mardi 30 avril 2013

Julian Barnes - Une fille, qui danse


Éditeur : Mercure de France - Traduit de l'anglais  par Jean-Pierre Aoustin - Date de parution : Janvier 2013 - 193 pages et un livre hérissé de marque-pages ! 

Avertissement : on évite de lire la quatrième de couverture bien trop prolixe ! 

Angleterre, fin des années 60. Au lycée, ils étaient quatre brillants jeunes hommes enclins aux conversations réfléchies où ils aimaient glisser un mot de philosophie. Une sorte de code entre eux. Un peu arrogants certes, croyant que le monde leur appartenait et qu'il l'avait déjà compris. Adrian avait l’esprit vif et était le plus intelligent des quatre mais aussi le plus calme. La fac les a disséminés dans divers coins du pays mettant leur amitié à distance. On a beau se promettre de rester les meilleurs amis à dix-neuf ans, ces promesses se réalisent le temps de se voir un week-end de temps en temps. C’était le temps où Tony a connu Véronica. Son premier flirt qui l’avait quitté pour Adrian.
Tony a maintenant plus de soixante ans, divorcé, il mène une existence qui lui convient. Il reçoit un courrier d’un notaire car  il est dans le testament de la mère de Véronica. Il avait rencontré une fois ses parents et n’a pas revu son ancienne petite amie depuis la fac ayant coupé les ponts avec Adrian.
Pourquoi la mère de Véronica a-t’elle pensé à lui quarante plus tard en lui léguant une petite somme d’argent mais surtout les carnets d’Adrian qui sont en possession de Véronica ?

Avec Tony, nous revisitons ses souvenirs mais surtout les questions surgissent car il est décidé coûte que coûte à récupérer les carnets. Non pas seulement des questions sur le passé, mais  également sur l’existence et le temps qui passe. L'histoire et l'Histoire sont sondées, et à travers Tony le puzzle de plusieurs vies prend forme.
Julian Barnes introduit ici une enquête qui va briser en éclats nombre de convictions établies en vérité. Les réflexion sur le temps, sur la vie sont aussi tranchantes que précises. Les erreurs, les remises en question, les doutes et la culpabilité jalonnent ce récit  où la tension va en crescendo. La mémoire peut être un ennemi bien conciliant, trompeuse oubliant certains faits à notre décharge pour notre amour propre ou notre orgueil. Les certitudes sont  abandonnées laissant place au désœuvrement et à la douleur.
Le lecteur se retrouve sur le flanc hanté par la vision de cet homme brisé pour le restant de ses jours. Dans une écriture classique et concise où rien n'est laissé au hasard ( j'ai relu des passages pour leur sens ou pour les questions qu'ils soulèvent), l'auteur voltige avec l'ironie et nous renvoie face à un miroir.

Brillant et  absolument marquant ! 

Et ça fait une vie, non? Quelques accomplissements et quelques déceptions. Elle a été intéressante pour moi, mais je ne serai pas contrarié ni étonné si d'autres la trouvaient moins intéressante.(...) L'Histoire, ce ne sont pas les mensonges des vainqueurs, comme je l'ai trop facilement affirmé au vieux Joe Hunt autrefois ; je le sais maintenant. Ce sont plutôt les souvenirs des survivants, dont la plupart ne sont pas victorieux, ni vaincus.

Les billets de Krol, Laure, Nadael, Saxaoul


dimanche 28 avril 2013

Claire Castillon - Tous les matins depuis hier


Éditeur : Ecole des loisirs - Date de parution : Mars 2013 - 180 pages drôles, fraîches et criantes de vérité !


Manon bientôt 10 ans est fan, archi fan, de la chanteuse Cindy Pacosa dont les posters tapissent sa chambre. Fille unique, elle partage sa passion avec sa meilleure amie. Ses parents surtout sa mère la couvent et Manon ne le supporte plus. Elle a toujours  un pied dans l’enfance  et un autre dans l’adolescence ( elle réclame plus de liberté). Manon pour qui les garçons étaient inintéressants ou stupides (ou les deux à la fois) va croiser dans le bus scolaire un grand (c’est-à-dire un sixième) et son petit cœur va fondre…

Il s’agit du premier roman pour la jeunesse que Claire Castillon écrit et c’est une grande réussite ! Non seulement elle se glisse avec aisance dans la peau de Manon  mais excelle aussi dans la description des parents.  Les situations sont criantes de vérités et une fois de plus je me suis reconnue (que voulez-vous, j’ai l’attitude de la mère qui énerve systématiquement sa progéniture). Une mère qui papote avec les commerçants ou qui avant d’acheter des vêtements détaille l’étiquette pour le lavage et qui aime savoir ce que font ses enfants. En somme, j’ai apporté la honte totale à mes fifilles qui soufflaient et me lançaient des regards noirs.
Comme il s’agit de Claire Castillon, elle joue avec les mots et nous offre des dialogues truculents tout en décryptant si bien cet âge entre deux. Manon est une fille vive qui fait preuve de détermination, d'humour, et qui porte un regard tendre ou ironique sur ce qui l'entoure. Et à dix ans, on change d’avis facilement, on aimerait quelquefois retrouver l’insouciance de l’enfance mais grandir quand même et  surtout très vite.
Frais, rythmé, drôle et tendre, ce livre est à ne pas bouder  ! 

Il faut flatter les stars pour qu'elles durent. Elles sont comme les camélias, a dit Cindy Pacosa, elles dépérissent si on ne s'en occupe pas.

Je n'arrive même pas à savoir si je suis jolie. Mes parents me l'assurent, mais j'ai remarqué que les parents balancent rarement à leur enfant : "T'es moche". 

samedi 27 avril 2013

Pierre Vavasseur - Deux enfants


Éditeur : Editions du Moteur - Date de parution : 2011 - 36 pages et une jolie surprise !

1970, le narrateur a 10 ans. Lui et ses parents vivent dans la promiscuité dans un quartier populaire et ouvrier de la Bresse. Depuis son accident, son père est lent, gauche dans ses mouvements, ralenti dans ses pensées. Un homme dont tout le monde se moque, sa femme en premier. Pourtant, elle est bien contente qu’il ramène un salaire. C’est elle qui gère l’argent, le dépense et siffle ses remarques acerbes, méchantes. Une femme impudique, grossière et qui ne se cache pas. Son fils l’a déjà vu avec un autre homme que son père. Quand elle lui annonce qu’ils vont partir tous les deux habiter chez son nouvel amant, il pense d’abord à son père. Qui va s’en occuper ? Il lui reste une journée avec lui avant que sa mère ne revienne le chercher en car. Et pour lui, il décide que cette journée doit être aussi belle que la vie insouciante et heureuse. Enfant de chœur, il a volé 500 Francs dans les troncs de l’église. Ils se font faits beaux, tous deux engoncés dans leurs habits du dimanche. Il doit rassurer son père qui s’inquiète de l’absence de sa femme, passer outre le regard des autres car l’enfant amène son père au restaurant et à la fête foraine.

A travers les yeux de cet enfant, on découvre une réalité peu glorieuse. Une famille que n'en est pas une mais où l'amour de ce fils pour son père est bien plus puissant que toutes les hontes ressenties. Une partie du vécu  de l'auteur rendue très justement  car sans  pathos ou misérabilisme. Dans un langage simple voire cru et des dialogues où les mots sont à moitié avalés, Pierre Vavasseur nous transmet ses ressentis et ses pensées à dix ans. Le contexte social et l'époque  ne sont  pas en reste et  émaillent habilement ce récit.

A vrai dire je ne m'attendais pas à ce tour de force qui nous  offre autant d'émotions et de réflexions en aussi peu de pages. On est bien loin du nombrilisme qui caractérise souvent ce type de récit.
Une bien jolie découverte  que je ne suis pas prête d'oublier pour ce petit livre qui déborde de  tendresse  et d'amour ! 

La beauté n'est pas un repère d'enfance. Et pour un gamin, la beauté masculine encore moins. Pourtant je le trouve beau tête nue. Il en est même plus droit. Plus haut. Plus fort, je ne sais pas.C'est tout de même une frêle chose, calcinée à contre-jour.

