jeudi 31 janvier 2013

Lance Weller - Wilderness


Éditeur : Gallmeister - Date de parution : Janvier 2013 - 335 pages magistrales ! 

1864, Abel Truman vient de perdre sa femme peu de temps après la mort de leur petite fille dont il se sent responsable. La guerre de Sécession qui fait rage sera sa croix et il s'engage aux côtés des Sudistes alors qu'il est originaire du Nord.  La bataille de Wildernesse se prépare. Terrible et sanglante. Gravement blessé, Abel échappe de peu à la mort et doit la vie à une jeune esclave en fuite. Fait prisonnier, il  retrouve sa liberté quand le conflit touche à sa fin. Il décide de partir vers la côte Nord-Ouest des Etats-Unis et de s’y installer. 1889, Abel vit sur la côte Pacifique avec son chien dans une cabane, malade et  mutilé, loin des hommes entre mer et forêt. Deux voyous lui volent son chien pour s’en servir dans des combats de chien et le laisse pour mort. Le vieil homme part sur leurs traces à travers les Olympics Mountains décidé à récupérer son chien.  Hanté par son passé et ses souvenirs, son chemin l’amènera à des rencontres.

Mais quel livre ! Avec une écriture qui fait appel à tous les sens mais aussi aux accents poétiques,  Lance Weller nous immerge aussi bien dans la guerre de Succession que dans la complexité de l’âme humaine ou les descriptions de la nature. A travers le personnage d'Abel Truman, on vit littéralement la bataille de la Wildernesse décrite avec un  réalisme qui prend aux tripes . La camaraderie entre soldats mais aussi les râles d’agonie pour l’une des batailles les plus meurtrières entre hommes d’un même pays. Les autres différences comme la couleur de peau qui engendrent la cruauté ne sont pas oubliées. Les convictions et les contradictions humaines sont dépeintes avec force et justesse. Ainsi de l'aide qu'il  trouvera auprès de personnes différentes, Abel s'engagera sur un chemin où la rédemption l'attend.

Tous les personnage sont importants, la bonté ou la violence humaine prennent à la gorge. Pas de pathos ou de sensiblerie mais un récit riche, ample, ambitieux, absolument maîtrisé.  Lance Weller signe ici un livre magistral porté par une écriture sublime ! La puissance de cette lecture, sa  beauté où la noirceur côtoie la lumière m’ont ébranlée.

Un premier roman impressionnant par tous ses aspects ! Vous êtres prévenus, il s'agit d'une lecture dont on ne sort pas indemne...

Et pour finir, ce bruit passait sur leur crâne avant de redescendre dans  leur nuque et le long de leurs bras, comme la sensation qui lorsqu’une chose d'une importance capitale vient de se produire et que  l'on commence à peine à se rendre compte qu'elle est réellement produite. Une chose accomplie de façon délibérée et sur laquelle on ne pourra plus jamais revenir, et dont l’accomplissement fait basculer le monde.Quelque chose, une grande action apparemment prédéterminée  écrite  d'un seul trait dans les nuages et les ténèbres, mais aussi dans le sang des vivants qui en sont les témoins et dans l'âme de ceux qui ont les yeux pour lire un  tel langage.   

Les billets de Dominique, Jérôme



mardi 29 janvier 2013

Claire Gallen - Les riches heures


Éditeur : Rouergue - Date de parution: Janvier 2013 - 191 pages et un premier roman réussi!

Gaëtan et Anna vivent dans un petit appartement à Cergy prêté par les parents d’Anna. Lui est au chômage et elle vient d’arrêter un boulot alimentaire. Anne insiste pour qu’ils partent en vacances dans le sud avec une location qui donne sur la mer. Trois semaines dans un meublé qui n’ a rien du grand luxe. A bord de la vieille Opel Astra, ils prennent la route pour trois semaines de vacances dans le Lavandou qui n’en auront que le nom.

Gaëtan était agent immobilier, il vendait avec Christophe des appartements à des gens aisé soucieux de placer leur argent et de payer moins d’impôts. Défiscalisation et bons placement juteux. L’argent coulait à flots pour eux deux. Christophe voyait grand, toujours plus grand, avide de ramasser plus de pognon. La demande augmentait et ils ont vendu des appartements bidons sans être inquiétés. Puis des lots entiers. L’immobilier n’avait plus le vent en poupe et Gaëtan avait senti le vent tourner mais Christophe voulait toujours encore plus. Ils se sont séparés fâchés. Puis un grain de sable a enrayé la machine : plainte des clients, enquête de la brigade financière et le scandale éclaté au grand jour. Gaëtan et Anna ont dû quitter leur grand appartement à Paris et tout le reste. Fini les rentrés d’argent facile. Des riches heures, la dégringolade a été brutale et sans appel. Gaëtan vit avec cette peur au ventre que Christophe lâche son nom au juge. Sur la route qui les mène au Lavandou, la circulation est ralentie à cause d’un accident. Pompiers, ambulance et une jeune fille blessée fixe Gaëtan. Ecœuré par ce qu'il est, obsédée par l’image de cette jeune fille, Gaëtan laisse Anne profiter de la mer et de la plage. Ils  vont claquer dans ces vacances ce qu'il leur reste. Anna s’amuse, rencontre des gens tandis que lui s’enfonce inexorablement dans une violence sourde, profonde.
Je n’en dirai pas plus sur ce roman sauf que l’on ressent toute la culpabilité qui ronge Gaëtan. Une tension  s’installe, monte en crescendo jusqu’au dénouement inattendu.

Un premier roman et une écriture qui colle aux personnages et très juste !On se prend dans la figure la descente sociale d’un couple. L’auteure ne nous ménage pas tout en étant lucide. Je le redis mais le style de Claire Gallen qui revient sur les heures folles de l’immobilier m’a accrochée tout comme l’histoire ! Seul petit bémol, la jeune fille accidentée qui hante Gaétan m’est apparue décalée par rapport à l’ensemble. Mais il n’empêche que ce premier roman est réussi et qu’il s’agit d’une auteure à suivre de près !

Les billets de Jostein, Pierre Darracq


dimanche 27 janvier 2013

Philippe Vilain - La femme infidèle


Éditeur : Grasset - Date de parution : Janvier 2013 - 154 pages à ne pas bouder !

Pierre Grimaldi expert-comptable dans une société d'assurances est marié depuis huit ans. Avec Morgan, ils forment un couple heureux. Par hasard, Pierre découvre par échange de textos sur le portable de sa femme et ces mots adressés à un autre Je suis ta salope.

La lecture du texto ne provoque pas de scène de jalousie où les mots deviennent inquisiteurs, réclament des explications et où le ton monte en cris violents. Abasourdi, Pierre ne change rien à son comportement ou presque. Il s'enferme dans une sorte de stupéfaction, observe sa femme et pense. La jalousie le protège, le domine, lui renvoie tout l'amour qu'il porte à sa femme. Il revient sur son mariage, le bonheur auquel il croyait et l'image de sa femme si classique n'aimant pas la vulgarité est brisée. La confiance est envolée mais notre homme trompé hormis une filature racontée avec un zeste d'humour n'agit pas. Il faudra le retour au source de leur amour pour que la délivrance ait lieu donnant une dimension inattendue à la vie de Pierre Grimaldi.

Dans ce roman, Philippe Vilain se glisse dans le cerveau de cet homme trompé. Il renverse la vapeur, l'inaction associée à la lâcheté est ici une force. Celui qui d'habitude est le dindon de la farce et dont on rigole par derrière révèle un autre homme.
J'ai aimé ce livre qui sur un thème vu et revu lui donne une autre facette. Et l'écriture de Philippe Vilain n'est sûrement pas étrangère à mon ressenti. Précise, juste, sachant rendre ces petits détails insignifiants qui peuvent tout changer. Un livre à ne ne pas bouder ! 

A noter cette phrase qui pose un autre regard sur la féminité et à laquelle j'adhère entièrement : une femme peut être bien plus féminine en portant un simple jean et des baskets qu'une jupe et des escarpins. Merci Philippe Vilain !

samedi 26 janvier 2013

Tess Gerritsen - Le voleur de morts


Éditeur : Presses de la Cité - Date de parution : Novembre 2012 - 408 pages et une déception...

