mardi 29 décembre 2009

Véronique Olmi "Bord de mer"




Une mère qui a promis à ses deux petits garçons enfants de les emmener en vacances à la mer. Alors, elle va le faire parce qu’une maman ça ne peut pas décevoir. Elle nous raconte, elle nous le dit avec ses mots qu’elle aussi est une maman « bien ».
Dès les premières lignes, on sait que cette escapade à la mer n’en est pas une « on avait pris le car, le dernier car du soir, pour que personne nous voie ». Il n’y aura ni de cris de joie, ni baignade mais la pluie, une mer violente et une chambre d’hôtel sordide.

L’auteur, Véronique Olmi, nous livre l’histoire de cette femme sans prendre parti.
Cette femme qui, pour une fois, voudrait être une maman comme les autres et faire plaisir à ses enfants. Mais, ses angoisses reviennent la hanter et puis il y a cette peur de ne pas y arriver.

Le style épuré, les phrases courtes mettent en exergue son amour pour ses enfants, sa colère à être toujours jugée, cataloguée, son ras le bol qu’on lui dise ce qu’elle doit faire avec ses propres enfants.
Et nous lecteur, on se retrouve d’autant plus impuissant parce qu’on a un mauvais pressentiment.

Le mal-être que l’on ressent s’amplifie et quand enfin on a tourné la dernière page, on est sous le choc, complètement abasourdi.

Une lecture bouleversante après laquelle, on a beaucoup de mal à remette un pied dans la réalité…

lundi 28 décembre 2009

Le cérémonial de fin d'année

A l’époque des mails et des SMS, j’aime toujours adresser des cartes de vœux papier. Pour rien au monde, je ne dérogerai à ce cérémonial de fin d’année. Une après-midi calme et silencieuse, le temps idéal pour se plonger dans l’écriture. S’appliquer, former de beaux arrondis sans rature, sans traits secs ou disgracieux qui pourraient trahir mes douleurs. Réfléchir quelques instants, le stylo suspendu dans l’air et trouver les mots personnalisés pour chacun. Pas de longues tirades ou de phrases ronflantes, juste quelques mots sincères.

Dans quelques jours, la représentation de la pièce «bonne année » va se jouer. Quoi de plus normal de souhaiter ses vœux à ceux que l’on aime, aux personnes qui nous sont chères ou que l’on apprécie ?

Très rapidement, cette pratique vire à l’hypocrisie générale, les vœux se noient dans une parodie de bons sentiments. Distribution à la louche de souhaits et de désirs. Qui en veut ? Allez, on en profite, c’est gratuit ! Rien ne manque : les voix enjouées qui sonnent faux, les sourires d’apparats, la gentillesse soudaine. Mais, chacun joue son rôle de spectateur ou d’acteur parce qu’au fond, on a tous envie d’y croire…

dimanche 27 décembre 2009

Souvenirs d'enfances

Chacun possède ses propres souvenirs d’enfance, qu’ils soient gais, joyeux, édulcorés ou tristes…On peut se les remémorer avec délice et espérer revenir dans le passé pour les revivre intensément ou alors les cacher enfouis au plus profond de soi, vouloir les oublier à tout jamais, tellement ils font mal.


Marie
Elle est bien loin derrière moi mon enfance, plus de quarante ans me sépare d’elle, mais elle demeure présente. Elle surgit au détour d’une odeur que je croyais oubliée à tout jamais, se réveille à la vue d’une vieille photo écornée, revient par bribes à l’écoute d’une chanson démodée. Oh oui, je revois la grande maison de campagne où nous passions nos week-ends et une partie de nos vacances. Le jardin où ma mère passait des heures en chantonnant à couper quelques fleurs ici et là, la grande terrasse pavée jonchée de vieux pots en terre et surtout cette campagne si luxuriante qui m’offrait un immense terrain de jeu. J’attendais impatiemment le moment où le blé et le maïs sortaient de terre, la saison où je ramassais des châtaignes puis les noisettes. J’entreprenais des promenades, des marches à travers les champs avec ou sans autorisation, avide de tout connaître. Je délaissais les poupées, je fuyais les activités imposées par mes parents pour parfaire mon éducation. L’odeur des lupins, l’herbe haute qui me piquait les jambes, les vaches qui me fixaient de leurs gros yeux tout en ruminant et dont je me méfiais, les talus que je franchissais et où il fallait éviter les ronces, les orties pour ne pas abîmer mes vêtements. Je martelais bien fort le sol de mes pieds pour faire peur aux vipères, j’inventais des animaux curieux, dangereux qui se tapissaient dans l’obscurité des ombres mélangées aux fougères. Un bâton à la main pour écarter les branchages, je retenais ma respiration avançant prudemment. Une fois que toute suspicion était levée, je continuais à gambader. Quelquefois, mes deux jeunes sœurs m’accompagnaient. Elles me suivaient toujours de près en se donnant la main. Lili et Marie m’obéissaient, c’était moi la grande. Les petites voulaient toujours rentrer assez vite de peur de se faire gronder mais moi j’aurais pu y rester des heures. Mes parents désespéraient, me menaçaient de m’enfermer dans ma chambre et ma mère soupirait que j’avais de plus en plus l’air d’un garçon de ferme. Malgré les punitions, je continuais à explorer cette campagne si simple et si belle. C’était trop tard, Je m’étais éprise pour toujours de cette nature, de toute cette liberté qui s’offrait à moi.



Sandrine
Ne me parlez de mon enfance ! J’ai tout fait pour l’effacer de ma mémoire. Ah, certains avaient le droit à de l’amour, de l’affection, je n’avais rien de tout cela. Les clichés standards de la famille parfaite, laissez-moi rire. C’est bon la pub, pour faire rêver monsieur et madame tout le monde, leur vendre du bonheur sur papier glacé, rien d’autre. Un père alcoolique, fainéant de surcroît et une mère mélancolique dont les yeux ternes reflétaient toute la tristesse du monde en permanence. Je n’ai jamais connu les histoires que les parents racontent le soir pour vous endormir ou les chansons pour bercer. Dès la fin d’après-midi, mon père, cuvait son vin et ronflait dans le salon endormi devant la télé allumée alors que ma mère était à son travail. Quand il n’avait plus à rien à boire, il me faisait aller à l’épicerie du coin acheter une ou deux bouteilles de rouge bon marché. La tête basse, les yeux fixés sur le trottoir, je me dépêchais de honte. Quand ma mère rentrait, elle allait dans sa chambre, elle y passait tout son temps libre, ne sortant que pour les repas. Quand elle ouvrait la bouche, elle posait toujours les mêmes questions comme un vieux disque. Elle les disait par automatisme, écoutant à peine mes réponses. J’avais à peine 8 ans et je voulais partir, je m’endormais le soir en mettant au point des plans de fugue.
La liberté, je l’avais ! C’était la seule chose qu’ils m’ont offert ou plutôt laissé… La liberté de pouvoir rester traîner le soir après l’école, de partir avec mes copains faire les quatre cent coups, celle d’avoir fumé ma première cigarette à 9 ans ou d’avoir bu ma première bière un an plus tard. Mais, je ne l’ai jamais prise… par peur. Peur de l’inconnu, peur de voir le bonheur chez les autres, je suis restée m’enfermant un monde imaginaire.



Louis
Enfant unique, j’étais dorloté par une mère possessive et choyé par mon père qui voyait en moi « le seul héritier de la droguerie familiale fondée par mon grand-père ». Ma mère craignait pour ma santé, me couvrait d’un bonnet et d’une grosse écharpe au moindre petit vent, me gavait de fortifiants et de sirops de toute sortes. Je n’avais pas l’autorisation d’aller jouer souvent avec mes copains de peur que j’attrape froid ou un microbe quelconque… Mon père, lui, parlait de moi comme si j’étais un prince qui un jour accèderait au trône royal, celui de régner sur les vis et les pots de peinture ! Je m’ennuyais de ne pas pouvoir découvrir le monde. Confiné dans un espace où ma mère pouvait toujours me surveiller, je n’avais pas le droit d’aller deux rues plus loin en vélo. Les autres à l’école se moquaient de moi, me surnommaient « le p’tit bébé à sa maman ». Ne voulant pas faire de peine à mes parents, je ne leur disais rien mais je souffrais en silence. Les murs de ma chambre étaient tapissés de cartes découpées dans des magazines, je connaissais par cœur le nom de tout les pays et de toutes les mers. Je rêvais de voyager, de faire le tour du monde et d’aventures dans la forêt amazonienne. Puis, petit à petit, l’amour de mes parents a commencé à m’étouffer. Quand mon père décrivait les projets de développement de l’entreprise familiale, il ne pouvait s’empêcher d’ajouter que j’avais de la chance d’avoir un avenir tout tracé. Et ma mère, le regard bienveillant, souriait, approuvait d’un hochement de tête. J’étais devenu prisonnier des ambitions de mes parents, d’une vie orchestrée sans fausse note réglée comme du papier à musique. Puis, j’ai commencé à franchir les interdits, sortir jouer dehors même s’il gelait ou faire le tour de la ville en vélo sans me soucier de l’heure. Ma mère me reprochait de lui causer autant de frayeurs, mon père s’indignait que je ne vienne plus l’aider au magasin. Je voulais être libre de mon avenir, de mon métier. A mes 14 ans, j’ai fait un baluchon avec quelques affaires et je suis parti embarquer sur un thonier. Ca y est, j’étais libre !

vendredi 25 décembre 2009

Fatou Diome - La Préférence Nationale




« La Préférence Nationale » ce sont tout d’abord les rêves, les espoirs que l’étranger a en tête en arrivant en France. Fatou Diome nous raconte son pays natal haut en couleurs et en odeurs. On le voit, on l’imagine et on l’entend, ce Sénégal envoutant à deux vitesses. Et puis, il y a le racisme primaire dont Fatou Diome est victime. Etudiante et femme de ménage, elle encaisse les propos humiliants de ses patrons, leur soi -disant « supériorité » intellectuelle due à leur couleur de peau.

Femme de caractère, Fatou Diome est une battante qui se défend par les mots.
Une auteur comme j’aime, qui dit les choses comme elles le sont.
Sa plume est vive, chantante ou dure par la violence des situations. Un style remarquable, touchant…

Un livre qui est un des mes grands coups de cœur de cette année !

Blandine Le Callet "Une pièce montée"




Un roman satirique et piquant d’humour ! On y apprend que les familles bien-comme-il-le-faut-sous-les-rapports, qui sont la fierté et la marque de fabrique de notre bonne vieille France , ne sont pas irréprochables.

Berangère et Vincent, jeunes, beaux, riches, pedigree Bobo se marient. Blandine Le Callet nous fait vivre cette journée mémorable à travers les portraits de quelques uns des invités, sans oublier le prêtre. Des gens bien élevés, propres sous toutes les coutures et qui vont se montrer moins reluisants par leurs pensées ou par leurs actes…

Une lecture agréable qui fait passer un bon moment.

samedi 19 décembre 2009

La rumeur

Origine de la rumeur : prend naissance à partir d’un fait divers ou d’une hypothèse puis se nourrit de tout ce que les gens vont dire. Particularité : se gave de l’avis de chacun et raffole de tous les potins.

