mercredi 31 décembre 2014

2014 s'en va... et j'ai encore oublié que mon blog prenait de l'âge !

Et oui, dernier jour de 2014 et à mon habitude pas de bilan.

Des livres m'ont marquée plus que d'autres :
Réparer les vivants de Maylis de Kerangal commencé alors que Monsieur participait à une compétition de natation et que j'étais assise dans les gradins. Au bout de quelques pages, les cris d'encouragements et le bruit ne m'atteignaient plus. J'étais "dans" le livre. Et rencontrer Maylis de Kerangal quelques mois plus tard a été un privilège.



Je suis revenue à l'auteur Laurent Mauvignier avec une boulimie de lire tout ce qu'il a écrit. A chaque fois, être émerveillée  par son écriture et avoir l'impression unique de vivre une expérience à part (Des hommes, Autour du monde, Dans la foule, Apprendre à finir, Seuls)




Il y a eu des lectures qui m'ont fait sourire ou rire, d'autres qui m'ont interpellée, d'autres qui ont coulé sur moi sans émotion,  des lectures bonheur ou enrichissantes et certaines (plus rares) qui font désormais partie de moi. Et j'ai besoin de cette diversité. 2015 sera placé sous ce signe.

2014 a été une année marquée par  de belles rencontres d'auteurs : Fabienne Juhel, Angélique de Villeneuve, Marie-Sabine Roger, Valentine Goby, Véronique Ovaldé...

J'ai encore oublié que mon blog prenait de l'âge.. 6 ans déjà ! Des périodes de lassitude et de questionnements mais l'envie de partager étant revenue alors je continue !

A l'année prochaine!

mardi 30 décembre 2014

Léonor de Récondo - Pietra Viva

Éditeur : Sabine Wespieser - Date de parution : 2013 - 225 belles pages !

1505. Sculpteur reconnu pour son talent, Michelangelo doit faire face à la mort de son ami le jeune moine Andrea à la beauté parfaite. Alors que le pape Jules II lui a commandé la construction de son futur tombeau, il quitte Rome pour se rendre à Carrare en Toscane là où sont extraits les blocs de pierre de marbre. Hanté par le décès de son ami, Michelangelo est un homme bouleversé en proie à des questionnements.

Mais le sculpteur se montre hautain voire arrogant. La pierre, le minéral, la création lui procurent la sérénité. Comment cet homme de génie en est-il arrivé à barricader son coeur ? La simplicité des carriers, la folie douce de Cavallino et Michele un jeune garçon de six ans qui vient de perdre sa mère vont creuser une faille dans son armure. Et cet enfant sans le savoir ouvre la boîte des souvenirs qu'il croyait avoir définitivement oubliés. Michelangelo se métamorphose peu à peu et laisse les émotions le reconquérir. L'art, la création et l'humanité sont conciliées. Le Michelangelo tiraillé  laissera place à un homme qui s'accepte.

Ce roman est tout simplement beau ! On se laisse porter par l'écriture poétique et ciselée de Léonor de Récondo...  Rien à redire !

Finir, polir, tout cela n'a plus d'importance. Ce qui compte, c'est ce lien nouveau entre son esprit et la matière, entre ceux qui grouillent en lui et la pierre. Il ne veut plus les entraves de sa maîtrise,ne plus être l'arbitre, simplement dégrossir le marbre afin que s'en échappe le premier souffle. Son esprit humain doit céder de la volonté minérale. Il ne matera plus la foule qui peuple son imagination.

Merci Antigone ! Hélène en a parlé aussi récemment

Lu de cette auteure : Rêves oubliés

lundi 29 décembre 2014

Adrien Bosc - Constellation



Éditeur : Stock - Date de parution : Août 2014 - 198 pages

Si j'ai choisi cette lecture c'est sans doute parce que je suis influençable. Grand Prix du roman de l'académie française 2014 : voilà de quoi attiser ma curiosité.
"Le 27 octobre 1949, le nouvel avion d’Air France, le Constellation, lancé par l’extravagant M. Howard Hughes, accueille trente-sept passagers. Le 28 octobre, l’avion ne répond plus à la tour de contrôle. Il a disparu en descendant sur l’île Santa Maria, dans l’archipel des Açores."
L'avion transportait le boxeur Marcel Cerdan amant d’Edith Piaf. Mais Adrien Bosc a voulu en savoir plus sur les autres passagers.  D'une ouvrière dans une usine textile à Mulhouse à la violoniste Ginette Neveu, il retranscrit ces vies ( le pourquoi du vol) et la fatalité qui les a réunies.