Julia nouvellement divorcée achète une vieille maison et découvre par hasard un cadavre enterré dans son jardin. Les experts sont formels : la femme décédée a été tuée et surtout son corps a plus d’un siècle. Julia se lance dans les recherches pour découvrir l’identité de son hôte …
A Boston en 1830, Aurnia  sur le point d’accoucher est malade et hospitalisée. Lors de ses visites, sa sœur Rose fait connaissance avec Norris l’un des jeunes étudiants en médecine. Bien que brillant, ses conditions modestes le différencie des autres futurs médecins tous issus de famille notables et riches. Peu après avoir accouché d’une petite fille, Aurnia décède suite à une fièvre puerpérale. Rose arrivée depuis quelques mois d’Irlande décide de s’occuper de l'enfant. Couturière, vivotant dans les bas quartiers, elle est prête à se sacrifier pour sa nièce. De son côté, pour financer ses études Norris aide un homme peu scrupuleux à voler des cadavres dans des cimetières qui serviront de cobaye aux futurs médecins.
Des meurtres sont commis et à chaque fois notre jeune étudiant se trouve près des lieux. Assez pour que la police le suspecte d'être le coupable.  Rose ne sait plus vers qui se tourner car des personnes veulent récupérer sa nièce  à tout prix.

Ces deux histoires menées en parallèle vont, vous vous en doutez, converger au fil des pages. Rien de neuf ou d'extraordinaire pour l’histoire actuelle de  Julia qui  est du déjà lu et relu. Par contre la plongée dans Boston en 1830 est un plus intéressante avec les premiers pas de la médecine, de la chirurgie. Mais hélas, les trames des deux histoires se devinent aisément et surtout l’ensemble est agrémenté d’une romance (chabada-bada, chabada-bada) consternante.
Sans cet aspect fleur bleue et sans la personne de Julia qui fait office de pot de fleur, ce polar aurait pu susciter chez moi autre chose que de l'ennui. Autre point qui fâche pour un polar de la sélection ELLE, l'écriture on ne peut plus simpliste...
Avec de l'amouuuur et la  bravoure ( mais pas de glamour),  ce livre est  une déception (mais soyons positifs : vu que l'intrigue n'est pas compliquée, en lisant une page sur deux aucun risque de se perdre).




jeudi 24 janvier 2013

Maria Semple - Bernadette a disparu


Éditeur : Plon - Date de parution : Janvier 2013 - 369 pages géniales!

Sa mère Bernadatte et son père Elgie ayant brandi une carotte comme récompense pour ses résultats scolaires, Bee gamine de quinze ans surdouée demande un voyage familial en Antarctique. Ils habitent à Seattle, la ville de Microsoft où on père est l'un de ses informaticiens qui ramène du travail chez lui. Bernadette souffrant d’angoisses ne supporte pas l’environnement, les voisines, les mères d'école qui veulent se mêler de tout. Imprévisible, ayant  du tempérament et un humour décapant, la veille du départ pour l'Antarctique Bernadette disparaît.

Voilà un bandeau de livre non mensonger qui m’a permis de me découvrir un point commun avec Jonathan Franzen. Comme lui, je n’ai pas lâché ce livre et je l’ai dévoré ! Bee est une enfant surdouée et ses parents ne veulent pas lui refuser le voyage qu’elle demande. Sauf qu’il constitue pour sa mère Bernadette . Agoraphobe, tétanisée par certains angoisses, elle emploie en Inde une assistante qui s’occupe de ses courses et de toute ses démarches sans que son mari Elgie ne soit au courant. Excentrique, architecte de génie ayant abandonné sa carrière pour celle de son mari, Bernadette ne supporte pas la vie à Seattle. Sans prévenir, elle disparaît et sa fille Bee va essayer de la retrouver grâce à tous les documents. S’en suit un récit à la structure étonnante avec des échanges de mails, de fax, de notes sans temps mort et  rythmé. Bee découvre les facette de la personnalité de sa mère  et les surprises sont nombreuses. Si il y un petit air de Desperate Housewives dans ce roman, la  réflexion sur la place d’une firme comme Microsoft dans une ville où tout le monde vit, respire et  mange pour son employeur et la satire sociale sont bien présentes !

De l'humour , des rebondissements, une écriture vive, pas de temps mort, bref un vrai régal !

Le billet de Cathulu

mercredi 23 janvier 2013

Alma Brami - Lolo


Éditeur : Plon - Date Parution : Janvier 2013 - 167 pages et un avis mitigé... 

Avant de pouvoir subir une énième augmentation mammaire Lolo doit se rendre chez un psy. Plus de trente séances où Loso se confie.

Au nom de Lolo, ça fait tilt. Le rapprochement est fait avec Lolo Ferrari, starlette et bimbo à qui l'on associe seulement un corps passé et repassé au bistouri. A travers ces séances chez le psy, Lolo raconte et l'on découvre une femme de trente-huit ans blessée, manipulée et aimante. Son mari Alain est son manager. Il décide et Lolo obéit car tout ce qu'il fait est pour pour le bien de Lolo. Et surtout pour ramasser de l'argent. Elle l'aime son Alain. Aveuglement ou presque. Celle dont la mère disait qu'elle était la princesse au petit pois n'est pas qu'un monstre de foire, une femme réduite à un corps qui se plie à toutes les exigences. On découvre une personnalité puzzle : une enfant battue par sa mère et où l'amour pour son mari côtoie les rêves de gloire et cette reconnaissance envers Alain qui a fait d'elle quelqu'un. Si cette nouvelle intervention est un sésame pour dorer à nouveau aux yeux du monde, Lolo la veut mais la craint également. Entre crises de larmes, sourires et espoirs, la naïveté est contrebalancée par la lucidité. Une vie émaillée de souffrances, de poudre aux yeux, d'illusions et de désenchantements.

Alma Brami se glisse dans la peau de Lolo, brise l'image sulfureuse et provocatrice pour nous tendre le miroir d'une femme brisée. Touchante par sa détresse et son manque d'amour flagrant, par son obstination à fermer les yeux sur Alain manipulateur à l'extrême.
Mais hélas ça n'a pas suffi à ce que je comprenne Lolo ou que j'épreuve une forme d'empathie pour elle.  Je ne remets nullement en cause l'écriture de l'auteure mais le personnage de Lolo est à mes yeux un personnage médiatique comme il en existe tant d'autres. 

D'Alma Brami, j'avais lu et aimé Sans elle et Ils l'ont laissée là (non chroniqués).

mardi 22 janvier 2013

Rachel Joyce - La lettre qui allait changer le destin d'Harold Fry arriva le mardi...


Éditeur : XO - Date de parution : Septembre 2012 - 359 pages et une lecture agréable !

Harold Fry sexagénaire à la retraite depuis peu reçoit une lettre d'une ancienne collègue de travail Queenie Hennessy. Alors qu'ils ne sont pas vus depuis vingt ans, elle lui annonce qu'elle souffre d'un cancer en phase terminale et qu'elle est hospitalisée en soin palliatifs. Harold lui écrit en retour mais sans donner aucune explication à son épouse Maureen, il décide d'aller donner sa lettre à Queenie en main propre. Le voilà parti dans une marche de plus de huit cent kilomètres sur les routes d'Angleterre.

En se mettant en chemin, Harold pense à Queenie. Ils n'étaient pas proches et il se demande pourquoi elle lui écrit. Harold se fait la promesse que Queenie doit vivre. Cette marche revêt un cheminement intérieur pour Harold et Maureen également. Harold et Maureen sont devenus des étrangers l'un pour l'autre et contrairement à sa femme, Harold n'a plus de contact avec son fils David. Ce parcours le mène à revisiter sa vie : souvenirs de l'époque où il travaillait, les moments de bonheur mais surtout  la solitude et la souffrance. Au fil de son parcours, Harold rencontre différentes personnes à qui il raconte son but, il trouve une hospitalité, un toit pour dormir. Au fil des jours, certains veulent se joindre à sa marche. Pour Harold, tout ce qui compte est d'arriver à destination. De leur domicile, Maureen suit son parcours, leur couple semble se ressouder alors qu'ils sont éloignés physiquement. Ces mois de marche permettent à Harold d'effectuer une introspection, de se délester de certains poids et de changer.

Alors oui, on peut s'étonner (ou s'énerver) qu'Harold ne trouve qu'amabilité et bonté sur plus de huit cent kilomètres ( beaucoup de bons sentiments), mais il n'empêche que sa démarche intérieure m'a touchée. Et même si j'ai deviné la tournure qu'allait prendre l'histoire, ce livre  dégage une belle humanité. Sans laisser une empreinte indélébile dans la littérature, ce roman offre une leçon de vie optimiste et procure du baume au coeur !