La rumeur enflait depuis quelques jours. Elle était sur toutes les bouches, s’infiltrait dans les moindres conversations surtout les plus anodines. Ce matin, elle crevait d’orgueil, elle pavoisait et toisait de haut ses détracteurs. La nuit lui avait donné raison, Brest s’est réveillée sous la neige ! Pas quelques flocons épars, semés ici où là, non de la neige : un vrai tapis blanc et cotonneux.

Avant de mette le nez dehors, on regarde par la fenêtre, on jauge à vue d’œil l’épaisseur dans le jardin. Mais rien ne vaut le terrain ! Alors, fébrilement et en robe de chambre, on va constater par soi-même. On écoute le bruit de la neige qui craquelle sous ses semelles, on avance prudemment comme sur un terrain miné. La démarche se veut souple, agile (tel le félin prêt à bondir sur sa proie). Mais, le moindre pas s’avère pataud, embarrassé. D’ailleurs, on ne soulève pas ses pieds, on les traîne par peur de tomber. Si on glisse un peu, on pousse des petits cris aigues.

Et puis, les souvenirs d’enfance remontent à la surface : les routes de campagne impraticables, les batailles de boule de neige…

La ville se métamorphose: les voitures roulent à deux à l’heure, grands et des petits affichent un air polisson, rieur.

Quand on y regarde de plus près, on constate que rien n’a vraiment changé. Passé et présent se superposent : Brest était paralysée ce matin par deux petits centimètres de neige…

vendredi 18 décembre 2009

Philippe Delerm - La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules






On retrouve tout l’art de Philippe Delerm. Il décrit avec cette minutie précise des moments simples pour en faire des purs moments de plaisirs. Le génie de capter des instants et d’en parler avec finesse et poésie. Un éventail de situations et de souvenirs qui deviennent un luxe privilégié sous sa plume.

Il nous invite à gouter, à savourer pleinement ces évanescents moments.

Suspendre le temps pour apprécier ces bribes de petits instants, croqués sans artifice.

mardi 15 décembre 2009

Françoise Lefèvre "le petit prince cannibale"




Une très belle lecture, très touchante. Un cri de vérité où s’expriment les peurs et les combats. La vérité se fait dure ou poétique, violente ou tendre à travers l’amour maternel, le courage et les moments d'abattement.

Une mère, un écrivain : une même femme qui lutte pour et par les mots. Les mots pour sortir son fils de l’autisme, les mots de l’auteur qui attendent d’être écrits et ceux de son fils.

La puissance des mots prend toute son ampleur : ils sont la porte d’entrée entre deux mondes différents, le lien si fragile qui les unit.

Un livre magnifique par la beauté des sentiments et des émotions exprimées.

lundi 14 décembre 2009

Jacques A. Bertrand - Les autres, c'est rien que des sales types













Jubilatoire, un régal de l’esprit, une détente des zygomatiques ! Ces portraits sont fignolés avec brio dans la finesse des expressions et des jeux de mots. Ceux qui savent jouer de l’auto-dérision se retrouveront au détour d’une phrase…

Nous pouvons affirmer qu’il existe plusieurs catégories d’Ecrivains. Ce mot vient du latin Scriba qui signifie scribe. Dès l’Antiquité et même avant, les Ecrivains étaient des scribouillards. Ils passaient leurs journées à dessiner des hiéroglyphes puis à écrire de pompeux discours pour les personnalités célèbres de l’époque. C’est à ce moment que la jet-set naquit.

Des scribouillards devinrent gratte-papier alors que le commun des mortels n’est qu’un gratte-Millonnaire, Banco et Morpion (d’où l’expression se gratter le c.. (censuré)).

Pour en revenir aux Ecrivains, une des catégories accède au prestige et à la gloire selon le nombre de best-sellers vendus. Et quoi de plus dur que de pondre et d’enchaîner les livres à succès ? Je vous le demande… Sauf quand on a trouvé le bon filon et les ingrédients qui plaisent à tous les coups (au choix : argent, sexe, sentiments, trahison, amour).

Une autre catégorie gagne ses lettres de noblesse grâce à son talent : celui de choisir les mots, de jongler avec pour en faire des chefs d’œuvre. Une chose est certaine : Jacques A. Bertrand en fait partie !

vendredi 11 décembre 2009

Philippe Claudel "la petite fille de Monsieur Linh"




Il y a des livres qu'on relit pour le plaisir. Plaisir de la beauté des mots et de celle de l'histoire. "La petite fille de Monsieur Linh" en fait partie.

Une fois de plus, je me suis prise de tendresse pour ce vieil homme expatrié. Monsieur Linh qui apprend ce nouveau monde, qui tente de s'y adapter pour sa petite fille.

Un livre bouleversant de sentiments qui m'a conduit doucement, sans aucune précipitation, à découvrir sa vie "d’avant" et à aimer cet enfant.

Il espère pouvoir offrir le meilleur à sa petite fille alors on voudrait, simplement, pouvoir l’aider ce Monsieur Linh...

mercredi 9 décembre 2009

Yannick Haenel "Jan Karski"













Jan Karski … je viens de finir la toute dernière page. Ce livre n’est pas qu’un livre, oh que non, il est bien plus. Une piqure de rappel douloureuse pour ne jamais oublier l’extermination de millions de juifs.

Jan Karski a été porteur d’un message pour que le monde se réveille et arrête ce massacre. Toutes les atrocités, toute la barbarie dont il a été témoin étaient dans ce message.

Un message qu’il n’a cessé de répéter et de délivrer à Londres, à la Maison Blanche… Un message seulement entendu par les Alliés.Pourquoi ?
Complicité passive ? Questions de politiques, d’argent? Une réalité trop effroyable, trop cruelle donc faussée ?

La soi-disant Conscience a préféré d’autres intérêts à la place de la vie de ces millions de personnes.

Une chose est certaine, on devient à son tour porteur d’une mission, d’un message pour que plus jamais ça ne se reproduise.

lundi 7 décembre 2009

Régis de Sa Moreira "Le libraire"



« Le libraire » est avant tout une jolie fable faite pour rêver.

-Dis-moi, qu’est-ce que tu voudras faire plus tard ?
-Libraire.
-Mais ce n’est pas un métier.
-Si parce qu’on vend plus que des livres.
-Ah bon ?
-Oui, parce qu’on on donne de l’espoir aux gens et on leur donne le goût de vivre.
-Tu ne pourras pas en vivre financièrement, il vaut mieux que tu songes à un métier qui a de l’avenir
-Je me contenterai des livres, je les lirai, ce sera ma nourriture. Et puis, quand le bon client arrivera, je le lui vendrai.

Un livre à offrir à ceux qui ne savent plus rêver ou qui ont tout simplement oublié ( ohlala, ça fait du monde).

Le petit dialogue n'est pas un extrait du livre mais une de mes fantaisies.

dimanche 6 décembre 2009

Je-tu-elle

Depuis longtemps, j’avais envie de me lancer dans des tranches de vie, des parcours de femmes. L'anonymat décliné au « je-tu-elle » qui peut prendre toutes les identités : moi, votre voisine, votre collègue de travail, votre épouse ou tout simplement vous.

Des visages chiffonnés de fatigue, des silhouettes frêles qui cachent des blessures, des sourires qui cachent des zones d’ombre.

Je m’appelle Hélène, Margot ou Clémence, je suis divorcée ou mariée, je suis de peau métissée ou blanche, mon père était alcoolique ou PDG.

Elles se battent pour ne pas reculer ou elles se contentent de vivre au jour le jour. Elles espèrent ou elles ont peur, elles cherchent le réconfort dans les bras d’un amant ou sont des éternelles fleurs bleues.

Autant de femmes qui viendront raconter leurs histoires. Des témoignages, des confessions avec des mots infirmes ou informes, des phrases décousues ou construites, des états d’âme et de l’humour.

jeudi 3 décembre 2009

Marie Sizun "la femme de l'Allemand"













Encore une lecture qui m’a balayée… Je ne sais pas si cette histoire de « la femme de l’allemand » est basée sur du vécu. Peut-être. Ou sûrement parce que pour pouvoir parler de la sorte de son enfance, il faut l’avoir non pas effleuré du bout des doigts mais ressenti. Vous pensez que je fais dans la sensiblerie ou dans la mièvrerie ?

Ma mère était folle. Oui, elle était maniaco-dépressive. Imaginez-vous un instant sortir cette phrase de votre bouche. Que ressentez-vous ? De la honte, de la gêne ? Et maintenant que pouvez-vous lire dans les yeux de vos interlocuteurs ? De la stupeur, de l’incrédulité, de la surprise ou alors vous devinez la question qui leur traverse l’esprit mais qu’ils n’oseront jamais dire tout haut « mais la folie c’est héréditaire, non ?».

Mon père ? Je suis une enfant née d’un amour impossible lors de la seconde guerre mondiale. Nul besoin d’en dire plus, laissez-leur le temps d’accuser le coup.

Et vous ? Comment l’auriez-vous vécu ? Question difficile, voire taboue. Chut, on ne parle pas de ces choses là, c’est trop dur… comme si juste les évoquer à demi-mots pouvait amener le malheur.

Dans ce livre, Marie Sizun le raconte à sa façon si juste, si parfaite. Elle raconte cette différence et comment on grandit avec malgré le reste : les questions, la culpabilité, les doigts accusateurs ou les regards méprisants.

Un livre bouleversant à lire absolument.

dimanche 29 novembre 2009

Erik Orsenna "La chanson de Charles Quint"



Avant de lire ce livre, je me représentais Erik Orsenna comme un justicier moderne de la langue française. Le Zorro du plus que parfait du subjonctif, la grammaire à la boutonnière et laissant signe de son passage, non par le célèbre Z, mais la farandole joyeuse de chou-genou-bijou-hibou-caillou-joujou-pou. Et s’il vous plaît, écrite du bout de son épée.

Dans « la chanson de Charles Quint », on découvre l’homme sans sa panoplie grammaticale. Erik Orsenna met à nu ses sentiments après la mort de sa femme. Un homme partagé entre la douleur, le savoir et la science et qui cherche inlassablement la réponse à la question « où est-elle maintenant? ». Pour pouvoir vivre à nouveau, il lui faut trouver non pas la vérité mais sa vérité.
Entre ses errances et sa quête, on lit, les larmes aux yeux, une de plus belles déclarations d’amour.

Merci Monsieur Orsenna pour ce si beau livre….

lundi 23 novembre 2009

Shalom Auslander - "La lamentation du prépuce"






Décapant !

Un livre où le mot "masturbation" donne lieu à ses scènes tordantes , l'alimentation cachère côtoie sans complexe les Hot-Dod et où les gros mots sifflent.

Je m'excuse auprès des Dieux tout puissants ( ou moins) quel qu’ils soient mais grâce à eux, je me suis musclée les abdos et les zygomatiques.

A offrir pour Noël aux adeptes inconditionnels des génuflexions qui savent apprécier le second degré ...

Richard Zimler "La quête de Sana"




Je parle de ce livre car je l’ai reçu dans le cadre d’un partenariat. Non, ce n’est pas un coup de cœur. Armée de mon courage, et en poussant de long soupirs, j’ai quand même réussi à le finir. Car plus de 350 pages quand on s’ennuie, c’est long, très long, voire interminable…
Heureusement aux alentours de la 280ème page environ, l’auteur a réveillé mon intérêt mais c’était bien trop tard.

Si Richard Zimler m’avait épargné de fioritures ou de descriptions inutiles sur son petit déjeuner ou sur sa vie sentimentale, j’aurais peut-être accroché.