Adrien Bosc a voulu rendre vie et hommage à ces passagers de ce vol, célèbres ou non. Mais Le hic c'est que  j'ai  eu la sensation de lire un document.  Précis, détaillé mais dépourvu d'émotion.   Certains passages m'ont intéressée, alors que d'autres m'ont laissée sur le carreau ( trop confus à mon goût). Pire, je n'ai pas trouvé que l'écriture sortait du lot...

Vous trouverez  un peu partout des tonnes d'avis élogieux ( et mon avis n'engage que moi).

lundi 22 décembre 2014

En avance : joyeux Noël à tous !

Je vous souhaite à tous un joyeux Noël  !

Je sais, je suis un peu en avance mais la trêve des confiseurs débute pour moi. De la fatigue qui doit sûrement jouer dans mes abandons de lecture, les vacances de mon mari qui arrivent demain donc je délaisse le blog, la blogo pour au moins quelques jours avec un grand besoin de m'aérer la tête et de me reposer.


En bonus, une photo de pointe du Minou prise par mon mari lors d'une ballade cet été.

A bientôt !

samedi 20 décembre 2014

Véronique Poulain - Les mots qu'on ne me dit pas

Éditeur : Stock - Date de parution : Août 2014 - 141 pages et un premier roman réussi !

Fille de parents sourds-muets, Véronique Poulain relate avec beaucoup d'humour et de sincérité son quotidien et celui de ses parents. Des anecdotes, des situations  qui font sourire ou qui serrent le coeur.  Avec une écriture concise, elle décrit toute la palette de sentiments qu'elle a éprouvé de l'enfance à l'âge adulte.

Habitée par deux cultures, elle se partage entre la communication verbale et la langue des signes. Si l'on croyait que sourd-muet rimait avec silence, l'auteure nous démontre le contraire. Des phrases courtes où l'auteure joue avec les mots, sans fioritures et sans pathos, ce témoignage rempli d'amour vaut bien plus que de grands discours. Et j'ai découvert tout ce qui gravite et découle de ce handicap comme la richesse de la langue des signes.

J'ai été plus que touchée! A lire !  

Dans la langue de mes parents, il n'y a pas de métaphores, pas d'articles, pas de conjugaisons, peu d'adverbes, pas de proverbes, maximes, dictons. Pas de jeux de mots. Pas d'implicite. Pas de sous-entendus. Déjà qu'ils n'entendent pas, comment voulez-vous qu'il sous-entendent ? 

La langue des signes est la plus expressive que je connaisse. Lorsque un sourd parle, tout son corps est en mouvement. Tout son visage s'exprime. Impossible de parler en langue des signes sans bouger un muscle de son minois. Qu'on l'ait joli e ou pas. Récemment liftée, passez votre chemin. L'émotion, la force d'un sentiment passe par la seule expression du visage. Si vous voulez transmettre un sentiment de tristesse, la bouche doit s'affaisser , les yeux se rétrécir. A l'inverse, pour un sentiment de joie, le visage doit s'éclairer, la bouche sourire, les yeux pétiller. J'ai constaté que c'était la grande difficulté des entendants. Faire la grimace, déformer leurs traits, bouger leur corps.

vendredi 19 décembre 2014

Henning Mankell - Un paradis trompeur

Éditeur : Points - Traduit du suédois par Rémi Cassaigne - Date de parution : Octobre 2014 - 360 pages "traversées" sans émotion ...

Suède, 1904. Hanna vient d'obtenir sa majorité. Aînée d'une fratrie où le  père est décédé, sa mère lui annonce qu'elle doit partir car elle n' a pas les moyens de nourrir tous ses enfants. Quitter le hameau où ils habitent pour rejoindre la côte où ils ont de la famille avec l'espoir d'une vie meilleure. Jonathan Forsman un important marchand de bois l'y conduit mais arrivée sur place rien ne se passe comme prévu : aucun membre  de sa famille ne s'y trouve. Bienveillant, Forsman la prend à son service pendant plusieurs mois puis Hanna embarque sur un bateau à destination de l'Australie en tant que cuisinière. A bord, elle se marie et se retrouve très vite veuve.

Lors d'une escale au Mozambique, elle quitte en secret le navire. Désemparée et loin de sa terre natale, Hannah est loin de s'imaginer ce que la vie lui réserve. Elle trouve un hôtel où loger qui se révèle être un bordel. La jeune Hannah timide et réservée découvre un monde dont elle ne  connaît pas  la langue mais où surtout le racisme semble ordinaire. Les Noirs subissent et effectuent les basses besognes,  les Blancs jouissent des privilèges. Elle ne comprend pas ces différences, se sent proche des gens de couleurs mais elle se soumet aux règles dictées par la caste Blanche. Si on a l'impression qu'elle est longtemps spectatrice de sa vie, l'avenir lui permettra de défendre ce qu'elle considère comme une injustice dans ce pays colonisé.

