mercredi 27 février 2019

Margaret Atwood - Captive


Editeur : 10 - 18 - Date de parution : Octobre 2017 - Traduit de l'anglais (Canada ) par Michèle Albaret-Maatsch - 623 pages prenantes.

En 1873 au Canada, la jeune Grace Marks âgée de seize ans est condamnée à la réclusion à perpétuité pour un double meurtre et échappe de peu à la pendaison. Après un passage en hôpital psychiatrique, elle demeure au pénitencier de Kingston où elle fait figure de prisonnière modèle. Un jeune psychiatre le docteur Jordan s’intéresse à son cas et cherche à percer la vérité. Grace est-elle une coupable manipulatrice ou une pauvre innocente ?

Par le biais des entretiens que le docteur Jordan mène auprès de Grace, on découvre petit à petit sa vie. Avec un père violent porté sur la boisson et une mère décédée lors de leur traversée en bateau depuis l'Irlande, Grace doit travailler comme domestique dans différentes maisons à partir de ses treize ans.  Elle nous inspire de l'intelligence, du discernement mais également pour ma part une forme de naïveté touchante. Et comme le docteur Jordan, on essaie de la cerner.  Avec de nombreuses descriptions, on sent que Margaret Atwood s’est bien documentée sur ce fait réel qui a divisé l’opinion en son temps. Impossible de savoir au final si Grace était coupable ou non et chacun se fera son propre avis.

Drôlement bien mené, ce roman est très troublant car l'auteure entretient donne des points de vue différents et elle entretient habilement les doutes en s'appuyant sur l’approche psychiatrique de cette époque.  Les maîtresses de maison sont croquées avec une pointe d'ironie  et quand Margaret Atwood nous dépeint des séances de spiritisme dont ces dames raffolent, c’est délicieusement piquant.
Un bon gros roman prenant où la psychologie des personnages est fouillée mais dont la fin peut désarçonner. Et maintenant je n’ai qu’une envie : voir la série qui en a été adaptée ( je sais, j'ai au moins un train de retard).

- Un homme raisonnable, que c'est froid, s'écrit-elle et les soupira. Un homme raisonnable, on dirait un banquier quand on entend ça. Puis elle enchaîna.  Grace , il te parle plus qu'à nous toutes réunies. Quel genre d'homme est-il vraiment ?
- Un gentilhomme. 

Le billet d'Hélène

Sur ce blog, mon billet sur Mort en lisière.  Si  comme beaucoup, j'ai lu et énormément aimé  La Servante écarlate (non chroniqué), C'est le coeur qui lâche en dernier m'était tombé des mains.

lundi 25 février 2019

Hyam Zaytoun - Vigile

Éditeur : Le Tripode - Date de parution : Janvier 2019 - 124 belles pages émouvantes.

En pleine nuit, la narratrice entend des bruits étranges. Ce n’est pas une plaisanterie de la part de son compagnon qui est victime d’un infarctus. A partir de là, le quotidien bascule : appeler les secours, effectuer un message cardiaque pendant trente longues minutes interminables le temps que les pompiers arrivent. A l’hôpital, Antoine est opéré et plongé dans un coma artificiel. La narratrice doit parer au plus urgent de la situation pour que quelqu’un s’occupe des enfants et prévenir la famille d’Antoine, ses amis et collègues. Les médecins ne sont pas optimistes et envisagent des séquelles très importantes. Et si le pire venait à se produire ? Comme pour contrer cette question, elle puise dans son amour et dans la bienveillance de ceux qui l'entourent la force nécessaire pour supporter l’attente. Ils se relaient à ses côtés et à ceux d’Antoine, ils sont là pour elle et pour lui pour aujourd’hui comme pour demain quoi qu’il arrive.

Ces  journées avec leurs lots d'épreuves, d'entraide et d'espoir sont relatées sans aucun pathos et avec sobriété. Ce récit autobiographique bouscule, émeut mais jamais le lecteur ne se sent en position de voyeurisme. Avec une économie des mots, Hyam Zaytoun a su mêler poésie et réalité pour parler des peurs, des doutes et de la force de l'amour. 