Désolée, mais je ne peux vous parler avec enthousiasme d’un livre que je n’ai pas apprécié…

Alors, je vous mets le résumé de la quatrième de couverture qui pourtant est bien alléchant :

"Février 2000. Richard Zimler, l'auteur du Dernier Kabbaliste de Lisbonne, est en Australie. Il y rencontre une femme qui lui dit combien Le Kabbaliste a compté dans sa vie. Le lendemain, sous les yeux de l'écrivain, elle saute par la fenêtre de sa chambre d'hôtel.

Richard Zimler, bouleversé par ce suicide, décide d'en savoir plus sur cette inconnue, de comprendre ce qui a pu la pousser à ce geste de désespoir.

Ce qu'il va découvrir, c'est d'abord une formidable histoire d'amitié entre Helena, d'origine juive, et Sana, d'origine palestinienne. Nées toutes les deux en 1946 à Haïfa, elles auront connu pendant près d'un demi-siècle, en dépit des déchirements entre leurs deux peuples, une vraie complicité.

Nombreux sont néanmoins les secrets et les zones d'ombre qui entourent leurs existences, et l'enquête de Richard Zimler prendra vite un tournant imprévu qui le mènera dans les coulisses du terrorisme international.

La Quête de Sana est tout à la fois un récit autobiographique surprenant, une vision bouleversante de l'histoire contemporaine et un thriller palpitant. "

jeudi 19 novembre 2009

Un air de chérubin

Souvenez-vous, au mois de septembre, j'avais participé à un concours de nouvelles sur le thème imposé de l'Escalier du Commandant.
Cet escalier du centre de Brest a été détruit lors des bombardements de la seconde guerre mondiale.

Pourquoi l’appelait-on ainsi? Qui était ce Commandant ?
Mon imagination, mes recherches m’ont amené à la fin du 19ème siècle à Brest.

Et, attention … ma nouvelle « Un air de chérubin » a été retenue et elle sera éditée prochainement (promis : pour ceux qui l’achèteront, je ferais une séance exclusive de dédicaces !).
En avant-première, la voici …



Depuis trois jours, un ballet incessant défile devant moi : des redingotes dont les galons brillent de mille feux, des aiguillettes couleur or perchées sur des épaulettes, des têtes serrées dans des coiffes de dentelle et des couvre-chefs tenus à la main. Certains m’observent puis battent en retraite subrepticement ou en me saluant fièrement. D’autres me glissent quelques mots d’une banalité affligeante à peine teintés de regrets. Je devine les inflexions des conversations chuchotées des notables. J’entends les voix des femmes, elles murmurent dans le creux d’une oreille des confidences qui appellent à des discrétions d’église. Seuls les froissements soyeux des jupons, le tintement des fourreaux de sabre contre le ceinturon égaient l’atmosphère aussi lourde qu’une chape de plomb. La plupart d’entre eux arborent un visage impassible, fermé d’où ne suinte aucune compassion, juste du dédain. Leurs regards qui, avant, me montraient du respect et de la courtoisie sont devenus froids et hautains. Heureusement hier, il y a eu un peu de distraction.

Un des négociants en vin de la rue Siam où je me fournissais, Mr Jacques, est arrivé, ventripotent, le souffle court et la chemise sortant de son pantalon. Son teint rubicond virait au mauve. Il avait sorti de sa poche un mouchoir pour essuyer les gouttes de sueur qui dégoulinaient de son crâne dégarni. Quand il s’approcha de moi, il se prit les pieds dans un tapis et il s’en fallu de peu pour qu’il ne tombe. Louis, mon fils aîné qui affiche un air benêt en permanence, le retint par la manche de son paletot avant qu’il ne s’asseye à mes côtés. Le pauvre homme était tellement gêné qu’il s’est relevé aussi vite que possible avant de s’empêtrer dans ses explications :

- Vous savez, mon Commandant, c’est jour de marché aujourd’hui, et avec un temps comme ça…ben, les gens…les gens des environs sont venus nombreux, tellement nombreux que la Grand’Rue était noire de monde ! Et puis, j’ai fait des affaires.

Il avait dû sortir une bouteille de son comptoir pour appâter le chaland et boire un ou deux verres. Son haleine dégageait cette odeur que je connais par cœur. Celle de la liqueur à la fraise que j’avais coutume d’aller siroter au café de l’hôtel du Grand Monarque chaque fin de semaine. Quand Mr Jacques s’aperçut que tout le monde l’écoutait, il se tut. Il me décrocha un clin d’œil et se détourna pour aller présenter ses civilités à mon épouse.

Ensuite, un de ces Lieutenants de Vaisseaux, prétentieux et aux dents longues, a fait son entrée. J’ai deviné un sourire, aux commissures de ses lèvres, à peine esquivé car il avait bien du mal à cacher sa satisfaction de me voir là. Il m’a gratifié d’un salut militaire digne de mon rang mais avec une insolence de jeune loup. Je sais qu’il a pour ambition de prendre ma place de Commandant et d’épouser ma fille Adèle. Ce sera un mariage de raison et d’argent car la nature ne l’a pas gâtée la pauvre fille … Elle a hérité de sa mère cette maigreur et cette sécheresse comme s’il n’existait aucune chair entre ses os et sa peau. Ses yeux ressemblent à deux petites billes perdues sur un visage étiré aux pommettes saillantes. Une union qui alliera deux familles aisées, tel mon mariage avec Louise.

J’avais à peine vingt ans et j’étais tombé follement amoureux de la fille d’un des vitriers de la ville qui arpentait du matin au soir les rues pavées. Quelquefois, elle l’accompagnait et dès que j’entendais son père déclamer son refrain lancinant, j’accourais à la fenêtre de ma chambre pour l’observer. De là, j’avais vue sur le Champ de Bataille où les enfants jouaient tandis que leurs bonnes se racontaient les derniers commérages entendus au marché de la Place Médisance. Je me précipitais en faisant mine de m’intéresser aux gamins qui traînaient et qui chapardaient ce qu’ils pouvaient. Nous n’avons jamais échangé un mot et je crois qu’elle ne s’est pas doutée, une seule fois, de tout cet amour qui me consumait. Pour elle, je ne devais être que l’un de ces fils à papa, orgueilleux et pédant. A l’aube de mes vingt et un ans, toutes les demoiselles de la bonne société m’avaient été présentées. Ne voulant pas me décider, mes parents me choisirent Louise pour épouse puisque son père était sur le point de gagner ses étoiles de Commandant.

Aujourd’hui, en cette fin de matinée, je constate que mon épouse est remarquable dans l’interprétation de son nouveau rôle. Elle ne dégage pas une once de commisération. Assise bien droite, elle ne se lève que pour saluer ou remercier par déférence ceux qui, à ses yeux le méritent : le vice-amiral et quelques épouses des familles les plus riches de Brest. Les autres n’ont le droit qu’à un petit signe sentencieux de la main, un hochement de tête condescendant.

Hier soir, lorsque nous nous sommes retrouvés seuls, elle s’est approchée de moi. Elle est restée là quelques minutes passant ses doigts dans mes cheveux avec une tendresse que je ne lui ai jamais connue en vingt-cinq ans de mariage. Brusquement, elle s’est mise à rire comme prise d’une folie soudaine. Son corps tout entier psalmodiait et ses yeux crachaient de la haine. Elle faisait des allers-retours devant le balcon, et elle se mit à crier:

- Regardez-vous, mon Commandant ! Vous avez belle allure, n’est ce pas ? Pendant toutes ces années, je vous ai supporté, vous et votre arrogance. Mais surtout, j’ai gardé la tête haute lorsque les langues ont commencé à se délier ! Car, oh que oui, je savais ce que vous faisiez tous les soirs une fois votre dîner pris ! Tout Brest le savait et s’en faisait des gorges chaudes. Si vous pensiez que j’étais dupe de votre petit manège, vous vous trompiez, mon ami ! Ah, mon Dieu… qu’ai-je fait pour que vous nous trainiez ainsi dans la fange ? Et la simple idée de penser que maintenant, les fiançailles de notre fils Aristide sont compromises, me rend malade. Vous avez apporté la honte et l’humiliation sur notre famille!

Elle qui d’habitude était peu bavarde à mon égard, avait la langue bien pendue. Des larmes ont coulé sur ses joues alors qu’elle frappait sa poitrine de ses mains empoignées comme pour la prière.Puis, très vite, son apathie coutumière l’avait regagné. Son palabre acrimonieux se poursuivait :

-Voilà, où nous en sommes aujourd’hui à cause de vous ! Oui, par votre faute et seulement par la vôtre ! Après votre café, vous alliez fumer dehors votre cigarette pour ne point nous importuner. C’est bien ce que vous prétextiez, non ? Vous me pensiez donc sotte à ce point ? Une fois, je suis descendue à la Grand’Rue pendant que Marie surveillait les enfants. Je vous ai vu de la rue Siam descendre une par une les marches de cet escalier de fortune où les filles de joies tapinent. Oh oui ! Je vous ai observé… J’ai pu voir de quelle façon obscène vous les regardiez vous dévoiler leurs mollets. Vos yeux brillaient de vice et ces filles riaient tandis que vous vous régaliez de ce spectacle ! Je dois concéder que vous aviez choisi le meilleur emplacement. Tout en bas de ces marches, vous ne pouviez avoir meilleure image de ce que cachent les jupons de ces traînées !

Elle me fixait d’un regard torve et sévère, attendant une réponse de ma part. Que pouvais-je lui répondre ? Que toute la journée, je me languissais d’attendre ce moment de bonheur. Car, oui, c’était mon plaisir de voir ces filles dont les formes laissaient présager des corps fermes et généreux. J’avais la fatuité de connaître leurs courbes. Je frémissais quand un corsage laissait apparaitre un sein, un frisson me parcourait le dos quand elles remontaient leurs bas en me décochant des œillades aguicheuses. Elles m’offraient gratuitement ce que mon épouse n’avait jamais pu et su me donner : l’envie et le désir.

Son timbre de voix était devenu sec et son regard se perdait dans un paysage imaginaire :
-J’ai fermé les yeux car vous êtes un homme. Et, Dieu seul sait combien les hommes sont faibles.

En sa qualité de bigote assidue, j‘étais certain qu’elle allait invoquer ses litanies et les heures passées à prier à l’église St Louis :
-Chaque jour, j’ai imploré notre Seigneur afin qu’il vous remette dans le droit chemin. J’ai fait brûler des cierges pour le salut de votre âme. Mais même pour vos enfants, vous ne vous êtes pas donné la peine de vous libérer de vos accointances dans ce cloaque qu’est la rue Guyon ! Je vais vous apprendre une nouvelle : Marie m’a rapporté que désormais les gens nomment cet endroit l’escalier du Commandant ! Quel déshonneur !

Ah, tout de suite les grands mots ! J’aurais dû lui ordonner d’arrêter sur le champ ses geignardises. Avait-elle oublié que si nous habitions ce bel et vaste hôtel St Pierre, c’était bien en ma qualité de Commandant. Tout Brest nous respectait, nous allions au théâtre et aux endroits où il fallait être vu. A chaque cérémonie, la vanité d’être à mes cotés boursouflait un peu plus la veine de son front. Le dimanche après-midi, par beau temps, nous descendions écouter les concerts militaires donnés au Champ de Bataille. Nous recevions des invités de marque et nous étions conviés bras ouverts chez quiconque appartenant à la bonne société. Elle a pu profiter de mon statut de Commandant et de tous les égards bienveillants.
Qu’elle arrête ses sermons à présent !