Il s'agit d'un roman ("poli") qui dénonce la ségrégation raciale. Mais voilà, j'ai trouvé que les vraies émotions sont absentes, et pire, je n'ai pas été sensible à la vie d'Hannah si particulière au demeurant.
Je crois que trop imprégnée par mes dernières lectures et notamment par celles de Laurent Mauvignier, je n'ai pas pu (ou su) apprécier ce roman à sa juste valeur. Certaines lectures sont si fortes qu'elles m'habitent longtemps et c'est le cas en ce moment...

Ce serait un beau continent, s'écria-t-il, si seulement il n'y avait pas tous ces noirs ! 
- Mais ce n'est pas un Blanc qui tiré? objecta prudemment Anna. 
Senhor Vaz ne répondit pas. Il s'excusa et se retira dans son bureau. À travers la porte fermée, elle l'entendit passer des marche militaires portugaises sur son gramophone. En se penchant pour regarder par le trou de la serrure, elle le vit aller et venir dans la pièce, en colère, agitant un sabre. Elle pouffa de rite. (...).
Puis l'inquiétude l'envahit à nouveau. Elle était devenue comme les autres femmes femmes blanches de la ville : désœuvrée, paresseuse, toujours à agiter un éventail.

Lu de cet auteur : Les chaussures italiennes ( un livre magnifique!)

mardi 16 décembre 2014

Emmanuelle Pagano - En cheveux

Éditeur : Invenit - Date de parution : Novembre 2014 - 76 pages savourées !

Voici un livre dont la  genèse diffère de mes lectures habituelles. Le musée des Confluences de Lyon et les éditions Invenit nous font découvrir un objet du musée à travers la plume d'un auteur. Ce n'est pas une description technique ou historique car Emmanuelle Pagano autour de ce châle a tissé une histoire. Ce châle ancien dont " il faut pêcher mille grandes nacres, les sortir de l’ombre, pour obtenir deux cent cinquante grammes de fil de soie de mer, deux cent cinquante grammes seulement de lumière avec un millier de gros coquillages", elle l'attribue à une famille italienne. Un frère autoritaire et ses deux sœurs.

Lui s'est marié et a eu une fille qui est la narratrice. Ses sœurs sont restées célibataires. Nella la cadette refusant d'obéir aux règles et notamment à celles du mariage. Rebelle, elle rejette les ordres ou les idées  de son frère, s'habille comme elle l'entend (elle porte des pantalons) et aime se promener dans les bois. Cheveux roux aux vents et le châle sur les épaules. Elle habite avec sa sœur aînée Bice dans la maison familiale qui appartient à leur frère. Toutes les deux n'ont rien reçu comme héritage à la mort des parents car seuls les hommes héritent. Et ce frère possessif, machiste ne les aident pas ou si peu  "les deux sœurs descendaient dans la fraîcheur de la cave pour survivre."La relation entre Nella et son frère a une autre facette où l'amour se mêle à l'orgueil.  Comme ce châle que l'on peut percevoir flamboyant, fier ou comme une étoffe douce, usée et réconfortante. "Il détestait aussi, par ricochet, son autre sœur, mais elle ne comptait pas autant, elle n'avait jamais été aimée ni haïe autant que la petite. Je n'ai jamais su, du début à la fin de leur relation, ce qu'il y avait d'amour, à la limite de l'inceste, ou de haine, à la limite de l'inceste aussi, parce que haïr aussi fort son frère, sa sœur, haïr au point de livrer une guerre, de brouiller et séparer toute la famille, haïr si fort qu'on tremble, je crois que c'est de l'inceste. "

Récepteur de l'âme et de la vie de Nella, ce châle était trop lourd à porter pour les épaules de sa nièce. Ce témoin muet nous délivre l'existence de la vie d'une femme, de sa condition, de son amour de la liberté.
L'écriture d'Emmanuelle Pagano est délicate, sensuelle et poétique...Un livre à savourer sans modération !  Et pour moi qui aime particulièrement les objets qui ont une histoire, un vécu, j'ai ressenti des émotions particulières...

Je crois qu'elle aimait les bois pour la même raison de transparence contrariée, de luminosité en alternance, je crois que ce qu'elle aimait dans les bois, ce n'était pas l'ombre, non, c'était la lumière au contraire, piégée, par les fentes des frondaisons, tombant en rayons comme des branches cassées, ou réservée au regard de bascule en arrière, vers la rosace du ciel dessinée par les hauts épicéas lorsqu'elle se laissait aller allongée sur le dos dans une courte clairière. Y voir menu, apercevoir par les trouées, c'était ce que ma tante préférait.