Dans les yeux de cette femme, l’effort de vérité est empli d’empathie. Et ce respect-là me donne des forces. Ces mots que je lui dis : 
 - Je sais que je serai capable de m’en occuper, même s’il est handicapé, même s’il n’est plus le même. J’en suis capable. Pourvu qu’il sache qui je suis, qui nous sommes. 
C’est étrange de dire cela, mais c’est ma façon à moi de lui demander de se battre pour ta vie. De ne pas te lâcher. Et je lui plante cela dans le cerveau comme elle a planté le peu d’espoir dans le mien. Ce n’est pas un combat, c’est une estimation des forces.

Plein d'avis enthousiastes sur Bibliosurf

mercredi 20 février 2019

Dana Spiotta - Les Innocents & les Autres

Éditeur : Actes Sud- Date de parution : Février 2019 - Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson - 354 pages ébouriffantes ! 

Meadow et Carrie sont amies depuis l’adolescence et le cinéma est leur passion commune. Toutes les deux veulent en faire leur métier. Meadow s’attache à faire transparaître la vérité dans la réalisation, elle est pointilleuse, soucieuse du son et de mille petits détails.  Sa carrière prend son envol tout comme celle de Carrie plus conventionnelle dans ses choix personnels et professionnels.

Tout en alternant  des allers-retours dans le temps, ce roman met en scène également un troisième personnage féminin Jelly qui a pour spécialité de téléphoner à des inconnus et de les rendre addictifs à ses appels. Après un départ exigeant, le charme opère suscitant chez le  lecteur un mélange de curiosité, d'alchimie troublante avec cette manière habile qu’à l’auteure à de nous intéresser à des aspects techniques et à nous les rendre complètement accessibles. Que ce soit les échanges savoureux entre Carrie et Meadow (même si l’on n’a pas une culture cinématographique étendue), le cheminement  de cette dernière et l'exploration du pouvoir de la voix, l'ensemble est totalement ébouriffant.

Sans jamais être indigeste, ce roman nous interroge finement sur le processus de la création, les buts recherchés,  la fascination mais aussi la tromperie. Et l'auteure nous entraîne sur le terrain de l'amitié et des relations ambigües. Avec des références cinématographiques et notamment des passages empruntés au script,  Dana Spiotta nous garde complètement captifs aux histoires qu’elle déroule. C'est pertinent et brillant,  un roman qui offre au lecteur la sensation d'avoir vécu une expérience à part !  

Un film est une idée sur le monde. C’était ainsi que Meadow le considérait mais elle était également consciente que les gens savent des choses et que les images ont le pouvoir de surpasser tout le savoir qu’ils détiennent. Le cinéma vérité est trompeur en ce sens. Il est en mesure de dire une chose tout en vous montrant une autre, entièrement différente. Et vous pouvez être sûr qu’en sortant de là, vous partirez en croyant à ce que vous avez vu.

Je conclurai avec ce que Meadow m'a dit un jour sur le fait d'être artiste. C'est en partie une escroquerie. Et en partie de la magie. Mais pour faire quoi que ce soit, il faut être un glaneur. Qu'est-ce qu'un glaneurs? Et bien, c'est un mot élégant qui signifie voleur, sauf que vous prenez ce dont personne ne veut. Non pas simplement les idées ou les choses sortant de l'ordinaire. Vous farfouillez dans la vie courante afin de découvrir ce que tous les autres négligent, ou ignorent, ou jettent.

Le billet de Cuné

lundi 18 février 2019

Gilles Leroy - Le Diable emporte le fils rebelle

Éditeur : Mercure de France - Date de parution : Janvier 2019 - 144 pages et un avis très mitigé.

Une femme nourrit un feu. Elle y brûle les affaires de son fils aîné. Lorraine a mis a la porte Adam âgé de quatorze ans pour selon elle protéger ses autres enfants "protéger les plus jeunes était mon devoir de mère".

