mercredi 31 octobre 2012

Hannelore Cayre - Comme au cinéma


Éditeur : Métailié - Date de parution : octobre 2012 - 195 pages jubilatoires qui se dévorent !

A Chaumont , le procès en appel d’Abdelkader Fournier va se dérouler sous la houlette du juge Anquetin surnommé la boucher de la Haute-Marne. A quelques kilomètres, la ville de Colombey-les Deux-Eglises est en émoi. Etienne Marsant a accepté de présider le festival de cinéma qui doit s’y tenir. Acteur de cinéma populaire, il a fait battre en chamade  le cœur de nombreuses femmes, su conquérir son public pour ses rôles. Bref, un mythe du cinéma français exilé en Suisse petit paradis fiscal où il s’ennuie surveillé de près par sa femme. Il loge au même hôtel qu’un couple d’avocats défenseurs  du jeune braqueur de banques.

Si Etienne Marsant se rend à ce  festival de cinéma régional à  la notoriété locale (et  encore), il s’agit d’une fuite.   Sa santé l’empêche désormais de jouer, de boire et de manger  autre chose que du diététique.  Ses beaux  jours sont derrière lui mais sa notoriété est bien vivante  pour ceux et celles qui ont plus de trente ans. Et Maître Jean Bloyé comme son épouse Anne  connaît certains de ses films. Grands avocats, lui et sa femme  ont la  réputation d’obtenir des verdicts inimaginables, un couple rôdé aux effets de manche, de style où chacun joue son rôle. Mais Jean Bloyé est las, fatigué de ce travail et veut arrêter une bonne fois  pour toutes. Il attend juste le moment où la vidéo d’un ado pré-pubère poussant quelques notes aiguës sera  téléchargée  un milliard de fois pour quitter sa robe d’avocat. Le juge fier comme un coq et  raciste ( un de ses nombreux traits de caractère) se réjouit à l’avance d’envoyer pour très, très longtemps Abdelkader Fournier  en prison. A vingt-deux ans, le jeune homme  un peu mou (et que l’on a envie de remuer  de temps en temps) a braqué plusieurs banques pour faire la fête. Un jeune braqueur toujours poli, d’origine française mais ni son âge ni son nom  ne le servent face au juge Anguetin. Et comme tout est possible comme au cinéma (et en respectant les articles de loi), Etienne Marsant est à la barre pour  défendre Abdelkader Fournier.  

J’ai souri, j’ai eu une forme d’empathie pour Jean Bloyé,  j’ai eu envie de dire ses quatre vérités à son épouse et tout ce que je pensais  au juge  mais surtout j’ai beaucoup rigolé ! Chaque personnage m’a inspirée différentes émotions même les personnages secondaires.  Même si quelquefois les clichés sont évités  de justesse, ce roman hautement jubilatoire est bien plus profond qu’il n’y paraît aux premiers abords. Sans assommer le lecteur de termes légaux, Hannelore Cayre parvient à faire réagir le lecteur sur des thèmes actuels. Et elle n'a pas froid aux yeux avec une liberté de ton directe et franche que j'aime beaucoup !

Une fois, elle s'était livrée à cet exercice à haute voix devant son mari. Il s'était moqué de ce qu'il nomma son gentil délire bourgeois typiquement 80 et avait balayé ses souvenirs d'un odieux " il y a des gens qui  ont une araignée au plafond, toi, c'est une boule de disco". Qu'est ce qu'il pouvait être méchant parfois.

Merci à Babelio  et à  l'éditeur pour ce livre.

Le billet d'Yv (conquis!)
 

mardi 30 octobre 2012

Tom Drury - La contrée immobile


Éditeur : Éditeur : Cambourakis - Date de parution : - 173 pages qui m'ont laissée plus que perplexe...

Après ses études de sciences à la Fac,  Pierre au lieu de chercher un travail dans son domaine travaille comme simple barman à Shale la ville qui l’a vu grandir. Sans réelle motivation pour quoi que ce soit, il vit sans se poser de questions. Une promenade sur un lac gelé tourne mal pour lui mais lui permet de faire connaissance de Stella Rosmarin dont il tombe amoureux.   Durant ses vacances, il part en stop rendre visite  à la seule famille qui lui reste. Son retour s'effectue toujours en levant du pouce mais se termine avec un gros sac de billets pas forcément très propre. Pierre devient une cible pour de nombreuses personnes.

Ce livre m’a laissée sur le bas côté de la route. Mêlant absurde, personnages décalés (jusque là ça va) mais également du fantastique. Et le mélange des trois s’est avéré  fatal.  Je n’ai  pas trouvé l’humour annoncé ou plutôt il doit exister et je n’y suis pas sensible.  Un livre trop court à mon goût pour que je puisse comprendre toute sa subtilité.  J’ai passé du temps ( trop de temps)  à revenir des pages en  arrière, à me questionner, à relire des passage pour essayer de  comprendre ce qui m’avait échappé. Je l’ai secoué en vain espérant que quelque chose comme un mode d’emploi soit  caché à l’intérieur, mais non, rien. 
Des critiques élogieuses  de la part de Paula  Fox ou de Jonathan Franzen, je ne m'en fais pas pour ce livre qui trouvera certainement son public même si  je n'en fais pas partie.


lundi 29 octobre 2012

Michela Murgia - Accabadora


Éditeur : Points - Date de parution : Août 2012 - 182 pages et une très, très belle lecture !

Fillus de anima.
C'est ainsi, qu’on appelle les enfants doublement engendrés, de la pauvreté d'une femme et de la stérilité d'une autre. De ce second accouchement était née Maria Listru, fruit tardif de l'âme de Bonaria Urrai. 