Les billets de Séverine,  Zazy

Lu de cette auteure : Nouons-nous - Un renard à mains nues

samedi 13 décembre 2014

Laurent Mauvignier - Seuls


Éditeur : Les Éditions de Minuit - Date de parution : 2003 - 171 pages qui implosent les silences (et un livre hérisson ! )

Depuis qu'ils sont enfants, Tony aime Pauline. Il a toujours été là pour elle comme l'ami sur qui on peut compter : chagrins amoureux, nuits brouillées par l'alcool ou les pleurs. Pauline l'a toujours considéré comme un frère. Même quand ils étaient tous les deux étudiants, elle n'a pas voulu voir ses regards où l'amour était bien présent. Tony ne lui a jamais rien avoué. Quand Pauline est partie suivre Guillaume à l'étranger, Tony a arrêté la fac pour une vie fade et un boulot alimentaire.

Un jour elle l'appelle. Elle revient et lui demande de venir la chercher à l'aéroport. Elle s'installe chez lui provisoirement, le temps de trouver un appartement et un travail. Il le lui a proposé avec cette idée que les mensonges que l'on se fabrique peuvent devenir réalité. Et tous deux ont joué à une parodie : sorties, cinéma, restaurant. Toujours tous les deux. Tony la surveillant mine de rien, ayant trop peur qu'elle s'envole pour une nuit avec quelqu'un. Un soir, elle s'est faite belle car elle a une nouvelle à lui annoncer. Elle va se remettre en couple avec Guillaume. Tony devrait être content pour elle, avoir des sourires de pacotille et la féliciter. Faire comme si une fois de plus. Mais Tony ne peut plus. Un trop plein de non-dits refoulées depuis longtemps, de cet amour qui le consume à le rendre fou, de sa relation faite de silences avec son père. Tony disparaît.

Ce père enseveli sous le poids de l'Algérie et de la mort de sa femme cherche à comprendre. Il demande de l'aide à Pauline et l'accuse. Pas ouvertement ni franchement mais à demi-mots. Et Pauline lui renvoie au visage les blessures cachées de son fils. Le père perd espoir de revoir son fils.

Des personnages qui sont seuls ni innocents ni coupables et qui se cognent, se cherchent tels des phalènes devant le scintillement d'une lumière. Ils encaissent les heurts ou ne veulent pas voir l'étendue dévastatrice de leurs silences. Les voix comblent peu à peu ce qui n'a pas été forcément raconté jusqu'à ce que l'inéluctable sans concession se produise .

Une écriture magnifique, une construction admirable pour une lecture qui implose les silences, dépeint les drames de vies tissées sur un quotidien bancal.
Que dire de plus? Laurent Mauvignier est un maestro... 

Alors, c'était avant ce jour  où il a franchi la porte, où il est venu parler et où à la fin il s'est effondré pour dire que la vérité c'était le réel sans lui, qu'il n'était que des yeux  et son corps une éponge faite pour absorber les surplus qu'il voyait dans la vie, son corps, lourd de ce silence où les autres l'abandonnaient, croyait-il, ignorants qu'ils étaient de ce qu'ils lui laissaient à charge.

Lu de cet auteur dont je suis archi fan  : Apprendre à finir - Autour du monde Dans la foule - Loin d'eux

jeudi 11 décembre 2014

Leonardo Padura - Hérétiques

Edition : Métailié - Traduit de l'espagnol(Cuba) par Elena Zayas - Date de parution : Août 2014- 620 pages lues avec plaisir !

La Havane, 1939 "une ville, où, pire encore, chaque soir à neuf heures précises, un coup de canon résonnait sans qu'il y ait de guerre déclarée ou de forteresse à fermer et où toujours, invariablement dans les époques prospères comme dans les moments critiques, quelqu'un écoutait de de la musique, et en plus, chantait", le jeune Daniel Kaminsly d'origine polonaise vit chez son oncle paternel Joseph appelé Pepe Cartera arrivé à Cuba des années plus tôt. Daniel s'apprête à vivre une journée particulière : ses parents et sa soeur doivent arriver par mer sur le S.S. Saint-Louis. Un bateau transportant presque mille juifs qui ont réussi à fuir l’Allemagne. Mais le bateau reste à quai pendant plusieurs jours avec ses passagers et est renvoyé à son point de départ avec la mort au bout du compte. Les parents de Daniel avaient avec eux un tableau de très grande valeur appartenant à leur famille depuis plusieurs générations et signé de Rembrandt.

2007, Elias Kaminsly le fils de Daniel fait appel à Mario Conde (ancien flic reconverti désormais dans le commerce des livres anciens)  pour essayer de comprendre comment le tableau se retrouve désormais à une vente aux enchères à Londres. Ce tableau représente représente le buste d’un jeune homme ressemblant au Christ. Sauf que son modèle n'était autre autre qu'un jeune juif rêvant de devenir peintre...un anathème dans la religion juive. Et nous voilà embarqués à Amsterdam en 1643.

