Éditeur : Gallimard - Date de parution : Août 2016 - 419 pages et une écriture très forte mais...
Début du 20ème siècle dans une petite ferme du Gers comme il en existait partout en France. Les quelques terres et quelques bêtes, poules et cochons, servent à nourrir la famille hiver comme été . Entre une mère bigote et sans affection, sèche "n’a pour sa fille pas d’attention superflue. Elle se contente de l'éduquer, de lui transmettre le savoir des tâches quotidiennes qui incombent à leur sexe "(appelée la génitrice) et le père taiseux, Eléonore l’enfant unique du couple grandit. Le père est malade et les travaux de la ferme nécessitent de l’aide. Malgré la désapprobation de la génitrice, il fait appel à un cousin lointain Marcel qui vient s’installer chez eux. Le père meurt et la guerre appelle Marcel sous les drapeaux. Cette guerre que l’on croyait une histoire de quelques mois se poursuit dans la barbarie. Marcel en reviendra gueule cassée et profondément marqué mais sans jamais en parler. Pour faire taire la douleur, il y a l’alcool et le travail jusqu’à s’en abrutir. Eléonore est devenue une jeune femme et ils se marient. De cette union, un fils naitra : Henri.
Toujours le même lieu et presque un siècle plus tard. La petite ferme familiale s’est développée et est devenue une exploitation porcine. Les fils d’Henri, Joël et Serge y travaillent. Eléonore toujours vivante peut encore regarder sa descendance et ses petits-enfants dont Jérôme le cadet est atteint d’une forme d’autisme.
Il ne faut pas croire que l’auteur va seulement nous raconter la vie à la ferme et l’évolution sur cinq générations. Car derrière cette expression de "la vie à la ferme"» il s'agit d'une immersion où rien ne nous est épargné. Dès les premières pages, des passages sont à la limite du supportable où la génitrice balance aux truies le fruit de sa fausse-couche.
Dans cette première partie, avec une écriture qui fait appel à tous les sens, on sent la merde, le lisier, les fluides expulsés des corps. C’est cru, étouffant limite asphyxiant. Et le lecteur peut enfin respirer à la description de la nature sauvage d’une beauté admirable et d’un lyrisme magique. On visualise chaque scène et même si on se sent étouffé, l’écriture agit comme un aimant. Une écriture qui prend à la gorge pour nous raconter la boucherie de la Première Guerre mondiale.
Puis les années 1980. La violence sournoise ou ouverte est toujours là. Rendement, sélection des truies : une usine à produire, à engraisser à coup d’antibiotiques jusqu’au départ pour l’abattoir. Et les quantités d'excréments émises chaque jour qui semblent ingérables. Il y a les normes sanitaires en vigueur mais les bêtes sont confinée, stressées. Serge boit s’en presque sans cacher et depuis la naissance de son épouse Catherine a sombré dans une grave dépression. Joël est considéré comme un moins que rien par son père. Tandis le cancer ronge Henri proche de la folie.
Si l’auteur parvient avec réalisme à détailler l’élevage industriel intensif hélas il force le trait de ses personnages.
L’écriture de Jean-Baptiste Del Amo que je découvre est indéniablement très forte mais toutes ces descriptions donnent trop de haut-le-coeur (était-ce bien nécessaire?).
Tous portent sur eux, en eux, depuis les jumeaux jusqu'à l'aïeule, cette puanteur semblable à celle d'une vomissure, qu'ils ne sentent plus puisqu'elle est désormais la leur, nichée dans leurs vêtements, leur sinus, leurs cheveux, imprégnant même leur peau et leur chairs revêches. Ils ont acquis, au fil des générations, cette capacité de produire et d'exsuder l'odeur des porcs, de puer naturellement le porc.
Le billet de Keisha
23 commentaires:
Il ne me tente pas du tout celui là!
@ les livres de Joelle : chez Dialogues ( j'y échange aussi des lecteurs/lectrices à défaut d'avoir d'un club de lecture) , je discutais avec une lectrice et elle le lisait. Et elle me disait que le style était fort mais que c'était étouffant. Elle m'a persuadée de découvrir l'écriture de Jean-Baptiste Del Amo et je ne regrette pas. Et pour avoir vécu mon enfance à la campagne et pour voir gardé en mémoire un geste d'une cruauté sans nom ( j'avais 7 ou 8 ans) vu dans une ferme, ici certaines scènes sont de la même teneur.
Si je m'intéresse au Goncourt des lycéens et que j'ai beaucoup apprécié rencontrer Jean-Baptiste Del Amo, j'avoue que son roman ne me tente guère...
Finalement peu en ont parlé. Le Masque et la plume : avis divergents. Mieux vaut lire Défaite des maîtres et possesseurs.
