Éditeur : Philippe Rey - Traduit de l'italien par Nathalie Bauer - Date de parution : Février 2015 - 346 pages et un avis mitigé...
Dix ans après son départ, Fortuna revient à son village natal Roccachiara dans le nord de l'Italie. Elle appris qu'on a découvert un squelette et elle pense qu'il pourrait s'agir de celui de de meilleure amie à l'époque. Mais retourner aux sources c'est également revoir Onda sa mère qui ne l'a jamais aimée ni désirée.
J'aime les romans qui mettent en scène des générations de femmes. Et quand il s'agit de femmes qui possèdent des dons comme ceux d'utiliser les herbes pour soigner ou qui ont des prémonitions, je me réjouis à l'avance ! Ces femmes étaient mal vues, rejetées par les villageois qui souvent les appelaient des sorcières. Ici, les quatre femmes d'une même famille Clara, Elsa , Onda et Fortuna ont toujours vécues isolées.
Fortuna la narratrice raconte l'histoire de sa famille et des dons qu'elles possèdent. Elsa et Onda ont ce pouvoir ou cette malédiction de rentrer en communication avec les morts. Elevée par sa grand-mère Elsa, Fortuna n'a pas eu la chance de connaître l'amour maternel.
Une part de surnaturel flotte dans ce roman et ce point ne m'a pas gênée. Au contraire, il instaure un ambiance un peu mystérieuse. Les relations mère-fille, la construction de soi avec l'héritage familial : ces thèmes présents dans ce livre me tiennent à coeur.
Mais, une certaine lenteur dans le rythme et une tristesse que très peu d'évènements viennent égayer m'ont éloignée petit à petit de l'histoire. Bref, j'ai eu l'impression d'être passée à côté de cette lecture et n'avoir pas pu m'attacher à aucun des personnages.
Les billets de Nadael, Valérie, Séverine, Sylire
samedi 28 février 2015
lundi 23 février 2015
Marceline Loridan-Ivens, Judith Perrignon - Et tu n'es pas revenu
Éditeur : Grasset - Date de parution : Février 2015 - 99 pages à lire absolument !
Marceline Loridan-Ivens écrit à son père bien des années après qu'ils aient été tous les deux déportés. Avant Birkenau pour elle, Auschwitz pour lui, son père lui a dit à Drancy "toi tu reviendras peut-être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrai pas." Nous sommes en avril 1944, Marceline a quinze ans.
Elle raconte le camp et ce qui l'accompagne : Mengele qui désigne celles dont la vie se terminera la jour même, la mort, le travail, les convois qui se succèdent. Son père arrivera à lui transmettre un papier et quelques mots écrits dessus, ils se verront quelques secondes. Mais seule Marceline survivra. Son retour en France est loin de l'image d'une fête de retrouvailles. Son oncle lui demande de ne rien dire.
Toujours hantée par la mort de son père, Marceline lui raconte sa vie d'après. La culpabilité d'être vivante alors que d'autres sont morts, la destruction de sa famille "Elle s'est disloquée." Et il y a cette phrase terrible : "Tu aurais dû revenir. J'ai toujours pensé qu'il y eût mieux valu pour la famille que ça soit toi plutôt que moi. Ils avaient besoin d'un mari, d'un père plus que d'une soeur."
Engagée auprès de son mari cinéaste, elle a vécu "puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme j'ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres". Et de faire constat terrible de notre époque où le démon de l'antisémitisme, de la haine se réveille.
Cette lettre d'amour à son père est un témoignage intense, magnifique et douloureux qui fend le coeur. A lire absolument !
Lu de Marceline Lorida-Ivens : Ma vie balagan
Marceline Loridan-Ivens écrit à son père bien des années après qu'ils aient été tous les deux déportés. Avant Birkenau pour elle, Auschwitz pour lui, son père lui a dit à Drancy "toi tu reviendras peut-être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrai pas." Nous sommes en avril 1944, Marceline a quinze ans.
Elle raconte le camp et ce qui l'accompagne : Mengele qui désigne celles dont la vie se terminera la jour même, la mort, le travail, les convois qui se succèdent. Son père arrivera à lui transmettre un papier et quelques mots écrits dessus, ils se verront quelques secondes. Mais seule Marceline survivra. Son retour en France est loin de l'image d'une fête de retrouvailles. Son oncle lui demande de ne rien dire.
Toujours hantée par la mort de son père, Marceline lui raconte sa vie d'après. La culpabilité d'être vivante alors que d'autres sont morts, la destruction de sa famille "Elle s'est disloquée." Et il y a cette phrase terrible : "Tu aurais dû revenir. J'ai toujours pensé qu'il y eût mieux valu pour la famille que ça soit toi plutôt que moi. Ils avaient besoin d'un mari, d'un père plus que d'une soeur."
Engagée auprès de son mari cinéaste, elle a vécu "puisque tu voulais que je vive. Mais vécu comme j'ai appris là-bas, en prenant les jours les uns après les autres". Et de faire constat terrible de notre époque où le démon de l'antisémitisme, de la haine se réveille.
Cette lettre d'amour à son père est un témoignage intense, magnifique et douloureux qui fend le coeur. A lire absolument !
Lu de Marceline Lorida-Ivens : Ma vie balagan
dimanche 22 février 2015
Caroline Vié - Dépendance Day
Éditeur : JC Lattes - Date de parution : Février 2015 - 210 pages sans œillères...
Il y a d'abord les prénoms que l'on donne dans cette famille. Morta est la fille de Clotho et la grand-mère se prénomme Lachésis. Une excentricité voulue qui se transmet de génération en génération. Mais une même maladie s'est insérée dans le transmission familiale. Elle frappe Lachésis puis Clotho "l’oubli, la folie, la perte de soi – ce que l’on appelle aujourd’hui Alzheimer".
Morta écrit des polars dans l'indifférence générale. Son père communiste et coureur de jupons à d'autres chats à fouetter. Sa mère qui rêvait de devenir danseuse étoile se raccroche toujours à cette utopie malgré les années passées. Une mère avec laquelle elle entretient une relation très proche. Les dés sont jetés et le verdict sans appel vient rapidement avec l'obligation pour sa mère de placer Lachésis. Sa mémoire défaille un peu, grignotée, puis totalement . Le parcours du combattant pour dénicher un centre derrière les discours menteurs. Puis la maladie jette son dévolu sur Cloto. Les oublis, les scènes quasi irréelles, les paroles incohérentes. Qu'est devenue sa mère si complice, celle qui l'appelait plusieurs fois par jour? A défaut d'oublier et de faire mentir la génétique, Morta est plus virulente dans ses livres. Comment penser avoir un enfant alors qu'elle est mariée ? A quoi se résument la vie et son avenir ? Elle se dit qu'elle sera la prochaine...
Caroline Vié livre sans tabou, quitte à bousculer, la maladie , ce que vit l'entourage et la peur qu'elle distille. Avec l'anéantissement de ces souvenirs qui nous ont façonnés, qui font de nous ce que nous sommes.
La face cachée d'Alzheimer est montrée telle qu'elle existe avec franchise, une dose d'humour noir d'où surgissent tendresse et amour. Un roman saisissant sans œillères, vous l'aurez compris, qui touche et émeut.
Alors ce n'était que ça la vie ? Un truc plaisant parfois, souvent désagréable, insignifiant surtout où surnagent des joies, des chagrins et une absence.(...). Une fois le bovarysme de l'hyperactivité envolée, il ne reste plus rien que le temps de penser.
Les billets de Nadael, Sévérine
Il y a d'abord les prénoms que l'on donne dans cette famille. Morta est la fille de Clotho et la grand-mère se prénomme Lachésis. Une excentricité voulue qui se transmet de génération en génération. Mais une même maladie s'est insérée dans le transmission familiale. Elle frappe Lachésis puis Clotho "l’oubli, la folie, la perte de soi – ce que l’on appelle aujourd’hui Alzheimer".
Morta écrit des polars dans l'indifférence générale. Son père communiste et coureur de jupons à d'autres chats à fouetter. Sa mère qui rêvait de devenir danseuse étoile se raccroche toujours à cette utopie malgré les années passées. Une mère avec laquelle elle entretient une relation très proche. Les dés sont jetés et le verdict sans appel vient rapidement avec l'obligation pour sa mère de placer Lachésis. Sa mémoire défaille un peu, grignotée, puis totalement . Le parcours du combattant pour dénicher un centre derrière les discours menteurs. Puis la maladie jette son dévolu sur Cloto. Les oublis, les scènes quasi irréelles, les paroles incohérentes. Qu'est devenue sa mère si complice, celle qui l'appelait plusieurs fois par jour? A défaut d'oublier et de faire mentir la génétique, Morta est plus virulente dans ses livres. Comment penser avoir un enfant alors qu'elle est mariée ? A quoi se résument la vie et son avenir ? Elle se dit qu'elle sera la prochaine...