Mais Mario Conde se retrouve face à une énigme supplémentaire. Une jeune fille intelligente qui s'habille "Emo" disparaît alors que son père trempe dans des affaires louches impliquant beaucoup d'argent.

Vous l'aurez compris plusieurs histoires s'imbriquent et certaines s'insèrent dans la grande Histoire. Un roman sur la liberté, sur les "hérétiques" qui refusent de se soumettre à des lois, sur le massacre des juifs . Les magouilles, la corruption, le mauvais rhum, la débrouille des habitants de Cuba ou encore l'ambiance d'Amsterdam nous collent à la peau ! Des personnages humains tiraillés par leurs origines et ce qu'elles impliquent, leurs devoirs ou la volonté de vivre une autre vie, le fait de s'en affranchir.
Je découvre Leonardo Padura avec ce titre et ça ne sera pas le dernier ! 

Les billets de Dasola, Keisha

mardi 9 décembre 2014

Hélène Cixous - Homère est morte

Éditeur : Galilee - Date de parution : Août 2014 - 225 pages et un cri d'amour !

103 ans, c'est à cet âge lors du 1er juillet de l'année dernière qu'Eve Cixous la mère de l'auteure est morte. A l'heure où la mort des personnes âgées se déroule loin des domiciles familiaux, sa fille l'a voulue chez elle. Etre deux quand la mort commence à rôder, se féliciter de petites victoires, dire encore et toujours tout son amour à son mère, assister à la dégradation du corps, devenir la mère et Eve l'enfant, réconforter mais également "souffrir de cette fin sans fin".

Des journées qu'Hélène Cixous a noté comme ses conversations avec Eve qui est alitée. Les petites promenades ont cédé  au fil des mois à quelques pas puis au lit et enfin au lit médicalisé. Sans détour, Hélène Cixous nous parle du corps asséché, des mots qui se mélangent dans la bouche de sa mère et ce dans plusieurs langues. Mais il y a également des scènes drôles ou d'autre encore où l'auteure fait preuve d'ironie ( en parlant du lit médicalisé : "on ouvre la cage en baissant les barreaux pour administrer les soins ou les repas. On referme"). On sourit mais on est surtout ému de partager cet espace temps non chronologique avant et après la mort de sa mère. Un espace où "elle a emménagé dans un sommeil profond, capitonné" entre deux rives. Eve qui fut sage-femme de son métier et qui donna la vie. Née en Allemagne à un mauvais moment de l'Histoire et qui aura dû fuir durant la guerre. On remonte le temps pour suivre son parcours jalonné de noms de villes et de pays. Mais il y a aussi la peur, le "aidemoua" qu'elle demande. Comment y répondre ?

Cet amour si fort entre une mère et une fille crève les yeux comme la complicité qui les unit. Elles se comprennent, se complètent.
Il faut prendre son temps pour lire ce roman à l’écriture  vive qui malaxe les mots, s'en empare pour défier la mort mais aussi sait rendre avec justesse les émotions. Jamais on ne se sent en position de voyeur, jamais on ne ressent de l'apitoiement.
Le pathos n’a pas sa place. Au contraire, le récit est  émaillé de références à la mythologie grecque, à certains écrivains. Il fait écho à nos propres peurs face à la mort.
Je suis consciente de parler très mal de ce livre qui est un hymne à la vie, aux mères. Une lecture très bouleversante qui nous fait pénétrer dans cette brèche où vie et mort se côtoient, se combattent mais où l'amour est le plus fort. 

Finalement, c'était une belle nuit. 
E.- Qu'est-ce qu'on peut faire, quand on est si vieux? Je ne suis plus rien. 
H.- La nuit tu fais beaucoup de bruit.Beaucoup pipi. 
E.- J'ai pas d'autre chose à faire. ( Un temps.) Dommage. 
Dommage, ai-je pensé. Nous nous sommes battues cote à côte. Dans une autre pièce, le jour nous aurait trouvées allongées dan les bras l'une de l'autre, pensai-je. 
Maintenant ma mère craint ma nuit. On voit rien. C'est pas très clair. Voilà que nous nous figurons tous les deux qu'"Elle" viendra la nuit. 
"Tu me laisses pas tomber ! dit ma mère. Tu me laisses pas seule!" Maintenant j'ai aussi peur de la nuit que du jour. Je la laisse calmement endormie à 23 heures, je dors à une allure folle, à 5 heures je parcours le petit couloir, étroit conduit peuplé de spectre et d'illusions, je murmure "maman", que dis-je! "maman" c'est moi, si ma mère vit encore. C'est seulement si j'avais perdu mon vieil enfant que maman ce serait celle que j'appelle à mon secours pour me déterrer de cette enterrement vivante.

lundi 8 décembre 2014

Iván Repila - Le puits

Éditeur : Denoël - Traduit de l’espagnol par Margot Nguyen Béraud - Date de parution : Septembre 2014 - 110 pages dont on ne sort pas indemne ! 