-Mais non, il fallait que chaque jour …
-Taisez-vous, mère, il n’est plus l’heure des reproches.
C’était Caroline qui tenait ainsi tête à sa mère. Caroline, ma cadette, ma fille adorée, ma joie de vivre. Je ne pouvais pas l’apercevoir mais je l’imaginais se tenant dans l’embrasure de la porte.

Louise vitupérait :
-Caroline, comment osez-vous me parler de la sorte après ce que votre père nous a infligé ?
Ma fille s’avançait vers moi. Je pouvais enfin voir son doux visage rongé par les cernes mais ses yeux, habituellement pétillants de malice, étaient ternes et rougis d’avoir trop pleuré. La pauvre enfant, mon cœur se serrait à la vue de sa mine décomposée.

Elle s’était allongée à mes côtés. Je retrouvais ma princesse : son odeur de miel, sa peau veloutée comme une pêche. Elle tenait ma main qu’elle a ensuite posée contre sa joue.
-Pauvre papa, vous allez me manquer. Sachez que je n’ai pas honte de vous. Comment le pourrais-je ? Vous qui m’avez appris à contempler l’horizon, à aimer la mer et à apprécier le goût des embruns. Je me souviendrai pour le restant de ma vie de nos promenades Cours Dajot. Vous me répétiez que de tous les pays où vous vous étiez rendus, aucune ville n’égalait Brest. Nous restions là des heures durant jusqu’à ce que la nuit vienne nous déloger. Et, je suis certaine que vous avez eu la mort que vous avez souhaité.
-Taisez-vous Caroline, immédiatement ! Arrêtez cela !

Sa mère s’époumonait mais elle continuait :
-Il avait tellement plu que vous avez glissé du haut des marches. Lorsque votre tête s’est mise à saigner sur le pavé, ces filles ont accouru et vous vous êtes éteint dans leurs bras. Elles m’ont dit que vous souriez et que vous affichiez même un air coquin de chérubin … Vous pouvez reposer en paix mon cher papa.

Mon épouse venait de quitter furieusement la pièce et peu de temps après, Caroline s’était endormie, harassée de fatigue, contre ma main froide.


Les cloches viennent de sonner trois coups. Les croque-morts sont là. Il ne me reste plus qu’à regarder, pour une dernière fois, le plafond de ma chambre avant qu’ils ne ferment mon cercueil.
Je pars l’esprit tranquille et folâtre : Caroline, mon enfant chéri, ne m’a pas répudié et l’escalier de Brest que j’aimais tant porte désormais mon nom….

mercredi 18 novembre 2009

Marguerite DURAS "L'Amant"




Parler de Marguerite Duras, c’est comme vouloir rajouter sa petite touche personnelle à un portait de l’une des grandes figures de la littérature française. Généralement, on l’associe à son œuvre entière, l’auteur se substituant alors à l’ensemble de ses écrits.

Deux possibilités s’offraient à moi : piocher gaiement parmi l’un des nombreux avis existants : modifier un mot ici ou là, une formulation (c'est-à-dire l’art de faire du neuf avec de l’ancien), ou plus simplement de vous dire comment j’ai vécu le livre de façon si intense.

Je l’ai ressenti avec ce ballet, cette danse sans fin de non dits sensuels, ces mots peu nombreux mais si justes, et puis le rythme des phrases. Ce rythme lancinant, entraînant, qui provoque des vertiges ou qui fait tourner la tête. Inconsciemment, on cale sa respiration pour suivre, pour goûter au mieux cette cadence. Cadence des mots, cadence des émois …

Et, tout le génie de Marguerite Duras réside là. Elle arrive par cette jeune fille de quinze ans, à nous faire découvrir, revisiter la volupté, les troubles, le plaisir de la chair et sans jamais tomber dans la vulgarité ou dans le sale.

Magnifique !

lundi 16 novembre 2009

ROSE

Comme tout le monde, Rose n’aime pas aller chez le dentiste. Quel drôle de métier que de passer ses journées à farfouiller dans des bouches ouvertes. Elle se demande d’où peut venir ce sacerdoce à débusquer la carie sous l’épiglotte tremblante.

Elle s’y rend à l’heure précise pour s’épargner le temps interminable de l’attente. Si le bourreau a du retard, le supplice commence pendant ces quelques minutes où tout se fige au bruit de la roulette. Elle retient sa respiration, elle guette un cri de douleur épouvantable qui ne vient pas.

Il vient toujours chercher sa prochaine victime avec un sourire bienveillant. Rose traîne toujours un peu des pieds et arrivée devant l’appareil de torture, manifeste un petit mouvement subreptice de recul. Le dentiste invite sa martyre à y prendre place.

Allongée sur le fauteuil, elle est à ses ordres sans aucune défense possible.
-Ouvrez la bouche, dit la voix sous le masque.

Rose obéit, elle n’a pas le choix. L’aspirateur de salive dans le coin de la bouche, elle observe son tortionnaire, quel instrument va t-il choisir ? Elle déglutit difficilement car elle se sait à sa merci.
-Hum, hum… oui.

Il inspecte chaque recoin de sa bouche béante, tapotant les dents. Un petit clignement de paupières involontaire, et il devine immédiatement que la dent est sensible.

Elle se cramponne au siège et ferme les yeux en attendant que l’aiguille vienne se planter dans la gencive.
-Bon…ce n’est rien. Vous n’aurez qu’à utiliser un dentifrice pour renforcer l’émail. Si jamais vous avez mal dans quelques jours, revenez.

Pour cette fois, elle est sauvée.

Avant de partir, Rose offre un regard débonnaire à la personne assise dans la salle d’attente.
-Merci Docteur, dit-elle poliment.

Puis, d’un ton condescendant en direction du pauvre patient qui s’agite nerveusement sur sa chaise, elle ajoute d’un ton hautain:
-Et dire que certains ont peur du dentiste !

vendredi 13 novembre 2009

Marie Desplechin - Un pas de plus



Marie Desplechin, un nom qui il y a quelques mois m’était totalement inconnu. Si on m’avait posé la question « La connaissez-vous ? » sans me donner plus de renseignements, j’aurais fait mine de réfléchir, moue dubitative de l’intellectuelle qui cherche dans son grand et immense savoir, puis j’aurais émis un :
-Euh… non, je ne vois pas. Désolée.

Dans cette situation indélicate, on peut essayer de grappiller des indices. Et pour la circonstance, afficher un air innocent, benoît: est-ce que c’est une femme politique ? Non. Bon… si elle fait partie des personnes qui font la une ou même la dernière page des magazines people, ce n’est pas la peine d’aller plus loin…. Car je suis archi nulle, incompétente dans ce domaine.

« Un pas de plus », comme dans une danse où les temps sont gais mais énergiques. Je me suis laissée emporter par ses nouvelles où lire cette verve vive, rythmée est un réel plaisir. Du pur bonheur ! Une auteure qui ose parler de sujets sensibles ou d’autres plus légers avec humour et brio.

mardi 10 novembre 2009

Emmanuel CARRERE -"La classe de neige"


Vous vous souviendrez sûrement que la lecture de « D’autres vies que la mienne » avait eu pour effet d’engendrer différentes réaction de ma part. Avec « la classe de neige », je vais vous épargner mes questions métaphysiques.
Je l’ai terminé depuis hier et je suis toujours sous son emprise : sonnée, époustouflée, estomaquée…

Dès que j’ai fait la connaissance de ce p’tit garçon, Nicolas, je n ‘ai plus eu envie de le quitter. Mais, pourquoi une classe de neige peut provoquer de telles peurs, de telles inquiétudes chez un gamin? Comme un mauvais pressentiment, on a la certitude que quelque chose de terrible va se passer : laquelle, et pourquoi ?

Je suis retournée… sidérée par l’histoire et par son rythme, épatée par le style, par cette facilité de l’auteur à nous raconter tout ce qui peut se passer dans la tête d’un enfant.

Une seule certitude : une fois de plus, il va me falloir plusieurs jours pour récupérer.

jeudi 5 novembre 2009

ANNA GAVALDA "L'échappée belle"



L’échappée belle : un cycliste qui se détache du groupe et qui sème les autres coureurs ? Ou alors un cycliste tout simplement heureux, heureux de vivre et d'avaler le bitume sur sa selle.

Sauf que notre homme n’est pas forcément un accro de la petite reine et qu'il n'est pas tout seul. Ils sont quatre en tout, quatre à se faire une échappée belle : Garance, Simon, Lola et Vincent. Une fratrie unie comme les doigts de la main et qui le temps d’un week-end va se retrouver comme avant.

Avec eux, j’ai rigolé, j’ai souri à leurs jeux de mots (façon jespspeekenglishverywell) et à leurs souvenirs d’enfance, d’adolescence qui ont fait ressurgir les miens. Mes cheveux qui sentaient le gel, les tubes interplanétaires de cette époque, les discussions «ouais, quand on sera …» partagées avec la meilleure copine ,l’insouciance, et puis cette envie de grandir mêlée à de l’appréhension.

Un livre est à offrir à votre patron s’il vous voit mettre du stabilo sur vos ongles, à la dame coincée du cinquième qui semble avoir été vieille et sérieuse toute sa vie ou à votre belle-soeur BCBG car au fond vous l'aimez bien.

Un vrai condensé de gaieté pour ne pas oublier la joie de vivre même si l’on est devenu « des grands » avec des responsabilités.

Maintenant, le cœur un peu pincé de nostalgie, j’ai envie de téléphoner à mes sœurs pour trouver et parler encore de ces instants qui datent d’hier. Et puis, je vais montrer la chorégraphie trop, trop top de Bananarama à mes filles.

mercredi 4 novembre 2009

Eric FOTTORINO "L'homme qui m'aimait tout bas"







Je pense qu’écrire sur son père décédé ne doit pas être une chose aisée : faire la part des choses, relater en essayant d’être fidèle à ses souvenirs, être au plus juste dans ses propos. Eric Fottotino ne tombe pas dans le mélodramatique dès qu’il parle de ce mot dur, le suicide, ou tout de qui l’entoure.

Bien sûr dans ce livre, on retrouve le style limpide et fluide d’Eric Fottorino. Les sentiments et les émotions ont une belle part, et je l’ai lu facilement mais ce j’ai retenu c’est le portrait luisant d’un père parfait mis sur un piédestal.