Beaucoup de billets : Alex, Anne,  Cynthia, Kathel, Keisha, Lili, Liliba, Mango, Noukette, Valérie




lundi 21 janvier 2013

Jussi Adler-Olsen - Délivrance


Éditeur : Albin Michel - Date de parution : Janvier 2013 - 665 pages imposibles à lâcher !

Une bouteille à la  mer repêchée en Ecosse rejoint le département de police V à Copenhague. La bouteille contient un message de SOS écrit  en danois et datant d'une dizaine d'années. Le vice-commissaire Carl Mørck ne prend pas l'affaire à la légère car le message a été écrit avec du sang.  Chargé d'enquêter sur des dossiers non résolus  avec ses deux assistants Assad et Rose, il s'attaque à celle-ci.

Si l'affaire peut dater à priori, Carl Mørck ne se doute pas que le criminel applique toujours le même schéma bien rôdé. Faire connaissance dans une famille aisée ayant plusieurs enfants et appartenant à une secte religieuses. Sympathiser avec les parents, enlever deux des enfants et demander une très forte rançon. Puis, il ne libère qu'un seul des enfants, tue l'autre et menace la famille. Si jamais elle parle à la police ou à la communauté, il frappera à nouveau. On suit en parallèle le nouvel enlèvement  que prépare le criminel tout en prenant connaissance de son environnement proche et de son passé , et   l'enquête de police.  Et quand deux enfant sont à nouveau enlevés  et que l'on sait ce qui les  attend, la tension tension monte d'un cran.

Pour moi, ce thriller est  bon par l'intrigue diablement bien ficelée et par le suspense "temps" qui va en crescendo !  L'ensemble saupoudré  habilement d'humour l'emporte largement  sur une écriture un peu faiblarde par moment tout comme certaines incohérences ( la femme du tueur porte une robe rouge deux pages plus tard, elle est en jean).
Et je me suis surprise à tourner les pages de plus en plus vite et à ne pas pouvoir lâcher ce livre !
N 'ayant pas lu les livres précédents, si j'ai eu  un peu de mal au départ  à situer qui étaient Rose, Assad, Hardy et à cerner la personnalité de Carl Mørck, je n'ai pas été bloquée dans ma lecture.

Pas de temps mort, effet  page-turner garanti et une enquête très bien menée ! Une chose eet certaine, Jussi Alder-Olsen sait ferrer son lecteur !

Les billets de Keisha, Lystig, Valérie
Et trois challenges dont celui de Lystig dans lequel je m'incruste !











dimanche 20 janvier 2013

Elsa Flageul - Les araignées du soir


Éditeur : Julliard - Date de parution : Janvier 2013 - 171 pages d'une danse menée avec talent ! 

Victor habite les quartiers chics de Paris. Fils unique à papa et à maman, les bonnes manières, l'art de ne pas faire de vague  sont inscrits dans son patrimoine génétique. A douze ans, il tombe amoureux de Véra qui double son année de sixième. Fille d'immigrées roumains qui habitent une loge de concierge dans ces mêmes beaux quartiers. On la dit frondeuse, déterminée, elle se révèle manipulatrice et laisse Victor sur le carreau l'année suivante. Pourtant Victor ne cesse pas de l'aimer. En silence et espérant qu'elle lui revienne. A dix-huit ans, il attend toujours sa Véra. Elle le revoit. La pilule est difficile à avaler pour Victor car Véra est follement amoureuse de Nigel, un homme deux fois plus âgé qu'elle, un écrivain anglais et marié. Violette l'épouse de Nigel comme Victor se sent trahie.

Voilà un roman qui m'a ferrée des premières pages. Elsa Flageul laisse à ses personnages le soin de s'exprimer et Victor prend  la parole au départ. Ce fils de bonne famille qui désespère d'avoir des goûts trop classiques, trop vieux manie l'auto-dérision comme un fer de lance et  raconte avec innocence et romantisme son amour pour Véra. Mais cet amour ne dure que le temps d'une année scolaire au collège. Véra s'est entichée d'un autre garçon laissant Victor malheureux. Qu'importe, il l'attendra ! Mais à dix-huit ans, il doit faire face à un adversaire plus important en la personne de Nigel. Victor confident unique de Véra prend conscience qu'il n'est qu'un simple ami pour Vera.
Dans cette ronde, Violette la femme de Nigel prend ensuite la parole. Se rappelle la confiance en elle que Nigel lui a apportée, l'insouciance de leur amour unique et singulier. Mais un  livre que Nigel s'est mis en tête d'écrire a terni leur amour. Le bonheur et les échanges complices ont laissé place à des échanges de mots pour remplir le vide installé. Victor et Violette sont tous les deux exclus brutalement de cette danse où Nigel et Véra jouissent du plaisir de l'amour. Victor et Violette, deux personnes blessées. Pire, elles veulent la vengeance. Petite pour Victor celle de Violette sera cruelle, folle mais lui permettra une renaissance. Les histoires de ces quatre personnages s'entrecroisent, se dessinent, prennent corps au fil des pages tout en crescendo.  Et Nigel et Vera ? En dire plus serait criminel alors lisez-le !

Avec des personnages qui ont des faiblesses et des espoirs, ce roman frais dépeint la quête du bonheur. La ronde qui aurait pu être joyeuse révèle des personnages boiteux, la trahison et ses conséquences change la mélodie la rendant particulièrement âpre et amère.
Avec une écriture tout en finesse qui se joue de la ponctuation en lui insufflant une vivacité, un rythme qui ne faiblit pas, Elsa Flageul nous conduit au bord de l'abîme de l'amour là où les blessures au fer rouge des déceptions sont brûlantes.
J'ai dévoré ce livre qui sort des sentiers battus habituels, conquise par le style et par les enchaînements ! 

Je relève les yeux, à la fois surprise et assez fière d'un tel culot, je ne rougis pas mais je dis doucement, si doucement que cela ressemble à une parole intérieure : on parle de septième ciel mais c'est du septième sous-sol qu'il s'agit en réalité. Nigel répond : je suis marié. Je rétorque pus fort cette avec cette gouaille qui me caractérise : qu'est-ce que je disais,  le septième sous-sol.

Les billets de Charlotte, Lucie

samedi 19 janvier 2013

Shalom Auslander - L'espoir, cette tragédie


Éditeur : Belfond - Date de parution : Janvier 2013 - 327 pages et avis très mitigé...

Solomon Kugel achète une vieille maison au calme pour une vie tranquille avec sa femme et son fils. Mais sa mère déclarée à l'article de la mort par les médecins s'installe avec eux ce qui n'est pas pour plaire à son épouse. La vieille femme s'est depuis toujours inventée un passé des plus horribles. A elle seule, elle porte toutes les horreurs de l'Holocauste.
Dans la charmante maison,  une odeur dégoûtante persiste et des bruits étranges proviennent du grenier. Kugel découvre alors l'inimaginable. Derrière les cartons entassés au grenier, une vieille femme s'est installée un coin pour vivre. Décharnée, sale, tapant sans arrêt sur les touches du clavier d'un ordinateur et qui prétend être Anne Frank.  Surpris, Kugel  croit à une mauvaise farce. Qui oserait se faire passer pour Anne Frank? Mais la vieille femme lui montre son bras tatoué.

La mère de Kugel l'a élevé en se faisant passer elle et sa famille pour des victimes de l'Holocauste alors qu'elle a passé une enfance et une adolescence tranquille à Brooklyn avec ses parents. Elle pousse ses affabulations jusqu'à reproduire les séquelles des rescapés des camps de concentration. La vieille femme dans le grenier qui perturbe soudainement la vie de Kugel une est figure de l'Histoire. Anne Frank elle-même. Elle aurait survécu et veut écrire un livre pour y raconter son histoire mais aussi ses pensées. Loin de de se montrer apeurée, elle a des exigences et ordonne Kugel de s'y soumettre. Il se sent coincé. Un Juif n'a pas le droit de chasser Anne Frank de son grenier, ce serait un comble. Et Anne Frank a un pari à relever. Vendre son livre à plus de 32 millions  d'exemplaires, nombre auquel s'est vendu son journal.
Enchaînant situations incongrues et du politiquement incorrect, le couple est sur le point d'imploser tandis que la mère de Kugel retrouve la santé quand elle apprend qui vit dans le grenier. Kugel devient un autre homme ne sachant plus que faire ou comment.