Caroline Vié livre sans tabou, quitte à bousculer, la maladie , ce que vit l'entourage et la peur qu'elle distille. Avec l'anéantissement de ces souvenirs qui nous ont façonnés, qui font de nous ce que nous sommes.
La face cachée d'Alzheimer est montrée telle qu'elle existe avec franchise, une dose d'humour noir d'où surgissent tendresse et amour. Un roman saisissant sans œillères, vous l'aurez compris, qui touche et émeut.
Alors ce n'était que ça la vie ? Un truc plaisant parfois, souvent désagréable, insignifiant surtout où surnagent des joies, des chagrins et une absence.(...). Une fois le bovarysme de l'hyperactivité envolée, il ne reste plus rien que le temps de penser.
Les billets de Nadael, Sévérine
mercredi 18 février 2015
Sylvain Pattieu - Beauté parade
Éditeur : Plein Jour - Date da parution : Janvier 2015 - 212 pages de solidarité !
Dans le 10e arrondissement de la capitale au 50 boulevard de Strasbourg, le patron d'un salon de coiffure-manucure a pris la clé des champs sans payer ses sept employés. Quatre Chinoises, un Chinois ( le seul homme) et deux Africaines tous sans-papiers. Décidés à ne pas baisser les bras, ils entament une grève. Nous sommes en février 2014.
Un travail pour 500 ou 600 Euro par mois payés en liquide et à eux d'acheter les produits nécessaires. A chacun sa spécialité : à l'étage, les Africaines s'occupent des cheveux et au rez-de-chaussée, les Chinois manucurent. Les tresses, les extension capillaires (qui viennent d'Inde et non pas du Brésil), les odeurs de solvants et de vernis sont leur quotidien. Il s'agit d'une grève pour la dignité : avoir ses papiers et être reconnu. Soutenus par la CGT, les employés occupent les locaux et continuent de travailler. Avant, les deux Africaines et leurs collègues Chinois s'ignoraient mais dans cette lutte, tout le monde est sur le même bateau et l'union fait la force. Sylvain Pattieu ne raconte pas que cette grève. Il donne la parole à ces six femmes et à cet homme, aux clientes (et aussi aux clients qui viennent pour les ongles), à Raymond de la CGT qui en vu d'autres.
On découvre un monde où la beauté est reine mais surtout la vie de ces sans-papiers et celui d'un quartier. Et ce qui frappe, c'est qu'il n'y a pas d'auto-apitoiement quand chacun parle de sa vie, des raison de sa venue en France. Et la pudeur s'invite naturellement pour évoquer le pays et la famille.
On est littéralement projeté dans ce salon de beauté, on entend les accents, le bruit. Un récit haut en couleurs avec de l'humour également mais aussi la face cachée de ce travail clandestin prospère pour les patrons. Une économie souterraine qui commence à l'autre bout du monde où l'on vend ses cheveux pour survivre. Et la spirale des sans-papiers avec des exemples concrets : Au bout d'un moment ça dérape, lassitude, boulot à côté de la fac,décrochage. Marre. Avoir la carte de séjour pour avoir la carte étudiant, avoir la carte d'étudiant pour avoir la carte de séjour. Supplier alternativement Préfecture et secrétariat, jusqu'à ce que l'un des deux craque. Déprime passagère. Lâcher prise. Lâcher la fac. Continuer à servir des bières, tant pis. Pas de renouvellement.
Trois mois de grève leur ont donné raison. Trois mois où pas un seule jour la solidarité aura été absente. Un combat principalement féminin mené avec de la volonté et de la détermination.
Si un récit soulève bien des questions, il n'en demeure pas moins qu'il fait chaud au coeur ( avec ce sentiment que l'individualisme n'a pas gagné)!
Raymond : " la grève les protège, papiers ou pas, on peut pas te déloger de la boîte sans décision de justice. On aboutit à des situations bloquées pour l'employeur, pour la Préfecture, la grève les renvoie aux contradictions telles qu'elles sont. La grève est un fait, elle oblige à reconnaître ce qui n'est pas censé exister. "
Dans le 10e arrondissement de la capitale au 50 boulevard de Strasbourg, le patron d'un salon de coiffure-manucure a pris la clé des champs sans payer ses sept employés. Quatre Chinoises, un Chinois ( le seul homme) et deux Africaines tous sans-papiers. Décidés à ne pas baisser les bras, ils entament une grève. Nous sommes en février 2014.
Un travail pour 500 ou 600 Euro par mois payés en liquide et à eux d'acheter les produits nécessaires. A chacun sa spécialité : à l'étage, les Africaines s'occupent des cheveux et au rez-de-chaussée, les Chinois manucurent. Les tresses, les extension capillaires (qui viennent d'Inde et non pas du Brésil), les odeurs de solvants et de vernis sont leur quotidien. Il s'agit d'une grève pour la dignité : avoir ses papiers et être reconnu. Soutenus par la CGT, les employés occupent les locaux et continuent de travailler. Avant, les deux Africaines et leurs collègues Chinois s'ignoraient mais dans cette lutte, tout le monde est sur le même bateau et l'union fait la force. Sylvain Pattieu ne raconte pas que cette grève. Il donne la parole à ces six femmes et à cet homme, aux clientes (et aussi aux clients qui viennent pour les ongles), à Raymond de la CGT qui en vu d'autres.
On découvre un monde où la beauté est reine mais surtout la vie de ces sans-papiers et celui d'un quartier. Et ce qui frappe, c'est qu'il n'y a pas d'auto-apitoiement quand chacun parle de sa vie, des raison de sa venue en France. Et la pudeur s'invite naturellement pour évoquer le pays et la famille.
On est littéralement projeté dans ce salon de beauté, on entend les accents, le bruit. Un récit haut en couleurs avec de l'humour également mais aussi la face cachée de ce travail clandestin prospère pour les patrons. Une économie souterraine qui commence à l'autre bout du monde où l'on vend ses cheveux pour survivre. Et la spirale des sans-papiers avec des exemples concrets : Au bout d'un moment ça dérape, lassitude, boulot à côté de la fac,décrochage. Marre. Avoir la carte de séjour pour avoir la carte étudiant, avoir la carte d'étudiant pour avoir la carte de séjour. Supplier alternativement Préfecture et secrétariat, jusqu'à ce que l'un des deux craque. Déprime passagère. Lâcher prise. Lâcher la fac. Continuer à servir des bières, tant pis. Pas de renouvellement.
Trois mois de grève leur ont donné raison. Trois mois où pas un seule jour la solidarité aura été absente. Un combat principalement féminin mené avec de la volonté et de la détermination.
Si un récit soulève bien des questions, il n'en demeure pas moins qu'il fait chaud au coeur ( avec ce sentiment que l'individualisme n'a pas gagné)!
Raymond : " la grève les protège, papiers ou pas, on peut pas te déloger de la boîte sans décision de justice. On aboutit à des situations bloquées pour l'employeur, pour la Préfecture, la grève les renvoie aux contradictions telles qu'elles sont. La grève est un fait, elle oblige à reconnaître ce qui n'est pas censé exister. "
lundi 16 février 2015
A.S.A. Harrison - La femme d'un homme
Éditeur : Livre de poche - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Audrey Coussy -Date de parution : Janvier 2015 - 328 pages vraiment bien menées !
Jodi et son son compagnon Todd sont un couple comme tant d'autres en apparence.Vivant ensemble depuis vingt ans, ils mènent une vie confortable. Lui parti de rien est devenu un entrepreneur qui a réussi, elle thérapeute à mi-temps choisit avec soin ses patients. Jodi a des habitudes qui ponctuent ses journées : que ça soit lisser les coussins du canapé à sa séance de sport jusqu'à préparer le dîner pour Todd qui rentre plus tard qu'elle. Aimant la perfection, elle offre toujours une image d'elle qu'elle domine.
Elle sait que Todd a des aventures jusqu'au jour où tout bascule. Pas brutalement mais petit à petit. Dans ce polar qui alterne le récit de Jodi et de Todd, on découvre comment Jodi perd la maitrise qu'elle efforçait de garder jusque là. Elle ferme les yeux, se retrouve au pied au mur devant des faits accomplis mais l'admettre demeure un obstacle pour elle. Et si Todd peut apparaitre un peu trop comme "un bon gars" avec certaines scènes qui ont un goût de clichés, ce thriller qui fait la part belle à la psychologie fonctionne vraiment très bien ! J'ai mordu à l'hameçon du début à la fin.
Efficace et l'écriture qui dégage une constance ( bravo pour la traduction) maintient un vrai suspense !