Livre ou exutoire pour l’auteur? Comme pour tenter de se déculpabiliser de n’avoir pas su prêter attention à un signe qui laissait présager les ennuis de son père. Mais quand bien même, il l’aurait remarqué et qu’il l’aurait aidé, est-ce que ça aurait pu changer quelque chose ?
Je n’ai pas la réponse…

dimanche 1 novembre 2009

Lecture "Nouvelles à chute"



Un petit livre qui ne paie pas de mine et qui de surcroit se présente sous la forme d’une des lectures imposées par la prof de français :
-Ce trimestre nous allons étudier tel courant littéraire ou tel auteur, je vous demanderai donc de lire …

La pauvre prof n’avait pas le temps de terminer sa phrase qu’un soupir général, proche du bâillement à se décrocher la mémoire, prenait le relais, montrant ô combien, l’enthousiasme pour les lectures obligatoires. Elle poursuivait son cours pour transmettre son enthousiasme à nous ses élèves qui ressemblions à un croisement douteux d’invertébrés et de concentrés d’hormones acnéiques. Eh oui, pour la bande de futurs bacs scientifiques que nous étions, les cours de français puis de philo n’avaient pas grand intérêt…

A l’annonciation de la phrase fatidique « vous devez lire untel ou tel livre», nous nous avachissions un peu plus en décrétant que ça ne pouvait qu’être nul vu que c’était la prof qui l’avait choisi. Ah, la bêtise de l’adolescence…

« Nouvelles à chutes » aurait pu s’intituler « pépites et trésors » car ces nouvelles sont formidables et superbement écrites. J’ai retrouvé ce que j’aime depuis toujours dans les nouvelles : cet art subtil qui réside à amener le lecteur rapidement dans un lieu, de le plonger dans une tranche de vie puis à l’étonner, à le surprendre par le fin mot de l’histoire. Et pour le lecteur, les différentes possibilités de les aborder, de les lire : se demander, le cœur battant d’impatience, comment sera la chute ou d’attendre sagement pour apprécier d’avantage le final.

Une nouvelle est un bateau sur lequel j’embarque et où je me se laisse guider les yeux fermés par l’auteur. Aux dernières lignes, je souris, je m’amuse de n’avoir pas soupçonné la chute, ou alors je suis complètement estomaquée, sonnée comme le boxeur qui reçoit un dernier crochet et s’écroule sur le ring.

Entassés sous Camus et Sartre, coincés entre Molière et Ionesco, j’ai retrouvé « Bel Ami » et « Une Vie »de Maupassant. Les pages ont bien jaunies depuis la classe troisième ou de seconde mais quel plaisir de les relire avec un œil nouveau.

samedi 31 octobre 2009

LE DEMENAGEMENT DE ROSIE

Et dire que dimanche, je vais enfin le revoir. J’ai hâte, je me sens revivre rien qu’à l’idée d’y penser. C’est que mon fils ne passe plus souvent me voir maintenant. Avant, quand j’habitais encore dans mon ancienne maison, il passait de temps en temps avec Florence, ma belle fille et leur fille Corentine. Mais avec tout son travail, ce n’est facile pour lui de trouver du temps. Et, puis, c’est qu’il a une bonne situation, mon fils !

Il est comme on dit le bras droit de son beau-père à la fabrique, et un jour c’est lui qui sera le directeur. La première fois qu’ils sont venus ici, je voyais bien que mon Bernard serait bien resté encore un peu avec moi mais j’ai entendu Florence lui siffler aux oreilles avec ses grands airs « N’oublie pas que mon père t’attend à la fabrique… On reviendra une autre fois... Pfouu, et puis, regarde ! Oh, non ! Mes nouvelles chaussures vont être toutes tâchées avec cette terre… ». Ils n’avaient même pas emmené la p’tite avec eux…

Pourtant, quand j’étais encore dans ma maison, j’aurais bien aimé que sa mère me la confie de temps en temps.je lui aurais appris à différencier les chants des oiseux, la danse des saisons comme je l’avais fait à son père. Mais Florence veut pour elle la meilleure éducation qu’il existe et moi je ne pouvais rien lui apporter. J’avais été blessé quand elle avait dit « Mais, Bernard, voyons, il est hors de question que cette enfant aille traîner dans une ferme, jouer à même le sol parmi les fientes des poules. Pendant les vacances, elle ira chez mes parents qui mettront à sa disposition ce qu’il y a de mieux». Bernard avait baissé les yeux comme un petit garçon pris en faute. Ma bru est la fille d’un « directeur général » et sa mère est une femme distinguée de la bourgeoisie. Pour sûr, je n’ai pas leurs bonnes manières et je ne parle pas aussi bien qu’eux ! Je me sens toute gênée à côté d’eux… Heureusement, je ne les vois pas souvent. Pour être honnête, je les ai rencontré que pour de grandes occasions : les fiançailles puis le mariage de nos enfants et enfin au baptême de la p’tite. Ca remonte à longtemps car Corentine va sur ses neuf ans. Je pensais qu’ils seraient peut-être venus avec Florence vu que j’ai déménagé mais non.

Heureusement, Simone passe me voir plusieurs fois par semaine quand elle va au marché ou chercher son pain. Simone et moi, on se connaît depuis qu’on est hautes comme trois pommes, on a été élevé ensemble et je l’ai toujours considéré comme une sœur. Ma mère m’a eu tard, à un âge avancé où c’était mal vu d’avoir des enfants. Monsieur le curé répétait que j’étais le déshonneur de mes parents. La pauvre femme ! Elle avait prié toute sa vie pour avoir un enfant et le jour où le miracle se produisit, les mauvaises langues se sont déliées contre elle. Moi ce que je sais, c’est que je n’avais pas demandé à être ici dans ce bas monde. Ma mère avait beau me dire sans arrêt que j’étais un cadeau du bon dieu, je ne l’ai jamais crû. Au contraire, j’ai détesté son Dieu, oh que oui, je lui en voulu d’avoir emporté ma mère quand j’avais à peine huit ans, d’avoir abandonné mon père dans l’alcool et pour finir de m’avoir pris mon mari.

Avec Simone, on ne parle pas de religion sinon on se fâche. Alors, elle me cause un peu de tout de rien : du temps, des anciens voisins, des enfants des autres .Chaque fois, elle m’apporte des fleurs et elle fait même un peu de ménage. Ah, Simone, elle aime la propreté et l’ordre, je me souviens le jour où j’ai aménagé ici, elle rognonnait tout bas pour pas que les autres l’entendent :
-Oh… mais cet arbre là c’est qu’il va perdre ces feuilles, l’automne et ça fera pas propre, faudra balayer…. En plus, dans ce coin, le vent tournoie et dépose toutes les saletés… que de travail !

Même si elle parait bougonne, elle n’est pas méchante bien au contraire. C’était il y tellement longtemps … En ce temps là, Simone habitait encore chez ses parents, pourtant ce n’était pas les prétendants qui lui manquaient. Elle aurait pu se marier avec un gentil gars mais elle disait que les hommes du coin n’étaient que des bons à rien. Paris, elle m’en parlait tout le temps, elle faisait des économies pour pouvoir y partir un jour et s’y installer. Personne d’autre n’avait eu vent de son projet. Et puis, il y a eu ce lundi. J’avais vint-quatre ans et mon petit Bernard venait juste d’avoir un an. Comme tous les lundis, mon mari Jean était parti à la ville. La nuit tombée, il n’était pas encore rentré, puis, je l’ai guetté et attendu en vain. Les gendarmes ont fouillé chaque bosquet, inspecté chaque grange, on ne l’a jamais retrouvé. Pendant deux mois, je le suis rongée les sangs, j’ai prié, j’ai imploré le bon dieu de me le rendre. Oh que oui, la folie m’aurait gagné si Simone ne m’était pas venue en aide :
-T’en fais pas, va, ma Rosie, tu verras ! Je peux travailler comme un homme ... J’te laisserai pas tomber. On va s’en sortir, je te promets.

Et elle l’a fait, elle a sacrifié ses rêves de capitale pour moi et pour Bernard. Elle a passé sa vie à la ferme avec moi partageant les bons et les mauvais moments.

Ah mais, la voilà qui arrive justement, le crissement du gravier sous ses souliers, c’est elle.
-Ah Rosie, il fait un de ces froids de canard ce matin… Oh… Mais ce n’est pas possible ! J’ai nettoyé avant-hier et regarde moi ça, c’est tout sale encore. Moi je te dis, ton fils il aurait pu mettre un peu plus la main au portefeuille pour te trouver un meilleur endroit. Non mais…

Je la laisse rouspéter à son habitude.
-Ton propre fils si ce n’est pas malheureux… et dis-moi depuis combien de temps il n’est pas venu te voir hein ? C’est parce qu’il se laisse marcher dessus par sa femme et sa famille ! C’est une honte voilà ce que j’en dis !

Si on lui tient tête, elle s’énerve et ce n’est pas bon pour son cœur, alors je préfère la laisser dire.

-Je suis certaine que tu dois lui trouver encore des excuses, hein, pas vrai, ma Rosie ? Il n’est pas venu une seule fois ! Onze mois déjà que l’on t’a enterré et pas une visite de sa part!

Elle s’agite, remet en place quelques fleurs puis avec un éclat de malice dans les yeux, elle rajoute :

-Mais, dis-moi, maintenant, tu dois quand même remercier le bon dieu, non ? Parce que si la Toussaint n’existait pas et bien, ton fils il ne viendrait jamais te voir alors qu’il n’habite qu’à cinq kilomètres du cimetière …

Ah je savais bien qu’il ne fallait pas qu’on parle de religion avec Simone….

dimanche 25 octobre 2009

Françoise SAGAN "Des bleus à l'âme"


Françoise Sagan : un nom sulfureux provocateur de bien de remous, d'indignations et de controverses. Toujours, Françoise Sagan et sa réputation de flambeuse, d’oiseau de nuit rongé par l’alcool. Sa vie n’a pas été celle d’une sainte et alors ? Elle a mené sa vie comme au volant d’une voiture de sport, à toute allure, en se fichant bien de l’avis des autres. Une vraie épicurienne attachante et libre.

Dans « des bleus à l’âme », elle nous montre combien elle aimait sa vie et l’écriture. Françoise Sagan, et son ton impertinent, gai qui peut être léger ou tranchant.

Elle reprend deux de ses principaux personnages, les met en scène dans ce Paris clinquant et fêtard. Puis quelques lignes plus tard, elle les abandonne pour parler d’elle, la vraie Françoise Sagan à multiples facettes : mante-religieuse blessée par ses amours, femme de son temps n’ayant pas peur de dénoncer les travers de la France, la femme qui se servait volontiers de sa frange comme une armure ou comme un paravent pour rire. Cerise sur le gâteau, elle est partie à sa façon : une dernière pirouette, un petit diable joueur au fond des prunelles, et en faisant un joli pied de nez.

Dans ce livre, elle s’amuse encore, polissonne bien élevée d’une éternelle jeunesse, jouant avec les mots …. Que du plaisir ! Une lecture que je conseille fortement aux esprits dont les bonnes mœurs sont bridées, carcan et œillères obligent…

mercredi 21 octobre 2009

Joyce Carol OATES "Fille noire, fille blanche"



Amérique, Etat de Pennsylvanie, 1974 : Genna, la fille blanche, va partager sa chambre d’étudiante sur un campus avec Minette, la fille noire. Bien plus que leur couleur de peau, c’est leur éducation, leur histoire qui les sépare. Genna est la fille d’un avocat anti-Nixon, anti-guerre du Vietnam, le mot liberté en porte-drapeau et d’une mère au cerveau embrumé par toutes les drogues des années 60 qu’elle a pu avaler. Un père qui est toujours absent, toujours parti pour une défendre une bonne cause quelconque et une mère hippie, Genna ne peut que devenir que l’amie de Minette comme si c’était l’ordre des choses.

En effet, elles auraient pu devenir les meilleures amies au monde comme Genna le souhaitait. Mais Minette au caractère bien trempé, fille d’un pasteur, ne veut pas de cette amitié qu’elle considère comme de la compassion. Un tempérament fort, une foi profonde et une famille unie : Minette possède ce que Genna n’a pas.

A cause de sa couleur de peau, Minette, la tête haute, va subir des vexations, des humiliations viles et ignobles au grand’ jour ou orchestrées sournoisement. Et, Genna comme obnubilée par ce refus de son amitié, va assister impuissante aux évènements qui se trament en coulisses.

