Éditeur : Éditions Gallimard - Traduit de l'allemand (Autriche) par Olivier Le Lay - Date de parution : Avril 2015 - 374 pages qu'on ne lâche pas !
Les vacances en Angleterre d'Alfred et de son épouse Sally sont interrompues lorsqu'ils apprennent qu'ils ont été cambriolés. Alors que Sally digère la nouvelle, Alfred est abattu. Ils rentrent donc à Vienne où la maison a été mise sens dessus dessous. Tandis que Sally s'active, range et nettoie, Alfred s'enferme dans une léthargie. Alfred et son éternel bas de contention, Alfred qui ne lève pas le petit doigt et se lamente. Sally devra bientôt reprendre son travail de professeur au collège et elle consacre donc ce qui lui reste de vacances à tout remettre en ordre avec un peu d'aide de la part de leurs enfants.
Tous deux ont plus de cinquante ans et sont mariés depuis presque trente ans. Agacée par l'attitude d'Alfred, elle lui envoie des pics (bien ironiques ou mordants) auxquels il ne répond pas. "
Idéaliste et réaliste" conjuguant et assumant les contradictions et les ambiguïtés des facettes de sa personnalité, Sally entame une liaison avec son voisin Erik. Il est marié à Nadja et les deux couples sont amis selon les apparences. Et quand Nadja a des doutes sur la fidélité d'Erik et se confie à Sally, cette dernière ment avec aplomb et soutient Nadja. Cette même Sally qui peut bouillir de rage littéralement envers Alfred et s'attendrir ensuite quand elle le voit rédiger son journal intime. Si son mariage périclite, elle renaît en tant que femme dans les bras d'Erik et se permet de croire que l'avenir sera différent car elle est amoureuse. Mais Erik ne joue pas franc-jeu avec elle. Elle pourrait s'écrouler mais elle ne le fera pas.
Sally accepte de se regarder avec sa conscience, elle admet ses défauts et ne cache pas son appétit de vivre (dans tous le sens du terme) car elle n'a que cinquante-deux ans.
S'il s'agit d'une femme en proie à des questions sur sa vie (car elle et Alfred sont devenus des petits bourgeois ou presque avec une routine), sur son couple et son intimité, ce n'est pas dans son genre de de pleurnicher.
J'ai aimé que l'auteur nous invite dans son roman en s'adressant au lecteur par le biais du "nous". Il nous rend encore plus proche de Sally, d'Alfred, de ce que l'on croit savoir et de ce que l'on ne préfère ne pas voir car rien n'est tout blanc ou tout noir...
Un roman foisonnant, creusé, intelligent sur les relations dans un couple (et la métamorphose de ces relations avec le temps) !
Et si le style peut surprendre au départ, on est très vite ferré et à la fin, on n'a qu'une seule envie : le relire (et donc un très bon travail de traduction)!
Elle s'aperçut d'abord que son point de vue même l'empêchait d'aboutir à une vérité centrale. Elle évoluait dans un territoire bien trop vaste et bien trop complexe : amour, envie, jalousie, angoisse, impatience, appétit de vivre et toutes les illusions conventionnelle. Elle versa quelques instants dans la contrition, se sentit coupable d'être aussi dure avec Alfred. Il avait de quoi faire pitié, elle n'était assurément plus une compagne douce et prévenante, il n'en essayait pas moins de désamorcer les tensions depuis des semaines (ah ? Le faisait-t-il vraiment ?). Et elle ? Elle trouvait son attitude répugnante et n'aurait pas su dire pourquoi. Jusqu'à leur conversation de tout à l'heure, dans le bureau, elle avait presque oublié ce que c'était de mener une discussion qui ne fût pas un bras de fer. Elle se disait : Espérons qu'il ne m'en voudra pas trop pour tous les vilains tours que je lui ai joués ces derniers temps. Et, naturellement, il n'avait pas tort de souligner, voici quelques jours, que je n'étais pas prête à recevoir ce que je réclamais. J'aurais préféré que cela vînt de quelqu'un d'autre. D'Erik. Encore lui, tiens ! Oui, décidément, ça évoquait le plaisir que nous avons à gratter la croûte d'une plaie.
Le billet de
Cuné.