Le devoir de mémoire, la religion et la famille sont passés à l'humour corrosif. Et ça fonctionne dans un premier temps.
Mais l'histoire s'enlise et  Shalom Auslander utilise les mêmes procédés tout au long de son roman. La dérision, la provocation  tuent à petit feu l'originalité. Si l'idée de départ était d'utiliser le rire comme arme pour parler d'un thème grave, elle est très vite noyée par un comique qui tourne au grotesque sans compter une fin décevante... 
De cet auteur, j'ai largement  préféré La lamentation du prépuce. 

jeudi 17 janvier 2013

Serge Joncour - L'amour sans le faire


Éditeur : Flammarion - Date de parution : Août 2012 - 320 pages de sensibilité !

Après dix années de silence, Franck téléphone à la ferme tenue par ses parents. La voix d'un enfant prénommé Alexandre lui répond. Alexandre, le même prénom que son frère cadet,  unique et décédé. Au bout de toutes ces années sans que lui ou que ses parents ne prennent réciproquement des nouvelles, il prend le premier train pour aller les voir. Quitter Paris un moment  là où il allait voulu toujours vivre avec sa camera comme outil de travail pour tourner le dos à la ferme et à ses histoires de terre. De toute façon, Alexandre avait pris la relève. Travaillant avec les parents, lui qui semblait être en osmose avec cette terre et ses exigences. Alexandre vivait avec Louise chez les parents puis il avait décidé de retaper le vieux moulin. A partir de ce moment, le bonheur semblait s’être éloigné. Franck était resté sourd aux appels de son frère, n'avait pas su mesurer la détresse de son frère. Et puis, il y a eu la mort d'Alexandre sans que l'on sache exactement ce qui s'était passé cette nuit là. Louise était partie après l'enterrement, Franck avait vidé son sac de reproches aux parents. Parti en froid se jurant de ne plus remettre les pieds à la ferme.

Louise vit toujours dans le souvenir d'Alexandre. Après lui, elle n’a pas pu aimer personne. Il y a eu quelqu'un sans que ce soit sérieux  mais elle s'est retrouvée enceinte. Louise a décidé de garder l'enfant, de l'appeler Alexandre et de le confier à ses anciens beaux-parents. Avec ses boulots précaires, elle ne voyait pas comment faire d'autre et puis l'enfant serait mieux à la campagne qu'à la ville. Louise a décidé de se rendre quelques jours à la ferme.Voir son fils âgé de cinq ans et se reposer surtout. A la ferme, elle a toujours sa place entre celle de belle-fille et de fille. Alexandre devenu naturellement le petit-fils.

Quand Franck arrive, il découvre Alexandre cet enfant plein de vie posant des questions. La ferme est changée mais pas les habitudes ancrées de ses parents taiseux. On ne parle pas des sentiments, tout se joue dans un regard, un soupir et les non-dits. Franck a ressenti le  besoin de se rapprocher d'eux. Faire la paix sans leur avoir  parlé de sa maladie.
Louise est attendue par Alexandre et par les parents. L’enfant est heureux d’habiter chez papi-mami. Eux partent une semaine à la mer, une entorse à leur mode de vie. Franck, Louise et Alexandre se retrouvent tous les trois.

Les chapitres alternent la voix de Franck et celle de Louise, deux êtres cabossés suspendus à leurs souvenirs. Fragiles, maladroits avec l’amour à la recherche de leur place, chacun plongé dans sa propre nostalgie et ses problèmes. Alexandre les relie, le frère et l’amant,  et Alexandre ce petit garçon débordant de vie. Un roman d’amour filial, fraternel, maternel, terrien, de substitution également et où le pardon occupe une part importante. La pudeur des sentiments se dévoile dans l’écriture de Serge Joncour. Sensible, décrivant tout aussi bien la simplicité de moments heureux que les difficultés et la réalité d’un monde agricole ou ouvrier. Un livre où la nature est un personnage à part entière.

J’ai aimé cette lecture, ces personnages si justement décrits mais il m’a manquée une vraie fin.

Aimer, ce serait de nouveau s'exposer à la peur, la peur d'être dépossédée une seconde fois. Cet homme qu'elle aimait avant, il lui servait de repère et de raison d'être. Dans l'amour il y a bien plus que la personne qu'on aime, il y a cette part de soi-même qu'elle nous renvoie, cette haute idée que l'autre se fait de nous et qui nous porte.



mercredi 16 janvier 2013

Fabrice Luchini - Fragments d'un discours amoureux de Roland Barthes


Éditeur : Audiolib - Date de parution : 2011 - 1h10 d'écoute transportée par la voix de Fabrice Luchini !

Je ne connaissais pas le texte de Fabien Barthes Fragments d’un discours amoureux. Avec ce livre audio, j’ai pu le découvrir où par son talent de conteur Fabrice Luchini  le rend vivant. Fragments d’un discours amoureux n’est pas un roman mais comme son titre l’indique une suite de réflexions sur les différents comportements ou situations liés à l’amour. L’absence, l’altération, l’angoisse… Des tableaux dépeints avec une acuité précise.
Fabrice Luchini ne lit pas cet  essai mais lui insuffle densité, émotions par son intonation, par le débit de sa voix qui s’accorde, se pose sur ces mots. Ce livre audio a été un moment magique, une parenthèse qui m’a laissée habitée par la voix de Luchini. 
Seul inconvénient avec le livre audio : il est difficile d’insérer des marque-pages et il y a beaucoup, beaucoup de passages qui m’ont interpellée. Et comme je l’ai écouté en marchant, je n’ai pu écrire quelques extraits. Je pense aussi à la tête des gens que j'ai croisés sur mon chemin alors que j'affichais une mine concentrée car ce texte demande de l'attention...

J'ai beaucoup, beaucoup aimé : le thème,  la palette de sentiments qui s'en dégage ! Un vrai plaisir!  Voilà qui m’a donnée envie d’écouter d’autres livres…

Leiloona , Valérie  ont beaucoup aimé , Antigone et Cynthia sont d’avis différents.

Un extrait ci-dessous:


 Une lecture audio dans le cadre du challenge de Valérie :


lundi 14 janvier 2013

Hélène Gestern - La part du feu


Éditeur : Arléa - Date Parution : Janvier 2013 - 219 pages  

Laurence Emmanuel apprend par hasard que Jacques n'est son son père biologique. Il aura fallu plus d'un an pour qu'elle s'intéresse à cette révélation. Sa mère dont la santé décline a toujours eu l'habitude de tout garder. Dans une boîte, elle trouve des lettres écrites par un certain Guillermo Zorgen un militant d'extrême gauche des années 1970. En effectuant des recherches, elle apprend que l'homme et son groupe ont tué. Une question l'obsède : quel est le lien entre ses parent et ce groupe anarchiste?

Dans son premier roman Eux sur la photo, Hélène Gestern affirmait une belle écriture et un goût pour les histoires de famille passées sous silence. Avec ce nouveau roman, elle nous plonge dans une double quête. Celle de la filiation et celle  d'une  France post mai 68 où des groupements politiques, idéologiques voient le jour. Avec une soif de liberté, l'envie de faire bouger la société de l'époque et de renverser les rouages des mécanismes pour une prise de conscience. Mais l'envie peut revêtir le visage de la rage, de la rancoeur et d'actions dangereuses. Quel est le rapport entre ses parents modèles et ce Guillermo anarchiste et terroriste? Laurence est bien décidée à le découvrir.
Alternant habilement le récit de plusieurs personnages, les recherches de Laurence, les écrits ( lettres, recueil de poésie de Guillermo, livres), Helène Gestern réussit à établir une intrigue tout en dévoilant comment une simple recherche peur avoir des conséquences importantes à bien des niveaux. Son père lui intime l'odre d'arrêter, des hommes bien placés s'en mêlent également mais elle ira jusqu'au bout de sa démarche en n'étant pas à l'abri de surprises et de révélations qui prennent des tournants inattendus.

Le pari est réussi pour Hélène Gestern, elle nous montre que réveiller les fantômes du passé peut s'avérer dangereux, une danse avec le feu dont on peut sortir éclairé ou blessé. Elle revient aussi sur les années 70 et leur sillon où ont germé les idéaux d'une jeunesse s'engageant avec détermination mais sortie déçue, amère. Depuis Eux sur la photo, l' écriture a pris de l'assurance.   Seul petit bémol, j'ai deviné facilement certains des rebondissements. 

Les billets de MimiPhilisinne

samedi 12 janvier 2013

Françoise Guérin - A la vue, à la mort


Éditeur : Edition du masque - Date de parution : 2007 - 352 pages et un bon roman policier !

