lundi 8 avril 2019

Maylis de Kerangal - Kiruna

Éditeur : La Contre Allée- Date de parution : Janvier 2019 - 146 pages

Le dernier roman de Maylis de Kerangal Un monde à portée de main m’avait laissée dubitative. Bien sûr, j’avais eu plaisir à retrouver son écriture mais la technicité qu’elle avait réussi à rendre passionnante dans Naissance d'un pont m’était apparue aussi froide que la lecture d'un mode d’emploi.

Avec Kiruna, à mi-chemin entre le carnet de voyages et le reportage littéraire,  la magie a de nouveau opéré.

J’ai cherché une mine comme on cherche un point de passage dans le sous-sol terrestre, un accès aux formes qui le structurent, aux matières qui le composent, aux mouvements qui l’animent, à ce qu’il recèle de trésors et de ténèbres, à ce qu’il suscite comme convoitise et précipite comme invention. Je l’ai cherchée comme on cherche la porte de cet espace inconnu sur quoi s’appuient nos existences, espace dont je ne sais s’il est vide ou plein, s’il est creusé d’alvéoles, de grottes ou de galeries, percé de tunnels ou aménagé de bunkers, s’il est habité, s’il est vivant. J’ai voulu vivre cette expérience, j’ai voulu l’écrire : je suis partie à Kiruna.

Si Kiruna est  une ville de la Laponie suédoise, c'est surtout  avant toute chose  une mine. La ville est venue se greffer à ce poumon industriel et à sa population de miniers. La mine centenaire est devenue souterraine depuis 1965 et désormais elle peut plus supporter désormais le poids de la ville et de ses infrastructures. Alors un projet aussi fou qu’il puisse apparaître est né, celui de déplacer la ville :  Intimement liés, les destins de la mine et de la ville sont désormais pris dans une même impasse : si la mine continue de s’étendre sans que rien ne bouge, les habitants, menacés, finiront par vider les lieux. Or la mine a besoin des hommes pour fonctionner, et du cadre de vie que leur donne la ville pour les retenir dans cette région des confins, enfouie dans la nuit polaire ou baignée du soleil de minuit.

Dans les entrailles, au cœur de  la mine mais aussi à l'extérieur,  l'auteure hume l’atmosphère qui y règne, s'en imprègne. De ses rencontres et de l'histoire minière, Maylis de Kerangal ausculte et sonde les lieux. Sans que cela soit indigeste, elle nous restitue les contextes historique et économique par petites touches. En captant les ambiances, elle nous dresse un portrait complet  de Kiruna et lui confère une âme, la rendant vivante. Des premières cantinières dans ce milieu masculin à Ing-Marie foreuse de mine, on  découvre également des femmes fortes dont certaines sont de véritables pionnières.
Magnétique, charnel  et saisissant avec des émotions et un vrai sens de la musicalité, ce livre est tout simplement superbe. 

D'emblée, j’éprouve devant ce récit, devant ses documents, ses machines, ces dioramas et ces objets, une impression de linéarité, d'évolution constante, inéluctable comme si rien ne s'était jamais vraiment opposé à ce dessin industriel, à ce mouvement en avant que l'on appelle aussi "la marche du Progrès", et qui occulte la dose de croyance, de convoitise, de courage et de violence qu’il fallut pour imaginer la mine et la rendre réelle – la dose de folie aussi.

J'ai aimé également cette petite indication de l'éditeur dans les toutes dernières pages :




Lu et chroniqué de cette auteure : Corniche Kennedy - Un chemin de tables - Naissance d'un pont - Réparer les vivants

9 commentaires:

keisha a dit…

A^près Olivier Truc, cette laponie suédoise m'attire, plus que M de K, je l'avoue, mais ce livre est apparu dans mes résas et figure dans mes emprunts, y'a plus qu'à!
(j'ai tenté et abandonné u n seul autre de l'auteur, donc ce n'était pas gagné, on verra)

Aifelle a dit…

Je ne suis toujours pas attirée par l'auteure, mais comme Keisha, la Laponie suédoise, ça m'inspire davantage. On verre s'il arrive à la bibli.

Alex Mot-à-Mots a dit…

Une auteure avec laquelle j'ai du mal à accrocher. Naissance d'un pont m'était tombé des mains : trop artificiel.

Saxaoul a dit…

Je n'ai toujours pas lu son précédent roman et je ne sais pas encore si je lirai celui-ci. Le sujet m'attire moins.

Clara et les mots a dit…

@ Keisha : j'adore son écriture ! je suis fan !!

@Aifelle : pour moi, elle fait partie de mon top 5 d'auteurs français !

@ Alex : moi elle m'avait embarquée un conseil évite son dernier ( je lui reproche justement de faire un focus sur la technique sans que ça soit naturel)

@ Saxaoul : Un monde à portée de main a été une grande déception tant j'ai eu l'impression de lire un mode opératoire ...

krol a dit…

Contrairement à toi j'ai beaucoup apprécié Un monde à portée de main ! Mais dis donc, elle publie plus vite que son ombre, pour en sortir de nouveau un !

Géraldine a dit…

Dis donc, cette auteure publie plus vite que mes projets de lecture ! Je ne l'ai toujours pas lue, et ce n'est pas faute de lire nombre d'avis sur la blogo a propos de ses romans.
Je note particulièrement celui-ci... Nombre de pages correct pour ne pas me décourager et aller jusqu'au bout même si mésentente, destination, sujet !

Clara et les mots a dit…

@ Krol @ Géraldine : ce livre a été écrit 2015 et 2017 donc Maylis de Kerangal n'est pas Amélie Nothomb ( qui publie un livre à chaque rentrée littéraire :).

Gambadou a dit…

Je ne savais pas qu'elle avait sorti un nouveau livre. J'aime bien l'écriture de cette auteure, je note.