Un roman un peu longuet sur cette Amérique peu glorieuse, celle de la chute de Nixon, du contrôle du libéralisme et du racisme.

mercredi 14 octobre 2009

Philippe DELERM "Quelque chose en lui de Bartleby"


Ce matin, à peine sortie de ma chambre (et donc de mon lit), Marie s’approche vers moi, un sourire malicieux aux lèvres et me dit :
-Maman, j’ai une faveur à te demander.


Tiens, une faveur et non un service. Que voilà un joli mot qui donne envie de répondre par l’affirmative. Non, non… Je connais mes filles : cet air innocent pour quémander, l’expression doucereuse pour m’attendrir. Elles savent user de flagorneries et de subterfuges pour des demandes de dernière minute. Tant que je n’ai pas bu mon café, je ne veux rien entendre alors je ne vais pas me laisser prendre au piège.


-Une faveur ?... Bon, Tu attends que je prenne mon café.
-Mais, je n’ai pas le temps, je pars à l’école… Tu veux ma repasser ma tunique s’il te plaît? Allez, maman…


Nul besoin d’ouvrir la bouche, mes yeux ont parlé pour moi. Pour me rasséréner, je fais un demi-tour : direction ma chambre. Et, je prends « Quelque chose en lui de Bartleby » pour le plaisir de lire une ou deux pages, pour retrouver la beauté des mots. Bartleby ? Une nouvelle méthode de relaxation, de zen attitude ? Non, non.


Bien mieux que toutes les techniques de détente, ce livre est un hymne à la beauté de l’instant présent, à l’alchimie de tous ces moments du quotidien. Avec Arnold, je me suis promenée dans Paris en plein été croquant des scènes de sa vie de tous les jours. D’ineffables suavités qui m’ont apporté cette félicité, ce bien-être sans égal.


Arnold nous plonge avec grâce et délicatesse dans ce plaisir de cueillir, de contempler les petits moments aussi futiles soient-il et d’imaginer.


Arnold qui un jour va créer son blog pour partager tous ses instants. Par n’importe quel blog. Le blog, par définition, que je rêvais de faire. Mais, je ne suis pas Philippe Delerm, hélas,…


Parce qu’écrire avec ce style, cette façon d’apporter de la poésie, de décrire des scènes du quotidien, et bien, le petit scarabée que je suis, aimerait savoir faire comme le grand maître.

vendredi 9 octobre 2009

Martin PAGE "Comment je suis devenu stupide"

page






Décapant, frais, un vrai régal ! « Comment je suis devenu stupide » se lit comme du petit lait et l’humour incisif, décalé de Martin Page est génial ! Un style loin des belles métaphores poétiques ou brodé de fioritures mais qui déborde de punch. A coups de canifs ironiques et tranchants, il décrit notre société de consommation à la façon d’un extra-terrestre qui débarquerait sur terre et observerait notre comportement.

lundi 5 octobre 2009

Emmanuel CARRERE "D'autres vies que la mienne"




Il s’est écoulé plusieurs mois depuis que j’ai lu « D’autres vies que la mienne » d’Emmanuel Carrère. En tournant la dernière page, j’étais restée sur une unique impression : amère et désagréable.

Non sur le fond mais à cause de quelques anecdotes où l’auteur, à mon goût, se mettait en avance dans des contextes inappropriés. Ce fut ma première réaction à chaud.
Or, j’avais trouvé très intéressante sa façon de raconter ces deux drames : il racontait, il narrait comme l’œil une caméra qui filmait ces drames. Car il s’agit de bien de drames : la mort d’un enfant lors du Tsunami et dans un second temps, celle de sa belle-sœur arrachée à son mari et à ses filles par un cancer.

Mais, obnubilée par cette première sensation, n’étais pas passée à côté de tout le reste ? Je crois que si.

Et maintenant, en y repensant, je module mon avis.

Car au début, il décrit avec beaucoup de détachement, d'une façon presque impersonnelle puis au fil des pages, il nous livre ses ressentis, et là, ce n‘est plus l’écrivain mais c’est l’homme qui parle.

Faut-il livrer ses ressentis dès la fin d’un livre ou alors attendre un peu ? Est-ce que certaines lectures demandent un temps de latence, d’un atermoiement où l’on ingère ou alors la perception diffère selon notre propre humeur et notre sensibilité du moment ?

dimanche 4 octobre 2009

Olivier ADAM "Des vents contraires"


Je m’étais faite une promesse: ne pas lire tout ce qu’un auteur pouvait écrire sous peine d’être déçue. Mais, je n’ai pas pu résister…j’ai craqué pour « des vents contraires » d’Olivier Adam.
Véro (pas Véronique de chez Dialogues, mais une autre avec qui on échange sur nos lectures entre autres) m’avait dit qu’il était formidable. Le chant des sirènes on était trop alléchant alors je me suis permise une toute petite entorse à mon serment.

Et je ne le regrette pas pour rien au monde.

Décrire des gens à qui la vie fait un pied de nez, des personnes qui n’ont pas une vie droite, linéaire avec en filigrane « tout est beau, tout est rose », ou d’autres encore dont le bonheur les a oubliés sur le bas côté de la route. Toutes ces situations existent bel et bien. Se lever le matin, coûte que coûte, espérer mieux ou ne plus rien attendre du lendemain, se perdre ou se chercher pour trouver sa place, essayer de vivre avec son passé, son histoire, s’inventer un futur ou vivre au jour le jour….

Oliver Adam sait l’écrire sans jamais tomber dans le mélo ou le pathos. Avec lui, on prend en pleine figure des paquets d’émotion. Des vraies et sincères, des violentes ou des belles, et l’on on tangue au rythme des pages.

« Des vents contraires » m’a secoué. Le combat de ce père de famille qui lutte pour rester debout avec ces deux enfants. Il s’accroche à eux, il essaie de s’en sortir en ayant peur de perdre pied, de ne pas y arriver. Sa femme est partie sans laisser un mot ou une explication. Repartir à zéro, tirer un trait sur tout, revenir dans la ville où il a passé son enfance pour que les enfants aillent mieux. Pourquoi elle nous a fait ça ? Tous les trois cherchent une réponse, s’obstinent, espèrent ou butent sans trouver la réponse. Dans les dernières pages, il nous livre le pourquoi et le comment. Un seul mot : bouleversant.

mercredi 30 septembre 2009

Laura ESQUIVEL "CHOCOLAT AMER"

Un livre succulent sur tous les points de vue. Dès les premières pages, on est plongé dans ce Mexique d’une autre époque avec ses coutumes et ses plats. L’histoire est celle d’une jeune fille qui ne peut pas se marier. Selon la tradition familiale, Tita, la cadette, doit rester s’occuper de sa mère autoritaire, Mama Helena, pour le restant de ses jours.

Mama Helena est la représentation type que l’on peut s’imaginer de ces femmes mexicaines au tempérament de feu et qui dirigeaient tout d’une poigne de fer : ferme et famille. Hors, Tita tombe amoureuse.

Une trame de fond déjà exploitée mais la magie de la littérature latino-américaine opère avec ses descriptions oniriques, son emphase et l’on ne sait plus si on est dans la réalité ou le conte, l’imaginaire.

Bercé par les odeurs et les couleurs, on lit avec régal les recettes que Tita nous confie. Sans qu’elle le veuille, tout ce qui résulte de cet amour : la joie, la peine, l’envie charnelle va s’intégrer dans ses plats. Il en résulte un roman drôle, magique et une envie de cuisiner !

lundi 28 septembre 2009

Sylvain ESTIBAL "Le dernier vol de Lancaster"

Agréablement surprise ! Je m’attendais à un livre un peu ennuyeux, longuet et ce fut l’inverse.

Très vite, on est captivé par le journal de Lancaster, les informations de l’époque (1933) et la part imaginaire du roman. Même si l’on sait qu’il ne survivra pas à son dernier vol, on veut espérer et croire à un miracle. Durant huit longues journées, on souffre à côté de lui, on ressent la soif et on pressent la mort qui arrive. Le désert y est superbement décrit et ce monde de sable apparait comme un monde à part, où rien n’est identique.
Ce livre m’a laissé une impression de sérénité et de paix intérieure : on ne peut que se sentir humble devant le désert…

vendredi 25 septembre 2009

Atiq RAHIMI "SYNGUE SABOUR" ou Pierre de patience

Un livre dont l’action se déroule dans une seule pièce comme dans un huit-clos. Une pièce dénudée qui s’accorde avec le style très épuré de l’auteur. Une écriture sans fioriture qui m’a subjuguée par sa poésie et par les sujets abordés.

On découvre une femme qui soigne son mari muré dans un silence. Ses journées, elle les passe à prier, soigner, prier encore au rythme de la respiration lancinante de cet homme Dans son rôle d’épouse, elle commence à lui parler de choses et d’autres banales. Plus les journées s’égrènent et plus, elle va lui confier tout ce qu’elle n’a jamais pu lui dire.

A l’opposé de l’image de la femme soumise, elle devient rebelle dans ses propos. Elle crie son indignation face à la condition des femmes en Afghanistan ou ailleurs. Elle interpelle Dieu et Allah sur la religion qui pousse les hommes à se combattre entre eux, à se tuer. Les interdits sont levés, elle parle de l’amour, de sexe, de son mariage forcé, de la religion et des lois dictées par les familles.

Au fil des pages, j’ai entendu et écouté ses prières, sa respiration et je me suis laissée transporter. Un livre bouleversant et envoûtant ….

mardi 15 septembre 2009

JUSTE POUR LE PLAISIR

JULIA LEIGH "AILLEURS"

Un livre poignant par le style épuré, par l'histoire...
L'auteur nous immisce dans les secrets mais surtout dans les douleurs profondes de cette famille. Sans utiliser de palabre pour les descriptions ou une ribambelle surabondante de dialogues, Julia Leigh va au plus profond des afflictions.
Dès le début, on se retrouve piégé et on a plus qu'une seule envie : le terminer.Une lecture qui bouleverse et dont on ne sort pas indemne...

lundi 7 septembre 2009

Vincent Delecroix - La chaussure sur le toit

Enfin, un livre de "bonnes" nouvelles, je dis "bonnes "car il n’y en a pas une seule qui se révèle moins goûteuse ou surprenante.
Une fois terminé un livre de nouvelles, il m’arrive quelquefois de garder un arrière goût amer de déception : celle de n’avoir été conquise que par une ou deux, grosso modo.

N’étant pas une passionnée des chiffres, je ne m’amuse pas à calculer des ratios incompréhensibles, du genre le nombre de nouvelles qui se distinguent par rapport au prix du livre. Petite note en passant : je laisse ces calculs à certains professionnels qui savent faire pencher la balance de leur côté avec des pourcentages sortis dont on ne sait où.

Je m’éloigne, je m'égare…
Pour en revenir à notre livre, ce sont dix nouvelles qui m’ont fait vibrer ou rire.

La chaussure sur le toit empêche une petite fille de trouver le sommeil, obsède une vieille dame ou un artiste en quête d'un renouveau d'inspiration. Voilà quelques un des personnages, qui de leur fenêtre, voient, contemplent et s'interrogent sur cette chaussure.

Pourquoi et comment est-elle arrivée là, coincée dans une gouttière sur un toit parisien ?