Premières phrases de ce roman  qui laissent échapper un parfum  de poésie. Les années cinquante, Soreni, village ancré dans la terre de Sardaigne où les habitants sont attachés aux traditions, à certaines coutumes accomplies depuis toujours. Des rites inscrits dans le mode de vie.  Ainsi quand la mère de Maria donne ou échange sa cadette  de six ans à Tzia Bonaria Urrai, Maria devient " Fill'e anima".  La fillette obéit et quitte un foyer sans  argent  pour s’installer chez Tzia Bonaria.  Femme âgée, toujours vêtue de noir et officiellement couturière,  drapée dans un veuvage avant même un mariage et un ventre qui n’aura jamais  porté d’enfant. Elle se charge d’élever Maria, lui ouvre l’accès à l’instruction par l’école. Une nuit, Maria surprend Tzia Bonaria partir et s’absenter de longues heures. A sa question,  Maria n'aura  pas de réponse.  Maria est heureuse chez Tzia Bonaria et si les mots mère ou  fille ne sont pas prononcés, une relation très forte les unit. Lors de certaines occasions, Maria voit sa mère naturelle et ses sœurs mais son son amour va à  Tzia Bonaria.
Un jeune homme amputé d'une jambe  demande de l’aide à l’Abaccadora,  Tzia Bonaria poursuit ses mystérieuses sorties nocturnes... Je n'en dis dirai pas plus sur cette histoire, ni qui est vraiment l'Abaccadora et son rôle.

Un livre lu en apnée, ferrée par le talent de conteuse de Michela Murgia qui nous entraîne  dans une Sardaigne proche de celle de Milena Agus où  les coutumes rythment la vie.
Les relations entre Maria, sa mère naturelle et Tzia Bonaria qui a le droit de douter de sa place affective dans ce triangle sont décrites avec beaucoup de pudeur et en finesse. Ajoutez-y la transmission sous toute ses facettes, une écriture empreinte de poésie et d’une délicate richesse… que demander de plus pour passer un très, très bon moment ?

Beaucoup de billets et d'avis sur Babelio.






vendredi 26 octobre 2012

Tim Winton - Respire


Éditeur : Rivages - Date de parution : Septembre 2012 - 303 pages hypnotiques!

Fin des années 60 en Australie. A Sawyer sur la côte ouest, Bruce Picket s’ennuie. Fils unique, ce garçon de onze ans se lie d’amitié avec Loonie d’un an son aîné. Loonie est une tête brulée qui l’entraine jusqu’à l’océan tout proche. Les deux gamins surfent, y passent presque toutes leurs journées. Ils rencontrent Sando, un surfeur expérimenté qui les initie à la technique et leur ouvre un monde.

Raconté par Picket devenu adulte, ce livre nous amène aux années où le surf n’en était qu’à ses débuts.  Loonie et Picket s’amusent au départ dans les rivières. L’apnée, la nage dans des eaux boueuses mais l’appel de l’océan est  un défi. De sa chambre, Picket l’entend rugir les nuits de fortes tempête.  Même s'il la l'interdiction formelle de s'y rendre,  ce garçon assez réservé va désobéir. Premier mensonge d'une longue série. Loonie est son opposé, un garçon au tempérament bien trempé qui n' a peur de rien et dont  personne ne s’occupe vraiment. A la plage, ils remarquent Sando. Un surfeur brillant, solitaire et respecté par tous. Lui et sa femme ne travaillent pas et traînent l’étiquette de hippie par les gens de Sawyer. La trentaine bien entamée, Sando prend  sous son aile les deux garçons. Il leur apprend des techniques et  à se  dépasser. Jeu dangereux  car Picket et Loonie  voient en  Sando  un maître. Leur addiction s’accroît et devient totale, sans limite. Ivres de l’océan, prêts à tout pour  l’adrénaline de la peur,  ils tentent des vagues de plus en plus en hautes avec des prises de risque  importantes  pour se sentir vivants. Tout tend au vertige, au frisson mêlé au plaisir, le flirt  avec le risque. Ces moments que que l'on voudrait  saisir et maintenir dans son poing. Peu à peu, Sando et Loonie rentrent en compétition auprès de Sando, une compétition sans règle où l’amitié devient secondaire. L'adolescence les rattrape et Picket va découvrir la trahison mais aussi l’amour avec la femme de Sando. Je n'en dirai pas plus !

L’océan est un personnage à part entière. Splendide, indomptable, brûlant  et violent comme l’écriture de Tim Winton.  Il se dégage  une intensité forte, hypnotique de ce roman où les rêves deviennent brutalement des désillusions.
Un magnifique roman initiatique ! 

Est-ce que j'étais sérieux?  Est-ce que j'avais la hargne ou est-ce que j'étais juste ordinaire? Je parierais sur ma tête que malgré se grand airs, Loonie en faisait autant. Nous l'ignorions encore mais nous nous étions déjà imaginés dans une vie différente, une société autre, un état qu'aucun garçon innocent, n'a les mots ni l'expérience pour décrire. Nos esprits s'étaient déjà projetés à sa rencontre et nous avions laissé l'ordinaire dans notre sillage.
 

jeudi 25 octobre 2012

Mathieu Larnaudie - Acharnement


Éditeur : Actes Sud - Date de parution : Août 2012 -203 pages  

Ancienne plume d’un ministre, Müller s’est retiré à la campagne. Lui qui rédigeait les discours et accompagnait l’homme politique dans ses déplacements s’est fait évincer. Désormais, il regarde les séries policières à la télé les accompagnant à l’occasion de Chartreuse. Son jardinier peu enclin aux bavardages est la seule personne qu’il voit régulièrement. 

J’ai pris mon temps pour lire ce roman car il m’a fallu d’abord m’approprier l’écriture  de Mathieu Larnaudie. Une écriture exigeante par le vocabulaire recherché, un style qui accroche l’oeil mais qui demande une attention particulière pour bien saisir toutes les subtilités que l'on peut perdre dans certaines longueurs de phrases. Müller  pourrait passer une retraite tranquille mais voilà que des personnes se jettent du viaduc situé au-dessus de son jardin. Cette vague de suicides tracasse surtout son jardinier Marceau et fait causer au village.  Quand il était« Speech writer », Müller  a été un spectateur de la politique. Meetings, sourires hypocrites et couteaux dans le dos. Celui qui cherchait les phrases exactes décode avec lucidité les rouages des couloirs du monde politique.  Si les séries policières l’occupent, il élabore un discours qu’il voudrait parfait.   
Avec un regard sans concession et avec une pointe de cynisme, l’auteur décrypte les techniques des politiques, l’emploi de la langue, la valse des mots. Etourdissante, frénétique, une  mise en scène du langage qui peut s’avérer tragique.
Malgré des qualités indéniables, je n'ai pas été entièrement conquise.