Deux frères nommés le Grand et le Petit tombent dans un puits au milieu d'une forêt. Un puits trop profond et les tentatives d'évasion se soldent en échec. Pourtant, il y le sac qui contient de la nourriture mais leur mère leur a formellement interdit d'y toucher. Le Grand y veille pourtant le Petit a faim. Les heures se transforment en jours. Ils sont devenus des prisonniers du lieu.

Dans cette prison aux murs de terre, ils se nourrissent de racines, de vers de terre, se désaltèrent d'eau boueuse. La Grand fait des exercices pour maintenir sa condition physique. Son frère tombe malade, s'affaiblit de plus en plus et sombre dans la folie. En proie à des hallucinations et une aphasie, il divague et a envie de tuer l'autre. Le Grand continue de veiller sur lui. Alors qu'il a aperçu un visage les observer, il ne n'en parle pas au Petit.
Et je n'en dirai pas plus !

Ce conte terriblement dérangeant est un huis clos cruel où la tension va en crescendo. On ressent l'étouffement, le perte de l'innocence du Petit. Et les questions viennent naturellement : qui survira? et de quelle manière?
Ce livre est extrêmement bien mené car à partir d'un moment donné aucun des deux ne parle plus du sac de provisions. Et Iván Repila réussit à focaliser notre attention sur d'autres points et à nous le faire oublier.
L'amour du Grand pour son son frère cadet est immense et il est prêt à tous les sacrifices pour lui. Les deux frères sont deux enfants qui deviennent adultes par cette épreuve. Mais est-ce vraiment une épreuve?

Un livre sur l'amour fraternel, la rage, la vengeance et dont les dernières pages sont une claque ! Vous l'aurez compris, une lecture dont on ne sort pas indemne...

Le Petit continue de  mourir quelques jours tandis que son frère essaie de le maintenir encore en vie. Comme si ce n'était qu'un jeu. 

Cette citation ne donne pas d'indication sur le dénouement...

Les billets de Cryssilda, EveJerôme, Laure, Sandrine

samedi 6 décembre 2014

Ron Rash - Serena

Éditeur : Livre de poche - Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Béatrice Vierne - Date de parution : 2012 - 523 pages et un avis mitigé...

1930 en Caroline du Nord. George Pemberton est un riche exploitant forestier et il vient d'épouser Serena qui n'est pas de la région. Il s'agit d'une femme au caractère bien trempé et qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Tous les deux sont avides d'argent. Le couple entend poursuivre la déforestation pour s'enrichir même si certains s'opposent à ce projet. La main d'oeuvre ne manque pas car avec la crise beaucoup de personnes cherchent du travail. Une vraie aubaine pour George et Serena.

Quand la corruption ne suffit pas pour acheter les autorités, le couple utilise d'autres moyens pour arriver à ses fins. Et Serana se montre encore plus perfide, calculatrice et machiavélique que son époux. Rien ne semble l'arrêter. Seul bémol au bonheur : Serena n'a pas pas pu donner d'enfant à George. elle voit d'un mauvais oeil  celui que George a eu avant leur mariage avec une jeune serveuse prénommée Rachel.
Dès les premières pages, la personnalité de Serena fait froid dans le dos.

Des descriptions de la nature et des personnalités, des discussions où le point de vue des ouvriers exploités est exprimé, une ambiance forte : malgré toutes ces qualités, j'ai trouvé que la trame se devinait assez facilement... Et si j'ai poursuivi ma lecture, c'est seulement pour savoir si Rachel et son fils s'en sortiraient.
Ce roman sombre contrairement aux autres livres de Ron Rash m'a procurée beaucoup moins de plaisir.

Des billets et des avis très différents : Alex, Aifelle, Cathulu, Dasola, Krol, Leiloona, Mango, Papillon...

Lu de cet auteur : Le monde à l'endroit -  Un pied au paradis - Une terre d'ombre

jeudi 4 décembre 2014

Pauline Dreyfus - Ce sont des choses qui arrivent

Éditeur : Grasset - Date de parution : Août 2014 - 234 pages à découvrir ! 

