J’ai été à la plage. Assise sur ma serviette de bain, je contemplais la pièce de théâtre immuable qui se jour chaque année avec des acteurs différents. Des familles entières arrivaient et prenaient place méthodiquement selon de rituels bien précis. Monsieur qui se chargeait de du parasol et de porter les sacs les plus lourds ou les plus encombrants, Madame qui appliquait à tout le monde de la crème solaire, les enfants impatients d’aller mettre les pieds à l’eau avec leur casquette ou leur chapeau flambant neuf. Les petits faisaient des châteaux de sable, les personnes plus âgées et silencieuses étaient plongées dans leurs grilles de mots croisés ou leur lecture. Des grappes de jeunes riaient penchés à leur téléphone, les garçons observaient les filles et inversement. Les mamans qui appelaient leurs enfants « Théo n’embête pas ta sœur », « Clémentine ne t’éloigne pas », les gens qui bronzaient, ceux qui se promenaient ou ceux qui marchaient au bord de l’eau à l’endroit où elle lèche les mollets et essaie, par de petits clapotis, d’atteindre les genoux. Les ballons, les maillots bain, les serviettes, le soleil tout ce qu’il faut était bien là.
J’avais amené un livre comme d’habitude d’un auteur qui m’était jusque là inconnu. Jeudi dernier, je disais à la libraire « je veux des lectures qui me donnent une claque, qui m’étourdissent et me donnent le vertige », j’étais bien loin d’imaginer que ce n’était pas une simple gifle que j’allais recevoir en pleine figure. Il était là entre mes mains mais très vite c’est moi qui me suis retrouvée piégée par l’histoire et par la pudeur qui s’en dégageait.
Je n’entendais plus rien des enfants qui riaient, je ne voyais plus le va et vient de gens qui s’installaient ou ceux qui ramassaient leurs affaires. Plus rien n’avait d’importance sauf ce livre, il aurait pu se mettre à pleuvoir, je n’aurais pas bougé. Je lisais et j’étais seule avec Félix qui me racontait sa vie. Au fils des pages, il se dévoilait me confiant ses craintes de devenir papa puis les jours heureux et le drame. En toute simplicité, il se montrait avec ses blessures, ses failles et tout ce temps à combler depuis qu’il avait perdu son fils. L’amour qu’il lui portait se révélait de en plus de plus démesuré, obsessionnel et égoïste.
Quand j’ai fini le livre, j’ai regardé autour de moi pour reprendre contact avec la réalité. J’avais besoin d’entendre les éclats de rires portés par le vent, de voir les gens parler ou somnoler. Une boule dans la gorge, je remplissais rapidement mes poumons d’air pour me sentir bien vivante, il le fallait.
La plage se noircissait de monde et pour une fois j’étais contente d’entendre le bruit celui du sable sous les chaussures, celui des farandoles de prénoms d’enfants et les discussions.
Car à la dernière page, il m’a confié la vérité sur la mort de son fils et j’ai alors reçu un coup de poing d’une violence sans précédent à l’estomac. Une violence furibonde aux relents nauséeux qui m’a assommée…
Oups, et oui, emportée par mon enthousiasme j'ai omis de donner le titre et l'auteur ! Ce roman s'intitule " Caresse de rouge" écrit par Eric Fottorino. La sensibilité d'une femme dans l'écriture d'un homme. Bouleversant de vérité, et de détresse ... La détresse sous tous ses angles : celle qui émeut, celle qui déconcerte ou encore la plus dangereuse celle qui fait perdre pied. Je ne vous en dis pas plus car le dénouement est inattendu, effroyable.
Soyez bien accroché car c'est une lecture dont on ne sort pas indemne...
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