Une phase qui revient comme un mantra dans ce roman où Gille Leroy nous immerge dans les pensées de Lorraine et ce qui l’a conduit à cet acte. Lorraine et sa vie de guingois : enceinte à dix-sept ans, rejetée par les siens et placée en pension chez les catholiques. Puis trois autres enfants, le travail à l’usine  et l’emploi qui se fait la malle. Le chômage et les petits boulots pour son mari, la drogue pour Lorraine, et le couple vivote avec leurs enfants entassés dans un mobil-home. S'ajoute le regard des autres et plus particulièrement celui des services sociaux comme si elle ne pouvait être qu'une mauvaise mère.
Adam qu'elle surnomme l'escroc, le fils préféré de son mari  est arrogant et violent envers elle. Un adolescent déjà connu de la justice que ses belles-sœurs accusent d’être homosexuel. C’en est trop pour Lorraine, la trentaine épuisée,  qui puise dans sa foi et la religion le courage de rester debout. La pauvreté peut-être mais elle ne veut pas la honte.

Si l’auteur a su retranscrire un milieu familial et social tout en dépeignant l’ambiguïté assez complexe de Lorraine, ce roman verse de trop dans les excès. Et malheureusement l'ensemble perd en crédibilité comme si l'auteur en voulant planter un décor avait au final raté le coche.

On croit qu'on vient d'inventer l'amour et que des très belle choses s'ensuivront forcément. Ça semble aller de soi. Croire que les choses vont arriver suffit parfois à faire diversion, à oublier que rien ne bouge.

L'avis positif de Jostein

Lu et aimé de cet auteur : Alabama song - Le monde selon Billy Boy - Zola Jackson

mercredi 13 février 2019

Arnaldur Indridason - Ce que savait la nuit


Editeur : Métailié - Traduit de l'islandais par Eric Boury - Date de parution : Février 2019 - 320 pages efficaces.

L’Islande et ses glaciers attirent nombre de nouveaux visiteurs. Et justement lors d’une excursion, des touristes découvrent le cadavre d’un homme sur le glacier de Langjökull. Un homme disparu depuis trente ans et à l’époque, Konrad officier de police s’était occupé de l’affaire. Les soupçons s’étaient orientés vers l’ancien associé de l’homme mais ce dernier a toujours nié son implication. Et bien que désormais mourant, il clame toujours son innocence.

Alors qu’il a pris sa retraite, la curiosité de Konrad est piquée à vif. Et s’ils étaient passés à côté d’un élément? Et si Hjaltalin disait la vérité? Impossible de le savoir car il est emporté par la maladie. La découverte du cadavre sur le glacier fait la une des journaux et une femme contacte Konrad. Son frère aurait été renversé intentionnellement  par une voiture car il avait des informations pour la police.
Konrad commence officieusement à se replonger dans l’enquête et ce sont des pans de sa vie qui remontent à la surface. Le décès non élucidé de son père qui n’était pas un enfant de chœur, son couple avec Erna et sa solitude actuelle. Ce personnage en proie avec ses remords  doit affronter le passé mais aussi l’accepter tandis que de nouveaux éléments apparaissent dans l’enquête. L'occasion pour Arnaldur Indridason de nous dépeindre sans concession les difficultés sociales et économiques de l’Islande mais aussi de nous plonger dans l'enfance trouble de Konrad.

Un polar efficace où l’auteur ne nous oppresse pas et où comme toujours la dimension humaine est importante. Seul regret de taille, je m’étais prise d’affection pour Erlendur (comme beaucoup de lectrices du club officieux des Erlendurettes) et il me faudra plusieurs enquêtes pour m’attacher à Konrad (plus froid aux premiers abords).

Le billet d'Electra

Lu de cet auteur : La muraille de lave - Le duel - Le lagon noir -  Les nuits de Reykjavik

lundi 11 février 2019

J. M. Erre - Qui a tué l'homme-homard ?

Éditeur : Buchet-Chastel - Date de parution : Février 2019 - 368 pages anti-morosité ! 