Ce livre fait partie de la 11ème sélection du prix des Lecteurs du Télégramme.


jeudi 25 avril 2013

Susan Fletcher - Les reflets d'argent


Editeur : Plon - Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Stéphane Roques - Date de parution : Avril 2013 -  450 pages et un gros coup de cœur !

J’aimerai juste vous dire que ce roman m’a rappelée pourquoi j’aime lire, c’est peut-être (un peu) court mais si vrai. Dès les premières pages de ce livre, j'étais ferrée. Une histoire qui débute par le récit d’une légende sur une île balayée par le vent et le ressac, et  instinctivement, j’ai su que j’avais devant moi de belles heures de lecture (oreilles qui se referment comme  les coquillages, plongée en apnée intérieure dans de bonheurs multiples où de petites bulles d’oxygène colorées éclatent dans le cœur et le cerveau)....

Sur l’île de Parla, les légendes font partie depuis toujours de la vie des insulaires. Bercés dès leurs plus jeunes âges par ces histoires où réalité, magie et rêve se superposent pour ne former qu’un. Il y a longtemps James entendit sur la plage de Sye le mot "Espère" s'élever des flots et  vit un Homme-poisson dans mer. ll était grand et aux cheveux noirs tel qu’il était représenté dans le livre d’Abigail qui allait devenir son épouse. Plus personne ne revit l’Homme-poisson.
Les années passent et Sam Lovegrove découvre sur cette même baie le corps d’un inconnu. Il le croit mort mais l’homme est toujours vivant. Ils sont à quatre à le transporter chez Tabitha l’infirmière de l’île. Tout le monde espère que l’inconnu soit Tom emporté par la mer quatre ans plus tôt. Sa femme Maggie dont l’amour ne s’est pas éteint s’est enfermée dans la solitude. Un et demi après avoir épousé Tom, elle s’est retrouvée sans mari et a décidé de rester sur l’île même si elle était originaire du continent. L’ensemble des habitants et toute la famille de Tom, ses deux frères Ian et Nathan, Esther sa sœur, sa nièce Leah, sa tante Tabitha, sa mère Emmeline, sa femme Maggie ont changé. Un voile de tristesse  a recouvert l’ensemble des âmes et des cœurs de Perla. La nouvelle de l’inconnu se répand sur toute l’île mais ce n’est pas Tom. L’homme ne se souvient pas de qui il est, ni de son nom ou de son prénom ni comment il a échoué sur l’île. Physiquement, il ressemble à l’Homme-poisson du livre d’Abigail or la légende veut qu’il apporte espoir et enchantement. Certains veulent très fort que ça soit lui même ceux qui ne croient pas aux contes. L’inconnu va devenir pour la communauté synonyme de renouveau.

Avec une écriture très sensorielle aux accents poétiques profonds, Susan Fletcher nous immerge dans une magnifique histoire où l’amour, la mer, les espoirs ancrés dans les contes, les stigmates enfouies, les mensonges tus, la renaissance et tous les changements qu'un homme, un seul, peut apporter grâce à un livre de légendes sont  déployés tel un précieux secret.

Autant de pages où le lecteur sent les embruns, le vent fouetter son visage. Il imagine Maggie dans sa maison,  visualise la belle Kitty la femme de Nathan peindre et entend ses bracelets à son poignet, voit les reflets scintiller sur la mer. Les sentiments de tous les personnages, leurs ressentis, la nature sont dépeints avec finesse et force, et avec une beauté si pure  que j’ai en ai eu la chair de poule et que j’en ai pleuré de bonheur (à souligner l'excellente traduction) !

Un roman merveilleux, aussi envoûtant qu'Un bûcher sous le neige. J'ai pris le temps de lire pour le savourer et  le faire durer le plus longtemps.
Il possède  cette grâce, ce charme presque magique, cette osmose avec la nature qui est un  personnage à part entière, l'importance des histoires transmises d'une génération à une autre. Des histoires que l'on peut entendre si l'on tend l'oreille pour écouter le vent au détour d'un chemin dans les landes ou qui naissent dans un livre patiné par le temps.

Leah qui a vécu si longtemps à travers les livres - la poésie ou les romans d'amour. Croyait-elle qu'elle ne serait jamais digne de connaître le bonheur ? Hie, Sam l'a vue s'arrêter de balayer pour boire de l'eau au goulot d'une bouteille, quelques gouttes lui coulant sur le menton et la clavicule, et Sam s'est dit que jamais aucun livre ne pourrait renfermer ce type de beauté, un tel éclat ou une telle vie. Lui dira-t-il  jamais ? Comme les nuits argentées, il faut le voir pour le croire.

Le billet de Cathulu



mercredi 24 avril 2013

Gaël Brunet - La battue


Éditeur : Le Rouergue - Date de parution : Mars 2013 - 217 pages et un coup de cœur !

Effectuer une battue : Chasse où les rabatteurs effraient le gibier pour les orienter vers les tireurs. Action d'explorer systématiquement un terrain en groupe afin de retrouver une personne ou des objets.

Olivier vient à contrecœur voir ses parents dans les Alpes. Là où il va vécu, là où il est parti pour Paris. Cinq années se sont écoulées depuis la dernière fois où il a mis les pieds au chalet  en se jurant de ne plus revenir. Mais sa mère l’a convaincue par une lettre, sa mère à qui il ne peut faire aucun reproche sauf celui de vouloir éviter les disputes, les éclats de voie. "Depuis longtemps, ma mère s’est barricadée dans le présent, redoutant de revenir sur notre vie d’avant, d’avoir à se remémorer certains souvenirs qui forment autant de mâchoires intérieures ". Sa compagne Anouk a envie de connaître ses parents sur lesquels il n’a jamais été trop bavard : "En dire le moins possible. Pour ne pas ouvrir une brèche dans le mur que je me suis efforcé de construire, pierre après pierre", mais il a fini par céder. Un père taiseux qui par son silence vous oppresse, vous met mal à l’aise et en deux mots vous envoie valdinguer. Un père qui refuse de répondre aux questions, d’entamer la conversation. Un coup de main dans le vide pour les chasser, un regard noir en tout et pour tout.
Olivier a vécu dans l’ombre de Marc son frère aîné. Skieur émérite et et voué à une grande carrière, la fierté de son père. Pour lui l'avenir était imposé sans avoir le choix avec  la reprise de la petite exploitation familiale. Marc est mort lors d’un accident où son frère était  présent. Olivier a passé son enfance puis son adolescence à faire semblant avec le sentiment de n’avoir pas place dans la famille. Depuis la mort de son frère, son père l’a relégué dans un no man’s land. Même son frère mort est bien plus présent dans la vie de son père que lui. Une battue est prévue au village, Olivier veut y participer pour enfin crever les abcès. Je n'en dirai pas plus sauf que ce  livre a réveillé en moi des souvenirs, l’image d’une personne semblable au père d’Olivier. Les silences, les non-dits qui vous étouffent, le ressenti de n'avoir pas eu sa place aux yeux de ses parents, je les connais trop bien.

Alors, oui, j’ai lu ce livre avec des larmes qui coulaient sur les joues et la gorge serrée. Gaël Brunet sait mettre des mots sur ce qui est presque indicible, décrire une ambiance avec force et sensibilité. Pas de pathos, juste une famille avec ses béquilles et un fils qui veut enfin les balancer pour se libérer et vivre.
Un roman qui vous le comprendrez est plus qu’un coup de cœur ! Maintenant, l'éponge que je suis n'a plus qu'à déverser son trop plein d'émotions...
Et comment ne pas penser à la chanson de Miossec destinée à une mère mais qui colle parfaitement à ce roman :
J'ai côtoyé le pire j'ai fait le nécessaire 
Pour un jour te faire sourire ou tout du moins je l'espère (...) 
Je n'ai jamais osé te le dire
Je n'ai jamais cherché qu'à te plaire
 
Le billet de Jostein et celui de Lucie (magnifique)

lundi 22 avril 2013

Annie Saumont - Un si beau parterre de pétunias


Éditeur : Julliard - Date de parution : Avril 2013 - 201 pages et 19 nouvelles inégales.