Je me laissai finalement attraper par l'une de ces infectes et dégradables émissions appelées "débats" (..) , des grossières thématiques que l'on nous vend  comme étant les phénomènes de société du moment, supposés concernés sans exception tous les citoyens de ce pays, en refléter les préoccupations profondes, et qui ne sont bien sûr, la plupart du temps que les sujets de discussion ciblés, définis et lancés par le pouvoir  pour orienter et légitimer sa stratégie dans l'opinion  publique.

Pour Cathulu, il s’agit d’un coup de cœur .

mardi 23 octobre 2012

Irène Cohen-Janca - Demander l'impossible.com


Éditeur : Rouergue - Date de parution : Septembre 2012 - 229 pages très bien menées !

Antonin seize ans est un ado sans problème. Un garçon avec de l’humour et  qui  trouve ses parents un peu trop englués dans la conformité. Sa sœur Emma est la fille "parfaite",  très exigeante avec elle-même. De trop d’ailleurs. 

Antonin est un adolescent classique : une petite copine pour la première fois, un meilleur ami, le collège et  qui surfe sur les réseaux sociaux mais sans y étaler sa vie. Il  aime bien son oncle Max qui a toujours aux lèvres des slogans de Mai 68 et une vision  du monde différente de celle de ses parents.  D'ailleurs, sa mère ne l’apprécie pas trop. Pour elle, son beau-frère devrait avoir depuis longtemps une vie rangée (comme eux). Les parents d’Antonin ont une vie bien huilée et quand Emma  commence à maigrir de façon inquiétante, ils ne voient rien. Emma, 18 ans, brillante et excellente, loin d'être un fille influençable par les apparences. Pourtant, leur mère est psychologue et lorsqu'Antonin tire la sonnette d’alarme, ils ne vont pas comprendre. Pas tout de suite. Leur prise de conscience de l'anorexie d’Emma va être un électrochoc.  Entre temps, Léa a quitté  Antonin et le clochard  qui s'est installé sur le trottoir d’en face de leur maison est toujours là. Un clochard qui intrigue Antonin. 

Voici un livre en parfaite adéquation  avec son temps et qui est très bien mené!   Antonin est le narrateur et ses impressions, ses rêves, ses questions, son humour et sa vie sont très bien rendus ! J’ai vraiment eu l’impression de lire ce qu’un ado aurait pu écrire.
Il se dégage beaucoup d’énergie et de perspicacité  de ce roman qui n’est ni plombant, ni moralisateur ! Un livre qui s'adresse parfaitement aux lecteurs à partir de 13 ans ( et qui ne les considère pas comme des êtres sans cerveau...)




 

lundi 22 octobre 2012

William Kent Krueger - Blood Hollow


Éditeur : Le Cherche Midi - Date de parution : Septembre 2012 - 467 pages efficaces ! 

Aurora état du Minnesota. Une jeune fille disparait lors d'une fête pour le nouvel an. Charlotte Kane est la fille unique d'un ancien médecin originaire de la petite ville. Avec sa sœur et sa fille Charlotte, il est venu habiter à Aurora depuis peu. Lui et sa famille menaient une vie discrète. A la fin de la période hivernale, le corps de Charlotte est retrouvé. Elle a été tuée. Tous les soupçons se tournent vers son ancien petit ami Solemn Winter Moon, un Indien de la réserve Ojibwe qui a déjà eu quelques petits démêlés avec certains des habitants. L'ancien shérif Cork O’Connor est persuadé de son innocence.

Si j’ai trouvé que la première centaine de pages était un peu lente, la suite  a balayé cette première impression. Charlotte Kane est une jeune fille à papa qui en cachette boit et  sortait avec un garçon peu fréquentable. Lors d'une fête pour le nouvel an, elle disparaît . Les recherches restent vaines et l’espoir de la retrouver vivante est quasi nul vu le froid et la neige. Avec la fin de l'hiver, la nature rend son corps. La piste accidentelle est éliminée, il s'agit d'un meurtre.  Solemn  a le profil idéal  avec son tempérament fougueux et assez imprévisible sans compter ce qu’il a  pu commettre comme petits délits. Formellement accusé, il s’enfuit. Mais même si toutes les preuves sont contre le garçon, Cork O’Connor est convaincu du contraire et il est bien décidé à trouver le meurtrier. 
Les rebondissements s’enchaînent avec en prime des évènements étranges voire un peu  mystiques. Et là, les pages défilent à toute allure ! 
Le travail sur soi-même, l’identité culturelle et les rejets  vis-à-vis de la communauté indienne par leurs différences jalonnent ce thriller. Cerise sur la gâteau :  pour une fois pas de flic alcoolique ou porté sur la boisson  (ce qui est appréciable). 
En conclusion , un thriller efficace qui remplit son rôle !

Les billets de Keisha, Irrégulière



 

dimanche 21 octobre 2012

Audur Ava Olafsdottir - L'embellie


Éditeur : Zulma - Date de parution : Août 2012 - 395 pages et un gros coup de coeur ! 

Le mari de la  narratrice la quitte pour une autre femme. Elle pourrait crier, pleurer, tenter de le faire revenir. Non, cette  femme de trente-trois décide de partir en voyage le long de la côte Est de l’Islande en plein mois de novembre. Sa meilleure amie hospitalisée lui demande de garder son fils Tumi. Agé de quatre ans, le petit garçon est affecté d’handicaps auditifs et  visuels. La narratrice voudrait refuser car elle ne se sait pas comment s’occuper d’un enfant  mais finalement elle accepte. Tous les deux, ils vont prendre la route pour parcourir le tour de l'île. 

