mercredi 7 mai 2014

Ahmed Kalouaz - Les solitudes se ressemblent

Éditeur : Le Rouergue - Date de parution : Mai 2014 - 92 pages qui touchent et font mouche...

Parce que "les solitudes se ressemblent et les hôtels aussi ", une femme d'une cinquantaine d'années se remémore son histoire qui commence comme pour tout le monde par celle de sa famille. Fille de harkis, elle a connu le camp de Saint-Maurice dans le Gard "Lorsque je suis née, mes parents et tant d'autres vivotaient depuis trois ans dans ce camp ouvert à la hâte. (...). Des panneaux indiquent qu'il s'agit d'un terrain militaire. Camp de prisonniers pendant la Seconde guerre mondiale, des miradors en dominent les abords. C'est là que sont parqués les jouets de l'Histoire. Familles complètes, célibataires, veuves accompagnées de leurs enfants. Tous obéissent à une hiérarchie, une organisation stricte, conduite par un chef de camp, ancien militaire reconverti dans l'humiliation de ceux qu'il considère comme une piétaille de barbares".

Une enfance sans pouvoir aller courir là où elle le voulait, l'école où on l'appelait par un prénom français, le chef de camp qui détournait les prestations sociales, le silence de son père et de sa mère qui avaient fui la terre natale. Puis, le collège où les insultes qui pleuvaient ont nourri une révolte sourde. Au bout de dix années passées dans le camp, ses parents ont obtenu un logement car la rébellion de la jeune génération dans les années 70 avait permise la fermeture de ces camps.
Mais quelquefois qu'importe l'endroit où l'on vit car les étiquettes restent collées sur votre front et votre dos. Et s'ajoute pour son père la difficulté de trouver un emploi lui qui appartenait à ceux que l'on nommait les incasables. Elle se questionne, s'interroge sur qui était son père. Etait-il un traître ?

Elle connaît l'anonymat des chambres d'hôtels pour y faire le ménage mais aussi comme lieu de rencontres avec son amant. Seule aujourd'hui, elle poursuit son introspection. A l'adolescence, sa révolte s'est transformée en fugues et en insoumission.

Dans une écriture ciselée, Ahmed Kalouaz nous livre le portait de cette femme et revient sur une période trouble. Fille d'Arabes, fille de harkis : une double identité difficile à porter, un chemin aux nombreuse ornières pour trouver sa place parmi les relents racistes et ceux qui avaient la nostalgie de la guerre d'Algérie. Une femme qui fait la paix avec elle-même, le poids familial et celui de l'Histoire.
"Je me suis souvent brûlé les yeux en fixant le vide, car l'histoire de mon père n'était écrite nulle part. Les héros, il faut se les fabriquer, les inventer avec leur grandeur et leurs victoires. Autrement, ils ne sont que des êtres promis à l'oubli."

Un texte très fort sur les difficultés des harkis et de leurs enfants. Et une fois de plus, ce livre d'Ahmed Kalouaz a fait mouche ! 

Un auteur que j'affectionne particulièrement et dont j'ai lu : Avec tes mains - La première fois on pardonne - Une femme aux cheveux noirs -Mon cœur dans les rapides

14 commentaires:

Yv a dit…

Je n'ai lu que Avec tes mains que j'ai beaucoup aimé, j'ai eu la volonté mais pas l'occasion de le relire

Clara et les mots a dit…

@ Yv : un auteur chouchou !

sylire a dit…

On y retrouve ses thèmes de prédilection, visiblement.

Aifelle a dit…

Je retiens le nom de l'auteur, mais peut-être pas avec ce titre-là.

Anonyme a dit…

Pardon mais je pense que Ahmed a bien écrit "brûlé" les yeux, et non "brûlée" (je dis ça en passant) -

zazy a dit…

Je note cet auteur que je ne connais pas

Clara et les mots a dit…

@ Sylire : oui ! Cet auteur "poursuit" son travail sur la population maghrébine en France avec les aspects historiques, sociaux, culturels.

@ Aifelle : il mérite amplement d'être lu !

@ Anonyme : oups... erreur corrigée ! Merci!

@ Zazy : il s'agit d'un auteur à découvrir !!!

Marilyne a dit…

Je ne connaissais pas l'auteur avant de lire ton billet. Il y a bien peu de récits encore sur les Harkis. C'est noté.

Galéa a dit…

Je le note, le thème des harkis est peu traité et l'extrait me donne envie, et un homme qui fait vivre une narratrice, c'est assez rare finalement.

Clara et les mots a dit…

@ Marilyne : un sujet peu traité en effet !

@ Galéa : beaucoup d'auteurs se glissent dans la peau d'une femme. Je crois qu'un "bon" auteur doit en être justement capable ...

Mireille L F a dit…

J'aime beaucoup ce qu'écrit Ahmed Kalouaz. Et très fort "Avec tes mains" Je crois que c'est toi qui me l'avait découvrir.

Mireille L F a dit…

Toi qui me l'avais..!!!!!!!!!!

Jostein a dit…

Je n'ai jamais lu cet auteur et apparemment c'est un tort. Je note pour plus tard.

Géraldine a dit…

Je ne connais pas cet auteur, mais ce sujet m'intéresse grandement parce que... même si souvent traité, il reste trop mal connu et pris en compte.