J’aime les nouvelles et j’aime l’écriture d’Annie Saumont. Son aisance à se glisser dans la peau de personnages variés enfants ou adultes et cette façon de décrypter leurs pensées. Des personnages communs que l’on pourrait croiser dans la rue à qui elle octroie cynisme, regrets ou des comportements étranges. Avec sensibilité, Annie Saumont explore ce qui détourne du bonheur.  En partant des deux postulats (cités en début de ce billet), j’aurais dû crier à l'enchantement sauf que l’étincelle ne s’est pas produite pour une bonne partie de ces nouvelles.

Il y a des pépites dans ce recueil (un si beau parterre de pétunias, le dernier client, une tasse de café par exemple et quelques autres. La lecture d'Allô, Madja a  noyé mes yeux de poissons d'eau) mais j’ai trouvé les textes inégaux dans l’ensemble. L’art de l’ellipse peut amener à fermer les portes d’un monde au lecteur sans lui donner les clés pour s'y introduire. Et pour être honnête, je suis restée sur le paillasson pour certaines nouvelles.
Je reconnais avec plaisir qu’Annie Saumont est une auteure qui n'a rien perdu de son audace et qui continue de surprendre par son écriture. Et ce n’est pas ce recueil qui m’empêchera de la lire encore...

J’ai une blessure au cœur, c’est débile. Je ne sais plus jouir simplement de sa présence, de on sourire. Je suis tremblante, émue quand il est là. Vous deux, je vous admirais, si calmes, précis, intelligents. Vous n’en finissiez pas de discuter. Habilement. Avec sagesse et conviction.

dimanche 21 avril 2013

Annick Cojean - Les proies


Éditeur : Le Livre de Poche - Date de parution : Avril 2013 - 299 pages et une plongée dans le harem de Kadhafi.

Kadhafi était toujours entouré de ses gardes du corps celles qu’il appelait ses amazones. De belles jeunes femmes, souriantes dans leur treillis militaire et semblant éprouver admiration et respect pour le « Guide » La réalité est bien autre. En 2011, Annick Cojean a enquêté sur le rôle de femmes et les viols durant la révolution qui a suivi le printemps arabe. Il faut savoir qu'en Libye "le viol était pratique courante et fut décrété arme de guerre". Elle a rencontré Soraya dont la vie a été saccagée par Mouammar Kadhafi.

La première partie de ce livre reprend le témoignage de Soraya. Alors qu’elle avait 15 ans, Mouammar Kadhafi s’est rendu à son école. La visite n'était qu'une mascarade déguisée pour trouver de nouvelles filles. Il a posé sa main au-dessus de la tête de Soraya. Un geste pour désigner qu’il la voulait pour lui. Soraya a été enlevée à sa famille et est devenue une esclave sexuelle pour Kadhafi comme d’autres jeunes filles. Violée, battue, humiliée,... L’horreur est à son paroxysme. L’inimaginable apparaît dans ce récit car Kadhafi était un monstre, un pervers mégalomane, un insatiable prédateur. Filles ou garçons, tous étaient des proies. Soraya a vécu cet enfer durant cinq longues années séquestrée à bab Al-Azizia. Lors de visites ou de déplacements officiels, les esclaves de Kadhafi endossaient le rôle des amazones gardes du corps.

Dans la seconde partie du livre, Annick Cojean revient sur le témoignage d’autres femmes qui comme Soraya ont été esclaves de Kadhafi. Les anciennes amazones sont rejetées par les leurs car  leur honneur a été bafoué à tout jamais. L’auteure décrit toute la difficulté de son enquête durant laquelle elle a tenté de percer ce lourd silence qui entourait les pratiques de Kadhafi. Même après la mort du tyran, le sujet reste tabou. On apprend que Kadhafi offrait de l'argent et des bijoux à des femmes de diplomates contre leurs faveurs ou qu’il recrutait ses proies à l’extérieur de la Libye. Pire, il possédait également un appartement au sein même de l'université. Depuis sa mort, les femmes espèrent  un avenir plus clément où elles puissent se faire entendre.

Ce livre est un véritable uppercut. Je suis sortie de cette lecture habitée par l'indignation, la révolte et l'écœurement. Combien ont-elles été à être des objets sexuels pour Kadhafi durant ses quarante années de pouvoir? On a laissé agir cet homme à sa guise, personne n'a voulu dévoiler ces actes qui étaient pour certaines personnes libyennes ou étrangères un secret de polichinelle. Les intérêts économiques ont été plus importants une fois de plus que la vie de jeunes femmes.
J'apporterai juste un bémol sur la construction à proprement parler du livre. L'auteure ne suit pas une chronologie précise ce qui s’avère un peu gênant dans la lecture. De plus, elle  revient plusieurs fois sur certains mêmes faits sordides, des passages très durs à la limite de l’insoutenable.

Les proies est le livre de ces femmes victimes d’un monstre. Espérons qu’il ouvre les yeux et délie les langues même si la « diplomatie » politique et les intérêts financiers sont toujours prioritaires...( mais cet espoir est sans doute utopiste).

Ce livre fait partie de la 11ème sélection du prix des Lecteurs du Télégramme.


samedi 20 avril 2013

J'ai rencontré Miossec !!!!!!!!

Le Disquaire Day c’était aujourd’hui. Il s’agit de la journée pour les disquaires indépendants qui comme les librairies indépendantes se portent mal… Comme l’année dernière, Miossec ( oui, Christophe Miossec ) a apporté son soutien en se produisant en showcase chez Dialogues Musiques. Et j’y étais.
Comme à ses concerts, j’ai chanté ( faux), tapé du pied, applaudi à en avoir mal aux mains. Un petit garçon dans les bras de sa maman me regardait d’ailleurs bizarrement. A mon avis, je l’ai traumatisé… Bref passons car il y a mieux. Car ce que j’espérais depuis très longtemps s’est produit.

Ouiiiii (attention à vos tympans)! Après son concert ou il était  accompagné en solo de son pianiste ( toujours aussi excellent d’ailleurs), j’ai pris mon courage à deux mains et accompagné de Monsieur, j’ai été lui parler (pas au pianiste mais à Miossec).
Avec des trémolos d’émotion dans la voix, je lui ai dit que j’étais une de ses grandes admiratrices, que grâce à lui j’avais connu Georges Perros mais j’étais tellement impressionnée que je ne terminais même pas mes phrases (ou presque)… Monsieur lui a dit que c’est lui qui m’a fait le découvrir (ce qui est vrai) et qu’il avait assisté à son tout premier concert (ce qui est encore vrai).

Et voilà j’ai rencontré Miossec. Un artiste simple (pas de lunettes de soleil ou de gardes du corps), un homme à l’écoute de l'autre et qui possède de l’humour. Un amoureux des mots dont j'ai aimé cette phrase  :  « la littérature est l’essence de tout ». Monsieur comme moi était sur petit nuage et en plus je suis repartie avec une dédicace où Perros, Guillevic et Selby sont cités….





La tête à gauche c'est bibi ( les cheveux bougent naturellement à cause de  l'émotion!)



vendredi 19 avril 2013

Inger Wolf - Nid de guêpes


Éditeur : Mirobole - Traduit du danois par Alex Fouillet - Date de parution : Mars 2013 - 379 pages efficaces !

A Århus, une ville danoise portuaire, quelques jours avant noël, le cadavre d’un adolescent est retrouvé. Mutilé, lèvres arrachés et des guêpes mortes à ses côtés recouvertes de laques. Un patient Sanders dont les rêves sont peuplées des guêpes et par l'image d'une fillette s'est échappé de l'hôpital psychiatrique. Le commissaire Daniel Trokic interrompt ses vacances en Croatie et rentre à Århus.