Paris et sa banlieue, trois hommes sont retrouvés morts en peu de temps avec des point communs : le meurtrier a dessiné un œil au dessus de chaque corps et a organisé des mise en scène macabres ( victime énuclée et baignant dans son sang). Le commandant Lanester est chargé de l’enquête avec son équipe. Mais à la vue du troisième cadavre, Lanester perd la vue. Il ne voit plus rien or les examens médicaux sont normaux, de quoi  y perdre son latin… Sans compter que le meurtrier continue d’agir. Comment le retrouver alors qu'il se cherche lui-même?

Mais qu’est ce que je suis contente d’avoir retrouvé Lanester, son caractère un beau bougon, son humour souvent caustique et toute son équipe ! Après Cherche jeunes filles à croquer, j’ai lu ce livre qui marque les débuts de Lanester. Commandant de police et profiler (oui, je vous parle d’un livre et non pas d’une série télé), sa spécialité est de dresser le  le profil du tueur et ce qui l’amène à agir. Mais lorsqu’il se rend sur la scène de l'un des crimes, il devient aveugle. Il ne voit plus rien et quand le médecin lui annonce que le symptôme est d’ordre psychologique, il décide d’aller consulter une psychanalyste. Tout est nouveau, il doit apprendre à utiliser son ouïe, son odorat pour combler l’absence visuelle. Mais mener une enquête en étant aveugle n’est pas si simple…Au 36, l'état de santé de Lanester fait désordre et des rumeurs circulent. De plus, le meurtrier prend un malin plaisir à semer la zizanie dans l’équipe. Ajoutez-y un chauffeur de taxi d’origine polonaise qui materne Lanester et des séances de psychanalyse où le commandant joue cartes sur table. L'intrigue policière se double d'un voyage existentiel pour Lanester. Bref, un vrai régal !

Un polar vivant, humain, des personnages attachants ( une mention particulière au médecin légiste), de l’humour et beaucoup de psychologie en toile de fond ! Que demander de plus ? Rien ! 

Françoise Guérin m’a gentiment envoyé ce livre voyageur. Il peut continuer son chemin vers vous ( à condition de jouer le jeu : pas de prise d'otage du livre et l'envoyer à la personne suivante), il suffit de  m'adresser un mail que je  transmettrai à l'auteure.


vendredi 11 janvier 2013

Erwan Larher - L'abandon du mâle en milieu hostile


Éditeur : Plon - Date de parution : Janvier 2013- 225 pages et un très bon roman!   

Fin des années 70, le narrateur fils unique d’une famille bourgeoise et conservatrice de Dijon voit débarquer dans sa classe de terminale une fille qui détonne. Cheveux verts, l’air rebelle, tendance punk allant même clamer des slogans de lutte en cours et affichant ses opinions. Elle écoute de la musique totalement inconnue aux oreilles  de  ce jeune garçon plutôt habituées à Michel Sardou. Elle l’intrigue, le fascine. Il se pose des questions à son sujet, sur son enfance et sa famille. Cette demoiselle meilleure élève que lui l’attire comme les contraires. La chance s’y mêle, elle le remarque, l’initie à sa culture. Le fils de bonne famille au chemin tout tracé se rend à des concerts de façon buissonnière, l’écoute, boit ses paroles même s’il ne comprend pas grand-chose à ses engagements et ses convictions. Il est amoureux Ils se perdent de vue ou plutôt il se sent abandonné de n’avoir pas eu de ses nouvelles pendant l’été. Pourtant, ils se retrouvent. Elle est en fac de lettre, étudiante brillante, lui en droit. Ils cohabitent façon copain-copine jusqu’au jour où elle l’amène à lui. Enfin. Ils se marient mais elle garde une part de mystère, insaisissable par moments voire secrète. En France, la gauche est au pouvoir. Une révolution, une défaite cuisante pour ses parents à lui.

La suite pourrait être classique : après le mariage l’achat de la maison puis le premier bébé même si elle n’était pas partante. La routine et un couple heureux. Sauf qu’ils ont juste eu le temps d’effleurer  le bonheur. Et encore. Surtout lui qui n’a plus que pour seul ami Johnnie (celui de la bouteille) à qui il peut confier ses doutes. Est-ce qu’elle l’a vraiment aimé ? Est ce qu’il n’aura été qu’une couverture, un mari pour les apparences ?
A vingt-quatre ans et en moins de six ans sa vie aura été bouleversée. Elle aura été un tsunami qui l'a laissé couché à flanc.

Incontestablement, le nouveau roman d’Erwan Larher est bon. Très bon. Pourtant rien n’était joué d’avance. Malgré quelques bémols, j’avais aimé Qu’avez-vous fait de moi? mais par la suite je n’avais pas du tout accroché à l’histoire d’Autogenèse que j’avais abandonné. Je me demande pourquoi je vous raconte tout ça… Peut-être parce que ce roman m’a touchée d’une façon particulière et que j'ai eu cette sensation de sincérité  comme si l'auteur sans artifice hormis l'humour  dévoilait une partie de sa personnalité. Avec sensibilité et non sensiblerie.
Erwan Larher signe ici une histoire hypnotique, belle et triste  avec des sourires où le mâle est un être fragile et non dominant. Cerise sur le gâteau, l'écriture s'est bonifiée, affûtée et délestée d'effets de manche.  
Roman d’initiation à la vie, à l’amour et à la mort dont on ne sort pas indemne. Effet uppercut assuré (une lecture qui m'a laissée couchée sur le flanc comme le personnage) !

Les billets de Charlotte, Keisha (citée dans les remerciements!) 

jeudi 10 janvier 2013

Jeanne Benameur - Profanes


Éditeur : Actes Sud - Date de parution : Janvier 2013 - 274 pages éblouissantes ! 

Octave Lassalle est un ancien chirurgien cardiologue à la retraite. Agé de quatre-vingt-dix ans,  il vit seul dans sa grande maison. Avant que la dépendance  n’arrive, il a décidé d’anticiper et a tenu à choisir  quatre personnes. Chez chacun des quatre, il a flairé le terreau d’une histoire. Quelque chose qui pourrait l’éclairer. Chez chacun  d’eux, la lutte, solitaire, pour la vie. Et aucune religion à laquelle se raccrocher. C’était la question commune à chaque entretien. La plus importante. Quel rapport entretenaient-ils avec la foi, la religion ? Aucun  des quatre n’avait la foi domptée par la religion. Les quatre doutaient. Mais luttaient, il le savait. Et c’est pour cela qu’il les avait choisis.
Chacune d’entre elles se voit affecter une tranche horaire et une mission précise. Ces trois femmes et cet homme se croisent chez Octave Lassalle. Chacun a son histoire comme Octave. Avant d’être un vieux monsieur seul, il était marié et avait une fille Claire. Claire gravement blessée dans un accident  en pleine jeunesse en allant rejoindre son amant et Anna qui le suppliait, le priait de sauver leur fille. Octave n’a pas pu. Conscient de ses limites et par peur d’échouer.  Toutes les années de solitude l’ont laissé sur la grande route blanche et ils ne  sont pas assez de quatre pour avancer avec lui.  Il pense à l’étymologie du mot profane : celui qui est devant le temple. Il est  ce profane. Ils sont  ces profanes. Entouré de Marc dont il ne sait pas grand-chose, d’Hélène l’artiste peintre, de Yolande une femme au grand cœur sur qui on peut compter et  de Béatrice, la jeune étudiante infirmière, Octave veut pouvoir enfin avancer.   Un profane a le droit aussi de douter. Le doute n’est pas réservé aux croyants. J’ai besoin d’autres êtres humains, comme moi, doutant, s’égarant, pour m’approcher de ce que c’est la vie. Parce que je suis vieux.(..) J’ai besoin de confronter mon doute à d’autres, issus d’autres vies, d’autres cœurs. J‘ai besoin de  frotter mon âme à d’autres âmes aussi imparfaites et trébuchantes que la mienne.  Pour vivre ses dernières années et en tirer parti, Octave reconnait avec humilité ses doutes, sa peur. Comprendre là où il a échoué pour atteindre une forme de sérénité avec lui-même. Il refuse celle donnée par les religions, pour lui l’homme grandit par ce qu’il apprend des autres. Il a consacré sa vie à en sauver d’autres sans dogme contrairement à Anna, croyante, la religion en bandoulière. Après la mort de Claire, ils se heurtaient, prière contre impuissance. Anna est repartie vivre au Canada emportant tous les souvenirs de Claire sauf une photo et sa maison où elle jouait étant petite fille. Octave a la conviction que ces quatre personnes vont jouer un rôle. Et il pourra panser  ses propres blessures, apaiser ses doutes et comprendre. Octave distribue lui-aussi son histoire mais surtout celle de Claire pour qu’elle continue de vivre.  Marc, Hélène, Yolande et Béatrice reçoivent eux-aussi. Humblement.  D’Octave, de cette maison chargée de souvenirs  qui délivre une histoire. Enrichissante pour le soi intérieur, pour son  cheminement intérieur pour mieux comprendre la vie, l’appréhender et la vivre.