1945. Le livre s'ouvre sur l'enterrement de la duchesse Nathalie de Sorrente où le gratin de l'aristocratie est venu lui rendre un dernier hommage. En moins de deux ans, cette jeune femme belle, séduisante qui vivait pour les bals, les dîners mondains dans l'insouciance la plus totale a vu son monde s'écrouler. Mais afin de préserver ses enfants et surtout des futures alliances, son mari la laissera emporter ses secrets.

La guerre ennuie Nathalie épouse d'un Duc fervent admirateur de Pétain. Ils sont obligés de quitter Paris et ses fêtes pour Cannes où le reste de l'aristocratie trouve également refuge. Elle s'en fiche de la politique et de cette guerre. Tout ce qu'elle veut c'est retrouver sa vie d'avant.
Entre gens de la bonne société où l'on affiche son pedigree, où l'on expose la bravoure des ancêtres, on continue de s'amuser. Et l'on ferme les yeux sur les juifs. Partout, les privations sautent aux yeux mais ce monde huppé se débrouille pour garder au minimum son train de vie. Sauf qu'à la mort de sa mère,  elle apprend la véritable identité de son père. Le doute s'empare d'elle mais la lâcheté sera la plus forte.

Avec des petites touches ironiques, cyniques, Pauline Dreyfus n'épargne pas son héroïne et l'aristocratie qui sait retourner sa veste quand elle a besoin. Un monde frivole et hypocrite mais l'auteure réussit à nous faire ressentir un peu d'empathie pour Nathalie par sa prise de conscience (ce qui n'était pas gagné d'avance). Ce roman sur la filiation restitue un monde qui se croyait à l'abri de de tout.
A découvrir ! 

En larmes sous sa mantille noire, Nathalie a moins pleuré la mort de sa mère - qu'après tout, elle voyait très peu- que son nouveau statut d'orphelin. Il est parfois réconfortant de s'apitoyer sur son propre sort.

Le billet de Mimipinson

mercredi 3 décembre 2014

Paula Daly - La faute

Éditeur : Le Cherche-Midi - Traduit de l'anglais par Florianne Vidal- Date de parution : mars 2014 - 345 pages addictives !

Lisa Kallisto n'est une superwoman. Entre ses trois enfants, son travail dans un refuge d'animaux, elle a souvent d'impression de ne pas être à la hauteur des autres mères. Comme son amie Kate parfaite sur tous les plans. Lucinda la fille adolescente de Kate et amie de sa propre fille Sally disparaît alors qu'elle était sensée dormir chez elle. Sauf qu'une autre jeune fille du même âge enlevée un peu plus tôt a été retrouvée en état de choc profond. Lisa s'imagine que c'est de sa faute si Lucinda a disparu et elle promet à Kate de la retrouver.

Lisa ne va pas se transformer en super héroïne et résoudre l'affaire. Comme dans beaucoup de thrillers, Paula Daly nous amène d'abord sur une fausse piste (celle qui nous fait penser que l'un des personnages est le coupable) sauf que rien n'est joué d'avance. La narration se partage trois voix : celle de Lisa, celle de l'inspectrice Joanne Aspinall et celle d'un homme qui s’intéresse aux jeunes filles à la sortie des écoles. Au fil des pages, ce thriller prend une autre dimension avec les différences de classes sociales, les préjugés , les thèmes de l'éducation de enfants, du mariage mais aussi les trahisons. Les apparences qu'il faut sauver à tout prix prennent l'eau et les surprises se multiplient !

Mon bémol va à l'écriture qui concerne Lisa : elle trop proche de l'oralité et joue en sa défaveur à mon sens. Malgré tout, ce premier thriller est bien mené et addictif !

mardi 2 décembre 2014

Marlen Haushofer - Le Mur invisible

Éditeur : Actes Sud - Traduit de l’allemand par Liselotte Bodo et Jacqueline Chambon - Date de parution : 1992 - 342 pages hérissées de marque-pages ! 

Lors d'un week-end en compagnie de sa cousine et du mari de cette dernière, la narratrice se retrouve coupée du reste du monde dans la forêt autrichienne. Un mur invisible mais bien réel est apparu au-delà duquel tout est pétrifié. Que s'est-il passé durant la nuit ? Là n'est pas la question et d'ailleurs la narratrice n' y pense pas vraiment. Elle se retrouve dans un chalet avec quelques animaux comme seule compagnie. Et cette femme âgée d'une quarantaine d'années et mère de deux filles devenues adultes au lieu de pleurer sur son sort va avoir ce courage et cette force de survivre.