A Margoujol, un petit village tranquille de Lozère, un homme vient d’être retrouvé assassiné et son cadavre a été découpé en plusieurs morceaux. Les habitants sont en émoi même si le défunt n’était pas apprécié. Lui et d’autres membres d’un cirque tous pourvus d’étrangetés diverses physiques se sont installés dans cette localité il y a fort longtemps (le directeur du cirque ayant été assassiné lui aussi). Pour Lucie, la fille du maire, c’est l’occasion de pimenter un peu sa vie. Gravement handicapée et clouée dans un fauteuil, elle communique grâce à son seul doigt valide et un ordinateur . Quand deux gendarmes sont dépêchés sur place pour élucider l’affaire, elle les assiste.

Narré par Lucie qui manie férocement l’autodérision et le cynisme aigu, ce roman dézingue les préjugés et pousse le lecteur dans ses retranchements concernant le handicap ( il fallait oser) et le politiquement correct. Tout s’enchaîne à toute vitesse d’autant plus que de nouveaux meurtres ont lieu. J. M. Erre joue une fois de plus avec les codes du polar, il décrypte  pour nous les recettes à succès de cette littérature, parodie l’information et nous amène à des réflexions avec un regard sans aucun tabou sur la différence (vous êtes prévenus).
On retrouve l’humour décliné à la sauce J. M. Erre avec des situations complètement loufoques ou absurdes. Une fois de plus, j'ai souri, j'ai ri et mon petit coeur s'est également serré.
Une lecture anti-morosité assurée ! 

Toujours réjouissant de voir les gens faire comme si tout était normal alors que leur visage exprime le contraire. Personne n’ose jamais me dire "Vous parlez ? C’est incroyable !" ou "Vous comprenez ce qu’on dit ?" ou encore "Alors vous n’êtes pas vraiment un légume ?" Ca ne se fait pas de parler à une handicapée de son handicap, au cas où elle ne serait pas au courant de son état.

Le billet de  Cath
Lu de cet auteur : La fin du monde a du retard - Le grand n'importe quoi - Le mystère Sherlock -Made in China - Série Z

Badge Lecteur professionnel

vendredi 8 février 2019

Véronique Ovaldé - Personne n'a peur des gens qui sourient

Editeur : Flammarion - Date de parution : Février 2019 - 260 pages et un régal! 

Un jour de juin, Gloria embarque ses deux filles  Stella et Loulou direction l’Alsace avec en point d'ancrage la maison de sa grand-mère  dans la forêt de Kayserheim. Toutes les trois quittent le soleil de la Côte d’Azur et cela va sans dire que Stella l’aînée âgée de seize ans n’est pas très enchantée de cette parenthèse présentée comme des vacances par sa mère.  Car Gloria n'a nullement prévu de revenir.

Est-ce que Gloria fuit quelque chose ou quelqu’un ? C’est la question que l’on se pose et évidemment Véronique Ovaldé ne va pas nous donner la réponse ou les réponses d’emblée. On prend d’abord le temps de faire plus ample connaissance avec Gloria et de son entourage familial. Suite au décès de son père qui l'a élevée jusqu'à l'adolescence, Gloria a pu compter sur tonton Gio un brin paranoïaque  Cet associé et ami de son père l’ayant prise sous son aile, elle  travaille comme serveuse  dans son établissement, un café au nom de La Traînée (ça ne s’invente pas). Et Gloria, jeune fille à l'aube de sa majorité, y rencontre l’amour avec un grand A, le futur père de ses filles en la personne de Samuel un garçon vivant de petits trafics et décédé depuis. Le bonheur se révèle parfait en apparence ou selon toute vraisemblance.  Car peu à peu et très habilement, Véronique Ovaldé instaure de légers flottements, sème le doute et l'entretient d'autant plus que Gloria est délicieusement excessive et attachante. Pour savoir de quoi il s'agit, il faudra le lire car je n'en dis pas plus...

Vif et entraînant avec ses descriptions très justes concernant notamment les figures maternelles et ses mille petits détails qui ont mouche,  ce roman prend un tournant plus sombre avec une réelle tension très bien distillée. L'atmosphère nous harponne, l'écriture de Véronique Ovaldé nous charme avec ses exquises incartades et sa fantaisie.  Elle joue avec le lecteur pour le plus grand de nos plaisirs et on mord à l'hameçon, un régal !