Il faut prendre son temps pour lire ce roman, pour s'imprégner des mots. Riche par sa portée, riche par ce qu’il nous enseigne. Jeanne Benameur par son écriture d’orfèvre signe ici un livre qui ouvre les yeux, l’esprit et  le cœur.  Un livre d’une intensité rare, éblouissant, qui ne laissera personne  indifférent. Elle nous offre un hymne à la vie, à la foi dans l’homme. Un lecture dont on sort grandi, messager et  habité par ce texte sublime.

Après Laver le sombresLes demeurées, Les Reliques ,Les mains libresLes insurrections singulières, cette auteure est une mes auteures préférées par ses thèmes, par son engagement et par son écriture.

Les billets de Jostein et Géraldine

NB : Merci à Actes Sud pour la couverture car maintenant les parutions d'auteurs français ont des couvertures uniformes (et bien tristounettes)...
 

mercredi 9 janvier 2013

Valérie Tong Cuong - L'atelier des miracles


Editeur : JC Lattes - Date de parution : Janvier 2013 - 266 pages d'humanité ! 

Mariette selon l’expression  est au bout du rouleau. Professeur d’histoire-géo mariée un homme politique calculateur qui la rabaisse, elle se rend  au collège avec la peur au ventre. Un de ses élèves, un meneur de troisième, a décidé  de la faire craquer. Un jour, Mariette voit rouge. C’est la gifle, l’élève qui tombe dans les escaliers. Mariette est internée en hôpital psychiatrique, son mari ne voulant pas que cet incident s’ébruite à quelques semaines des élections. Quand le feu prend dans l’immeuble où elle sous-loue un appartement, Millie saute par la fenêtre. Cette jeune secrétaire intérimaire vit dans la solitude la plus totale et porte une blessure béante depuis l’enfance. Surnommée la miraculée à l’hôpital car elle n’est pas blessée, Millie ne dit rien. Elle feint l’amnésie dont les médecins parlent. Et il y a Monsieur Mike. Cet ancien légionnaire d’à peine quarante ans qui  a déserté l’armée. Trop d' horreurs et de sales besognes  dont personne ne parlait et surtout pas les gradés qui donnaient les ordres. Après son retour dans le monde civil, personne ne voulait  plus de lui, ni sa femme  ni aucun  employeur. Alors, il vit dans la rue sous un porche. 
A ces trois personnes en détresse , Jean propose de les aider, de les accueillir dans son association située dans un ancien atelier d’horlogerie. Le temps que Mariette  retrouve confiance en eux, que la mémoire de Millie revienne. Monsieur Mike est embauché par Jean comme agent de sécurité.  L’Atelier est un tremplin, un endroit où l’on reste un temps donné  pour se refaire. Pas d'assistanat mais donner aux gens malmenés par la vie un second souffle.
La suite est un merveilleux roman où Mariette, Millie et Monsieur Mike décrivent le fil des évènements. Millie poursuit dans son mensonge et devient Zelda une nouvelle personne blanche de tout passé, Mariette comprend que son mariage repose sur un leurre  et Monsieur Mike se pose des questions sur les  rouages opaques de l’atelier. Jean leur prépare une nouvelle vie  sur mesure mais un grain de sable enraye toute la mécanique qui fonctionnait si bien jusqu’à  présent.

Valérie Tong Cuong pose de multiples réflexions sur la solidarité. Ce que l'on cherche consciemment ou non en tendant une main pour aider l’autre et ce que l'on gagne à être sorti d'une mauvaise passe qui perdure.  
Un très, très beau roman sur la solidarité et les secondes chances offertes à des personnes qui en ont besoin avec  des personnages  tellement  vrais et  tellement  humains ! Je suis sortie émue de cette lecture et  surtout remplie d’espoir. Et même s’il y a des mensonges, si Jean se révèle ne pas être le Bon Samaritain sous toutes les coutures, ce livre débouche sur une chaîne où chaque être humain a de l’importance. 
Pas de guimauve mais la réalité et beaucoup d'humanité. Un coup de cœur qui fait du bien ! 

Elle avait raison. Depuis le début, j'avais intégré le dispositif sans renâcler, je n'étais pas fier à cent pour cent de ce que je faisais, mais j'avais préféré éluder le questions gênantes pour satisfaire ma propre soif de m'en sortir, ma soif d'exister, ma soif de respect. Elle avait raison : qu' y avait-il de mal à faire le bonheur d'autrui ? 

 

mardi 8 janvier 2013

Quand je n'ai plus de refuge, je vais dans les mots.

Quand je n'ai plus de refuge, je vais dans les mots. J'ai toujours trouvé un abri, là. Un abri creusé par d'autres, que je ne connaîtrai jamais et qui ont œuvré pour d'autres qu'ils ne connaîtront jamais. C'est rassurant, de penser ça. Extrait du livre Profanes de Jeanne Benameur.

Sébastien Barry - Du côté de Canaan


Éditeur : Joëlle Losfeld - Date de parution : Août 2012 - 275 pages et un gros coup de cœur ! 

Un gros coup de cœur pour ce roman de la sélection ELLE ! Patiemment, j’attendais cette lecture. Respirer au rythme d’une histoire portée par une écriture magnifique. J’ai trouvé cette alchimie dans le souffle de Lilly. Une vieille dame âgée de quatre-vingt neuf ans d’origine Irlandaise vivant aux Etats-Unis. Son unique petit-fils Bill qu’elle a élevé s’est donné la mort après avoir participé à la guerre du Koweït. Lilly décide d’écrire son passé noir sur blanc et tout naturellement ses souvenirs trouvent leur place dans le récit.

Les guerres jalonnent l’histoire de Lilly. Bornes historiques, témoins sans visage laissant derrière eux douleurs et manques cruels. Alors qu’elle n’était qu’une jeune fille Irlandaise, la première guerre mondiale a eu besoin de son frère Willie. Il n’en est jamais revenu. Lilly Dunne, orpheline de mère et fille du chef de la police royale de Dublin, deux sœurs et un frère mort pour une guerre alors que le pays lui-même  comptait ses victimes au nom de l’IRA. Il aura fallu que Tadg Bere un camarade de régiment de Willie lui demande de lui écrire pour que la vie de Lilly prenne un autre tournant, l’éloignant définitivement de l’Irlande. La tête de Tadg Bere et celle de Lily sont mises à prix par l’IRA, Tadg étant un partisan de la Grande Bretagne. Avec deux noms de personnes Irlandaises installées à New-York et à Chicago qui pourront les aider, Lilly et Tadg embarquent pour les Etats-Unis.

A peine arrivés, Tadg est tué. A dix-neuf ans, Lilly se retrouve seule, elle sait qu’elle sera la prochaine victime. En la personne de Cassy, elle trouve une aide et une amie. La jeune femme lui obtient un travail de domestique chez le couple qui l’emploie. Cassy dont la peau noire causera sa perte. Mariée à Joe Kinderman, le droit au bonheur sera de courte durée. Enceinte alors qu’elle ne l’espérait plus, son mari disparait. Lilly élève seule son fils Ed qui  partira combattre au Vietnam et qui en reviendra définitivement meurtri et cassé. A  plus de soixante-cinq ans, Lilly accepte  Bill âgé de deux ans sous son toit. La voilà repartie à tout enseigner à ce petit bonhomme avec amour.  Mais le sort s'acharne comme les guerres.

Lilly nous raconte son histoire avec dignité et sincérité. A quoi bon mentir ou se voiler la face à son âge ? Elle regarde par dessus son épaule et voit des moments heureux ou tristes, des personnes sincères, bienveillantes ou un peu moins, son attachement à son pays. Témoignage qu'elle nous livre sans fard ou pathos avec un naturel d'une simplicité poignante 
L’écriture de Sebatien Barry est magnifiquement belle, émouvante et tendre.
Je suis heureuse d’avoir rencontré Lilly, une femme aimante, généreuse et tellement attachante !  
Une lecture pépite en apnée totale !!!