Tant que les faits ne sont pas ouvertement admis, tant qu'il lui parle en usant d'euphémismes et de circonlocutions, tant que les choses fonctionnent sans heurt et qu'un calme apparent prévaut, ils peuvent continuer à vivre ainsi, tout en sachant qu'une vie bien vécue est faite d'une série de compromis qui impliquent que nous acceptons les personnes de notre entourage avec leurs besoins individuels et leurs particularités.
Les billets d'Alex, Cathulu, Cuné, Une Comète.
Jodi et son son compagnon Todd sont un couple comme tant d'autres en apparence.Vivant ensemble depuis vingt ans, ils mènent une vie confortable. Lui parti de rien est devenu un entrepreneur qui a réussi, elle thérapeute à mi-temps choisit avec soin ses patients. Jodi a des habitudes qui ponctuent ses journées : que ça soit lisser les coussins du canapé à sa séance de sport jusqu'à préparer le dîner pour Todd qui rentre plus tard qu'elle. Aimant la perfection, elle offre toujours une image d'elle qu'elle domine.
Elle sait que Todd a des aventures jusqu'au jour où tout bascule. Pas brutalement mais petit à petit. Dans ce polar qui alterne le récit de Jodi et de Todd, on découvre comment Jodi perd la maitrise qu'elle efforçait de garder jusque là. Elle ferme les yeux, se retrouve au pied au mur devant des faits accomplis mais l'admettre demeure un obstacle pour elle. Et si Todd peut apparaitre un peu trop comme "un bon gars" avec certaines scènes qui ont un goût de clichés, ce thriller qui fait la part belle à la psychologie fonctionne vraiment très bien ! J'ai mordu à l'hameçon du début à la fin.
Efficace et l'écriture qui dégage une constance ( bravo pour la traduction) maintient un vrai suspense !
Tant que les faits ne sont pas ouvertement admis, tant qu'il lui parle en usant d'euphémismes et de circonlocutions, tant que les choses fonctionnent sans heurt et qu'un calme apparent prévaut, ils peuvent continuer à vivre ainsi, tout en sachant qu'une vie bien vécue est faite d'une série de compromis qui impliquent que nous acceptons les personnes de notre entourage avec leurs besoins individuels et leurs particularités.
Les billets d'Alex, Cathulu, Cuné, Une Comète.
samedi 14 février 2015
Larry Tremblay - L'orangeraie
Éditeur : La Table ronde - Date de parution : Février 2015 - 180 pages bouleversantes mais nécessaires...
Nous sommes dans un pays du Moyen-Orient qui n'est jamais nommé. Amed et Aziz sont des jumeaux âgés de neuf ans et vivent dans l'orangeraie familiale où la vie s'écoule paisiblement. Tout bascule quand une bombe tue leurs grands-parents. Car Soulayed vient voir leur père Zahed avec son discours sur les ennemis. Ceux qui envoient bombes et missiles pour détruire les habitations et verser du sang. Mais il a apporté également une ceinture d'explosifs. Et il demande au nom de l'honneur qu'un des jumeaux franchisse l'autre côté de la montagne muni de la ceinture pour tuer les ennemis présents.
Le père doit choisir lequel de ses enfants mourra. Nous sommes projetés dans la guerre. Une guerre où ceux qui se sacrifient en laissant les ennemis morts deviennent des martyres. Amed et Aziz savent ce qu'on attend de l'un d'eux tout comme leur mère. Qui des jumeaux l'effectuera? Je n'en dis pas plus sur l'histoire.
Je n'ai jamais mis autant de temps pour lire deux cent pages. J'ai dû m'arrêter très, très souvent partagée entre l'envie de continuer et les uppercuts reçus tellement j'étais abasourdie et tellement j'avais mal.
Ce livre n'est pas un récit sur la guerre car l'auteur ouvre la boîte des questions. On ne choisit pas le pays où l'on vient au monde, le contexte politique et culturel, le poids de la religion. Qu'aurions nous faits ? Aurions-nous obéi à Soulayed au nom de la vengeance, oppressés de voir notre pays ravagé, nos familles tuées?
Larry Tremblay nous décrit une histoire qui semble quasi inhumaine tant elle est cruelle, poignante. Et la tension qui se dégage de roman est très forte avec de nombreux renversements de situations.
Avec une écriture poétique où chaque mot est pesé, l'auteur réussit à nous questionner sur ce que les hommes sont capables de commettre au nom d'un Dieu, sur ce qu'on peut avoir comme version du bien et du mal selon où l'on vit. Mais les mensonges, la manipulation sont présents partout dans le monde comme la culpabilité et la souffrance.
L'auteur aurait pu choisir de finir son roman en continuant la guerre mais non, il s'agit de l'espoir de la paix dans un autre contexte avec l'un des jumeaux.
Un coup de coeur qui fait saigner notre coeur mais une lecture essentielle et nécessaire. Un roman puissant et bouleversant qui s'est ancré à moi à tout jamais... A lire absolument !
Je te parle avec de la paix dans mes mots, dans mes phrases. Je te parle avec une voix qui a sept ans, neuf ans, vingt ans, mille ans. L'entends-tu?
Les billets de Hop sous la couette, Karine:)
Un énorme merci à Julien ( librairie Dialogues à Brest) pour ce conseil de lecture.
Nous sommes dans un pays du Moyen-Orient qui n'est jamais nommé. Amed et Aziz sont des jumeaux âgés de neuf ans et vivent dans l'orangeraie familiale où la vie s'écoule paisiblement. Tout bascule quand une bombe tue leurs grands-parents. Car Soulayed vient voir leur père Zahed avec son discours sur les ennemis. Ceux qui envoient bombes et missiles pour détruire les habitations et verser du sang. Mais il a apporté également une ceinture d'explosifs. Et il demande au nom de l'honneur qu'un des jumeaux franchisse l'autre côté de la montagne muni de la ceinture pour tuer les ennemis présents.
Le père doit choisir lequel de ses enfants mourra. Nous sommes projetés dans la guerre. Une guerre où ceux qui se sacrifient en laissant les ennemis morts deviennent des martyres. Amed et Aziz savent ce qu'on attend de l'un d'eux tout comme leur mère. Qui des jumeaux l'effectuera? Je n'en dis pas plus sur l'histoire.
Je n'ai jamais mis autant de temps pour lire deux cent pages. J'ai dû m'arrêter très, très souvent partagée entre l'envie de continuer et les uppercuts reçus tellement j'étais abasourdie et tellement j'avais mal.
Ce livre n'est pas un récit sur la guerre car l'auteur ouvre la boîte des questions. On ne choisit pas le pays où l'on vient au monde, le contexte politique et culturel, le poids de la religion. Qu'aurions nous faits ? Aurions-nous obéi à Soulayed au nom de la vengeance, oppressés de voir notre pays ravagé, nos familles tuées?
Larry Tremblay nous décrit une histoire qui semble quasi inhumaine tant elle est cruelle, poignante. Et la tension qui se dégage de roman est très forte avec de nombreux renversements de situations.
Avec une écriture poétique où chaque mot est pesé, l'auteur réussit à nous questionner sur ce que les hommes sont capables de commettre au nom d'un Dieu, sur ce qu'on peut avoir comme version du bien et du mal selon où l'on vit. Mais les mensonges, la manipulation sont présents partout dans le monde comme la culpabilité et la souffrance.
L'auteur aurait pu choisir de finir son roman en continuant la guerre mais non, il s'agit de l'espoir de la paix dans un autre contexte avec l'un des jumeaux.
Un coup de coeur qui fait saigner notre coeur mais une lecture essentielle et nécessaire. Un roman puissant et bouleversant qui s'est ancré à moi à tout jamais... A lire absolument !
Je te parle avec de la paix dans mes mots, dans mes phrases. Je te parle avec une voix qui a sept ans, neuf ans, vingt ans, mille ans. L'entends-tu?
Les billets de Hop sous la couette, Karine:)
Un énorme merci à Julien ( librairie Dialogues à Brest) pour ce conseil de lecture.
vendredi 13 février 2015
Pablo Casacuberta - Scipion
Éditeur : Métailié - Traduit de l'espagnol ( Uruguay) par François Gaudry - 262 pages dévorées !