Si elle ne s’aimait pas beaucoup, elle se préférait encore aux autres. Ce qui est une possibilité qui vous sépare de manière certaine de vos contemporains. 

C’est donc l’heure idéale pour parler de Samuel, l’heure argentée, murmurante, confessionnelle, l’heure sentimentale pendant la nuit puisque nous sommes des animaux si emplis de désarroi et si tendres.

Les billets de Cuné, TLivres

Lu de cette auteure : Des vies d'oiseaux - La grâce des brigands - Soyez impudents les enfants

mercredi 6 février 2019

Joseph Ponthus - A la ligne / Feuillets d'usine


Editeur : La Table Ronde - Date de parution : janvier 2019 - 293 pages et un coup de cœur !

Il a fait des études et il a rejoint celle qui l’aimait en Bretagne. Avant il travaillait dans le social. Avant car désormais faute d'emploi dans son secteur et pour gagner de l’argent,  il est intérimaire en usine agroalimentaire. Travail précaire de quelques semaines ou plus, la fatigue du corps  qui devient "un atlas de troubles musculo-squelettiques", les horaires décalés, le travail répétitif de celui d’ouvrier. Crevettes puis bulots sur les chaînes de production. Trier, devoir tenir le rythme encore plus vite, subir le bruit et le tonnage imposé, continuer, serrer les dents,  attendre les pauses café-clope minutées. La mission qui se termine, recevoir juste un "au revoir" et commencer dans une autre usine plus précisément un abattoir : pousser des carcasses sur des rails, nettoyer le sang et les viscères. Etre flexible, jongler avec les horaires pour le co-voiturage, accepter les heures supplémentaires sans avoir trop le choix et supporter quelquefois les petites remarques.
Compter, décompter le temps avant de pouvoir rentrer chez soi exténué, vidé.

L’esprit vagabonde, pioche dans la littérature, la poésie ou la chanson tandis que le corps exécute inlassablement les mêmes gestes. Ce quotidien de tant de personnes est magistralement écrit par Joseph Ponthus qui l'a vécu. Un enchaînement de strophes sans ponctuation où les renvois à la ligne soulignent la justesse des mots, la dureté de ce travail, le souffle de la vie malgré tout. Un hymne scandé sans oublier la solidarité entre collègues, l’amour qu’il porte à sa femme, des moments fugaces de bonheur simple passés hors de l’usine et aussi des pointes d’humour comme pour conjurer et éloigner l'emprise de l'usine.

Un magnifique hommage à tous celles et tous ceux dont c’est la vie, les intérimaires des usines, ces personnes trop souvent oubliées et non considérées.
Cet OVNI littéraire est un uppercut par sa puissance, sa singularité et sa beauté douloureuse. Il se lit, se relit et laisse une empreinte durable dans le cœur et dans l’esprit.
Un coup de cœur entier et total ! 

Mais 
A peine rentré
Ivre de fatigue et des quelques verres du retour du
boulot
Tout s'oublie

Devant l'étendu du quotidien
il n' y a plus que l'ivresse du repos
Et des tâches à faire

Un texte 
C'est deux heures
Deux  heures volées au repos au repas à la douche
et à la balade du chien

J'ai tant écrit dans ma tête puis oublié
des phrases parfaites qui figuraient
Qui étaient mon travail

J'ai écrit et volé  deux heures à mon quotidien et à
mon ménage
Des heures à l'usine
Des textes et des heures
Comme autant de baisers voles
Comme autant de bonheur

Et tout ces textes que je n'ai pas écrits

Le billet de Cath qui me connaissant bien savait que ce livre résonnerait en moi.

lundi 4 février 2019

David Zukerman - San Perdido

Editeur : Calmann-Lévy -  Date de parution : janvier 219 - 450 pages menées tambour battant!