Le premier meurtre est rapidement suivi par un second. Un adolescent également qui a subi les mêmes sévices. Où est le rapport entre ces deux garçons ? Quelle est la signification des guêpes? Sanders est-il le coupable ? Les chapitres alternent habilement l'enquête de Trovic et celle de ses équipiers, les souvenirs d'enfance très étranges de Sanders et la voix du meurtrier.
Le décor est planté, les personnages sont bien campés et on avance entre fausses pistes et révélations. Une construction somme toute assez classique, un puzzle avec suffisamment de zones d’ombre. Même si on devine peu à peu les fils qui relient certains personnages et que l'on connaît le prénom du meurtrier, ses motivations ne sont dévoilées qu’à la fin. L’auteure ne s’éternise pas sur les détails sanglants et nous évite des pages de descriptions baignées d’horreur ou d’hémoglobine ( ce que j’ai apprécié). Elle s’attarde sur la psychologie de ses personnages, sur le rôle de l’enfance et de ses traumatismes. Le dénouement final est à la hauteur d'un meurtrier complètement tordu...

Mon seul petit bémol concerne la construction qui je trouve manque un peu d’originalité. Mais sinon ce polar est de bonne facture et remplit efficacement son rôle !




mercredi 17 avril 2013

Amandine Dhée - Et puis ça fait bête d'être triste en maillot de bain


Éditeur : La Contre Allée - Date de parution : Février 2013 - 82 pages dévorées et adorées !

La narratrice une jeune femme devenue auteure revient sur son parcours dès son plus jeune âge. De sa naissance où sa grand-mère aurait dit  "elle est laide", elle nous raconte son enfance et adolescence. Un chemin où les blessures sont distillées dans l'humour et avec une sensibilité à fleur de peau.   En classe, la maîtresse lit parfois ses rédactions à voix haute faute. « Ca la fulgure ».  Elle fait comme si les difficultés  familiales n'existaient pas et elle se " termite du dedans –doucement. Et avec elle ces règles et ces frontières qui ne servent pas être heureuse ».  Son corps  "est une balise d’appel à laquelle personne ne répond", il faut continuer à avancer, à croire  avec "toujours une fugue en poche quand ça fait mal". Elle aimerait vivre de l'écriture, en faire son métier. Le rêve se réalise à condition de montrer patte blanche pour avoir l’autorisation administrative d’être auteure.
Comment être soi-même dans une société régie par des codes et quand on a ce sentiment profond de ne  pas rentrer dans les cases ?  Dans ce  livre à part, frais, sensible et touchant, elle nous apporte ses  réponses par son itinéraire loin des sentiers battus.

Avec une émotion palpable, Amandine Dhée parle de thèmes difficiles avec cette pudeur qui privilégie l’humour souvent décalé. L'écriture va à l’économie des mots avec lesquels l'auteure  s'amuse.
Un livre qui  résonne encore en moi ( touchée, coulée à plusieurs reprises ) et  j’en redemande !

Les billets tentateurs de Cathulu , Charlotte

mardi 16 avril 2013

John Green - Nos étoiles contraires


Éditeur : Nathan - Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Catherine Gibert - Date de parution : Février 2013 - 331 pages très, très émouvantes ! 

Hazel seize ans un cancer de la thyroïde. Depuis ses poumons sont mal en point en point d'où  une bonbonne d'oxygène en permanence. Sur l'insistance de sa mère, elle se rend une fois par semaine à un groupe de soutien pour cancéreux. Mais Hazel n'est pas dupe et voit la réalité en face. Lors d'une séance du groupe, elle rencontre Augustus dont la jambe a dû être amputée.

Sur la blogo, ce livre a contribué à l'augmentation de la consommation de mouchoirs et a été pour beaucoup un coup de cœur. Une fois l'objet entre les mains, j'ai lu un éloge plus que dithyrambique sur la quatrième de couverture " ça frôle le génie". Bon, je n'irai pas jusque là....
Même si on devine qu'entre Hazel et Augustus qu'une histoire d'amour va naître, même si on sait que le livre ne finira pas par « ils se marièrent, eurent une ribambelle d'enfants et vécurent longtemps », un arc-en-ciel d'émotions est eu  rendez-vous.
Avec Hazel, on se prend en pleine figure le cancer mais c'est surtout sa  lucidité qui fait mal. Sa mère a arrêté de travailler pour s'occuper d'elle, son traitement a un coût financier non négligeable et elle sait  qu'elle est condamnée. Ironique pour tromper la peur, sous sa carapace blindée Hazel se protège et cache sa sensibilité. Et il y a sa rencontre avec Augustus, un garçon qui tombe amoureux d'elle.

Je n'en dirai pas plus sauf j'ai souri, j'ai été  balayée d'émotions et que je l'ai refermé la gorge serrée. Deux adolescents qui ont grandi trop vite à cause de la maladie, un roman lumineux où la lecture a un rôle et où la vie, l'amour sous toutes ses formes scintille ! 
John Green évite le pathos et le ton est juste. Des personnages criants de vérité et attachants (y compris les parents et Isaac du groupe de soutien).
Cette belle leçon de vie ne peut laisser personne indifférent !

Les billets de BladelorHérisson, Jérôme, La Fée Boudonnaise,   Lasardine, Leiloona, LiyahMéloNoukette, Sandrine, Stéphie, Un autre endroit pour lire...
Un grand merci à celle qui m' a prêtée ce livre !

lundi 15 avril 2013

Salman Rushdie - Joseph Anton

Éditeur : Plon - Traduit de l'anglais par Gérard Meudal - Date de parution : Septembre 2012 - 726 pages denses et un  plaidoyer pour la liberté !

Le 14 février 1989, la vie de Salman Rushdie auteur des versets sataniques bascule. Il apprend par un journaliste que l'Ayatollah Khomeini a lancé une fatwa contre lui. Désormais sa tête a un prix. Durant neuf longues années, sa vie et celle de sa famille sont bouleversées. Il est placé sous protection policière en permanence et devient Joseph Anton un personnage clandestin. Sa liberté est réduite à néant. Son domicile ressemble à une forteresse, le peu  de ses déplacements doit être approuvé par la police. Il est comme  un prisonnier alors qu'il n'a commis aucun délit. S'il trouve du soutien auprès de ses amis, de certains écrivains ou de personne connues, son cas embarrasse à plus d'un niveau. Sur les places politiques, on lui offre un soutien déguisé devant les journalistes. Mais la diplomatie et les relations avec l'Iran sont pour certains pays plus importantes que le cas Salman Rushdie. Au fil du temps, les médias s'insurgent du coût de sa protection payée par le contribuable, certains de ses éditeurs font marche arrière pour la publication des versets sataniques en livre de poche et d'autres prennent le risque. La fatwa est une pieuvre qui s'étend à tout ce qui touche l'auteur et son livre. Si chaque 14 février est un anniversaire particulier, l'opinion publique semble lassée mais Salman Rushdie continue à se battre pour la liberté. Un combat qui mobilise tant d'énergie que l'auteur n'écrit plus ou presque. Sa vie d'homme, d'époux, de père, d'auteur et d'homme est en affectée. Face à des moments de solitude, il ne perdra jamais espoir ni son sens de l'humour. En 1999, la fatwa est levée et Joseph Anton n'est plus mais la fondation 15 Khorad offre aujourd’hui 3,3 millions de dollars pour son meurtre...

Dans ce livre dense qui fourmille de détails, l'auteur a choisi de s'exprimer à la troisième personne. Sans se placer sur un piédestal, il se montre tel qu'il est toute franchise avec ses faiblesses et en revenant sur les erreurs qu'il a commises.
Malgré quelques longueurs, j'ai très vite été passionnée par ce livre qui interpelle et qui est une véritable mine de réflexions sur la liberté d'expression, l'Islam intégriste, les intérêts politiques qui peuvent hélas prendre le pas sur la vie d'un homme.

Un plaidoyer pour la liberté à mettre entre toutes les mains ! Un livre hérisson tant j'y ai inséré de marque-pages...