La narratrice est traductrice à son compte ce qui lui laisse la liberté de mouvement. Son mariage se conjugue désormais  au passé et même si  elle ne le montre pas, elle en est affectée. Comme elle est sans attache, un voyage lui fera le plus grand bien, décision qu'elle prend sur un coup de tête. Mais sa meilleure amie  hospitalisée pour sa grossesse  n’a personne à part elle pour s’occuper de Tumi. Petit garçon  sur lequel  les gens attardent leur regard. Un enfant calme, différent des autres et réfugié dans sa bulle. Elle accepte et tous deux se lancent dans ce voyage qui les conduit à longer l'île. Une seule route mais des rencontres inattendues, une météo capricieuse et  un hasard bienveillant les conduisent  à s’installer dans un chalet d’été. Au même lieu où elle passait ses étés enfant puis adolescente.  La narratrice possède cette faculté d’accueillir  la vie comme elle se présente. Avec ses hauts et ses bas. Sensible, un brin fantasque, étonnante, elle possède  un humour détonnant derrière lequel elle se réfugie. Carapace pour dissimuler les fêlures et les blessures. Son compagnon de voyage lui ouvre son monde et tous deux s’enrichissent, s’apportent mutuellement sans qu’il y ait forcément besoin de mots.  

Ce livre possède une grâce aérienne où la poésie s’invite naturellement.  Un roman qui est un véritable enchantement et un gros coup de cœur ! Magique, touchant, délicat, drôle et où la nature est omniprésente, il s'en dégage une vraie générosité!

Contrairement à Rosa Candida, dès les premières pages  il s'est produit  une étincelle et  j’ai su que j’allais aimer ce livre. Peut-être aussi parce ma  vision de la vie ressemble à celle de la narratrice...

C'est à ce moment précis que m'effleure pour la première fois  l'idée que je suis une femme au milieu d'un motif finement tissé d'émotions et de temps, que bien des choses qui se produisent simultanément ont de l'importance pour ma vie, que les évènements n'interviennent  pas les uns après les autres, mais sur plusieurs plans simultanés de pensées, de rêves et de sentiments, qu'il y a un instant au cœur de l'instant. 

De nombreux billets ( et avis différents) : Cathulu, Céleste, Gwen, Hélène, IsaLiliba,...



 

vendredi 19 octobre 2012

Frédérique Martin - Le vase où meurt cette verveine


Éditeur : Belfond - Date de parution : Août 2012 - 221 pages très belles!

Joseph et Zika forment un couple marié depuis près de soixante ans.  Suite aux problèmes de santé de Zika, leurs enfants décident pour eux. Comme Zika doit passer des examens médicaux, elle est hébergée  à Paris dans  le petit appartement  d’Isabelle tandis que Joseph est logé chez leur fils Gauthier avec sa femme et ses deux enfants à Montfort. Pour la première fois, le couple se retrouve séparé, tous deux éloignés l’un de l’autre et  de leur maison.

Joseph et Zika pensent que leur séparation sera temporaire, le temps que  Zika passe des examens et obtienne un traitement approprié. Pour conjurer l’éloignement, ils s’écrivent.  A travers ces lettres,  leur amour toujours intact et encore plus fort qu’au premier jour, leur complicité, la tendresse se font écho. Avec l’attente de se retrouver ainsi que leurs habitudes. Isabelle reproche à sa mère d’avoir préféré son frère et d’avoir manqué d’amour maternel. Chez Gauthier, les  petits-enfants apprécient la présence de Joseph mais il ressent bien la tension qui règne dans la maison de son fils. Les questionnements sur leurs enfants se glissent dans les lettres comme l’inquiétude car le provisoire perdure.  Isabelle refuse d’accueillir son père prétextant le manque de place. Et Joseph apprend des vérités concernant son fils. Zika et Joseph s’interrogent : connaissent-ils vraiment leurs enfants ? 
Des échanges où leur amour est flagrant mais où le spectre de la dépendance et le temps des questionnements apparaissent. Je n’ai pas vu surgir une des tournures que prennent les évènements et ma surprise a été totale renforçant mon émotion !

Pas de pathos ou de guimauve. Frédérique Martin sait apporter quelques touches de gaieté dans ce livre où le lecteur s'interroge. Constats sur une une vie passée ou sur le place que l'on occupe à un certain âge. Le couple,  la vieillesse et tout ce qui l’entoure, les bilans de vie, les relations entre parents et enfants sont autant de thème traités dans ce roman. Un livre très bien mené et qui apporte de nombreuses réflexions !

Les billets d'Agathe, Aifelle, Gambadou

 
 

jeudi 18 octobre 2012

Julia Deck - Viviane Elisabeth Fauville

 

Éditeur : Les éditions de Minuit - Date de parution : Septembre 2012 - 155 pages dont je me suis régalée!

A quarante-deux, Viviane Elisabeth Fauville  est maman d’une petite fille de douze semaines.  Un bon travail, un mari ou plutôt un ancien mari car il vient de la quitter.  Elle prend sa fille,  loue un appartement,  se rend chez son psychiatre qu’elle consulte régulièrement et le tue. 

Vous n’êtes pas tout à fait sûre, mais il vous semble que, quatre ou cinq heures plus tôt, vous avez fait quelque chose que nous n’auriez pas dû. Oui vous, car le lecteur est Viviane Elisabeth Fauville. Votre bébé est là mais vous avez la sensation étrange  que quelque chose vous échappe. Auriez-vous oublié votre sac de courses quelque part ? Mais non, vous avez poignardé votre psychiatre ! Vous avez laissé des traces partout car forcément vous n’avez pas fait l’école des criminelles.Vous vous imaginez  déjà en prison, vous pensez à la tête de votre ancien mari satisfait de récupérer votre fille.  Le police vous convoque pour un interrogatoire dont vous ressortez libre. Après tout, vous allez peut-être y échapper car on arrêté le coupable mais il est relâché et vous êtes toujours libre (que fait la police?).  Au moins, vous avez du temps pour brouiller les pistes.
Je n'en dirai pas plus sur l'histoire et surtout le pourquoi du crime mais sachez que Julia Deck nous mène avec dextérité aux limites de l’absurde et de la folie. Elle  réussit à maintenir tangible un décalage sans tomber dans le grotesque et j'ai été bluffée par sa maîtrise!
Une question nous taraude tout le long de ce roman :  qui est vraiment Viviane Elisabeth Fauville ? Une femme ayant quelques problèmes passagers ou alors vraiment malade ? 