J'écris sur tout cela et tandis que je le fais  assise  ici dans mes habits américains, revêtue de ma personne américaine, tout cela depuis longtemps perdu, depuis longtemps terminé, tous ces gens balayés, à la manière habituelle du monde, ces hommes courbés, Maud, mon père, les fichus  poules, poney, et cochon, et tout le fichu tremblement d'une façon à laquelle nous n'ajouterons jamais foi  tant que nous respirons comme de jeunes femmes, tandis que je suis assise ici, une vieille femme, une relique, une relique reconnaissante même, pour ce qui m'a été donné, sinon pour ce qui m'a été ôté,  mon cœur flétri se souvient.

dimanche 6 janvier 2013

Michela Murgia - La guerre des saints


Éditeur : Seuil - Date de parution : Janvier 2013 - 115 belles pages un peu trop courtes 

A Crabas, un petit village côtier de Sardaigne, Maurizio passe son été chez ses grands-parents comme à l'accoutumée. Agé de dix ans, il profite de ces deux mois pour jouer avec Giulio et Franco. A Crabas, il aime quand passée une certaine heure les vieux sortent les chaises devant les maisons pour raconter des histoires anciennes peuplées d'âmes. Mais surtout, il appartient à ce "nous" par lequel les gens de ce petit village se désignent et s'expriment. Une entité, une communauté solidaire qui l'inclue aussi et où le "je" n'existe pas. Village où la religion est importante, les saints patrons des agriculteurs ou des pêcheurs sont respectés comme les fêtes. Crabas se divise lorsque qu'il est décidé la création d'une nouvelle paroisse. L'unité n'existe plus, chacun défend sa paroisse et l'amitié des trois amis en est affectée.

Comme dans Accabadora, Michela Murgia nous plonge dans la vie sarde avec ses traditions. Une Sardaigne où le temps s'introduit, les années 1990 sont citées mais qui garde tout ce qui fait son essence même. Les histoires anciennes peuplées de fantômes ou d'âmes tristes transmises oralement aux jeunes générations. La famille est celle que l'on se construit à Crabas dès l'enfance, l'appartenance au même quartier l'emporte sur le sang qui coule dans les veines. Pour Maurizio, fils unique, ces deux mois d'été sont uniques. Riches d'enseignement et de jeux où l'audace rivalise. Giulio et Franco sont tous deux enfants chœur mais la création d'une nouvelle paroisse met à mal leur amitié tout comme l'ensemble de la population de Crabas.
Il s'agit d'un roman initiatique où durant  un été Maurizio va grandir. L'écriture de Michela Murgia s'est bonifiée avec ce second roman. Mots qui roulent sous la langue, qui charrient le soleil et les traditions sardes. Seul regret, un livre un peu trop court hélas à mon goût. 

C'est ainsi qu'on entend dans les bars de certains adultes, des hommes mille fois faits et défaits par le vie, se vanter encore des liens que la rue de leur enfance a créées entre eux - nous avons partagé le jeu- comme s'il s'agissait d'un pacte respecté.



vendredi 4 janvier 2013

Gaetaño Bolán - Treize alligators


Éditeur : Le Livre de Poche - Date de parution : Novembre 2012 - 120 pages mêlant habilement burlesque et effroi.

Au Chili, Manuel est un jeune boxeur dont la carrière s’est terminée après que son coach véreux l’ait utilisé pour un ultime combat qui l’a mis au tapis. Désormais, un hasard de circonstances l’amène à travailler comme assistant dentaire pour un docteur peu scrupuleux. Manuel vit chez sa mère avec son petit frère et sa compagne Lucia une bimbo nymphomane. Pour faire vivre tout ce petit monde et se payer de nouvelles dents, Manuel n’a comme solution que les petits trafics. Mais il ne supporte plus son patron et claque la porte. Avec Lucia, il décide d’une vengeance potache qui tourne mal. Seule solution : s’enfuir avec sa famille  à Valparaiso loin d’Arica. Certains attirent les embrouilles comme un pot de miel et Manuel en fait partie. Trop naïf, sans argent, il accepte une nouvelle offre de la  part de Monsieur Esteban sans se douter qu’il s’agit de la mafia. Manuel découvre trop tard l’ampleur du réseau qui va du trafic d’organes à celui d’animaux dont les alligators. Il a pour  charge de veiller sur l’un de ces animaux mais l’alligator s’enfuit et toute la famille de Manuel est enlevée par la mafia. A lui de retrouver l’animal s’il veut revoir les siens vivants.

A travers Manuel, l'auteur nous montre le visage pauvre du Chili et dénonce aussi celui de la corruption et des trafics. Mais le véritable tour de force  de Gaetaño Bolán est de mêler le burlesque et l'effroi qui va en crescendo  au fil des pages. Et la fin est sans appel. Terrible. L’amour de la famille, le coût d’une vie et la rédemption nous laissent sonnées. Après son très bon premier roman la boucherie des amants, Gaetaño Bolán démontre qu’il plus d’une corde à son écriture.

jeudi 3 janvier 2013

Jean-Philippe Blondel - 06H41


Editeur : Buchet-Chastel - Date de parution : Janvier 2013 - 232 pages terminées le cœur serré d'émotions ! 

Cécile Duffaut a passé le week-end chez ses parents à Troyes où elle a  grandi. Elle attend le train de 06h41 pour rentrer à Paris. A quarante sept-ans, mariée  et mère d’une fille de dix-sept-ans, elle est à la tête d’une entreprise florissante. Après ces deux jours chez ses parents, elle est pressée de partir et de retourner à sa vie même si son couple apparaît comme un tandem financier. Un homme attend ce même train lui-aussi. Il n'a prévenu personne de son déplacement.  Divorcé et père de deux grands adolescents  qui se passent de lui depuis des années, il est seul. Il n'y a qu'à son travail où l'on s'inquiétera pour des raisons d'organisations et  non humaine. Il téléphonera plus tard.  Cécile Duffaut est loin de se douter que ses vingt ans sont s’assoir à côte d’elle. Dans le train bondé, il ne reste qu’une place de libre celle à côté de Cécile Duffaut où après hésitation prend place Philippe Leduc.  Il l’a reconnu et elle aussi. C'est très embrassant. 

Quelquefois on aimerait laisser son passé loin derrière soi, s’en débarrasser. Ou mieux l’oublier volontairement sur le quai d’une gare et monter dans le premier train qui passe.  Partir pour devenir quelqu’un d’autre. Cécile a voulu fuir Troyes, son passé et s’est employée à le balayer. Rendre visite à ses parents, c’est devoir enfiler sa vie d’avant dans laquelle elle ne rentre plus. Ce matin, elle est en colère contre elle-même. Toujours tiraillée par le sentiment de culpabilité quand elle ne leur rend pas visite et voulant repartir  aussi vite dès qu'elle est  arrivée. Avant d’être une femme d’affaires sûre d’elle, Cécile était une de ces  adolescentes sans assurance, banale et qui se fondait dans le décor. Le genre de filles qui n’attirait pas les tombeurs  comme Philippe Leduc.  Pourtant quand ils avaient vingt ans, Cécile et Philipe ont vécu une relation de quatre mois qui s’est  mal terminée. Trop mal , très mal comme quand la balance n’est pas équilibrée.  Mais aujourd’hui elle penche en la faveur de Cécile. Le garçon plein de charmes d'autrefois  a mal vieilli  avec sa bedaine et ses traits avachis. Resté à Troyes, Philippe est vendeur de télé dans un hypermarché et la prestance de sa jeunesse  n’est plus qu’un vieux souvenir. Cécile a suivi le chemin inverse et est devenue une battante après leur voyage à Londres. Là où tout s’était terminé et où Philippe avait montré comment il pouvait être sans cœur.
On pourrait s'arrêter là en applaudissant. Le petit canard est devenu une femme forte et le tombeur un crapaud. Tous deux l'ont mérité, justice a été rendue.
Mais Cécile ne peut s’empêcher d’éprouver de la haine envers lui et  dans ce train,  elle perd une partie de ses moyens, se retrouve au  bas du mur comme avant tandis que  Philippe lui aimerait l'aborder et s’excuser pour son comportement. 

Tous deux ressassent le passé dans leur coin et à travers la présence de l’autre, chacun revoit son propre chemin parcouru de désillusions, de rêves concrétisés, de résignation ou de victoire. La jeune fille de vingt ans mal dans sa peau n’a pas entièrement disparue et  le garçon opportuniste non plus.  Leur relation et leur rupture les a modelés qu'ils le veuillent ou non. Le trajet dure plus d'une heure. Suffisamment pour enlever sa carapace, ses œillères, admettre et regarder avec objectivité sa vie à l’approche de la cinquantaine même si la vérité n'est pas très pas reluisante. Un âge où les dés semblent parfois définitivement figés. Mais rien n'est certain.