Il commençait à apprendre la leçon qui allait lui rendre la liberté : se laisser emprisonner par le besoin d'être aimé revenait à être enfermé dans une cellule où l'on éprouve d'infinis tourments et dont il est impossible de s'échapper. Il fallait qu'il comprenne qu'il y avait des gens qui n el'aimeraient jamais. Il pouvait toujours expliquer patiemment son travail, préciser clairement les intentions qu'il avait eues en écrivant, ils ne l'aimeraient pas. Les esprits qui ne raisonnaient pas, qui se laissaient guider par la foi absolue imperméable au doute ne pouvaient pas être convaincus par des arguments raisonnables. Ceux qui l'avaient diabolisé ne diraient jamais : "Au fond, il n'est pas Démoniaque". Il fallait qu'il se fasse une raison. De toute façon, lui non plus n'aimait pas ces gens-là. Du moment qu'il revendiquait clairement ce qu'il avait écrit et déclaré, du moment qu'il était en accord avec son travail et ses prises de positions publiques, il pouvait supporter d'être détesté. (...) Ce qu'il avait besoin de savoir précisément maintenant, c'était pourquoi il se battait. La liberté de parole, la liberté d'imagination, la fin de la peur et cet art ancien et magnifique qu'il avait le privilège de pratiquer. Mais aussi le scepticisme, l'irrévérence, le doute, la satire, la comédie et la jubilation profane. Il ne fléchirait jamais dans plus dans la défense de toutes ces choses.

L'histoire de sa petite bataille, elle aussi,  touchait à sa  fin. (...) il aurait été facile, après tout ce qui lui était arrivé, après l'énormité du crime commis contre la ville, de se laisser à haïr cette religion, aussi bien que ses fidèles, au nom de laquelle ces actes  avaient été  commis. (...) Il prit le parti de croire en la nature humain et dans l'universalité de ses droits, dans  sa morale et dans sa liberté, et de résister aux sirènes du relativisme qui était la source même des invectives de ces armées de religieux (..) et de leurs compagnons de route.

De nombreux billets  sur Babelio

 

vendredi 12 avril 2013

Luigi Carletti - Prison avec piscine


Éditeur : Liana Levi - Traduit de l'italien par Marianne Faurobert - Date de parution : Mai 2012 - 248 pages et un avis mitigé...

Sociologue et professeur d'université, Filippo Ermini a élu domicile à la Villa Magnolia. Il connaît tous les résidents  car il y venait déjà enfant avec ses parents. Paraplégique depuis qu'un chauffard l'a percuté, ce quarantenaire n'attend plus rien de la vie et est résigné. Aidé par Isidro d'origine péruvienne qui est au service de sa famille depuis toujours et surnommé "l'Indipensable" (avec un filet d'humour noir), les journées de Filippo s'égrènent dans une routine bien huilée. Tous les jeudis accompagné d'Isidro, il se rend au bord de la piscine pour écouter les dernières nouvelles de la Villa Magnolia. Notre narrateur aime observer ce qui se passe dans cet endroit où personne ne semble avoir aucun secret pour personne. Sous la torpeur du soleil romain, les résidents de la Villa Magnolia ont leurs habitudes et si  Filippo prétend travailler à l'écriture de son nouveau livre, il prépare un plan pour mettre fin à ses jours.  La vie paisible de la Villa Magnolia est bousculée par l'arrivée d'un nouveau résident. Un certain ingénieur du nom de Rodolpho Raschiani.

La curiosité des résidents à son égard est réveillée y compris celle de Filippo. Surtout que l'homme a le dos barré de trois monstrueuses cicatrices. Dégageant un mélange de politesse, de charme et d'autorité, il intervient alors que deux voyous menaçaient une résidente. Le nouveau résident cherche à s'approcher de Filippo et à gagner son amitié. Qui est-il vraiment? Etrangement, Rodolpho Raschiani est au courant de beaucoup d'éléments de la vie des résidents et en particulier de celle de Filippo. Entre ces deux hommes intelligents, une relation s'instaure où les cartes sont posées sur table. Mais dans un jeu de carte, certains personnages ont une  double représentation...

Si j'ai deviné qui était en partie Rodolpho et la trame générale de roman, je n'ai pas vu venir le rebondissement final. Je ne peux pas nier la qualité de l'écriture  de cette comédie qui flirte avec le polar où les  dialogues sont teintés d'ironie et d'humour. Mais voilà dans ce huit clos où la Villa Magnolia semble surgir d'une autre époque, il m'a manqué un je ne sais quoi, une certaine consistance et surtout des émotions...

Ce livre fait partie de la 11ème sélection du prix des Lecteurs du Télégramme.

Le billet de Sandrine



jeudi 11 avril 2013

Joyce Maynard - Baby Love

Editeur : Philipp Rey - Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Mimi Perrin - Date de première parution : 1981 - Date de parution : Avril 2013 - 301 pages à la fois belles et terribles sur la maternité ou son désir... 

Fin des années 1970, elles sont quatre adolescentes à passer beaucoup de temps de temps ensemble. Agées de seize à dix-huit ans, leurs conversations tournent de leur bébé. Sandy mariée depuis plus d'un an est une parfaite maman et mère au foyer. Mark son mari se sent coincé dans son rôle de père et d'époux car le bébé n'était pas prévu. Tara comme Wanda élève seule son enfant. Jill lycéenne qui habite toujours chez ses parents est enceinte depuis peu.

La vie de ces quatre jeunes filles tourne autour de la maternité. A l'âge où elles devraient s'amuser, penser à l'université, les responsabilités d'être mère ont balayé tout le reste. Encore que. Car Sandy désarmante par sa naïveté et par son innocence pense de temps de temps aux études qu'elle pensait suivre. Maman, épouse, femme au foyer : elle se sent importante dans ce schéma et ne regrette rien. Wanda galère avec sa petite fille. Bien sûr, elle aime son enfant mais c'est si dur quand la petite pleure, c'est si frustrant d'avoir un corps qui a changé et de ne plus sortir comme avant. Bien que sa mère voulait qu'elle avorte, Tara a refusé et a aujourd'hui une relation très harmonieuse avec son bébé. Jill est excité à l'idée d'être enceinte comme si cela représentait une réussite en soi.
La petite ville connaît des changements : un peintre et sa compagne tous deux de New-York viennent s'y installer comme Ann une jeune femme de vingt ans seule et brisée par une rupture. Sans oublier une femme en âge d'être grand-mère qui porte un intérêt particulier au bébé de Wanda, un détenu en hôpital psychiatrique qui cherche à donner son amour passionné et exclusif.

Tout en finesse et avec subtilité, Joyce Maynard nous invite dans le quotidien et dans l'intime de ses personnages. Bercés d'illusions, prisonniers d'une vie non choisie ou aspirant à une autre chose, une intrigue se noue peu à peu entre eux. Entre les désirs, les rêves, les remords, les désillusions et les fantasmes, on pressent que ce que livre se terminera mal. Très mal. La fin en sera d'autant plus terrible.
Avec une écriture sans fioriture, l'auteure nous décrit une Amérique profonde et cette perception  de devenir mère qui revêt des dimensions différentes.
A la fois touchant par ces jeunes filles aux vies soudainement étriquées et dérangeant par plus d'un aspect, j'ai lu ce roman d'une traite ! Et maintenant je n'ai qu'une seule envie lire Les filles de l'ouragan !

C'est bien mieux d'avoir un vrai bébé qu'on peut cajoler, laver et pomponner, au lieu d'en rêver seulement. En janvier dernier, c'était un peu comme un paquet-cadeau qu'on promène partout sans y toucher, en se demandant ce qu'il y a à l'intérieur. On peut imaginer qu'il contient une bague en diamants, ou les clés d'une mobylette, ou encore autre chose. Mais une fois ouvert, on est toujours déçu même s'il s'agit de l'objet tant désiré. Maintenant qu'il est là, on n'attend plus rien. 

Lu de dette auteure : Et devant moi, le monde 

Le billet de Delphine

mardi 9 avril 2013

Marie Nimier - Je suis un homme


Éditeur : Gallimard - Date de parution : Janvier 2013 - 233 pages et un avis mitigé...