Un premier roman très, très  réussi  avec une écriture précise,  des surprises, un humour froid qui m’a donnée des sourires de plaisir  !  Même si j'ai trouvé que la seconde partie était un peu moins succulente, je l'ai lu d'une traite et je me suis régalée !  Une auteure à suivre de très près...

La patiente extrait  un objet du décor et lui fait dire ce qu'il ne dit pas, dévoilant la frêle mécanique de son inconscience. Bien sûr,  cela suppose l'adhésion à cette petite sorcellerie viennoise que pratique le docteur. Il en convient lui-même, qu'il y faut croire sinon cela ne marche pas mieux que le vaudou pour une congrégation de pentecôtistes, et dans les premiers temps la patiente ne sait pas pas si elle elle y croit mais elle veut bien se laisser convaincre.

Les billets d'Isa, Ys.

Un grand merci à Dialogues Croisés! 




 

mardi 16 octobre 2012

Fabienne Jacob - L'averse

Éditeur : Gallimard - Date de parution : Septembre 2012 - 135 pages puissantes!

A l'hôpital, la machine qui assure les fonctions vitales de Tahar va être débranchée sous peu. Lui, l’Algérien arrivé en France à l’âge de quinze ans est entouré de quatre personnes. Toutes françaises. Sa femme à  l’amour sans bornes,  leur fils prisonnier du silence, son un beau-père qui radote la même prière chrétienne. Et Becker connu au village alors qu’il était sous les drapeaux.

Tahar va mourir. Plongé dans les limbes de l’inconscience,  sa vie lui revient. Par fragments, ordre décousu d’évènements ou de simples faits. Son pays avec son soleil qui domine le djebel,  les couleurs de la terre, la classe de l’école où la carte de l’Algérie côtoyait celle de la France, Madame Bayeux l’institutrice dont  la robe laissait voir la peau laiteuse des bras, zones du corps cachées par les femmes de son pays, un camarade français qui l’invitait chez lui où tout  était si différent, son amie Souad avec qui il gardait les bêtes. Mais la guerre existe bel et bien même si au village, elle semble se résumer  à la  présence des soldats. Elle rattrape l’existence de Tahar, la bouleverse. Le garçon passe de plus en plus de temps en compagnie des soldats. Il leur apprend à prononcer sa langue, les  divertit, devient leur mascotte et se prend pour un français. Débarqué en France,  il y aura la promiscuité des foyers mais aussi  les  jeunes filles qu’il aimait tant regarder. Toute sa vie,  il aura tout fait pour paraître français, le plus français possible.  L’histoire de Tahar ne se cantonne pas à ses pensées.Sa femme, son beau-père dont la mémoire plie et déplie la même prière, son ami Becker se souviennent aux-aussi. Leurs voix complètent le tableau ou  l’éclairent d’un autre point de vue.
Son épouse fermera les yeux sur ses infidélités et respectera son silence sur son passé. Une jeune fille au tempérament fort pour faire accepter à ses parents son mariage avec un Algérien à la fin des années soixante. La mémoire vermoulue du beau-père laisse échapper le choc de la nouvelle et ses premières pensées racistes. Puis comment Tahar l’avait l’impressionné loin des clichés qui circulaient. Becker avait vingt et un ans quand il a connu l’Algérie. Simple appelé sous les drapeaux et  une partie de sa jeunesse passée là-bas. Entre soldats, on ne parlait que  des attentes meurtrières de la guerre  pourtant au bled il ne se passait pas grand-chose. Mais la guerre insidieuse a tracé son sillon. Entre l’Algérie et la France, souvenirs heureux et blessures refont surface. Tahar le raconte sans fard avec cette mise à nu de la vérité  qui bouscule. Ce qu’il  gardait pour lui est dit par une voix complètement inattendue. Cri qui jaillit, étouffé depuis trop longtemps comme la terre qui attend l’averse.

Fabienne Jacob  nous dévoile l’Algérie, belle,  âpre et éclatante mais aussi  ses fils partis pour la France et ce qui les attendaient. L’écriture biseautée tranche, met à vif  les sentiments profonds ou souligne la splendeur d’un pays, l’amour sincère. L’auteure  interpelle le lecteur, le pousse dans ses retranchements. A travers l'histoire de Tahar, il y a des choix et leurs  conséquences, la trahison, la colère ravalée et pire.
Les mots claquent et résonnent longtemps après avoir tourné la dernière page… 
Après Corps, Fabienne Jacob signe ici un roman percutant, puissant qui m’a ébranlée !

Ma honte était double, française et arabe. La marque des véritables traites est la double honte, devant ceux qu'ils ont trahis et devant ceux pour qui ils ont trahis. 

Le billet d'Anne 
 

jeudi 11 octobre 2012

Non pas à l'insu de mon plein gré...

Depuis le début de semaine, il ne passe pas grand-chose sur mon blog. Pour brider tout de suite les imaginations galopantes, je ne suis pas au soleil à me faire bichonner ni plongée du matin au soir dans des lectures. Rien de tout ça. Je traverse une mauvaise sale passe avec mes problèmes de santé (sur lesquels je n'ai pas envie de m'étaler ou de me justifier). Donc mon absence se prolonge (et non pas l'insu de mon plein gré).

lundi 8 octobre 2012

Claude Arnaud - Qu'as-tu fais de tes frères ?


Editeur : Le livre de poche - Date de parution : Août 2012 - 377 pages et un très beau témoignage !  

Claude Arnaud est issu d’un milieu bourgeois.  Ses frères aînés Pierre et Philippe sont brillants et se destinent à de  hautes études. Leur père est un homme rigide et  autoritaire tandis que leur mère est douce et compréhensive.  Claude et ses frères passent les étés  en Corse dans la famille maternelle.  Loin des conventions et  des étiquettes.  Mai 68 se profile et Claude âgé de douze ans  se précipite dans cette brèche de liberté. Se découvrir, se rebeller contre le modèle du père et celui d’une France sur la sellette. 