Si l’année dernière, j’étais  restée insensible à Et rester vivant, qu’est-ce que  j’ai aimé ce livre ! J’ai tout aimé ! L’écriture aux phrases courtes et ces deux personnages  ni parfaits, ni criblés de défauts, juste humains avec leurs contradictions et  leurs faiblesses. L’auteur dépeint avec justesse et sensibilité les préoccupations de ces deux personnages à l’aube de la cinquantaine. Les parents, les enfants, le travail,  l'avenir, ...et ce qu'ils sont. Façonnés par leurs vécus où les souvenirs heureux ou moins ont un rôle, morceaux assemblés ou qui se heurtent. Et pour calmer la tempête intérieure,  pour trouver sa place et pour enfin avancer, il faut savoir s'accepter et pardonner.
Je me suis  retrouvée par fragments  comme si  Jean-Philippe Blondel me connaissait et  racontait une partie de ma propre histoire.  Des personnages qui ont fait rejaillir mes propres souvenirs douloureux ou teintés de honte.  
Une lecture qui vous le comprendrez m’a beaucoup touchée. 
Premier roman de cette nouvelle année que j'ai terminé le cœur serré d’émotions…

Chaque fois que je reviens les voir, mes parents, j'ai l'impression de redescendre l'échelle temporelle et sociale que je grimpe avec circonspection mais ténacité. Dès que j'arrive à la gare, je retrouve mes oripeaux d'enfance - la voix qui tremblote, le geste mal assuré  et l'agacement. Cet agacement profond qui me fait me demander pourquoi, mais pourquoi grands dieux est-ce que m'inflige cette visite bimensuelle ? 
 

mardi 1 janvier 2013

Et on repart pour un nouveau tour de 365 jours !


Hier, aux dernières heures de 2012 : 

Oui, de l’argent et attendez, il y aura aussi ". Heureusement que les gens cherchent toujours à se rassurer. Voilà, je lui lis mes cartes. Etre voyante c’est comme être curé. On prédit le paradis en laissant planer le doute sur l’enfer. Il  faut savoir fidéliser sa clientèle. Le 31décembre est toujours aussi ...

…Angoissant ce silence. Mais pourquoi elle ne dit plus rien ? Je suis sûr qu’elle a vu du mauvais cette fois .Oh non, il va m’arriver un accident ou alors je vais mourir ! Ou alors je suis  gravement malade, oui c’est ça ! Et dire que Mireille se marrait  quand je lui disais que j’avais le teint terne, elle me répondait  que je mangeais trop gras, trop lourd. De toute façon c’est foutu alors en sortant j’irai en face me faire un dernier bon…

… Sang, que de monde encore à servir. Encore un qui  râle pour avoir son verre de vin blanc. Si j’avais su qu’avec ma licence en communication je serais devenue serveuse dans une brasserie, j’aurais postulé pour le fabuleux destin d’Amélie Poulain. C'est étonnant  car ici le boulot n’est pas le même. Ni la clientèle.  Un boulot alimentaire tellement temporaire que je prends racine ici depuis deux ans. Oh, un peu de baume au cœur, ma chanson fétiche à la radio j’auraiii vouluuuuu êtreeeee  

….Une plante verte c’est l’idéal. En plus, ça ne demande pas d’entretien. Pourquoi il a fallu que  j’accepte cette invitation ce soir ? Je ne sais pas dire non et je fais pitié. Nana solitaire qui n’a pas personne et pas d’amis. Mais qu'est ce qu’elle en sait d’abord ? Ce n’est pas parce que l’on travaille ensemble qu’elle connait  ma vie ! Elle m’agace en plus. Adieu ma soirée à regarder un film d’amour en pyjama avachie sur mon canapé  et m’en prendre au monde …

... "Enter", je  saisis les derniers chiffres  et ensuite j’irai rejoindre ma Léa. J’espère qu’elle aura mis l’ensemble en  dentelle noire. Les dessous chics, j’adore. Rien de tel pour une poitrine et une paire de fesses. Mes ex disaient que je suis macho, que je préférais leurs formes à leur esprit. C’est vrai que sur ce point, elles avaient toutes plus de rondeurs que de jugeote.  Débit, crédit,  fichier enregistré, la  dernière  nuit de l’année s’annonce…

…Chiante ! J’y crois pas ! Mes parents me privent de fêter le réveillon avec mes copines tout ça pour une connerie de clope fumée ! "Tu as seize ans, tu dois faire plus attention. C’est pour ton bien". Toujours le même refrain. A croire qu’ils sont nés vieux, éteints. Mais moi je m’en tape ! Tout ce que je veux  c’est m’amuser juste une fois comme  les autres. Depuis quatre mois, je n’ai vu que des médecins et ma chambre d’hôpital. Et à quoi ça  sert tout ça. A rien parce que l’issue, je la…

… Veux belle ! Quand on me demande  comment va  ma fille,  je réponds belle. Même en colère, elle l’est et ces questions que les gens se croient obligés de poser par pure politesse m’usent à force. J’aimerai être tellement une mère idéale et non pas celle   qui lui a transmis une maladie rare. Si seulement je pouvais échanger ma place avec …

… Ce pull ça commence à se voir, c’est dingue ! Enfin, dans quinze jours je l’annoncerai à tout le monde !  Mon petit bébé, je t’aime déjà ! Le monde n’est pas super beau et j’ai hésité à te le faire découvrir mais finalement je me dis que tu y auras ta place. Je vais changer ma vie pour toi. Fini de passer mes journées à spéculer, à vivre pour l’argent, au gré de la bourse et à celle de l’ouverture de la  salle …

… Des fêtes, il paraît qu’il y a une nouvelle dame qui apprend aux gens à lire et à écrire. Gratuitement, une ne fois par semaine qu’elle  m’a dit la voisine. Si j'y vais, ma vie sera différente après . Je n’ose pas y croire.  Je pourrais aider mes  enfants à faire leurs devoirs. Me débrouiller dans tous les papiers pour le logement et même lire des livres.  Mais à mon âge, c’est surement trop tard et si quelqu’un me reconnaît, je serais morte…

… De rire ! La soirée promet ! Mon mari nous a préparé un CD d’une compilation. Toutes ces chansons vont mettre de l’ambiance et tant pis si mon frère ronchonne comme chaque année. Il peut critiquer mon mari mais en attendant il nous  plomber le moral avec ses discours d’économie et nous dire qu’on n’a pas fini de manger notre pain noir, comme si on ne le savait pas ! Il n’ a toujours pas compris que nous on se serre la ceinture depuis toutes ces dernières …

… Pages. Oh mais quel livre ! Une lecture magnifique et  intense !  L’auteur a réussi à me faire pleurer d’émotions. J’ai hâte d’en parler autour de moi. A mes libraires,  à la bibliothèque et sur mon blog. Une lecture que je veux absolument partager. Ce livre est  un relais, à mon tour de continuer la chaîne et de le transmettre (tiens, mais c'est moi, ça !).

On a tourné, remonté la petite clé de la boîte à musique. Tout le monde est prêt? On soulève le couvercle et … allez, jouez Maestro ! Dans quelques heures, on repart pour une danse de 365 jours !

Une java festive, un rock endiablé, un tango langoureux, lascif ou une marche solitaire, chacun à sa façon, à son rythme.
La ballerine en tutu un peu cabossée par la vie, le musicien frappant avec une précision d’horloger ses timbales, le clown au regard mélancolique ou le Pierrot rêveur, tous autant que nous sommes, nous valsons encore et toujours sur le ruban de la vie.

A vous qui venez de temps en temps ou régulièrement me lire, je vous souhaite "plein de belles choses". Je laisse le soin à chacun de mettre ce qu’il veut sous cette expression car nos attentes peuvent être différentes. Je n’aime pas le mot bilan qui s’apparente à celui de rendement donc pas de chiffre ou de nombre. 

Pas d'objectif non plus à part appliquer  toujours la même recette : croquer la vie avec ses bonheurs simples, croire à des valeurs humanistes et au pouvoir des mots car je reste persuadée que ces derniers peuvent changer les vies et améliorer le monde. Et même si ce ne sont que des gouttes d'eau, les petits ruisseaux font des grands fleuves...

Bon, assez de blablas. Préparez-vous et on repart. Tout le monde est en piste? Oui ? Alors je vous souhaite de  l'amour, de la gaieté, des fous rires, de l'amitié et de l'optimisme  pour ces 365 jours à venir !