Un brin paranoïaque et porté sur la bouteille, à presque quarante ans, la vie d'Anibal fils d'un célèbre historien de la Rome antique semble bien minable. Pourtant, il a toujours voulu être à la hauteur de ce dernier embrassant des études d'histoire avec l'espoir d'être un universitaire reconnu. Ce père très exigeant, insatisfait n'a cessé de lui mettre des bâtons dans les roues. Ecarté par sa famille, chassé par l'université, il vit dans la précarité. Deux ans après la mort de son père apprise par le plus grand des hasards, sa soeur a hérité de tous les biens mais Anibal se retrouve en possession de trois boîtes. Partagé ente l'envie d'en savoir plus et celle de l'image de son père qui l'écrase, la tentation de le ouvrir est la plus foret. Son père aurait-il eu un soupçon de bienveillance envers lui ? Les boîtes révèlent des journaux intimes, des radios, un costume de déguisement datant de son enfance mais aussi une édition d'un livre En lisant Gibbon dont Hanibal n'a jamais pu venir à bout. En le feuilletant, il découvre un lettre manuscrite de son père. Hannibal n'a pas été laissé sans héritage mais pour le toucher, il doit rédiger un ouvrage d'histoire contemporaine. Ce clin d'oeil cruel de son père le laisse abasourdi. Une fois de plus, même mort, il méprise son fils qui n' a pas su arriver à sa cheville.
Sur le point de gagner une petite fortune, un avocat et son épouse visiblement bien attentionnés et admirateurs de son père sont présent à ses côtés pour l'encourager à grand renfort de flatteries. Sans le savoir, il se retrouve au centre d'un imbroglio où des imposteurs cherchent les profits. Hannibal le pauvre raté névrosé est mêlé à des aventures qu'il était loin d'imaginer mais qui vont par la même occasion réveiller un côté déterminé chez lui et la fin des jérémiades.
Avec un vrai suspense, émaillé de références à l'histoire antique et aux mythes, des personnages hauts en couleur, Hanibal va constater qu'il n'est pas si éloigné de son père.
Avec une écriture recherchée mais sans être pompeuses, alternant humour, ironie et tendresse, jouant sur les codes de l'anti-héros, ce roman sur la filiation et la quête d'identité se dévore !
Une fois de plus depuis que j'avais fait la connaissance de cet improbable ami de mon père, je restai plongé dans une profonde stupéfaction. Le bonhomme était en train de me dire dans son style fleuri et euphémique que cette fanfaronnade académique , avec ses groupe de danse folklorique et son club "Histoire des idées", était sa façon de dédommager la société pour avoir épargné la prison à des malfaiteurs. Je l'imaginais refermant sa serviette après avoir rendu la liberté à un proxénète et pensant avec enthousiasme à la causerie de la semaine suivante.
Le billet de Nadael (qui m'a donnée envie de découvrir ce livre, merci!)
Un brin paranoïaque et porté sur la bouteille, à presque quarante ans, la vie d'Anibal fils d'un célèbre historien de la Rome antique semble bien minable. Pourtant, il a toujours voulu être à la hauteur de ce dernier embrassant des études d'histoire avec l'espoir d'être un universitaire reconnu. Ce père très exigeant, insatisfait n'a cessé de lui mettre des bâtons dans les roues. Ecarté par sa famille, chassé par l'université, il vit dans la précarité. Deux ans après la mort de son père apprise par le plus grand des hasards, sa soeur a hérité de tous les biens mais Anibal se retrouve en possession de trois boîtes. Partagé ente l'envie d'en savoir plus et celle de l'image de son père qui l'écrase, la tentation de le ouvrir est la plus foret. Son père aurait-il eu un soupçon de bienveillance envers lui ? Les boîtes révèlent des journaux intimes, des radios, un costume de déguisement datant de son enfance mais aussi une édition d'un livre En lisant Gibbon dont Hanibal n'a jamais pu venir à bout. En le feuilletant, il découvre un lettre manuscrite de son père. Hannibal n'a pas été laissé sans héritage mais pour le toucher, il doit rédiger un ouvrage d'histoire contemporaine. Ce clin d'oeil cruel de son père le laisse abasourdi. Une fois de plus, même mort, il méprise son fils qui n' a pas su arriver à sa cheville.
Sur le point de gagner une petite fortune, un avocat et son épouse visiblement bien attentionnés et admirateurs de son père sont présent à ses côtés pour l'encourager à grand renfort de flatteries. Sans le savoir, il se retrouve au centre d'un imbroglio où des imposteurs cherchent les profits. Hannibal le pauvre raté névrosé est mêlé à des aventures qu'il était loin d'imaginer mais qui vont par la même occasion réveiller un côté déterminé chez lui et la fin des jérémiades.
Avec un vrai suspense, émaillé de références à l'histoire antique et aux mythes, des personnages hauts en couleur, Hanibal va constater qu'il n'est pas si éloigné de son père.
Avec une écriture recherchée mais sans être pompeuses, alternant humour, ironie et tendresse, jouant sur les codes de l'anti-héros, ce roman sur la filiation et la quête d'identité se dévore !
Une fois de plus depuis que j'avais fait la connaissance de cet improbable ami de mon père, je restai plongé dans une profonde stupéfaction. Le bonhomme était en train de me dire dans son style fleuri et euphémique que cette fanfaronnade académique , avec ses groupe de danse folklorique et son club "Histoire des idées", était sa façon de dédommager la société pour avoir épargné la prison à des malfaiteurs. Je l'imaginais refermant sa serviette après avoir rendu la liberté à un proxénète et pensant avec enthousiasme à la causerie de la semaine suivante.
Le billet de Nadael (qui m'a donnée envie de découvrir ce livre, merci!)
mercredi 11 février 2015
Christophe Bataille - L'expérience
Éditeur : Grasset - Date de parution : Janvier 2015- 82 pages denses et percutantes..
Pour avoir trébuché lors du défilé du 14 juillet 1960 sur les Champs-Elysées, on propose à un jeune ingénieur civil de se rendre dans le Sahara, "faire des expériences intéressantes. Des bombes nouvelles". Le 25 avril 1961 à Reggane dans ce qui était nommé l'opération Gerboise verte, il faisait partie d'un petit groupe. «Ces opérations ont eu des codes politiques: Gerboise verte. Hippocampe rouge. Étions-nous des chevaux colorés? Des monstres marins? Ou bien était-ce pour nommer cette part de nos cerveaux soudain translucide?".
La suite c'est l'inimaginable. Combinaison, lunettes, la sirène qui hurle et "quand elle s'est arrêtée, ils n'étaient plus humains. Ils étaient dans l'histoire". Sortir de la tranchée accompagné d'une petite patrouille, marcher jusqu'à un point donné, une lumière aveuglante et revenir.
Des années plus tard, il écrit alors qu'il sait que son témoignage ne vaut rien. Pas de preuves tangibles qu'il était là-bas, son dossier médical est introuvable. Toujours hanté par les cris d'un chèvre brûlée à vif, "la peau tachée, brune, effrayante de ses mains parle pour lui". Combien sont mort après avoir été employés à cette expérience? Une expérience pour déterminer les distances de sécurité.
"A 21 ans, il était devenu un résultat". "Ces minutes dans le désert, je les ai chassées, malgré les insomnies, les migraines, les tremblements, les maux de ventre." Et se plonger dans les mathématiques pour échapper à la folie et aux souvenirs.
Dans ce texte dense et percutant, les souvenirs de cet homme reviennent par flash. S'y mêlent ses réflexions : "Ce qui a eu ce jour d'avril n' a pas de nom. Peut-être ai-je simplement vu ce qui ne peut pas être vu. : l'homme vidé par sa bombe". Par la voix d'auteur on est dans le cauchemar, on effleure la mort.
Un texte court mais puissant qui rend hommage à tous ces anonymes, à ces cobayes de l'armée française au nom de l'atome.
Pour avoir trébuché lors du défilé du 14 juillet 1960 sur les Champs-Elysées, on propose à un jeune ingénieur civil de se rendre dans le Sahara, "faire des expériences intéressantes. Des bombes nouvelles". Le 25 avril 1961 à Reggane dans ce qui était nommé l'opération Gerboise verte, il faisait partie d'un petit groupe. «Ces opérations ont eu des codes politiques: Gerboise verte. Hippocampe rouge. Étions-nous des chevaux colorés? Des monstres marins? Ou bien était-ce pour nommer cette part de nos cerveaux soudain translucide?".
La suite c'est l'inimaginable. Combinaison, lunettes, la sirène qui hurle et "quand elle s'est arrêtée, ils n'étaient plus humains. Ils étaient dans l'histoire". Sortir de la tranchée accompagné d'une petite patrouille, marcher jusqu'à un point donné, une lumière aveuglante et revenir.
Des années plus tard, il écrit alors qu'il sait que son témoignage ne vaut rien. Pas de preuves tangibles qu'il était là-bas, son dossier médical est introuvable. Toujours hanté par les cris d'un chèvre brûlée à vif, "la peau tachée, brune, effrayante de ses mains parle pour lui". Combien sont mort après avoir été employés à cette expérience? Une expérience pour déterminer les distances de sécurité.