Dans ce récit autobiographique, Claude Arnaud  nous raconte comment il a vécu les évènements de Mai 68 et  l’implosion de sa famille. Hubert Arnaud avait sûrement planifié le destin de ses quatre fils : Pierre, Philippe, Claude et Jérôme le petit dernier.  Claude admire ses deux aînés, brillants et intelligents. En Mai 68, Claude âgé de seulement de douze ans  rejoint les mouvements protestataires. Il hurle des slogans, distribue des tracts et  s’insurge. Son père tente de rétablir l’ordre tant bien que mal alors que sa mère tombe gravement malade. Les aînés découvrent eux-aussi cette liberté soudaine, cette possibilité de vivre comme bon leur semble. Claude devient Arnulf rangeant  au placard l’autorité d’un père. Sexualité, drogues, politique.. Claude touche à tout. Sans aucune limite. Il  évolue comme un électron libre, avide et ayant la vie devant lui. La famille n’en est plus une. Le cancer a emporté sa mère, Pierre devenu un clochard s’est isolé dans une bulle de folie et  Philippe est parti à l’étranger sans but précis.

Avec une écriture directe et sans fioriture, Claude Arnaud nous fait revivre tout ce qui a été semé dans le sillage d'une époque. On y trouve la fougue de la jeunesse, le non d’une France, la liberté proclamée et déclinée. Avec recul et honnêteté, il  revient sur sa vie et celle de ses frères. Frères de sang ou d’une génération avec des combats pour des idéaux et des espoirs. Un très beau témoignage où la sincérité est vibrante ! 

Ma génération s'est pensée en bloc, il n'y avait de place que pour les collectifs, les communes et les groupes.  La solidarité était censée faire taire les intérêts privés, l'ambition, la jalousie. Qui aurait osé dire que le nuage stupéfiant où nous vivions n'était pas la "vraie vie"?

Le billet de Mango

dimanche 7 octobre 2012

Intérimaire de passage

Aujourd’hui, chez Gwen on détourne les pubs. Rien que ça ! Sur les 15 slogans ci-dessous, notre mission d’agent 007 est d’en utiliser au moins 10 dans un texte. Mission acceptée et effectuée…
  
Faire du ciel le plus bel endroit de la Terre. (Air France) 
A l’origine, il y a toujours Francine. (Farine Francine) 
Vous êtes vivant, alors vivez! (Cœur de lion) 
Vous ne viendrez plus chez nous par hasard. (Total) 
Grandir, pour quoi faire? (Renault Modus)
C’est tellement mieux d’être une fille. (Barbie) 
Think different/Pensez différemment. (Apple)
A fond la forme. (Décathlon) 
Nous vous devons plus que la lumière. (EDF)
 Faites pousser vos idées! (Jardiland) 
Ça pique pas, ça arrache! (Pimousse) 
Je suis pas jolie, je suis pire. (Kenzo)
Quand y’en a marre, y’a Malabar (...)
La vie est une question de priorités (Magnum) 
La vie n’est pas en noir et blanc, elle est en or ( Dior)

Mon travail consiste à faire du ciel le plus bel endroit de la terre. Et à chaque vol, je prononce cette phrase magique à destination des clients. Doucement, mais pas trop non plus, avec chaleur comme on me l’a appris. Je dois m’occuper des passagers, devancer leurs questions et leur dire que tout se passera bien. D’ailleurs, il n’y a  jamais eu de raté ou d’accident. C’est impossible.
Je suis la meilleure pour repérer les anxieux. Ne croyez pas à une vantardise de ma part mais enfant, j’avais peur en avion alors je les comprends. Avant le décollage, ma mère me donnait un malabar, me disait de fermer les yeux et de compter jusqu’à cinquante. Elle posait sa main sur la mienne et moi je me répétais quand y’en a marre, y’a malabar. Quelquefois je regarde par le hublot. A travers les couches de nuage, j’essaie de distinguer les gens. Je vois une famille où le garçon shoote de toutes ses forces dans un ballon en criant « à fond la forme », son père rit et sa mère caresse les cheveux de sa fille. Au dessin idyllique, j’ajoute une belle maison, un chien et un ciel bleu. Ils sont heureux sans le savoir. Même si la fille s’esquive rapidement devant ce geste trop maternel en se disant je suis pas jolie, je suis pire : une vraie mocheté. Pour le moment, elle n’est pas encore sortie avec un garçon. Toutes les filles de sa classe ont déjà eu un p'tit copain sauf elle. Son père, lui, pense à sa carrière, la vie est une question de priorités. Sa femme peut se plaindre qu’il rentre tard, qu’il est souvent absent mais il n’a pas le choix. De toute manière, à l’origine, il y a toujours Francine. C’est elle qui toujours tout choisi pour eux deux, pour les enfants comme si son avis à lui était sans importance. Justement sa femme pense à la revue "Faites pousser vos idées" qu’elle feuilletait hier soir. Entre deux articles sur la décoration intérieure et des astuces pour embellir son jardin, un docteur parlait d’une nouvelle méthode pour soigner la déprime. Le "Pensez différemment" aiderait les patients à réduire leur consommation d’anxiolytiques. Depuis quelques mois, une fois les enfants partis au lycée et son mari au travail, Francine broie du noir. Pourtant, elle est en bonne santé et mène une vie aisée. Tout a commencé quand elle a surpris son fils et un copain qui s’embrassaient. Elle se souvient du choc, de l’étau qui lui a serré la poitrine. Depuis sa vie semble s’éparpiller. Son fils pense à demain soir. Un copain à lui organise une fête en comité réduit. Ce gars lui vend de la bonne came pour planer. Cette fois, il a un plan d’enfer pour sortir sans pépin. Il a substitué quelques cachets à sa mère, elle en a tellement qu’elle ne pourra pas se rendre compte qu’il en manque. Avant le dîner, il se proposera de mettre le couvert, posera la carafe d’eau dans laquelle il aura pris soin de diluer quelques médicaments. Lui et sa sœur ont remarqué que leur mère était dans un état comateux du matin au soir et qu’elle pleurait facilement pour un rien. Seul leur père semble être aveugle. Pour le moment, le fils s’amuse à jouer son rôle comme dans une pièce de théâtre. Il pense sûrement à une comédie mais je sais qu’ils sont enregistrés pour le vol de demain. J’ai envie de leur dire vous êtes vivant, alors vivez, profitez ! Le fils ne sait pas qu’il est le metteur en scène d’une tragédie. Ma mère disait que la vie n’est pas noir et blanc, elle est en or. Et je croyais qu’elle avait raison. Le jour de mes dix-sept ans, mes parents m’avaient offert un collier en or fin. Il ne me quittait jamais. Quatre mois plus tard, il a virevolté dans les airs quand la voiture est sortie de la route. Ensuite, je me suis retrouvée à bord de cet avion. Mes parents refusent toujours qu’on débranche la machine. L’ensemble du personnel a le même statut que moi. Nous sommes des intérimaires de passage. Ah tiens, un client me fait signe, il semble très nerveux. Embarquer pour la mort n’est pas si facile.

vendredi 5 octobre 2012

Erik Larson - Dans le jardin de la bête


Éditeur : Le Cherche Midi - Date de parution : Août 2012 - 549 pages saisissantes! 