Au Panama dans le bidonville de la petite ville de San Perdido, chacun se débrouille comme il peut. Et en cette année 1946, ses habitants découvrent un gamin de dix ans meut aux mains très larges doté d’une force incroyable. Une vieille femme, Félicia, se préoccupe de cet enfant aux yeux clairs et à la peau foncée.  Surnommé La Langosta, Yerbo récupère des métaux à la décharge pour gagner un peu d’argent.

Dans ce pays gangréné par la corruption, la misère côtoie l’opulence de quelques-uns. Les inégalités sont flagrantes : les politiciens agissent pour leurs intérêts personnels, les plus belles filles vendent leur corps aux hommes riches et puissants. Devenu un homme, Yerbo rend la justice à sa manière  pour défendre les plus faibles et les femmes à la merci des hommes.
Les tromperies, les trafics, les abus de pouvoir et la jalousie  jalonnent ce livre avec de nombreuses péripéties drôlement bien menées sans pour autant que l’on s’y perde. On est littéralement happé par l’écriture qui fait appel à tous les sens et par l'ambiance très vive.

S'inspirant des éléments du conte qui forgent les légendes, d'une part bien dosée de mystère et de romanesque,  l'histoire du Panama n'est pas en reste. Ce roman foisonnant et coloré à l’image de la couverture est sensuel et généreux avec des personnages bien campés et d'une réelle densité.
Un premier roman mené tambour battant dans lequel David Zukerman se révèle un très bon conteur. Que demander de plus ? 

Elle ne lui demande jamais rien, car il devine tout. C'est cela aussi qui inquiète Félicia. Il pressent les choses. Elle ne saurait dire exactement. Avec cet enfant tout est différent. Lorsqu'il est là, ni les cormorans ni les chiens ne rôdent sur la décharge. Elle l'a constaté maintes fois. Elle a vu des nuées d'oiseaux s'envoler juste avant qu'il ne revienne. 

Les billets enthousiastes de Joëlle, Nicole et Mimi

vendredi 1 février 2019

Franck Bouysse - Né d'aucune femme

Éditeur : Manufacture de livres - Date de parution : janvier 2019 - 416 pages qui remuent

Une infirmière demande au père Gabriel de venir bénir à l‘asile une femme décédée et surtout de récupérer les carnets cachés sous la robe de défunte. Ceux-ci ont été écrits par Rose et ils relatent son histoire.

Fin du XIX siècle, Rose âgée de 14 ans, aînée d’une fratrie de quatre filles, est vendue par son père au maître des forges contre un peu d’argent. Ce dernier pense ainsi contrer un peu la misère. Rose devient la domestique du maître et de sa vieille mère sèche et autoritaire. Elle subit la violence et les abus sexuels sans aucune échappatoire.
Vous l’aurez compris, c’est noir et certains passages sont particulièrement terribles (vous êtes prévenus) mai l'auteur ne joue pas sur la corde du sordide. Dans ce roman choral, il se glisse  dans la peau de Rose et d’autres personnages. Rose dont la personnalité nous touche et force l’admiration, son père rongé par les remords mais aussi Edmond englué dans ses souvenirs et paralysé par la peur, le père Gabriel.  Et la voix de Rose bouleversante par sa sincérité, par sa souffrance désarmante mais aussi par son courage s’élève de ces carnets. Avec une économie de mots, la puissance de l’écriture colle au plus près des personnages et les rend incroyablement vivants de quoi balayer quelques petits bémols (une première partie très prévisible et une certaine « facilité » dans le dénouement).

Alors oui, c'est poignant et ça secoue. L’inhumanité et le destin tragique de Rose parce que née pauvre et de sexe féminin ne peut que bouleverser. Tout en explorant  les âmes de ses personnages, Franck Bouysse a donné à ce livre un souffle romanesque incontestable.

Inspirer la pitié à quelqu'un, c'est faire naître une souffrance pas vécue dans un cœur pas préparée à la recevoir, mais qui voudrait pourtant en prendre une part, sans en être vraiment capable. La pitié, c'est le pire des sentiments qu'on peut inspirer aux autres. La pitié, c'est la défaite du cœur.

Les billets d'Alex, Miscellanées

Lu de cet auteur : Grossir le ciel - Plateau