Les réponses sont dans ces nouvelles écrites avec un style qui fait mouche. Et comme diraient les critiques littéraires « un excellent remède contre la morosité ». En plus, Vincent Delecroix y glisse quelques lignes d’autodérision … un vrai régal !

vendredi 28 août 2009

Marie-Sabine Roger - Les encombrants

J’avais demandé à Véronique de chez Dialogues * des nouvelles grinçantes, ironiques, elle m’a souri en me disant « j’ai ce qu’il vous faut ». Elle est revenue avec « Les encombrants » de Marie-Sabine Roger. « Les encombrants », on pense tout d’abord à des meubles volumineux et bien non, pas du tout, les encombrants désignent les personnes âgées : celles qui se retrouvent en maison de retraite ou bien celles qui tentent encore de convaincre leur famille qu’elles peuvent encore rester chez elles, qu’elles y arrivent, qu’elles se débrouillent.
Certains seront choqués, indignés, révoltés : quand même si ce n’est pas honteux de parler de la sorte des anciens !

Mais, sous ce titre, on découvre des nouvelles où l’amour, l’espoir ont place. D’autres sont teintées d’un cynisme et d’une ironie qui reflètent , hélas, la réalité. Autre point important : des chutes ficelées à merveille et au final, on garde en mémoire ces encombrants très attendrissants…

*non, je n’ai pas d’action chez Dialogues ou un membre de ma famille qui y travaille

mardi 25 août 2009

Philippe CLAUDEL " Le rapport de Brodeck" - "La Petite fille de Monsieur Linh"

Se lancer à lire Philippe Claudel c’est d’abord envisager de passer des heures, des journées entières où l’on se retrouve piégé par l’histoire et l’intrigue. On ne peut pas leur y échapper, elles nous obsèdent, nous hantent. Elles mettent à jour des émotions puis les intensifient, les projettent violemment comme l’écume de la mer déchaînée sur les rochers.

« Le rapport de Brodeck » est admirable et le thème de la guerre, cher à cet écrivain, est omniprésent. La guerre avec ses effrois, ses abominations, et la peur qu’elle engendre. Cette peur qui pousse l’homme, qui l’accule à commettre les actions les plus viles et les plus empreintes de lâcheté. En filigrane, on se pose des questions et l’on pense à ceux qui ont vécu cette période.
Tout le monde est concerné par la guerre : un grand-père ou un arrière grand-oncle lui aussi déporté et qui en est revenu un jour alors que toute la famille avait perdu espoir. Des hommes et des femmes brisés à tout jamais. Certains d’entre eux n’ont pas voulu en parler tellement l’horreur était à son apogée mais ils n’ont jamais pu oublier ce qu’ils avaient vu et subi. Comment oublier ces souffrances physiques, morales et cette humiliation qui fait vomir, qui fait penser que l’on est plus rien, ni personne ? Impossible…

Je voudrais parler aussi d’un autre livre de Philippe Claudel « La Petite fille de Monsieur Linh » qui m’a littéralement secouée. Je me suis prise de tendresse pour ce vieil homme expatrié qui lutte, qui veut vivre pour sa petite fille. Un livre bouleversant de sentiments qui m’a conduite doucement, sans aucune précipitation à découvrir sa vie d’avant et à aimer cet enfant. Il espère pouvoir offrir le meilleur à sa petite fille alors on voudrait, simplement, pouvoir l’aider ce Monsieur Linh...

samedi 22 août 2009

LOUISE

Comme tous les matins, le journal attend Louise près de son bol de café, soigneusement plié et bien mis en évidence à côté de la corbeille à pain. Pour être la première à le lire, elle n’hésite pas à mettre son réveil à sonner à six heures vingt précises.

On la sermonne, on lui dit que ce n’est pas une heure pour se lever, qu’elle devrait rester encore au lit mais Louise rétorque que pour rien, elle ne changera ses habitudes. Après avoir vérifié son chignon pour la énième fois, elle s’assoit sur son lit et attend que les aiguilles de son réveil se décident à avancer. Louise n’aime pas attendre et les dernières minutes semblent toujours durer une éternité.

A six heures cinquante cinq précises, elle sort enfin de sa chambre, ferme la porte à double tour et longe le couloir. Des autres chambres, quelques bruits s’échappent comme des discrétions d’église: un robinet qui coule, une voix qui chantonne ou une toux sèche. Elle prend l’ascenseur pour accéder à la grande pièce. Elle se rend directement à sa table et à sa place. Une odeur de café, le rire gai d’une jeune femme proviennent de la cuisine. Louise soupire et regarde sa montre. Il est déjà sept heures passé ! Pourtant, il est écrit noir sur blanc que le petit déjeuner est servi à partir de sept heures. Ah le personnel n’est plus ce qu’il était, aucun respect des horaires. Et puis ce rire, elle le reconnait. C’est celui de Josiane, une petite serveuse pimbêche qui a toujours les ongles recouverts d’un vernis mauve ou d’un rouge violacé, maquillée et fardée à outrance, des breloques autour des poignets qui tintent à chacun de ses mouvements et qui agressent les oreilles. Au lieu de faire des gorges chaudes au commis de cuisine, elle ferait bien mieux de venir la servir.

Louise se mouche pour que l’on remarque sa présence. Toujours personne, alors d’un air pincé, elle dit « s’il vous plait » d’une voix ferme, autoritaire. Enfin, Josiane arrive avec un thermos rempli de café arborant un grand sourire.
-Bonjour, Mme Tanguy, alors on a bien dormi cette nuit ?

Louise ne répond pas et tend sa tasse sans même la regarder.
-Bon, eh bien, bon appétit et bonne journée, dit Josiane en claquant ses talons.

Quelle petite sotte et quel manque de respect ! Louise avale sa première gorgée du liquide fumant et déplie le journal.
Elle regarde distraitement les titres de la première page : un accident de la route qui a fait deux morts, une femme agressée pour dix euros, des jeunes interpellés dans une affaire de cambriolage. Louise hoche la tête et se dit que les enfants ne sont plus éduqués comme avant. On ne leur apprend plus les bonnes manières, ni comment se tenir, il n’y a qu’à regarder Josiane d’ailleurs ! Attifée de jupes trop courtes, les cheveux toujours épars et teints d’une couleur plus que douteuse.

Elle retourne le journal, jette un coup d’œil rapide sur le bulletin météo et cherche entre les pages consacrées aux sports et aux loisirs, sa rubrique préférée. Elle l’a trouvé, son regard devient plus alerte comme celui d’une pie. Elle lit rapidement les noms qui se succèdent mais s’arrête aux lignes suivantes. Une d’entre elles retient toute son attention « la famille remercie le personnel de la maison de retraite Les lys bleus pour tout leur dévouement… ». Elle la relit pour être sûre, sa main cachectique en tremble de joie. Oui, c’est bien cela, il y a une place de libre à l’autre maison de retraite de la ville! Elle en oublie son café et déchire la page des obsèques du journal qu’elle met dans sa poche.

Les maisons de retraite, c’est comme les bonnes adresses de restaurant ou d’hôtel qu’on s’échange. La seule différence c’est qu’il n’y a pas de place pour tout le monde alors quand quelqu’un y décède c’est une chance. Depuis le temps qu’elle en rêvait, elle ne va pas laisser aux autres pensionnaires cette opportunité. Après tout, ils n’ont qu’à se lever plus tôt…

vendredi 21 août 2009

Marie NIMIER "La Reine du silence"

Un auteur qui ose montrer ses failles et qui dit tout sur ses relations avec son père. C’est rare, très rare qu’un écrivain nous fasse entrer dans les vicissitudes de son intimité. Marie Nimier le fait dans « La Reine du silence ». Un livre bouleversant de pudeur où elle confie ses interrogations, ses doutes sur ce père. Il aurait été facile de mettre en avant un type formidable, le père idéal et d’en faire que des éloges mais non, elle met le doigt là où ça fait mal : des remises en question sur l’amour paternel, et sur soi-même.
Comme dans « les inséparables », elle raconte du réel, son vécu ce qui met en avant Marie Nimier en tant que qu’une personne comme vous et moi. Elle ne se place pas sur un piédestal car elle fait part de ses confidences, de sa vie.

Des mots lus et écrits

Quelques lignes, avant d’entrer dans le vif du sujet...

Du plus loin où je puisse fouiller dans ma mémoire, j’ai toujours aimé lire.

Qu’importe qu’on lise peu ou beaucoup, des auteurs connus ou non, que ça soit chez soi ou dans un bus. La lecture reste avant tout un plaisir où l’on découvre un éventail extraordinaire de ressentis.
Il peut s’agir d'une histoire qui se tisse au fil des pages et qui nous tend la main, ou des nouvelles au contenu grinçant. Quand j’ai tourné la dernière page, je peux être émue, ou souriante et pleine de gaité. Parce que les mots, la narration, le style ont ce pouvoir de donner des émotions incroyables !

Je pourrais aller à la bibliothèque mais à mes yeux, un livre c’est intime : on développe une histoire personnelle car chacun possède ses propres ressentis.

Pourquoi j'écris?
Même si c'est sur un blog, on écrit parce que sinon…on n’arrive plus à vivre, à respirer. J’écris sur tout et sur rien, sur ce qui me mord le cœur ou le ventre. Le départ peut être une conversation entendue dans le bus ou un visage croisé dans la rue.

Tout va très vite, le texte vient de lui-même comme dans un film. L’imaginaire prend le relais ou je transcris ce que j’ai vu avec ma sensibilité. Les mots s’enchaînent quelquefois moqueurs, ironiques ou alors plus graves. Il y a le plaisir de trouver le mot juste, celui qui va former une harmonie ou qui sera une étincelle. A travers mon blog, je cherche à partager mes émotions et mes points de vue. Je considère l’humour, la dérision comme des armes implacables contre la bêtise humaine...

lundi 1 juin 2009

Eric FOTTORINO "Caresse de rouge"

J’ai été à la plage. Assise sur ma serviette de bain, je contemplais la pièce de théâtre immuable qui se jour chaque année avec des acteurs différents. Des familles entières arrivaient et prenaient place méthodiquement selon de rituels bien précis. Monsieur qui se chargeait de du parasol et de porter les sacs les plus lourds ou les plus encombrants, Madame qui appliquait à tout le monde de la crème solaire, les enfants impatients d’aller mettre les pieds à l’eau avec leur casquette ou leur chapeau flambant neuf. Les petits faisaient des châteaux de sable, les personnes plus âgées et silencieuses étaient plongées dans leurs grilles de mots croisés ou leur lecture. Des grappes de jeunes riaient penchés à leur téléphone, les garçons observaient les filles et inversement. Les mamans qui appelaient leurs enfants « Théo n’embête pas ta sœur », « Clémentine ne t’éloigne pas », les gens qui bronzaient, ceux qui se promenaient ou ceux qui marchaient au bord de l’eau à l’endroit où elle lèche les mollets et essaie, par de petits clapotis, d’atteindre les genoux. Les ballons, les maillots bain, les serviettes, le soleil tout ce qu’il faut était bien là.

J’avais amené un livre comme d’habitude d’un auteur qui m’était jusque là inconnu. Jeudi dernier, je disais à la libraire « je veux des lectures qui me donnent une claque, qui m’étourdissent et me donnent le vertige », j’étais bien loin d’imaginer que ce n’était pas une simple gifle que j’allais recevoir en pleine figure. Il était là entre mes mains mais très vite c’est moi qui me suis retrouvée piégée par l’histoire et par la pudeur qui s’en dégageait.