1933, Les Etats-Unis n’ont plus d’ambassadeur à Berlin. Le président Roosevelt propose le  poste  à   William Dodd un professeur d’histoire à l’université de Chicago. William E. Dodd n’avait rien du candidat type à un poste diplomatique. Il n’était pas riche. Il n’avait aucun poids politique. Il ne faisait pas partie des amis  de Roosevelt. Mais il parlait l’Allemand et était censé bien connaître le pays. Et voilà comment William Dood, cet  homme aux goûts simples  s’installe à Berlin avec sa famille en juillet de la même année.  Il est loin de s’imaginer ce que les prochains mois lui  réservent.

L’histoire de ce livre a été écrite à partir de documents et William Dodd a bien été diplomate à Berlin de juillet 1933 jusqu’à la fin de l'année 1937, il ne s’agit pas donc en aucun cas d’une œuvre de fiction. Quand en 1933, William Dodd  prend ses fonctions, il pense que son rôle d’ambassadeur se rapproche de celui d’un observateur. Pour lui,  il n’est pas à Berlin pour décider ou pour froisser  l’Allemagne.  D’ailleurs au vu du contexte de l'époque,  les Etats-Unis imaginaient que le  gouvernement d’Hitler ne pouvait être que temporaire. Sous-entendu  sans danger.  Même si des atteintes physiques envers des Juifs ou des Américains sont remontés à l’Ambassade, Dodd préfère les minimiser. Comme beaucoup il pense que les faits sont  exagérés ou qu’il ne s’agit que de malencontreux incidents. En fait, il accepte les versions fournies par les membres du gouvernement nazi. Par contre, George Messersmith, le consul général Américain a tout de suite vu  en Hilter une menace très sérieuse. Martha la fille de Dodd est une jeune fille dont la vie sentimentale n’est pas un long fleuve tranquille. Elle aime sortir, s‘amuser et flirter.  Elle fréquente le dirigeant de la Gestapo puis  elle tombe amoureuse d’un espion russe.  Ni Martha ni son père ont une opinion défavorable du chancelier. Si Dodd n'a pas vu  les changements qui ont  commencé à s’opérer, il lui faudra  plusieurs longs  mois pour comprendre la situation et la dénoncer.  La suite de l’Histoire s’écrit toute seule…

Mon enthousiasme a piqué un peu du nez  à plusieurs reprises à cause de quelques  longueurs ou  par des descriptions selon moi inutiles ( la composition des repas n’est pas pour moi une priorité). La femme de Dodd et son fils sont quasiment absents de ce récit et j’ai trouvé assez étonnant que Dodd laisse une totale liberté à sa fille. 
Malgré ces bémols, ce livre est très intéressant! Erik Larson retrace avec sobriété le schéma et l’ambiance de l’époque tout en donnant le point du vue d’un américain plongé au cœur de l’Allemagne diplomatique. Il décortique ces années en mettant le doigt sur  les inquiétudes, la manipulation, la passivité des autres pays mais surtout il analyse tous les  rouages des changements menés par Hilter. Largement documenté (avec pratiquement deux cent pages d'annexes supplémentaires), ce livre est saisissant par bien des aspects ! 

Du même auteur, j'ai lu  Le diable dans la ville blanche que j'avais trouvé captivant.



jeudi 4 octobre 2012

Claire Keegan - A travers les champs bleus


Éditeur : Sabine Wespieser - Date de parution : Octobre 2012 - 226 pages, 8 nouvelles et une pépite ! 

Claire Keegan possède un don. Celui merveilleux de décrire l’indicible, de suggérer des troubles, les sentiments  terrés, l’ambiguïté d’une situation ou le drame qui y couve. Ces huit nouvelles sont des pépites! Et comme pour tous mes coups de cœur, il m’est difficile d’en parler.
Tous ces textes sauf un se déroulent en Irlande. Par quelques éléments, on devine qu’ils sont ancrés dans un présent proche de nous. 
Une écrivain s’apprête à passer quelques jours en résidence dans l’ancienne maison d’un auteur décédé pour y écrire. A peine arrivée, elle est dérangée par un homme d’origine allemande qui voudrait visiter la maison. Dans la seconde nouvelle Le cadeau d’adieu,  une jeune fille cadette de la fratrie part pour l’étranger. A à la différence de ses aînées, elle n’a pas eu le droit au pensionnat pour suivre des études. Non, il lui a fallu rester à la ferme. A aider, se rendre utile. Et pire. Dans ce  huit-clos qui m’a laissée abasourdie, les personnages préfèrent parler à demi-mots  ou par des regards plutôt que de prononcer l’innommable. La pudeur, la gêne sont quasi quasi-palpables. Les relations père-fille sont au centre d’une autre nouvelle La Fille du forestier où le père s’est marié ne pensant toujours et encore qu’à son exploitation, un homme travailleur mais radin. Sa femme se vengera  de cette union sans amour. Tout au long de cette nouvelle, la  tension va en crescendo. Dans une autre, un prêtre tremble pour la première fois en mariant un jeune couple, et  la mariée ne semble pas très à l’aise. Dans la nuit des Sorbiers, il est  question également d'un prêtre. Depuis sa mort,  sa maison est occupée par sa cousine  femme quarantenaire, peu bavarde et  aux coutumes étranges venue d’une autre région d’Irlande. Les croyances et les superstitions accompagnent cette magnifique nouvelle !