"A 21 ans, il était devenu un résultat". "Ces minutes dans le désert, je les ai chassées, malgré les insomnies, les migraines, les tremblements, les maux de ventre." Et se plonger dans les mathématiques pour échapper à la folie et aux souvenirs.
Dans ce texte dense et percutant, les souvenirs de cet homme reviennent par flash. S'y mêlent ses réflexions : "Ce qui a eu ce jour d'avril n' a pas de nom. Peut-être ai-je simplement vu ce qui ne peut pas être vu. : l'homme vidé par sa bombe". Par la voix d'auteur on est dans le cauchemar, on effleure la mort.
Un texte court mais puissant qui rend hommage à tous ces anonymes, à ces cobayes de l'armée française au nom de l'atome.
mardi 10 février 2015
Jean-Michel Guenassia - Trompe-la-mort
Éditeur : Albin Michel - Date de parution: Janvier 2015 - 398 pages et un avis mitigé...
Tom Larch né d'un père anglais et d'une mère indienne vit ses huit première années en Inde. La rupture sera d'autant plus brutale que la famille s'installe à Londres. Tom subit la différence qu'il existe entre les personnes de couleur de de peau comme lui et celles au teint anglais. Heureusement avec sa mère ils sympathisent avec sa mère avec d'autres Indiens. Sa mère est gravement malade et Tom surprend son père accompagné d'une jeune fille. La fracture entre son père et lui est désormais ouverte et lorsque sa mère meurt, Tom attend sa majorité pour s'engager dans les Royal Marines.
Tom a été victime de plusieurs accidents et presque miraculeusement, il s'en est sorti qu'avec quelques petites blessures. Mais un accident auquel il survit durant une mission attire une journaliste. Il devient un héros malgré lui connu dans le monde entier. Livre, film : il devient spectateur de sa vie qui ressemble à celle d'une mondanité. Un milliardaire demande à Tom de rendre en Inde retrouver son fils. Sur place, les aventures er rebondissements se multiplient, s'enchaînent à foison (sans parfois trop de vraisemblances à mon goût). Mais c'est dans cette recherche que Tom nous dévoile le fond de sa personnalité. Il s'agit d'un homme profondément humain qui n'a jamais couru après l'argent ou la succès.
Ce livre sur la différence de culture, sur la filiation possède des qualités ( les descriptions de l'Inde et des coutumes sont impressionnantes comme si l'auteur y avait vécu) mais il s'agit d'un roman où les aventures priment et m'ont lassée par moments. Toujours est-il que Jean-Michel Guenassia possède un talent de conteur, une écriture foisonnante à l'image de son livre. A réserver pour ceux qui sont friands d'intrigues.
Tu sais, mon fils, il ne faut penser qu'au présent, sans cesse. Le reste n'a pas d'intérêt. L'avenir nous est interdit ; pour nous, êtres humains, c'est le présent qui existe. N'oublie jamais que la vie est une maladie incurable, Tommy.
Lu dans le cadre Opération masse critique de Babelio
Tom Larch né d'un père anglais et d'une mère indienne vit ses huit première années en Inde. La rupture sera d'autant plus brutale que la famille s'installe à Londres. Tom subit la différence qu'il existe entre les personnes de couleur de de peau comme lui et celles au teint anglais. Heureusement avec sa mère ils sympathisent avec sa mère avec d'autres Indiens. Sa mère est gravement malade et Tom surprend son père accompagné d'une jeune fille. La fracture entre son père et lui est désormais ouverte et lorsque sa mère meurt, Tom attend sa majorité pour s'engager dans les Royal Marines.
Tom a été victime de plusieurs accidents et presque miraculeusement, il s'en est sorti qu'avec quelques petites blessures. Mais un accident auquel il survit durant une mission attire une journaliste. Il devient un héros malgré lui connu dans le monde entier. Livre, film : il devient spectateur de sa vie qui ressemble à celle d'une mondanité. Un milliardaire demande à Tom de rendre en Inde retrouver son fils. Sur place, les aventures er rebondissements se multiplient, s'enchaînent à foison (sans parfois trop de vraisemblances à mon goût). Mais c'est dans cette recherche que Tom nous dévoile le fond de sa personnalité. Il s'agit d'un homme profondément humain qui n'a jamais couru après l'argent ou la succès.
Ce livre sur la différence de culture, sur la filiation possède des qualités ( les descriptions de l'Inde et des coutumes sont impressionnantes comme si l'auteur y avait vécu) mais il s'agit d'un roman où les aventures priment et m'ont lassée par moments. Toujours est-il que Jean-Michel Guenassia possède un talent de conteur, une écriture foisonnante à l'image de son livre. A réserver pour ceux qui sont friands d'intrigues.
Tu sais, mon fils, il ne faut penser qu'au présent, sans cesse. Le reste n'a pas d'intérêt. L'avenir nous est interdit ; pour nous, êtres humains, c'est le présent qui existe. N'oublie jamais que la vie est une maladie incurable, Tommy.
Lu dans le cadre Opération masse critique de Babelio
lundi 9 février 2015
Raphaëlle Riol - Ultra Violette
Éditeur : Le Rouergue - Date de parution : Janvier 2015 - 192 pages vives, teintées d'ironie et d'hardiesse !
Raphaëlle Riol invite une jeune femme non pas que pour écrire sur elle mais surtout pour lui laisser la parole. Violette Nozière qui défraya la chronique dans les années Trente en empoisonnant son père. Condamnée à mort dans un premier temps puis libérée en 1945, son chemin se perd. Son fantôme s'installe chez l'auteure et y prend ses aises.
On découvre Violette Nozière s'ennuyant chez ses parents de condition modeste, belle, avide de d'argent, d'amour et de brûler sa jeunesse avant qu'il ne soit trop tard. Menteuse, manipulatrice, la jeune femme fascine et nous voilà plongés dans un autre univers, revivant une autre époque. Son procès sera sans appel, elle est décrite comme immorale et de petite vertu alors qu'elle n'a que dix-sept ans. Un procès où sa mère ne la défendra pas. Muse des surréalistes, décriée, haie, elle fait parler d'elle.
Dans cette face A, les discussions prennent vie entre l'hôte et son hôtesse. Violette s'immisce dans le quotidien de l'auteure, le bousculant, n'en faisant qu'à sa tête et prenant de plus en plus de place. La face B est celui du domaine des hypothèses pour savoir qui fut la personne qui l'attendit à sa libération.
Je me suis régalée des réflexions sur le processus d'écriture, de la liberté qu'un l'écrivain s'octroie quand il s'empare d'un personnage.
Si le livre est original par sa construction, l'écriture de Raphaëlle Riol y ajoute du piment. Vive, alerte, avec de l'humour et du vitriol. Une écriture qui se moque des conventions pour plus de liberté et d'hardiesse. A lire !
En invitant une morte à s'installer chez moi, je savais que j'allais devoir régler des comptes avec la vie et avec l'écriture. Qu'il allait falloir aligner les mots subtilement, pour ne pas miser trop vite, ni frôler trop dangereusement l'obscurité. Je prenais le risque de devoir mentir, à moi et aux autres. Jouer le jeu des questions-réponses et peut-être au bout du compte celui de l'écriture-miroir, celui de l'écriture qui fait vomir ce qu'on croyait pourtant avoir digéré.
Les billets de Cathulu, Leiloona
Raphaëlle Riol invite une jeune femme non pas que pour écrire sur elle mais surtout pour lui laisser la parole. Violette Nozière qui défraya la chronique dans les années Trente en empoisonnant son père. Condamnée à mort dans un premier temps puis libérée en 1945, son chemin se perd. Son fantôme s'installe chez l'auteure et y prend ses aises.
On découvre Violette Nozière s'ennuyant chez ses parents de condition modeste, belle, avide de d'argent, d'amour et de brûler sa jeunesse avant qu'il ne soit trop tard. Menteuse, manipulatrice, la jeune femme fascine et nous voilà plongés dans un autre univers, revivant une autre époque. Son procès sera sans appel, elle est décrite comme immorale et de petite vertu alors qu'elle n'a que dix-sept ans. Un procès où sa mère ne la défendra pas. Muse des surréalistes, décriée, haie, elle fait parler d'elle.
Dans cette face A, les discussions prennent vie entre l'hôte et son hôtesse. Violette s'immisce dans le quotidien de l'auteure, le bousculant, n'en faisant qu'à sa tête et prenant de plus en plus de place. La face B est celui du domaine des hypothèses pour savoir qui fut la personne qui l'attendit à sa libération.
Je me suis régalée des réflexions sur le processus d'écriture, de la liberté qu'un l'écrivain s'octroie quand il s'empare d'un personnage.
Si le livre est original par sa construction, l'écriture de Raphaëlle Riol y ajoute du piment. Vive, alerte, avec de l'humour et du vitriol. Une écriture qui se moque des conventions pour plus de liberté et d'hardiesse. A lire !