Alexis Leriche fis d'un boucher  et d'une mère discrète qui effectue des travaux de couture  pour arrondir les mois a honte de sa famille. Son père ouvre son propre commerce le temps que la désillusion et les dettes l'obligent à mettre la clé sous la porte. Et ce même père les abandonne en ayant fondé une autre famille autre part. Alexis à peine sorti de l'adolescence perd en quelques mois sa mère malade. Peu de contacts ou presque avec son frère. Le jour de l'enterrement de leur mère, la petite amie de son frère le plaquera pour Alexis. Première victoire  pour Alexis qui se sait beau gosse. Et puis le sexe, il y pense souvent. Beaucoup à vrai dire. Alexis sort de son état léthargique dans lequel il s'était enfermé depuis la disparition de sa mère grâce à Antoine un ami de toujours.

Antoine est un gars qui la tête sur les épaules et ne  ne comprend pas pourquoi Alexis veut à tout prix  recontacter Delphine  qui était au lycée avec eux. Delphine encore plus belle, à l'aise comme peuvent l'être les  personnes d'origine sociale aisée et toujours accompagnée de son amie Zoé. La honte de sa famille revient au galop mais qu'importe Alexis sait que Delphine a toujours eu un faible pour lui, un gros même qui l'aurait poussée à commettre une tentative de suicide à seize ans. Alexis décide de créer sa propre boîte avec l'aide Antoine, Delphine et Zoé. Le fils du boucher réussit, sûr de lui, avec cette soif d'aller encore plus loin, la revanche sur son père semble inassouvie. Mais Delphine est comme un anguille, insaisissable et Alexis blessé dans son orgueil de mâle se rabat sur Zoé. Le désir d'avoir Delphine le ronge. Zoé n'est pas dupe, gentille, attentive et aimante. Le sexe occupe toujours les pensées d'Alexis. Et c'est écrit avec des mots crus. Le sexe sans amour, brutal et pour s'affirmer. L'ascension d'Alexis a été rapide. Il veut dominer, se montre d'autant plus violent, colérique comme si sa revanche était un puits sans fond. Il veut prouver à tous qu'il est un homme différent de son père. Sa chute en sera d'autant plus dure.

Le sexe tient une place très importante dans ce roman. Ceux qui me connaissent savent que la vulgarité, la grossièreté à outrance ne sont pas ma tasse de thé. Et c'est là que le bât blesse. Premier bémol. Mais pour autant j'ai continué à suivre Alexis, ce personnage macho, irrespectueux, conscient de ce qu'il est et qui prend plaisir à jouer avec les autres. Second bémol : la fin du roman m'est apparue un peu facile, trop d'ailleurs.
De Marie Nimier, j'avais lu Les inséparables, La reine du silence. Cette auteure possède un vrai talent  que l'on retrouve dans ce livre. Mais l'écriture n'est qu'un des piliers d'un roman et l'histoire d'Alexis ne me laissera pas un souvenir impérissable...

lundi 8 avril 2013

Kevin Powers - Yellow birds


Éditeur : Stock - Traduit de l'anglais (Etats-unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson - Date de parution : Février 2013 - 248 pages et un très grand livre ! 

Dès le camp d'entraînement, Bartle vingt et un ans  est devenu copain avec Muphy âgé de dix-huit ans. Le sergent Sterling a recommandé à Bartle de veiller sur lui comme la mère de Murphy à qui il fait la promesse que son fils rentrera sain et sauf. Au bout de presque deux années années passées Irak à Al Tafar, le soldat Bartle rentre chez lui. Direction Richmond et la maison de sa mère. Murphy et le sergent Sterling sont morts. Engagé volontaire dans cette "sale petite guerre", il voudrait retrouver une vie normale mais comment. Aux yeux des autres, c'est un soldat  respecté comme tout  ceux revenus d'Irak mais ils ignorent ce que Bartle a vécu là-bas. Et surtout comment c'est dur d'oublier.

Rien n'est épargné au lecteur qui est transporté aux cotés du soldat Bartle. La peur trompée ou dissimulée par l'humour, la solidarité mais aussi ce détachement froid. Car en Irak pour ne pas craquer, il faut tenir ses distances avec la mort qui est une composante de la guerre.
La construction alterne les souvenirs d'Irak et la vie après le retour aux Etats-Unis, on assiste impuissant à la métamorphose de Bartle. Le jeune homme engagé pensait devenir "un homme" en participant à cette guerre. Il  en est revenu complètement dévasté. Comme ayant perdu le mode d'emploi de la vie et avec le poids de la culpabilité. On ne découvre que dans les dernières pages les circonstances de la mort de Murphy.  La suite comme l'ensemble du livre marque les esprits de façon indélébile.

Le lecteur est  le soldat Bartle  grâce à une écriture qui fait appel à tous les sens. La brutalité côtoie un lyrisme dans ce roman puissant, direct et sans concession. 
Kevin Powers a lui-même participé à cette guerre et nous offre un très grand livre sans fioriture ! A lire absolument! 
Je n'ai pas lu ce livre,  je l'ai ressenti.

J'étais devenu une espèce d’infirme.  Ils étaient  mes amis, n'est ce pas? Pourquoi ne pouvais-je  tout simplement pas nager à leur rencontre. Qu'est ce que je  leur dirais ,"Hé, comment ça va? " s’exclameraient-ils en me voyant. Et je répondrais, "J'ai l'impression que quelque chose me bouffe de l'intérieur et je ne peux rien dire à personne parce que tout le monde est si reconnaissant envers moi ; je me sentirais trop ingrat si je me  plaignais de quoi que ce soit". Ou un truc du genre, "Je ne mérite la gratitude de personne, et en vérité les gens  devraient me détester à cause de ce que j'ai fait, mais tout le monde s'en fout de ce que j'ai fait, mais le tout le monde m'adore et ça me rend fou".

Ce livre fait partie  de la sélection d'avril du prix Relay des Voyageurs





dimanche 7 avril 2013

Prix du livre Inter 2013

Ce n'est pas pas un scoop, la sélection du prix Inter 2013 est tombée il y a déjà quelques jours.

Le jury devra choisir entre :
Les lisières d'Olivier Adam  (une déception)
Tout s'est bien passé d'Emmanuèle Bernheim (beaucoup aimé)
Viviane Elisabeth Fauville de Julia Deck (aimé)
Réanimation de Cécile Guilbert (beaucoup aimé)
Ladivine de Marie NDiaye
En ville de Christian Oster
Un notaire peu ordinaire d'Yves Ravey
Heureux les heureux de Yasmina Reza (une déception)
La disparition de Jim Sullivan de Tanguy Viel (beaucoup aimé)
Sombre dimanche d'Alice Zenter

J'avais En ville sous le coude, je l'ai commencé aujourd'hui et abandonné.  Je n'aime pas l'écriture de Christian Oster, il est en de même pour celle de Marie NDaye (voilà, c'est dit).
Sur deux titres, je suis à contre-courant des avis de la blogo. Si Les lisières d'Olivier Adam a été souvent encensé, pour moi il ne s'agit que d'une compilation des précédents romans de l'auteur. Anorexie,  jumeau décédé, une femme qui fuit son quotidien, le Japon, un narrateur qui ressemble à l'auteur. Et une question : est-ce qu' Olivier Adam s'est servi de son personnage pour régler ses comptes avec les journalistes? Si oui, ma foi, autant le faire en l'assumant...
Le second titre est réanimation qui  m' a beaucoup touchée. Sur la blogo, très peu d'avis positifs (on doit les compter sur les doigts d'une main...).
Je n'ai pas de boule de cristal mais La disparition de Jim Sullivan  dont la fin aurait pu être meilleure risque de n'être pas retenu.

Valérie parle également de cette sélection.

L'année dernière, le prix avait été attribué à Supplément  à la vie de Barbara Loden de Nathalie Léger,  un roman remarquable que j'avais adoré !

samedi 6 avril 2013

Nele Neuhaus - Blanche-Neige doit mourir


Éditeur : Actes Sud - Traduit de l'allemand par Jacqueline Chambon - Date de parution : octobre 2012 -  396 pages et un avis très mitigé...