L’amour, les sacrifices,  les traditions, les préjugés, la famille… autant de thèmes explorés avec brio. De son écriture ciselée, Claire Keegan dépeint avec subtilité ses personnages, les sensations,  la nature. Et la surprise, l'effroi de ce que l'on découvre sont d'autant plus saisissants. 
Je n’ai pas lu ce recueil, je l’ai ressenti ! Vibrant, profond, émouvant où la force de l’écriture par son acuité et sa finesse dégage une véritable splendeur ! Une chose est certaine, ces nouvelles vont m'habiter très longtemps...

Après L’antarctique, Les trois lumières, il s’agit selon moi de son meilleur livre. 

Elle disait que la parole menait à la connaissance de soi. La conversation visait à dévoiler ce que, dans une certaine mesure, on savait déjà.

Un énorme merci à Dialogues Croisés pourvoyeur officiel de bonheur !


 

mardi 2 octobre 2012

Pete Fromm - Avant la nuit


Éditeur : Gallmeister - Date de parution : 2010 - 173 pages et 10 nouvelles 

Si vous voulez devenir imbattable sur la pêche à la mouche, vous pouvez lire ce recueil de nouvelles. L’autre intérêt et non le moindre réside dans  la description des personnages que Pete Fromm met en scène. 
Des amateurs de pêche (vous vous en serez doutés) mais avant tout principalement des hommes avec leurs problèmes, leurs préoccupations, leurs espoirs ou leurs attentes. Dans la première nouvelle qui m’a serrée la gorge tant l’émotion est palpable, un père divorcé  roule durant trois jours pour passer deux semaines son fils âgé de huit ans. Aussitôt arrivé, son ex-femme revive la flamme des disputes. Il avait appris à son fils toutes les techniques et tous deux aimaient  passer du temps ensemble à pêcher. Trop fatigué pour reprendre la route jusqu’en Alabama, le père lui propose à son fils  de trouver des  bon coins là il habite désormais. Et comme avant, ils vont effectuer ce rituel avec ses codes et ses anecdotes. Ces éléments reviennent dans chaque nouvelle. Se retrouver en tête à en tête dans la nature ou à plusieurs autour de cette passion permet de parler, de se confier, de renouer un lien distendu ou elle fait ressurgir des émotions enfouies. Comme pour ce garçon de douze ans accompagné de son père et de son frère qui ne peut s’empêcher de penser à leur dernière partie de pêche quand sa mère était encore vivante. Du jeune couple de mariés qui s’engage dans la vie aux copains qui se retrouvent après plusieurs  années, Pete Fromm les saisit avec sensibilité et beaucoup de finesse !

Je ne me suis pas ennuyée (pourtant,  je n’ai jamais pêché à la mouche) et j’ai vraiment apprécié chacune de ces nouvelles qui dégagent une forme de tranquillité et du respect ! Du même auteur, j'ai lu Indian Creek mais ma préférence va à ce recueil !

Le billet de ClaudiaLucia  

lundi 1 octobre 2012

Catherine Mavrikakis - Les derniers jours de Smokey Nelson


Éditeur : Sabine Wespieser - Date de parution : Septembre 2012 - 329 pages dont ne sort pas indemne!

Etat de Georgie, Atlanta, 2008. Smokey Neslon attend dans les couloirs de la mort pour un quadruple meurtre qu’il a commis dix-neuf ans plus tôtdans un motel.Son exécution est prévue dans quelques heures. Trois personnes prennent tour à tour la parole car elles se sont  retrouvée liées au destin de ce condamné à mort.
  
Sydney Blanchard  est né le même jour que  Jimy Hendrix et il y a toujours vu un signe du destin. Au volant de sa Lincoln continental blanche et avec Betsy sa fidèle chienne, il est décidé à retourner à la Nouvelle-Orléans là où ses parents vivent alors que l’ouragan Katrina a tout dévasté. Il a cru pouvoir être comme son idole mais à trente-neuf ans, le constat est amer. Il parle, se confie à sa chienne, au chanteur. Par hasard, il apprend l’exécution imminente de Smokey Neslon. Dix neuf-ans plus tôt, il avait été arrêté pour ces meurtres puis disculpé grâce à un témoignage de  Pearl Watanabe.
Pearl Watanabe travaillait au motel et c’est elle qui avait réalisé  la découverte macabre. Smokey Nelson lui  avait parlé, elle l’avait trouvé charmant. Attirant. Après le procès, cette  mère célibataire élevant seule sa fille est partie s'installer à Hawaï.  Les années ont passé et Pearl angoisse car sa fille Tamara l’a invitée à venir passer quelques semaines chez elle. Revenir sur le continent pour Pearl signifie un retour à un passé qu’elle a tenté d’oublier.
Et enfin, Ray Ryan. Elevé dans la foi de Dieu, sa fille Sam, sa préférée était l’une des victimes de Smokey Nelson. Dieu lui parle, lui dicte comment se comporter.Un Dieu intolérant, dur qui cite l’Ancien Testament et pour qui les personnes de couleurs Noire sont démoniaques. Ray Ryan attend avec son fils pour se rendre à l’exécution de Smokey Nelson où Dieu va rendre son châtiment.
Dans ce ce roman choral, chaque personnage prend la parole à chaque chapitre. Et Smokey Nelson conclura ce livre. 

Comme Le ciel de Bay City, il s'agit d'une lecture éprouvante et percutante (vous êtes prévenus). Chacun donne sa vision sur la peine de mort mais aussi sur l’Amérique. Des points de vue bien différents, opposés ou qui vont se rejoindre avec l’espoir qu’Obama soit élu pour Sydney Blanchard et Pearl Watanabe.
Catherine Mavrikakis dresse un portait de l’Amérique en 2008, social, économique où le désenchantement se dresse en toile de fond et la solitude profonde de chacun de ses personnages surgit violemment. Très vite, une tension est présente et au fil des pages, elle  va en crescendo révélant des tournants complètement inattendus. Un roman fort sans concession qui bouscule, secoue, nous interpelle et dont on ne sort pas indemne !