Mon avis rejoint le tien, et enfance à la campagne : check!
Ce sont plutôt les humains qui m'ont paru un peu 'trop trop' quoi, était-ce bien nécessaire?
@ Hélène : c'est assez étonnant car on étouffe souvent mais le style est magnétique.Mais à force, cette accumulation est de trop. Et les personnages de la famille dans la seconde partie sont un peu "chargés. Dans les campagnes ,jusqu'en 1940 ( en tout cas dans certaines régions de Bretagne) , on se mariait avec quelqu'un qui n'habitait pas loin (les difficultés de déplacement, le peu de sorties, ...) et il y avait quelquefois de la consanguinité dans les unions. De là à ce que ce les générations suivantes ( et les nôtres) d'une même famille portent tous les maux possibles , il y a un fossé !
@ Keisha : je viens de répondre à Hélène à se sujet sur la famille où c'est trop ! Je croyais l'avoir mentionné dans mon billet ( je vais me relire).
Je ne suis pas du tout tentée. Je découvrirai l'écriture de l'auteur avec un autre titre.
@ Aifelle: tu as raison.
Début 20ème siècle,dans les campagnes, les gens vivaient comme au siècle précédent. Si on se mariait entre cousins ou voisins (pus riches) c'était pour ne pas diviser la terre, le pactole. Rappelez-vous les nouvelles de Maupassant qui étaient encore valable jusqu'avant la seconde guerre mondiale, surtout dans certaines régions reculées.
repéré hier sur Le Tour du Nombril, j'ai un peu peur qu'il soit dérangeant, mais le thème me dit bien, même si ce n'est habituellement pas le genre de livres que j'aime !
Je viens de le terminer et, contrairement à toi je suis en totale adhésion avec ce bouquin et pourtant, ce n'était pas gagné, j'ai longtemps hésité à le lire. J'ai fini par céder au conseil de la même libraire qui m'avait si bien parlé du Vincent Message et je suis bien contente de l'avoir fait ! Oui, c'est dur, oui on a des hauts le cœur mais alors, quelle écriture ! Et quelle justesse dans le propos ! Je l'ai dévoré (sans mauvais jeu de mot)... Chronique à venir dès que j'aurai tout digéré :-)
je passe sans regrets.
Bon et bien je passe... Je n'étais pas forcément emballée il faut dire.
@ Zazy : ici c'est une petite ferme. Et ce que tu dis s'appliquait également à d'autres professions.
@ Eva : l'écriture est grandiose mais accabler la famille d'autant de maux, c'est peu crédible.
@ Nicole G : je n'ai rien à redire sur l'écriture. Ce qu'il décrit , je l'ai vu car on ne manque pas de porcheries à grande échelle en Bretagne ( le rendement d'abord) tout comme la violence gratuite ( innommable et écoeurante) envers des animaux. Ou on l'a vu dans des reportages ou lu dans les journaux. Autant j'ai trouvé Défaite des maîtres et possesseurs puissant, j'ai trouvé ce livre beaucoup moins car toutes ces descriptions nuisent à l'ensemble.
@ Cathulu : je le savais :)
Toujours pas lu cet auteur. Je ne sais pas si je commencerai pas ce roman-là...
C'est bien intéressant tous ces commentaires. Et ton billet aussi! Cette phrase me parle: «même si on se sent étouffé, l’écriture agit comme un aimant». Et je suis très attirée! Je vais aller l'acheter, en espérant qu'après, j'arriverai encore à manger du porc!
Je ne suis pas tentée du tout par ce roman mais c'est tout à ton honneur d'avoir dépassé tes à priori.
@ Antigone : je ne sais pas si tu aimerais l'écriture ( et évidement sur un autre thème).
@ Krol : je vais m'intéresser à ce qu'il a écrit avant.
@Marie-Claude Rioux : avant même avoir lu ce livre, pour avoir vu des porcheries, euh.. disons que ça m' a refroidie ( et pas qu'un peu) et que depuis, je mange très mais très peu de viande (de toutes sortes ).
@ Sylire : l'écriture m'a bluffée !
C'est l'une de mes prochaines lectures, mais grâce à toi me voilà prévenue !
Mon libraire me l'a conseillé et en plus c'est un sujet qui me touche (surtout la façon dont sont traités les animaux) mais je sens que cela serait une lecture trop terrible pour moi
@ Tant qu'il y aura des livres : :))
@ Lorouge : il est très dur, oui.
Il me tente depuis sa sortie mais je ne suis pas passée à l'acte. Les media l'avait beaucoup mis en avant, j'ai donc été étonnée de ne pas le voir davantage sur les listes de prix.
@ Valérie : je relirai cet auteur pour son écriture, c'est certain !
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