A trente ans, Tobias Sartorius sort de prison après avoir purgé une peine de dix années. Condamné pour le meurtre de jeunes filles Laura et Stefanie, il retourne au village d'Altenhain où ses parents et lui habitaient. Il apprend par son père que sa mère n'en pouvait plus des remarques et des regards des autres et a préféré partir. Les deux jeunes filles habitaient à Altenhain : Laura était sa petite amie avant que Stefanie ne lui vole le cœur de Tobias et la vedette pour une pièce de théâtre. Le retour de Tobias est très mal perçu par l'ensemble de la communauté. Le père de Laura veut sa mort, d'autres crient à la vengeance.

Mais la mère de Tobias a été poussée volontairement d'un pont et se trouve entre la vie et la mort. Les policiers Oliver von Bodenstein et Pia Kirchhoff sont chargés de l'enquête. Pia trouve bien étrange cette coïncidence et se rend compte que les villageois sont soudés et surtout décidés à ne pas lui révéler tous leurs secrets. Argent, pouvoir, vengeance, tromperies dorment dans ce panier de crabes que le retour de Tobias a réveillé. Pia décide de rouvrir l'enquête même si tout à l'époque désignait Tobias coupable. Très vite, on découvre une  multitude de personnages. Le médecin qui s'occupe de Thies un autiste du village avec qui Amélie une jeune fille arrivée depuis quelques mois de Berlin a sympathisé. La jeune fille ressemble comme deux gouttes d'eau à Stefanie. Elle croit en l'innocence du jeune homme et est décidée à ouvrir grand ses yeux et ses oreilles. Claudius Terlinden règne en maître financièrement sur le village et est le seul a apporté son soutien à Tobias. Un ministre reçoit des lettres de menaces anonymes et enfin Nadja l'amie de Tobias devenue actrice l'attend amoureusement.
Nele Neuhaus lève lentement le voile sur l'écheveau compliqué des relations entre les villageois. Mais j'ai trouvé qu'un certain ennui et que des longueurs prenaient largement le pas sur l'ensemble sans compter que j'ai deviné qui n'était pas forcément blanc comme neige ( oui, elle était facile celle là !). De plus, les problèmes personnels de Oliver von Bodenstein et Pia Kirchhoff me sont apparus sans aucun intérêt dans ce livre ( à part celui d'augmenter le nombre de pages..)

Les dernières pages m'ont sortie de ma léthargie grâce à des enchaînements plus rapides mais là les rebondissements s'accumulent de façon exagérée. Au final, pas d'adrénaline, d'ongles rongés et de pages tournées à folle allure...





vendredi 5 avril 2013

Valérie Clo - Les gosses


Editeur : Buchet-Chastel - Date de parution : Avril 2013 - 147 pages criantes de vérité ! 

Avertissement : O toi lectrice/lecteur si tu es parent d'un petit être tout mignon, lis ce livre et tu savoureras d'autant plus ces moments de bonheur où ton enfant te comble par ses câlins, son comportement exemplaire car jamais tu t'imagines qu'il pourra un jour se transformer en Ado. 

Et pour ceux et surtout celles qui sont comme moi mère d'ados, j'ai eu l'impression que Valérie Clo avait fait un stage chez moi et parlait de de ma progéniture ! 
Si j'échappe à la la flemmardise aiguë, à la fumette et au changement de cap professionnel parce que mon Ado a arrêté ses études pour travailler mais en même temps trouve que c'est dur, pour mes Fiilles, je suis passée (et je suis toujours) dans :
- l'avenir c'est " après, ça a l'air trop nul. on est obligé de travailler et de s'occuper des enfants. De toute façon, elle n'a pas envie d'en avoir. Si c'est pour qu'ils soient chiants et critiquent tout ce qu'elle fait ..."
- marche dans la rue constamment devant moi ;
- critique ma façon  ringarde et "has been" de m'habiller ;
- ne veut pas m'accompagner faire quelques courses au supermarché du coin (c'est trop la honte) ;
- me dit quelquefois que je suis géniale (faire une croix sur le calendrier) et j'en passe !

Tous ces changements sont survenus brusquement sans prévenir. Il faut encaisser toutes ces gentilles réflexions qui mises bout à bout donnent l'impression d'avoir raté quelque chose côté éducation. Car bien entendu chez les autres, c'est mieux (toutes les copines ont des mamans formidables) sans compter les petite remarques de ma propre mère sur l'art et la manière d'élever ses enfants. Alors oui,  je me suis retrouvée dans le portrait de cette mère mais surtout je me suis sentie moins seule et ce livre m'a réconfortée, déculpabilisée en me faisant aussi sourire car j'ai réalisé que mes Fifilles Ados ne sont pas des "cas".

La narratrice  quarantenaire est divorcée et mère de trois enfants dont deux ados et une fille plus petite, son ex-mari lui court après bien qu'il soit avec une femme plus jeune que lui et sa mère veut la caser à tout prix tant qu'il est temps (!).

Un livre très loin des clichés, criant de vérité et que j'ai hérissé de marque-pages. Désormais au lieu de m'énerver et de m'époumoner, je pourrai lire un passage adéquat à mes Fifilles en guise de démonstration ... 





jeudi 4 avril 2013

Mikko Rimminen - Sondage au pif


Éditeur : Actes Sud - Traduit du finnois par Sébastien Cagnoli - Date de parution : Février 2013 - 327 pages entre tendresse et mélancolie

Je n'ai pas de raison de me sentir particulièrement bien, mais pas particulièrement mal non plus : j'ai de quoi manger, une routine, des fenêtres en double exemplaire et une porte à où sortir, des promenades du soir, l'odeur de l'automne qui me dilate les narines, le journal, la radio, la télé et même l'ordinateur.
Voilà comment Irma qui vit à Helsinki se définit. La routine et la morosité de sa vie crèvent les yeux. Un fils d'une vingtaine d'années pour qui elle n'est pas une maman poule, pas de travail et des moyens financiers  serrés. En se rendant chez quelqu'un suite à une annonce pour des plantes, elle se trompe d'escalier et sonne chez Irja. Une idée saugrenue lui vient à l'esprit, elle dira qu'elle réalise des sondages. Irja l'invite rentrer, la conversation s’amorce simplement autour d'un café et des questions non préparées d'Irma. Un moment de bonheur volé pour Irma qui décide de continuer à se faire passer pour une enquêtrice. En pénétrant chez les gens, elle brise sa solitude, est une oreille à leurs problèmes et s'immisce dans leur leurs vies. Aucune méchanceté de sa part, non, elle recherche juste le contact et à discuter de tout et de rien. Son fils trempe dans une magouille et  quelqu'un a porté plainte à la police : une femme cherche à pénétrer chez les gens sous prétexte de réaliser des sondages. Mais Irma ne veut pas renoncer à sa bulle de plaisir, à ses gens rencontrés avec qui elle a trouvé des prétextes pour rester en contact.

Dans ce roman doux-amer sur la solitude, la tendresse et la mélancolie sont présentes. Irma est attachante, surprenante mais surtout désespérément en quête de chaleur humaine. J'ai souri, j'ai eu le cœur pincé par ces vies. Il ne faut pas être pressé dans cette lecture et le rythme ne conviendra pas à tout le monde.


mercredi 3 avril 2013

Gaëlle Josse - Noces de neige


Éditeur : Autrement - Date de parution : Mars 2013 - 159 pages et un avis partagé...