En invitant une morte à s'installer chez moi, je savais que j'allais devoir régler des comptes avec la vie et avec l'écriture. Qu'il allait falloir aligner les mots subtilement, pour ne pas miser trop vite, ni frôler trop dangereusement l'obscurité. Je prenais le risque de devoir mentir, à moi et aux autres. Jouer le jeu des questions-réponses et peut-être au bout du compte celui de l'écriture-miroir, celui de l'écriture qui fait vomir ce qu'on croyait pourtant avoir digéré.
Les billets de Cathulu, Leiloona
samedi 7 février 2015
Sylvain Coher - Nord-nord-ouest
Éditeur : Actes sud - Date de parution : Janvier 2015 - 266 pages dont on ne sort pas indemne !
Lucky tout juste majeur et le Petit encore adolescent sont arrivés à Saint-Malo. Ils se débrouillent grâce aux vols dans les supermarchés et aux distributeurs automatiques. Une fille s'est entichée de Lucky, le Petit n'aime pas ça car il est jaloux. Lucky et lui sont comme des frères après avoir fuir Marseille et un détour par l'Italie. Depuis, Lucky veille sur lui. Saint-Malo veut dire rejoindre l'Angleterre où ils imaginent la vie facile. Pas question d'aller à Calais pour monter à bord d'un Ferry en tant que clandestins. Trop dangereux, trop de contrôles. Lucky a une idée : traverser la mer à bord d'un bateau qu'ils voleront. La Fille veut les accompagner, le Petit espère que Lucky dira non mais ce dernier accepte. Le Petit pense que Lucky frime et qu'il ne mettra pas son plan à exécution. Mais Lucky a repéré un voilier et ils les charge de courses pour la traversée qui ne sera pas longue. Un matin alors qu'il fait encore nuit, les voilà à bord d'un vieux voilier le Slangevar avec de la nourriture, de l'eau, des allumettes, de l'essence pour le moteur. Problème, le moteur ne démarre pas. Ce n'est pas grave, ils navigueront à la voile comme de vrais marins.
La Fille a des souvenirs d’Optimist qui leurs sont bien utiles. Sauf qu'ils n'avaient rien imaginé de la navigation de nuit avec le passage des cargos et l'utilité du matériel nécessaire. Ils n'ont pas de cartes marines mais juste l'Almanach du Marin Breton. Le mauvais temps vient s'ajouter et les deux jours de traversées prévus initialement sont déjà loin. Ils sont au milieu de l'océan sans savoir exactement où, ils n'ont pratiquement plus rien à manger et plus d'eau potable. Lucky ne veut pas montrer qu'il est dépassé par les événements tandis que le Petit et la Fille doutent sérieusement. Tout nous laisse à croire qu'une catastrophe sera imminente et la mort également. Je me tais sur la suite..
Première fois que je lis Sylvain Coher et son écriture m'a conquise. Elle colle aux personnages, rend à merveille l'ambiance sur le voilier. Lucky et le Petit parlent peu, leurs échanges sont nerveux tout comme ils l'étaient à terre. La Fille amoureuse de Lucky essaie de tempérer la tension qui s'installe. Chacun garde ses angoisses pour lui mais on les ressent. Le silence de la mer plonge Lucky et le Petit dans leurs souvenirs. On apprend ce qui s'est passé en Italie. On pourrait penser que la solidarité entre les trois va prendre le relais mais on se trompe...
Autre point à souligner, c'est que l'auteur a pris le risque d'intégrer le langage spécifique d'un voilier. Et au contraire de nous bloquer, tout cet environnement technique inconnu nous bouscule un peu plus sans nous empêcher de comprendre ce qui se passe. Et nous sommes aux mains de l'auteur...
Ce huis clos est terrible ! Sur un voilier, il y a le manque de liberté et de place sans compter que le voyage tourne au désastre. On est gagné par par une sorte de malaise et de stress, nos nerfs sont mis à rude épreuve. Ce roman est une claque et on n'en sort pas indemne! Ceux et celles qui ont lu et aimé En mer de Toine Heijmans apprécieront...
Merci à Julien pour ce conseil de lecture !
Lucky tout juste majeur et le Petit encore adolescent sont arrivés à Saint-Malo. Ils se débrouillent grâce aux vols dans les supermarchés et aux distributeurs automatiques. Une fille s'est entichée de Lucky, le Petit n'aime pas ça car il est jaloux. Lucky et lui sont comme des frères après avoir fuir Marseille et un détour par l'Italie. Depuis, Lucky veille sur lui. Saint-Malo veut dire rejoindre l'Angleterre où ils imaginent la vie facile. Pas question d'aller à Calais pour monter à bord d'un Ferry en tant que clandestins. Trop dangereux, trop de contrôles. Lucky a une idée : traverser la mer à bord d'un bateau qu'ils voleront. La Fille veut les accompagner, le Petit espère que Lucky dira non mais ce dernier accepte. Le Petit pense que Lucky frime et qu'il ne mettra pas son plan à exécution. Mais Lucky a repéré un voilier et ils les charge de courses pour la traversée qui ne sera pas longue. Un matin alors qu'il fait encore nuit, les voilà à bord d'un vieux voilier le Slangevar avec de la nourriture, de l'eau, des allumettes, de l'essence pour le moteur. Problème, le moteur ne démarre pas. Ce n'est pas grave, ils navigueront à la voile comme de vrais marins.
La Fille a des souvenirs d’Optimist qui leurs sont bien utiles. Sauf qu'ils n'avaient rien imaginé de la navigation de nuit avec le passage des cargos et l'utilité du matériel nécessaire. Ils n'ont pas de cartes marines mais juste l'Almanach du Marin Breton. Le mauvais temps vient s'ajouter et les deux jours de traversées prévus initialement sont déjà loin. Ils sont au milieu de l'océan sans savoir exactement où, ils n'ont pratiquement plus rien à manger et plus d'eau potable. Lucky ne veut pas montrer qu'il est dépassé par les événements tandis que le Petit et la Fille doutent sérieusement. Tout nous laisse à croire qu'une catastrophe sera imminente et la mort également. Je me tais sur la suite..
Première fois que je lis Sylvain Coher et son écriture m'a conquise. Elle colle aux personnages, rend à merveille l'ambiance sur le voilier. Lucky et le Petit parlent peu, leurs échanges sont nerveux tout comme ils l'étaient à terre. La Fille amoureuse de Lucky essaie de tempérer la tension qui s'installe. Chacun garde ses angoisses pour lui mais on les ressent. Le silence de la mer plonge Lucky et le Petit dans leurs souvenirs. On apprend ce qui s'est passé en Italie. On pourrait penser que la solidarité entre les trois va prendre le relais mais on se trompe...
Autre point à souligner, c'est que l'auteur a pris le risque d'intégrer le langage spécifique d'un voilier. Et au contraire de nous bloquer, tout cet environnement technique inconnu nous bouscule un peu plus sans nous empêcher de comprendre ce qui se passe. Et nous sommes aux mains de l'auteur...
Ce huis clos est terrible ! Sur un voilier, il y a le manque de liberté et de place sans compter que le voyage tourne au désastre. On est gagné par par une sorte de malaise et de stress, nos nerfs sont mis à rude épreuve. Ce roman est une claque et on n'en sort pas indemne! Ceux et celles qui ont lu et aimé En mer de Toine Heijmans apprécieront...
Merci à Julien pour ce conseil de lecture !
vendredi 6 février 2015
Arnaldur Indridason - Les nuits de Reykjavik
Éditeur : Métailié - Traduit de l'islandais par Eric Boury - Date de parution : Février 2015 - 261 pages passionnantes !
Erlendur âgé de 28 ans vient tout d'entrer dans la police. Il patrouille de nuit la ville de Reykjavík avec deux collègues. Hannibal un clochard qu'il croisait de temps en temps est retrouvé mort. L'hypothèse de la noyade a tout de suite été retenue sans aucune enquête. Mais Erlendur cherche à en savoir plus et surtout comment cet homme s'est retrouvé à la rue avec la bouteille pour compagne.
Ce livre s'intéresse à la population des sans-abris de Reykjavík. Autant d'hommes et de femmes qui se connaissent, les centres d'hébergement pour la nuit, ceux ou celles qui veulent arrêter l'alcool, la mendicité et le regard d'une population sur eux. Erlendur possède cette empathie qui le pousse s'il le peut à aider les clochards. Têtu et obstiné, il enquête patiemment convaincu que la mort d'Hannibal n'est pas un accident.
Et voilà un polar résolument humain et sans hémoglobine. La psychologie, les personnalités des personnages sont vraiment creusées et c'est un régal!