Grâce à un vieil almanach et à quelques graines, elle entreprend de semer et de faire pousser des légumes. Elle a recueilli une vache égarée qui lui donne du lait et s'en occupe comme du chien et de la chatte. Des journées souvent harassantes avec des travaux souvent physiques où  le temps devient celui de la nature et des saisons avec lesquelles elle apprendra à prévoir.
Au bout de plus de deux ans, elle écrit son quotidien depuis que le mur est apparu et ses réflexions. Bien sûr, il y a des moments de peur et ceux de découragement mais toujours elle reprend le dessus. Et quand elle pense à sa vie d'avant, elle se rend compte que celle-ci était faite de conventions alors que désormais elle est libre mais seule. Elle doit adopter cette solitude et la dominer.
Entre les descriptions de la nature, des travaux ou de ses relations avec les animaux, ce qui pourrait être ennuyeux ne l'est pas car il nous interpelle profondément. Que reste-t-il de la femme qu'elle était deux ans plus tôt ? Et des questions lancinantes ne cessent de nous troubler. Qu'aurions-nous fait à la place de la narratrice ? Comment aurions-nous réagi ?

Il s'agit d'un livre qui trace son sillon durant et après sa lecture. J'ai aimé sa beauté singulière, son aspect fascinant, émouvant et troublant ! 
Donc on oublie la couverture guère attrayante et sans rapport avec le contenu pour s'y plonger et le savourer !

Je ne sais pas comment j'ai réussi à survivre à cette période. Je ne sais vraiment pas. Je n'ai dû y pas venir que parce que je me l'étais fourré dans la tête parce qu'il fallait bien que je prenne soin des trois animaux. La conséquence de ces efforts incessants fut que je me mis à ressembler aux pauvre Hugo, je m'endormais dès que je me m'asseyais sur le banc. À cela s'ajoutait que si je rêvais nuit et jour de nourriture, des que je voulais manger j'étais incapable d'avaler une bouchée. Je crois que je n'ai vécu que du lait de Bella. C'était la seule chose qui ne m'écoeurait pas.
J'étais bien trop accaparée par tout ce labeur pour pouvoir appréhender clairement la situation. Puisque j'avais décidé de tenir bon, je tenais bon, je ne savais plus pourquoi c'était si important de le faire et je me contentais de vivre au jour le jour.

Je ne suis qu'une simple femme qui a perdu le monde qui était le sien et qui est chemin pour en trouver un autre. Ce chemin est douloureux et ne prendra pas fin avant longtemps. 

Merci à Willy lecteur de mon blog, prescripteur de bonnes lectures qui une fois de plus a vu juste en me le conseillant !

Le billet de Cathulu, celui de Cuné qui renvoie à d'autres liens, Une Comète

lundi 1 décembre 2014

Eric Reinhardt - L'amour et les forêts

Éditeur : Gallimard - Date de parution : Août 2014 - 366 pages et une fin qui m'a assommée..

La vie de Bénédicte Ombredanne professeur de français, mariée et mère de deux enfants croise celle d'Eric Reinhardt au départ par le biais d'une lettre . Elle lui a écrit pour dire combien elle a aimé son livre et combien il l'a aidé, il va lui répondre. Et exceptionnellement, l'auteur et la lectrice se rencontrent, discutent et Bénédicte se confie à lui. Son mari est un manipulateur et un tyran. Elle est harcelée moralement, il surveille ses faits et gestes en permanence. Sous ce ciel chargé, elle connaît une aventure amoureuse et romanesque. Une journée de grâce dans sa vie. Le retour à la réalité en saura d'autant plus dur que son mari la soupçonne de l'avoir trompé.

Cette histoire pourrait être à elle seule matière à un livre. Sauf que le plus dur est à venir dans les pages suivantes où on découvre réellement la vie de Bénédicte Ombredanne. De cette épouse et de cette mère qui a trouvé refuge dans la lecture, se nourrissant de ses rêves qui lui permettent d'encaisser l'impensable. Des rêves bercés d'un romanesque empreint d'une autre époque.
Eric Reinhardt lève le voile sur d'autres facettes plus terribles. Et il s'agit d'un véritable crève-coeur, écoeurant, révoltant qui a eu sur moi l'effet d'un poignard. Je me suis répétée ce que ce n'était pas possible comme pour m'en convaincre tant j'étais abasourdie.
J'ai été secouée, bousculée mais ce mélange de fiction et de réalité m'a également mise mal à l'aise. Car à travers ce récit, j'ai ressenti une forme d'impuissance face à cette situation. Et dans le cas où elle s'est produite, j'ai eu l'impression d'une absence de regrets (et celui de n'avoir pas agi...).

Pas une seule seconde, je n'ai eu envie de juger Bénédicte et je réfute tous ces discours qui affirment qu'une femme harcelée peut partir ou pire qu'elle se complait dans son rôle de victime. Comment ne pas ressentir de l'empathie pour elle ?
Malgré les nombreuses qualités de ce livre (et quelques petits défauts), je reste quand même en retrait car la fin m'a littéralement assommée...