Mars 1881, Nice. Anna Alexandrovna et sa famille terminent leurs vacances habituelles et s'apprêtent à rentrer à Saint-Petersbourg. La jeune fille s'en réjouit contrairement à sa mère qui aime les fêtes, le faste et montrer combien elle excelle dans ce monde d'aristocrates et de familles aisées. Mais son père, le grand-duc Oulianov a décidé d'abréger leurs vacances cette année. Toute la famille prend place à bord du'un luxueux wagon qui les ramènera en terre natale. Anna repense aux mots qui lui ont été dits par un jeune homme à Saint-Petersbourg. Elle dont le physique est le contraire de la grâce et de la beauté s'imagine déjà fiancée.
Mars 2012, Irina Tanaïev quitte Moscou et s'apprête à rejoindre son futur mari à Nice. Un jeune homme français dont elle a fait connaissance sur un site de rencontres via Internet. Faire connaissance c'est vite dit, de lui, elle connaît son nom et prénom, son âge, une photo mais rien de plus. Sauf qu'il lui  a dit qu'il aimait, qu'il lui offrait le mariage.Il lui plaît, elle l'aimera.  Nice sonne comme un rêve qui va enfin s'accomplir. A bord du train, elle se rend compte de sa pauvreté avec son peu d'affaires, un seule sandwich pour tout le voyage. L'appréhension mais surtout la mélancolie la gagnent.

Deux vies de jeunes femmes racontées en parallèle et qui vont basculer à tout jamais le temps de ce voyage ferroviaire. La laideur, la sang noble, l'argent et la détermination d'Anne s'opposent à la beauté, à la pauvreté et au manque de confiance d'Irina. Toutes deux rêvent d'amour. Pour Anna, il s'apparente un un jeune homme de bonne famille qui l'a complimentée alors qu'elle montait à cheval. Irina espère une vie meilleure en France et l'amour s'assimile à ce nouveau départ. En quelques heures, le destin de ces deux jeunes femmes à la personnalité opposée vont être modifiées à tout jamais, prendre un tournant inattendu. En dire plus serait criminel !
Une fois de plus ( après les heures silencieuses et nos vies désaccordées ), Gaëlle Josse dépeint avec une finesse et  une  élégance subtile ses personnages, les sonde dans des contextes ancrés. Mais, le temps d'un voyage tout est possible. Fracas, meurtrissures profondes, rêves qui s'évaporent à tout jamais. Conquise par ces deux histoires, la fin pirouette m'a déçue. Pour moi, elle était inutile d'où mon avis partagé...

La guerre, quelle guerre ? Respire. Entrer dans l'immensité de la vie, c'est maintenant, et tu es prête. Inutile de devenir quelqu'un d'autre, un simple déplacement suffit, invisible à l'œil nu, et tu viens de l'accomplir . Tout se transforme en capitulant. Ton portail de fer forgé est entrebâillé, point de départ d'un sentier inédit. Combien de jours te reste-t-il à vivre, Scarabée ? Tu t'enracineras au cœur même de cette incertitude comme dans une poche de silence. Tu rateras, tu oublieras, mais tu sais un peu plus désormais que c'est au cœur de la faille que réside la splendeur de la vie. 

Le billet de Charlotte

mardi 2 avril 2013

Dorothée Werner - A la santé du feu


Éditeur : JC Lattès - Date de parution : Janvier 2013 - 316 pages à vif !

Après avoir combattu et gagné contre la maladie, l'auteure passe un examen. Le résultat demande des analyses poussées et quarante jours d'attente. Des analyses qui seront un couperet. Au jeu pile ou face, elle gagne soit de retour la maladie soit la tranquillité. Elle a décidé de consigner ces quarante jours d'attente dans un journal. Une éternité où sa vie se joue. Reprendre le chemin d'une guerre qui sera encore plus dure, plus féroce ou alors être un soldat exempté. Tromper l'éternité de l'attente avec la rage et l'espoir à fleur de peau, supporter les remarques maladroites d'un entourage et comme il n'y à plus rien à perdre, se tourner vers des médecines dites parallèles. Grand reporter, Dorothée Werner plonge dans ses souvenirs et la question légitime "pourquoi moi?" est là. Brûlante, douloureuse. Pour rompre l'attente, la légèreté et l'humour s'invitent.

Je ne suis pas très fan des phrases où des mots anglophones viennent se glisser mais ici j'ai compris qu'ils représentaient la bouffée d'espoir de l'auteure. Dans ce livre écrit à vif, l'urgence se ressent et quelquefois j'ai eu l'impression de me perdre un peu dans le dédale de ses réflexions. Mais justement  s'immerger permet de revenir à l'essentiel dans des moments où la pression est forte. Insoutenable. Et  me suis retrouvée par fragments dans ce livre où l'intime de l'auteur a été un miroir tendu. Des passages poignants, si justes comme écrits sur le fil du rasoir qui transmettent des paquets d'émotions !

Et tant pis si ce livre n'est pas parfait car à mes yeux, il exprime le combat, la rage et l'espoir contre la maladie. Un livre hérisson qui est comme une claque tant il y a de passages qui prennent aux tripes ! 

Comment vivre désormais ? Dans les conditions ordinaires, ce n'était pas déjà gagné, mais là coincée sous la semelle d'un tel compte à rebours, un flingue braqué sur la tempe ? Comment passer ne serait-ce qu'une heure  à avoir l'air normale, dans la vie normale, autour de gens normaux si tant que ça existe, si on exclut que nous somme tous cinglés et assoiffés d'amour, comment continuer sous la menace du pire ? 



lundi 1 avril 2013

Ron Rash - Le monde à l'endroit


Éditeur : Seuil - Traduit de l'anglais (États-Unis) par Isabelle Reinharez - Date de parution : Août 2012 - 281 pages et un roman sombre qui ne peut que marquer le lecteur !

Au pied des Appalaches, Travis âgé de dix sept-ans est fils d'un cultivateur de tabac. Un peu voyou et surtout en quête de lui-même, il ne supporte plus de travailler comme un forcené pour son père  sans une once de reconnaissance. En se rendant pêcher, il découvre par hasard une plantation de marajuana bien cachée. Son copain et ami Shank le met en relation avec Leonard. Les rumeurs vont bon train sur cet ancien professeur qui deale depuis son mobile-home. L'appât de l'argent pousse Travis à recommencer deux fois, la seconde sera de trop. Carlton Toomey n'aime pas qu'on le vole et Travis se retrouve le pied coincé dans un piège à ours. Et pour qu'il comprenne bien la leçon, Tommey lui sanctionne le muscle du talon d'Achille. Son père le fait trimer encore plus, Travis décide de partir du domicile familial. Il se rend chez léonard qui accepte de l'héberger. Travis a retrouvé un emploi et Léonard a décelé chez lui des capacités intellectuelles jusque là inexploités.

Il faut dire que Travis aime lire et s'intéresse à ce qui touche la guerre de Sécession dans laquelle certains de ses ancêtres sont morts. Léonard alimente cette soif de savoir, lui qui n' a plus aucun contact avec sa femme et sa petit fille et qui ignorent où elles se trouvent. L'histoire serait bien trop simple si elle s'arrêtait là. Même si la rédemption de Léonard passe en quelque sorte par le jeune homme, la liberté par la connaissance, la guerre de Sécession et ses massacres perpétrés ne sont pas oubliés. En quelques mois, Travis va devenir un homme mais le prix sera élevé comme si grandir ne pouvait se faire que dans la douleur, dans le poids de l'héritage du sang qui coule dans nos veines.

Roman sombre posé dans un écrin de nature sublime, la luminosité est présente par de brèves intermittences comme les reflets scintillants de l'eau. Les dernières pages sont inattendues et la tension qui s'en dégage est palpable avec des personnages prêts à basculer sur le fil du rasoir.
Mais surtout Ron Rash m'a époustouflée par son écriture ! Il est capable d'introduire des citations de Simone Weil sans qu'elles apparaissent comme un cheveu sur la soupe et de nous surprendre par des phrases d'une délicatesse inouïe ( Travis respira l'odeur suave du parfum, qui lui procura la même agréable sensation de décélération paisible qu'une seconde bière. Sa contrariété parut se déposer à la surface du petit ruisseau et partir au fil de l'eau)  ou qui mettent en exergue toute la difficulté de trouver sa place dans ce monde selon ses origines et  son environnement. A noter l'excellent  travail et la qualité de la traduction !

Bêtise et ignorance, cela n'a rien à voir. On ne peut pas guérir quelqu'un de sa bêtise. Quelqu'un comme toi qui est simplement ignorant, il se pourrait qu'il y ait de l'espoir.