Une lecture passionnante où l'auteur ne nous bouscule pas, ne nous oppresse pas et pourtant ce livre est impossible à lâcher ! Le club des Erlendurettes va être content...
Erlendur se demandait si la manque de zèle de ses collègues tenait au statut social de la victime, s'ils ne considéraient pas en fin de compte qu'il ne s'était tien passé de notable, si ce n'est que depuis il y avait un clochard de moins dans les rues.
Le billet de Cathulu
Lu de cet auteur : La muraille de lave - Le duel
Erlendur âgé de 28 ans vient tout d'entrer dans la police. Il patrouille de nuit la ville de Reykjavík avec deux collègues. Hannibal un clochard qu'il croisait de temps en temps est retrouvé mort. L'hypothèse de la noyade a tout de suite été retenue sans aucune enquête. Mais Erlendur cherche à en savoir plus et surtout comment cet homme s'est retrouvé à la rue avec la bouteille pour compagne.
Ce livre s'intéresse à la population des sans-abris de Reykjavík. Autant d'hommes et de femmes qui se connaissent, les centres d'hébergement pour la nuit, ceux ou celles qui veulent arrêter l'alcool, la mendicité et le regard d'une population sur eux. Erlendur possède cette empathie qui le pousse s'il le peut à aider les clochards. Têtu et obstiné, il enquête patiemment convaincu que la mort d'Hannibal n'est pas un accident.
Et voilà un polar résolument humain et sans hémoglobine. La psychologie, les personnalités des personnages sont vraiment creusées et c'est un régal!
Une lecture passionnante où l'auteur ne nous bouscule pas, ne nous oppresse pas et pourtant ce livre est impossible à lâcher ! Le club des Erlendurettes va être content...
Erlendur se demandait si la manque de zèle de ses collègues tenait au statut social de la victime, s'ils ne considéraient pas en fin de compte qu'il ne s'était tien passé de notable, si ce n'est que depuis il y avait un clochard de moins dans les rues.
Le billet de Cathulu
Lu de cet auteur : La muraille de lave - Le duel
mercredi 4 février 2015
Delphine Bertholon - Les corps inutiles
Éditeur : JC Lattes - Date de parution : Février 2015 - 353 pages qui résonnent et interpellent...
Clémence 15 ans se rend à une fête chez un amie. C'est l'été, il fait encore jour. Dans une rue près d'un chantier, un homme l'agresse. Il veut la violer mais n'ira au bout de son acte car il n'a pas d'endroit pour se cacher. Arrivée chez son amie, sous le choc, Clémence confie ce qui lui est arrivé à son petit copain. La réflexion qui lui adresse "ce n'était même pas un viol" ajoute un poids supplémentaire à son traumatisme.
Clémence a 30 ans et travaille dans une clinique d'un genre particulier. Elle peint des visages, une personnalité à des poupées grandeur nature pour des clients. Des corps synthétiques obéissants. Le sien s'est petit à petit délesté de toutes ses sensibilités. Comme pour tenter d'effacer l'agression, il s'est forgé une carapace mais Clémence n'a jamais pu effacer de sa mémoire ce qui continue de la hanter.
On navigue entre le passé de Clémence enfant et adolescente et le présent. Un passé trop douloureux où Clémence est désignée par "elle" comme pour s'en éloigner un peu plus. Elle n'a pas pu en parler à ses parents trop protecteurs qui lui laissaient peu de liberté. Alors, il a fallu faire comme si rien n'était arrivé. Jouer un rôle.
Clémence adulte s'abandonne dans les bras d'hommes les 29 comme pour conjurer ce maudit jour. Elle joue de son corps insensible qui ne ressent rien mais ses émotions sont bien présentes et réelles. Comment se libérer du joug subi ?
Un roman sur la culpabilisation, sur les silences porteurs de traumatismes et sur la mémoire du corps où l'écriture de Delphine Bertholon fait mouche une fois de plus. Une écriture aux phrases courtes qui résonnent par leur formulation, où de l'ironie se glisse et où les métaphores attirent la rétine.
Elle explore avec justesse des vies cassées à un moment donné, les émotions et les sentiments. Delphine Bertholon possède indéniablement un style bien à elle. Encore une belle lecture !
Et si ce soir-là, dans le rue au nom d'oiseau, je suis née de nouveau- sous une forme différente- les années postérieures ne semblent pas plus réelles que ces souvenirs d'enfance fraîchement pérennisés. Il y eut (un jour, vraiment ?) cette gamine insouciante, ensuite l'adolescence, morte puis ressuscitée, recollée par la haine, il y eut cette grande fille qui fardait des actrices dans des studios venteux, aujourd'hui la trentenaire, menteuse invétérée, employée de la Clinique. Mais toute ces identités, endossées tels des costumes dont je ne voulais pas, ce n'était jamais moi. Moi était une chose vague, lointaine et nébuleuse, un reflet fracassé dans les miroirs des bars, un concept, une entité. J'avais le sentiment d'avoir vécu mille vies, mais aucune n'était la mienne : tout me semblait fictif, comme si Clémence Blisson, c'était du cinéma.
Les billets de L'irrégulière, Lucie, Séverine
Lu de cette auteure : Grâce - L'effet Larsen - Le soleil à mes pieds - Twist
Clémence 15 ans se rend à une fête chez un amie. C'est l'été, il fait encore jour. Dans une rue près d'un chantier, un homme l'agresse. Il veut la violer mais n'ira au bout de son acte car il n'a pas d'endroit pour se cacher. Arrivée chez son amie, sous le choc, Clémence confie ce qui lui est arrivé à son petit copain. La réflexion qui lui adresse "ce n'était même pas un viol" ajoute un poids supplémentaire à son traumatisme.
Clémence a 30 ans et travaille dans une clinique d'un genre particulier. Elle peint des visages, une personnalité à des poupées grandeur nature pour des clients. Des corps synthétiques obéissants. Le sien s'est petit à petit délesté de toutes ses sensibilités. Comme pour tenter d'effacer l'agression, il s'est forgé une carapace mais Clémence n'a jamais pu effacer de sa mémoire ce qui continue de la hanter.
On navigue entre le passé de Clémence enfant et adolescente et le présent. Un passé trop douloureux où Clémence est désignée par "elle" comme pour s'en éloigner un peu plus. Elle n'a pas pu en parler à ses parents trop protecteurs qui lui laissaient peu de liberté. Alors, il a fallu faire comme si rien n'était arrivé. Jouer un rôle.
Clémence adulte s'abandonne dans les bras d'hommes les 29 comme pour conjurer ce maudit jour. Elle joue de son corps insensible qui ne ressent rien mais ses émotions sont bien présentes et réelles. Comment se libérer du joug subi ?
Un roman sur la culpabilisation, sur les silences porteurs de traumatismes et sur la mémoire du corps où l'écriture de Delphine Bertholon fait mouche une fois de plus. Une écriture aux phrases courtes qui résonnent par leur formulation, où de l'ironie se glisse et où les métaphores attirent la rétine.
Elle explore avec justesse des vies cassées à un moment donné, les émotions et les sentiments. Delphine Bertholon possède indéniablement un style bien à elle. Encore une belle lecture !
Et si ce soir-là, dans le rue au nom d'oiseau, je suis née de nouveau- sous une forme différente- les années postérieures ne semblent pas plus réelles que ces souvenirs d'enfance fraîchement pérennisés. Il y eut (un jour, vraiment ?) cette gamine insouciante, ensuite l'adolescence, morte puis ressuscitée, recollée par la haine, il y eut cette grande fille qui fardait des actrices dans des studios venteux, aujourd'hui la trentenaire, menteuse invétérée, employée de la Clinique. Mais toute ces identités, endossées tels des costumes dont je ne voulais pas, ce n'était jamais moi. Moi était une chose vague, lointaine et nébuleuse, un reflet fracassé dans les miroirs des bars, un concept, une entité. J'avais le sentiment d'avoir vécu mille vies, mais aucune n'était la mienne : tout me semblait fictif, comme si Clémence Blisson, c'était du cinéma.
Les billets de L'irrégulière, Lucie, Séverine
Lu de cette auteure : Grâce - L'effet Larsen - Le soleil à mes pieds - Twist
mardi 3 février 2015
Mathieu Belezi - Un faux pas dans la vie d'Emma Picard
Éditeur : Flammarion - Date de parution : Janvier 2015 - 256 pages bouleversantes !
Fin des 1860. Emma Picard se voit offrir par le gouvernement français vingt hectares en Algérie. L'homme derrière son bureau lui décrit l'Algérie comme un pays d'abondances. Cette veuve quarantaine mère de quatre fils ne refuse pas et traverse la Méditerranée avec ses fils. Les terres se situent entre Mascara et Sidi Bel Abbès.
