Début des années 70, en Charente, Pia est une fillette de onze ans, une fille de la campagne comme on dit. Dans un petit hameau, elle vit au rythme des travaux agricoles avec son frère et ses quatre sœurs. Toujours prête à donner un coup de main à ses parents qui travaillent la terre en fermage et élèvent quelques vaches laitières. Leurs racines sont en Italie d’où ils sont originaires.
A travers la voix de Pia, on s’évade dans un champ, on court à en perdre haleine, on observe la nature, petits plaisirs et jeux d’une enfance qui sent le plein air et la débrouillardise. Aider les parents, ramasser le bois ou baratter le beurre au son des rires de la fratrie. Une famille où on se serre la ceinture : les vêtements servent d’un enfant à un autre, pas de dépenses inutiles ou frivoles. Mais c’est aussi l’amour que lui donne ses parents, les vacances chez sa grand-mère, son amie Laure, les conversations sérieuses des adultes autour de la table où les soupirs et les silences trahissent les difficultés et la peur de l'avenir. Les paysans veulent se regrouper et se faire entendre, et parlent de créer un syndicat agricole. Pour Pia, il y a l’entrée au collège et l’internat qui se profile accompagnée d’appréhensions. Une sphère inconnue avec ses codes et ses règles.
La fin de l’enfance marque le début de l’adolescence et la sécheresse de l’année 1976 précipite la faillite de certains paysans. Son père est obligé de devenir ferrailleur. Si au collège, elle découvre la solitude et les remarques acides, la poésie se fait réconfortante et précieuse. Tandis que les amitiés de l’enfance se délitent certaines fermes se retrouvent inhabitées. Mutation d’un monde agricole où les plus petits sont à l’agonie.
L'auteure rend un hommage vibrant et nostalgique à un monde paysan et à celui de l’enfance. Il y aurait beaucoup à rajouter car elle aborde également les thèmes de l’exil et de la condition sociale. D'une écriture poétique sans fioriture et avec un sens du détail qui fait mouche, Paola Pigani a su traduire à merveille et avec justesse les sentiments, les perceptions et le regard de l'enfant puis de l'adolescente.
Ce livre a résonné en moi tant j’y ai retrouvé des souvenirs et des sensations qui ont fait briller mes yeux d’enfants.
Un roman dont je suis sortie le cœur vrillé d’émotions et avec un sentiment d’une tendresse lumineuse infinie.
Le chant d'une tronçonneuse se traîne d'arbre en arbre loin derrière ou loin devant. Des corbeaux rasent les champs. Faut-il aimer la terre pour espérer vivre ici toute une vie ? Je porte cette question sans bandoulière et ce poème que je relis souvent dans mon petit box à l'internat.
Armée étrange aux cris sévères,
Les vents froids attaquent vos nids !
Vous, le long des fleuves jaunis,
Sur les routes aux vieux calvaires,
Sur les fossés et sur les trous,
Dispersez-vous, ralliez- vous !
Je voudrais qu'il y ait sur nos chemins et jusqu'au ras des villes des orties et des hommes qui s'agrippent à nos rêves éboulés, au souvenir de nos terres travaillées, de nos terres en jachère, de nos terres rêvées, même sauvées d'une décharge ou d'une sécheresse.Les billets de Joëlle, Zazy
Lu de cette auteure : N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures