant avec le foyer légal et  celui de sa maîtresse. Désormais âgé de quatre-vingt-quinze ans, il  n'a plus toute sa tête. Serait-il possible que la fratrie des quatre enfants soit incomplète et que son père ait un fils en Ethiopie ?

Tout comme ses frères, elle ne connait que la version édulcorée du séjour de son père dans ce pays avant la Seconde Guerre mondiale.
En grattant de vernis de l'histoire paternelle,  Ilaria remonte le cours de l’Histoire de l’Italie avec un pan souvent méconnu et la colonisation de l’Ethiopie. Qui est vraiment son père ? Et qui croire?
L’auteure aurait pu se contenter de nous raconter la quête d’Ilaria mais elle nous offre un roman puzzle à la  construction éclatée.  Des massacres d'Addis Abeba en Ethiopie à l'Italie de Berlusconi, elle déploie les histoires personnelles liées à cette famille et les ancre dans la grande Histoire. On découvre tout comme Ilaria le passé moins lisse de son père.

Cette radiographie de l'Italie met la lumière  sur des faits peu glorieux et horribles sous couvert de la colonisation mais également la corruption,  les copinages pratiqués et la mise à nu de racines du fascisme.  Sans une once de sensationnalisme, l'auteure nous expose les conditions de traversée des migrants et l'accueil qui leur est fait.

Contrairement à Plus haut que la mer et Eva dort où l’auteure faisait preuve d’un certain lyrisme, ici l’écriture ne prend de gants et elle a gagné en puissance.
Cette lecture prenante qui brasse l’histoire (avec des personnages pour certains bien réels) et cette famille a eu l’effet d’uppercut. On est bousculé, interloqué, poussé dans nos retranchements.

Sans se faire donneuse de leçons, Francesca Melandri signe un grand roman époustouflant, intelligent, instructif, creusé et pertinent. Une lecture indispensable où les liens souterrains souvent effarants entre passé et présent se dessinent.

Non seulement Berlusconi n'est plus le chef du gouvernement, mais il est même devenu insignifiant; Kadhafi est mort d'une façon atroce; les naufragés sauvés au large Lampedusa sont traités de mystificateurs parce qu'ils ont des portables, mais surtout parce qu'ils ne cessent d'arriver. Les êtres humains se refusent à reconnaître des limitations imposées aux déplacements plus importantes que celles imposées aux marchandises, qui voyagent à travers la planète sans plus aucune frontière ou presque. 

Les billets de Dominique et Nicole

11 commentaires:

Aifelle a dit…

Les billets élogieux commencent à tomber les uns après les autres. Je l'ai noté comme un indispensable, d'autant plus que j'avais beaucoup aimé "plus haut que la mer".

Kathel a dit…

Tout comme Aifelle, je le note comme incontournable. Je l'attendais, ayant beaucoup aimé ses deux romans précédents.

Dominique a dit…

Evidement je partage ton billet et je te remercie pour le lien
c'est effectivement un roman époustouflant qui fera date je pense sur le sujet et pas seulement en Italie
ce livre m'a rappelé bien que différent le rêve du celte de Vargas Llosas que je te recommande si tu ne l'as pas lu

tant qu'il y aura des livres a dit…

J'avais beaucoup aimé "plus haut que la mer", je ne peux donc que me laisser tenter par celui-ci... surtout après voir lu ton avis.

Daphné

Antigone a dit…

Tu es la deuxième à me le proposer pour mon bilan des coups de coeur. Un roman à regarder de plus près donc !

keisha a dit…

N'en rajoutez pas, j'ai compris, je le veux! ^_^

Nicolemotspourmots a dit…

Je souhaite que ce roman rencontre un très large écho auprès des lecteurs car je pense qu'il restera comme une de mes lectures phares de l'année, un peu comme L'Art de perdre le fut, dans son style, en 2017. Ils sont tous les 2 des romans importants dans le sens où ils pourraient devenir des références sur les thèmes qu'ils abordent.

Saxaoul a dit…

Je ne connais pas l'auteur mais le sujet m'intéresse : Italie, Éthiopie, petite et grande histoire... Et puis cette histoire me parle. Ma mère m'a toujours dit qu'elle se demandait qi elle n'avais pas un frère ou une sœur, pas en Éthiopie mais à Madagascar pays dans lequel mon grand-père était militaire.

krol a dit…

J'ai beaucoup aimé Plus haut que la mer. Celui-ci parait encore plus puissant, je veux le lire absolument !

Clara et les mots a dit…

@A toutes : s'il y a un livre en littérature étrangère qui se démarque depuis janvier 2019, c'est celui-là !

@ Saxaoul :à mon avis ta maman ne doit pas être la seule à de poser cette question. Ici dans ce roman ce qui est très intéressant c'est l'histoire familiale et l'histoire. Francesca Melandri creuse , explore des thématiques très fortes et pas forcément faciles, et elle en fait un roman extraordinaire, dense. C'est une claque et on sort enrichi de cette lecture.

@Nicole : pour moi c'est le livre de ce semestre !

dasola a dit…

Bonjour Clara, je ne lis que du bien sur ce nouveau roman de Mme Melandri, je l'ai noté d'autant plus que j'avais beaucoup aimé "Plus haut que la mer". Bonne journée.