Emma raconte à son Léon le seul fils qu'il lui reste ces années de labeur, de peines, de douleur. Et elle lui rappelle comment ils n'ont pas ménagé leurs peines aidés par Makika qui travaillait pour les anciens colons de cette ferme avant eux. Vingt hectares d'une terre aride aux entrailles stériles et il faut aller chercher l'eau à dos d'âne très loin. Ils défrichent, sèment, espérant des récoltes prometteuses. Comme d'autres colons arrivés avant eux et comme ceux qui continuent chaque semaine d'arriver de France car l'Algérie est une colonie de peuplement. Mais le fonctionnaire de l'état n'a dit aucun mot sur ce sujet. Il faudra affronter l'été caniculaire où animaux et cultures mourront, les sauterelles qui anéantiront tout, les maladies, l'hiver.
Emma doute, se sent dupée mais elle doit continuer à se battre contre cette terre. Et ils le font malgré les ventres tenaillés par la faim. La dysenterie emporte un de ses fils et l'argent manque. Qu'ont-ils fait pour mériter cela? Elle renie son Dieu de lui infliger tant de souffrances malgré les bonnes paroles du curé.
Son monologue est un cri, elle se reproche d'avoir entraîné ses fils dans cette descente aux enfers, d'avoir cru à ce qu'on lui promettait. Et les dernières pages où la colère côtoie la folie engendrée par le désespoir et la culpabilité de mère font affreusement mal.
A travers Emma Picard, Mathieu Belezi nous raconte un pan peu glorieux de l'histoire de France. Des hommes et des femmes trompées et sacrifiés au nom de la colonisation à qui il rend hommage.
Un roman bouleversant qui jamais ne verse dans les excès mais explore très justement les pensées d'Emma. A lire absolument !
Oui fautes il y a, dans la mesure où je n'ai pas su comprendre que je n'avais rien à faire sur ces terres africaines, rien à conquérir, rien à construire, rien à espérer, surtout pas une vie meilleure, car l'Algérie était bien incapable de m'offrir quoi que ce soit.
Fin des 1860. Emma Picard se voit offrir par le gouvernement français vingt hectares en Algérie. L'homme derrière son bureau lui décrit l'Algérie comme un pays d'abondances. Cette veuve quarantaine mère de quatre fils ne refuse pas et traverse la Méditerranée avec ses fils. Les terres se situent entre Mascara et Sidi Bel Abbès.
Emma raconte à son Léon le seul fils qu'il lui reste ces années de labeur, de peines, de douleur. Et elle lui rappelle comment ils n'ont pas ménagé leurs peines aidés par Makika qui travaillait pour les anciens colons de cette ferme avant eux. Vingt hectares d'une terre aride aux entrailles stériles et il faut aller chercher l'eau à dos d'âne très loin. Ils défrichent, sèment, espérant des récoltes prometteuses. Comme d'autres colons arrivés avant eux et comme ceux qui continuent chaque semaine d'arriver de France car l'Algérie est une colonie de peuplement. Mais le fonctionnaire de l'état n'a dit aucun mot sur ce sujet. Il faudra affronter l'été caniculaire où animaux et cultures mourront, les sauterelles qui anéantiront tout, les maladies, l'hiver.
Emma doute, se sent dupée mais elle doit continuer à se battre contre cette terre. Et ils le font malgré les ventres tenaillés par la faim. La dysenterie emporte un de ses fils et l'argent manque. Qu'ont-ils fait pour mériter cela? Elle renie son Dieu de lui infliger tant de souffrances malgré les bonnes paroles du curé.
Son monologue est un cri, elle se reproche d'avoir entraîné ses fils dans cette descente aux enfers, d'avoir cru à ce qu'on lui promettait. Et les dernières pages où la colère côtoie la folie engendrée par le désespoir et la culpabilité de mère font affreusement mal.
A travers Emma Picard, Mathieu Belezi nous raconte un pan peu glorieux de l'histoire de France. Des hommes et des femmes trompées et sacrifiés au nom de la colonisation à qui il rend hommage.
Un roman bouleversant qui jamais ne verse dans les excès mais explore très justement les pensées d'Emma. A lire absolument !
Oui fautes il y a, dans la mesure où je n'ai pas su comprendre que je n'avais rien à faire sur ces terres africaines, rien à conquérir, rien à construire, rien à espérer, surtout pas une vie meilleure, car l'Algérie était bien incapable de m'offrir quoi que ce soit.
lundi 2 février 2015
Fanny Chiarello - Dans son propre rôle
Éditeur : Editions de l'Olivier - Date de parution : Janvier 2015 - 236 pages et un juste dosage de luminosité et de mélancolie
Angleterre 1947. Fennella est engagée comme domestique au Wannock Manor. Dans cette demeure aristocratique, son mutisme étonne d'abord mais elle communique en écrivant sur un carnet. Il aura fallu la guerre et un traumatisme pour que sa voix se taise. A quelques kilomètres de là, Jeanette est femme de chambre au Grand Hôtel de Brighton. Le guerre lui a pris son mari et depuis sa rage ne s'est pas éteinte. Toutes les deux ont une passion pour l'opéra.
Jeanette a écrit une lettre où elle exprime tout son admiration à Kathleen Ferrier mais le courrier arrivé par mégarde au Wannock Manor. Fennella y voit un signe et décide de rencontrer Jeanette. Elle se rend à Brighton pour une semaine avec l'espoir de devenir l'amie de Jeanette. Selon elle, l'amour de l'opéra ne pourra que les rapprocher. Mais Jeanette ne comprend pas comment les gens après ces années du guerre peuvent à nouveau vivre. Sa douleur de jeune veuve est une colère sans fin qui l'anime alors que Fennella a connu un amour platonique. Si toutes les deux sont rongées par la solitude, Jeanette refuse de prendre la main que Fennella lui tend. Et pourtant, ces quelques jours vont modifier leur avenir. Dans un pays qui cherche à se reconstruire et qui veut désormais croire à des lendemains meilleurs, elles vont s'émanciper séparément à leur façon.
Rien n'est figé, il suffit quelquefois d'une rencontre et alors l'étincelle jaillit, on peut regarder vers l'avenir sans peur et déployer ses ailes.
Après un début un peu lent, on s'installe dans ce roman porté par l'écriture musicale, aérienne et sensible de Fanny Chiarello. Une lecture qui nous interroge sur les choix de vie, les rencontres qui permettent de donner de l'élan et de renverser l'ordre établi.
Et cette citation très belle, très juste de Kathleen Ferrier : "On peut trouver un formidable espace de liberté, dans son propre rôle. "
Le billet d'Anne
Lu de cette auteure : Une faiblesse de Carlotta Delmont
Angleterre 1947. Fennella est engagée comme domestique au Wannock Manor. Dans cette demeure aristocratique, son mutisme étonne d'abord mais elle communique en écrivant sur un carnet. Il aura fallu la guerre et un traumatisme pour que sa voix se taise. A quelques kilomètres de là, Jeanette est femme de chambre au Grand Hôtel de Brighton. Le guerre lui a pris son mari et depuis sa rage ne s'est pas éteinte. Toutes les deux ont une passion pour l'opéra.
Jeanette a écrit une lettre où elle exprime tout son admiration à Kathleen Ferrier mais le courrier arrivé par mégarde au Wannock Manor. Fennella y voit un signe et décide de rencontrer Jeanette. Elle se rend à Brighton pour une semaine avec l'espoir de devenir l'amie de Jeanette. Selon elle, l'amour de l'opéra ne pourra que les rapprocher. Mais Jeanette ne comprend pas comment les gens après ces années du guerre peuvent à nouveau vivre. Sa douleur de jeune veuve est une colère sans fin qui l'anime alors que Fennella a connu un amour platonique. Si toutes les deux sont rongées par la solitude, Jeanette refuse de prendre la main que Fennella lui tend. Et pourtant, ces quelques jours vont modifier leur avenir. Dans un pays qui cherche à se reconstruire et qui veut désormais croire à des lendemains meilleurs, elles vont s'émanciper séparément à leur façon.
Rien n'est figé, il suffit quelquefois d'une rencontre et alors l'étincelle jaillit, on peut regarder vers l'avenir sans peur et déployer ses ailes.
Après un début un peu lent, on s'installe dans ce roman porté par l'écriture musicale, aérienne et sensible de Fanny Chiarello. Une lecture qui nous interroge sur les choix de vie, les rencontres qui permettent de donner de l'élan et de renverser l'ordre établi.
Et cette citation très belle, très juste de Kathleen Ferrier : "On peut trouver un formidable espace de liberté, dans son propre rôle. "
Le billet d'Anne
Lu de cette auteure : Une faiblesse de Carlotta Delmont
Inscription à :
Articles (Atom)