Je n’entendais plus rien des enfants qui riaient, je ne voyais plus le va et vient de gens qui s’installaient ou ceux qui ramassaient leurs affaires. Plus rien n’avait d’importance sauf ce livre, il aurait pu se mettre à pleuvoir, je n’aurais pas bougé. Je lisais et j’étais seule avec Félix qui me racontait sa vie. Au fils des pages, il se dévoilait me confiant ses craintes de devenir papa puis les jours heureux et le drame. En toute simplicité, il se montrait avec ses blessures, ses failles et tout ce temps à combler depuis qu’il avait perdu son fils. L’amour qu’il lui portait se révélait de en plus de plus démesuré, obsessionnel et égoïste.

Quand j’ai fini le livre, j’ai regardé autour de moi pour reprendre contact avec la réalité. J’avais besoin d’entendre les éclats de rires portés par le vent, de voir les gens parler ou somnoler. Une boule dans la gorge, je remplissais rapidement mes poumons d’air pour me sentir bien vivante, il le fallait.
La plage se noircissait de monde et pour une fois j’étais contente d’entendre le bruit celui du sable sous les chaussures, celui des farandoles de prénoms d’enfants et les discussions.

Car à la dernière page, il m’a confié la vérité sur la mort de son fils et j’ai alors reçu un coup de poing d’une violence sans précédent à l’estomac. Une violence furibonde aux relents nauséeux qui m’a assommée…


Oups, et oui, emportée par mon enthousiasme j'ai omis de donner le titre et l'auteur ! Ce roman s'intitule " Caresse de rouge" écrit par Eric Fottorino. La sensibilité d'une femme dans l'écriture d'un homme. Bouleversant de vérité, et de détresse ... La détresse sous tous ses angles : celle qui émeut, celle qui déconcerte ou encore la plus dangereuse celle qui fait perdre pied. Je ne vous en dis pas plus car le dénouement est inattendu, effroyable.
Soyez bien accroché car c'est une lecture dont on ne sort pas indemne...

jeudi 14 mai 2009

DERRIERE LES PORTES

Des portes de maison, des halls d’entrée d’immeuble, des fenêtres ou des baies vitrées. Chacun protège son intimité par des lourds voilages ou des stores opaques pour que le regard du passant ne puisse ni deviner le mobilier, ni la couleur des murs du salon ou tout simplement ce qu’on y fait…

Nathalie est impatiente. On est jeudi et comme tous les jeudis depuis trois mois, son amant va venir la rejoindre à midi. Une fois que son mari est parti au bureau et qu’elle a déposé ses enfants à l’école, elle se dépêche de rentrer chez elle.

Elle allume la radio, elle se fait couler un bain et s’y plonge en pensant combien c’est excitant ces rencontres, ces moments volés à sa vie ordinaire. Elle attend cette journée comme la récompense de la semaine, celle d’avoir bien joué son rôle d’épouse et de maman. Elle frissonne avec délice en repensant à la peur des premières fois. La peur que son mari ait pu se douter de quelque chose, que son infidélité se lise sur son visage ou qu’elle se trahisse par un geste, une remarque. Il avait fallu trouver une excuse pour ne pas être découverte. Prétendre aller à un club quelconque ? Trop risqué. Des visites à des amies ? Elle ne voulait pas les mettre dans la confidence. Pourquoi s’enquiquiner avec des mensonges tordus, après tout. Elle avait averti son entourage que désormais elle s’octroyait le jeudi pour elle. Pour faire ce que bon lui semblait, se reposer, lire, ou se promener et surtout qu’elle ne voulait pas être dérangée sous aucun prétexte. Elle l’avait dit, sans remord ou anxiété, d’une voix dont le timbre reflétait combien elle était sûre d’elle.

Après s’être enduit le corps de crème parfumée, elle s’habille rapidement. Elle rigole en se souvenant que pour le premier rendez-vous, elle avait longuement hésité sur le choix de sa tenue. Par crainte de donner l’impression d’être une femme frivole, facile et habituée à l’adultère.

Tout s’était passé si vite. Ils s’étaient rencontrés trois jours plus tôt à une exposition. Personne n’était disponible pour l’accompagner et elle s’y était rendue seule. Il n’y avait pas grand monde et les peintures lui rappelaient avec nostalgie le temps où elle peignait. Il était arrivé près d’elle et lui avait demandé si elle aimait le travail de l’artiste. Elle avait été troublée par son regard soutenu, flatteur, montrant combien il avait envie d’elle. Ca faisait tellement longtemps qu’on ne l’avait pas regardé de la sorte. Alors, elle lui avait murmuré son adresse en rajoutant« je vous attends jeudi à midi ». En sortant, elle regrettait ce geste un peu fou, irraisonné, qu’est ce qui lui était passé par la tête ?

Ce premier jeudi, à partir de onze heures, elle trépignait sur place, se demandant s’il allait venir ou non, partagée entre la soif de l’inconnu et l’appréhension. Elle avait dû vérifier au moins une vingtaine de fois son maquillage et sa coiffure, puis elle avait inspecté, encore et encore, le lit conjugal, tapotant les oreillers ou décalant légèrement le plaid. L’angoisse la gagnait au fur et à mesure que midi approchait. Plus le temps passait, et plus son estomac se nouait de trac et d’empressement. L’empressement d’y être et que ça se soit enfin fait, qu’on n’en parle plus. Assise sur le canapé, elle se triturait ses doigts s’empêchant de se ronger les ongles en se répétant tous bas « tout ira bien ». Cette phrase, elle se l’était déjà dite, il y a plus de vingt ans alors qu'elle s’était offerte à son premier petit ami. Quand la sonnette avait retenti brièvement, elle avait senti son cœur battre à toute allure, ses jambes qui se dérobaient et elle avait expiré longuement avant d’ouvrir la porte. Il était là, souriant, l’air détendu. Juste un « bonjour » et il l’avait déshabillé, lentement. Elle avait fermé les yeux et s’était laissé faire, s’abandonnant sans aucune retenue dans ses bras. Pas de paroles ou de questions, seulement de l’amour charnel, physique. Puis, il lui avait dit « je reviendrais jeudi à la même heure ». Elle n’avait pas su dire non.

Elle s’était étonnée de voir combien c’était facile de mentir, de tromper son mari avec un inconnu sans avoir mauvaise conscience. Elle y avait pris tellement de plaisir qu’elle ne voyait pas pourquoi elle s’en priverait désormais. Sous les mains et les caresses de son amant, elle se sentait renaître, redevenir une femme désirable, sensuelle. Ses amies enviaient sa mine resplendissante de bonheur, de joie de vivre et son mari la trouvait plus enthousiaste, plus belle encore qu’auparavant. Elle savait qu’un jour tout ça prendrait fin, qu’il ne viendrait plus pour une raison ou pour une autre. C’était un bel homme qui trouverait un jour une autre conquête, une autre femme plus jeune ou plus séduisante. Alors, elle était bien décidée à profiter de tous ces jeudis sans aucune culpabilité. Midi moins dix, on sonne. Elle ouvre la porte avec toujours la même fébrilité….

Il est là juste derrière la porte, tenant à la main une sacoche en cuir vieilli à la main comme d’habitude. Nathalie lui sourit et se dirige vers la chambre. Elle n’entend pas ses pas qui la suivent dans son chemin. Etonnée, elle se retourne. Il n’est plus dans le vestibule mais dans le salon.

-Si tu préfères qu’on le fasse ici, dit-elle en s’approchant de lui.

Son corps entier brûle de désir. Sa sacoche posée sur la table basse, il se tient debout près du canapé. Nathalie s’avance vers lui, son cœur bat très vite comme s’il allait sortir de sa poitrine. Elle se colle contre lui et tendrement, elle commence à passer sa main derrière sa nuque. Elle veut sentir ses doigts se promener dans ses cheveux épais. Elle ferme les yeux, respirant et s’enivrant de son odeur. Elle tend son visage vers le sien, à la recherche de sa bouche charnue. Il détourne la tête et se dégage de son emprise en douceur.

-Qu’est ce qui se passe ? lui demande-t-elle.
-Nathalie, c’est moi… c’est Hugo.
Surprise, elle recule. Son corps s’est brusquement raidi, elle ne comprend pas.

-Non, tais-toi. On ne doit rien connaître l’un de l’autre.
Il ouvre sa sacoche. Nathalie sent une angoisse, un malaise indescriptible s’emparer d’elle.

-Allez, Nathalie, vous allez vous allonger, d’accord ?
- Mais qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?

Il ne répond pas.
C’est pourtant bien lui, son visage, son parfum. Elle ne peut pas se tromper. Sa tête se met à bourdonner, le sang martèle ses tempes. Et si c’était en fait un malade, un détraqué quelconque. Prise de panique, elle se réfugie derrière un fauteuil, elle tremble tant elle a peur. Elle crie de toutes ses forces :
-Sortez de chez moi, tout de suite ! Allez-vous en ou j’appelle la police !
-Allons Nathalie, calmez-vous.

Elle pleure en répétant « partez, laissez –moi ». Il la trouve en position fœtale, et son corps est secoué de spasmes. Il veut l’aider à se relever mais elle se débat et hurle tant qu’elle peut.

-Vous ne me laissez pas le choix, lui dit-il.

Nathalie voit une seringue dans sa main, elle secoue la tête et continue de s’agiter.
Fermement, il la tient. A bout, elle se laisse alors faire. Il remonte la manche de son chemisier et l’aiguille s’enfonce dans sa veine bleutée. Elle regarde la seringue se vider lentement puis le bout de coton qu’il applique.

- Je vais vous conduire dans votre chambre. Vous allez vous reposer.

Nathalie ne dit plus rien, le visage figé, les yeux hagards, elle titube. Il l’aide à faire les quelques mètres qui les séparent de la chambre puis il l’allonge sur le lit.
-Je vais rester auprès de vous le temps que vous vous endormiez. J’appellerai ce soir votre mari…

Il s’éclaircit la voix et poursuit :
-Nathalie, le traitement ne semble pas vous apporter d’amélioration, j’ai bien peur que nous devions vous hospitalisez. Vous comprenez ? C’est pour votre bien. En trois mois, vous auriez dû sortir de ce monde imaginaire que vous vous êtes créé, mais il semble que vous n’arrivez toujours pas à reprendre pied avec la réalité. Je vous ai administré en plus un calmant pour vous détendre.

Les yeux fixés sur un point imaginaire au plafond, Nathalie essaie de mettre de l’ordre dans sa tête mais tout est tellement flou et si bizarre : les rendez-vous du jeudi avec son amant, leurs étreintes passionnelles…Tout cela n’est donc pas réel mais imaginaire. Il a dit qu’il s’appelait Hugo, le même prénom que le psychiatre qui la suit. Un bref instant, son esprit s’éclaircit. Elle se souvient par bribes : ses trous de mémoire, son indifférence soudaine pour son mari et ses enfants, ses journées passées devant la fenêtre à attendre, son incapacité à vivre et cette folie douce qui s’était installée insidieusement. En quelques mois, elle s’était réfugiée dans des histoires, dans un univers bien à elle.

Nathalie se sent fatiguée tout d’un coup.

Il est là, prêt à partir. Elle le voit s’éloigner et avant de tomber dans un sommeil lourd, elle murmure :
-A jeudi, docteur.