Et oui, dernier jour de 2014 et à mon habitude pas de bilan.
Des livres m'ont marquée plus que d'autres :
Réparer les vivants de Maylis de Kerangal commencé alors que Monsieur participait à une compétition de natation et que j'étais assise dans les gradins. Au bout de quelques pages, les cris d'encouragements et le bruit ne m'atteignaient plus. J'étais "dans" le livre. Et rencontrer Maylis de Kerangal quelques mois plus tard a été un privilège.
Je suis revenue à l'auteur Laurent Mauvignier avec une boulimie de lire tout ce qu'il a écrit. A chaque fois, être émerveillée par son écriture et avoir l'impression unique de vivre une expérience à part (Des hommes, Autour du monde, Dans la foule, Apprendre à finir, Seuls)
Il y a eu des lectures qui m'ont fait sourire ou rire, d'autres qui m'ont interpellée, d'autres qui ont coulé sur moi sans émotion, des lectures bonheur ou enrichissantes et certaines (plus rares) qui font désormais partie de moi. Et j'ai besoin de cette diversité. 2015 sera placé sous ce signe.
2014 a été une année marquée par de belles rencontres d'auteurs : Fabienne Juhel, Angélique de Villeneuve, Marie-Sabine Roger, Valentine Goby, Véronique Ovaldé...
J'ai encore oublié que mon blog prenait de l'âge.. 6 ans déjà ! Des périodes de lassitude et de questionnements mais l'envie de partager étant revenue alors je continue !
A l'année prochaine!
mercredi 31 décembre 2014
mardi 30 décembre 2014
Léonor de Récondo - Pietra Viva
Éditeur : Sabine Wespieser - Date de parution : 2013 - 225 belles pages !
1505. Sculpteur reconnu pour son talent, Michelangelo doit faire face à la mort de son ami le jeune moine Andrea à la beauté parfaite. Alors que le pape Jules II lui a commandé la construction de son futur tombeau, il quitte Rome pour se rendre à Carrare en Toscane là où sont extraits les blocs de pierre de marbre. Hanté par le décès de son ami, Michelangelo est un homme bouleversé en proie à des questionnements.
Mais le sculpteur se montre hautain voire arrogant. La pierre, le minéral, la création lui procurent la sérénité. Comment cet homme de génie en est-il arrivé à barricader son coeur ? La simplicité des carriers, la folie douce de Cavallino et Michele un jeune garçon de six ans qui vient de perdre sa mère vont creuser une faille dans son armure. Et cet enfant sans le savoir ouvre la boîte des souvenirs qu'il croyait avoir définitivement oubliés. Michelangelo se métamorphose peu à peu et laisse les émotions le reconquérir. L'art, la création et l'humanité sont conciliées. Le Michelangelo tiraillé laissera place à un homme qui s'accepte.
Ce roman est tout simplement beau ! On se laisse porter par l'écriture poétique et ciselée de Léonor de Récondo... Rien à redire !
Finir, polir, tout cela n'a plus d'importance. Ce qui compte, c'est ce lien nouveau entre son esprit et la matière, entre ceux qui grouillent en lui et la pierre. Il ne veut plus les entraves de sa maîtrise,ne plus être l'arbitre, simplement dégrossir le marbre afin que s'en échappe le premier souffle. Son esprit humain doit céder de la volonté minérale. Il ne matera plus la foule qui peuple son imagination.
Merci Antigone ! Hélène en a parlé aussi récemment
Lu de cette auteure : Rêves oubliés
1505. Sculpteur reconnu pour son talent, Michelangelo doit faire face à la mort de son ami le jeune moine Andrea à la beauté parfaite. Alors que le pape Jules II lui a commandé la construction de son futur tombeau, il quitte Rome pour se rendre à Carrare en Toscane là où sont extraits les blocs de pierre de marbre. Hanté par le décès de son ami, Michelangelo est un homme bouleversé en proie à des questionnements.
Mais le sculpteur se montre hautain voire arrogant. La pierre, le minéral, la création lui procurent la sérénité. Comment cet homme de génie en est-il arrivé à barricader son coeur ? La simplicité des carriers, la folie douce de Cavallino et Michele un jeune garçon de six ans qui vient de perdre sa mère vont creuser une faille dans son armure. Et cet enfant sans le savoir ouvre la boîte des souvenirs qu'il croyait avoir définitivement oubliés. Michelangelo se métamorphose peu à peu et laisse les émotions le reconquérir. L'art, la création et l'humanité sont conciliées. Le Michelangelo tiraillé laissera place à un homme qui s'accepte.
Ce roman est tout simplement beau ! On se laisse porter par l'écriture poétique et ciselée de Léonor de Récondo... Rien à redire !
Finir, polir, tout cela n'a plus d'importance. Ce qui compte, c'est ce lien nouveau entre son esprit et la matière, entre ceux qui grouillent en lui et la pierre. Il ne veut plus les entraves de sa maîtrise,ne plus être l'arbitre, simplement dégrossir le marbre afin que s'en échappe le premier souffle. Son esprit humain doit céder de la volonté minérale. Il ne matera plus la foule qui peuple son imagination.
Merci Antigone ! Hélène en a parlé aussi récemment
Lu de cette auteure : Rêves oubliés
lundi 29 décembre 2014
Adrien Bosc - Constellation
Si j'ai choisi cette lecture c'est sans doute parce que je suis influençable. Grand Prix du roman de l'académie française 2014 : voilà de quoi attiser ma curiosité.
"Le 27 octobre 1949, le nouvel avion d’Air France, le Constellation, lancé par l’extravagant M. Howard Hughes, accueille trente-sept passagers. Le 28 octobre, l’avion ne répond plus à la tour de contrôle. Il a disparu en descendant sur l’île Santa Maria, dans l’archipel des Açores."
L'avion transportait le boxeur Marcel Cerdan amant d’Edith Piaf. Mais Adrien Bosc a voulu en savoir plus sur les autres passagers. D'une ouvrière dans une usine textile à Mulhouse à la violoniste Ginette Neveu, il retranscrit ces vies ( le pourquoi du vol) et la fatalité qui les a réunies.
Adrien Bosc a voulu rendre vie et hommage à ces passagers de ce vol, célèbres ou non. Mais Le hic c'est que j'ai eu la sensation de lire un document. Précis, détaillé mais dépourvu d'émotion. Certains passages m'ont intéressée, alors que d'autres m'ont laissée sur le carreau ( trop confus à mon goût). Pire, je n'ai pas trouvé que l'écriture sortait du lot...
Vous trouverez un peu partout des tonnes d'avis élogieux ( et mon avis n'engage que moi).
lundi 22 décembre 2014
En avance : joyeux Noël à tous !
Je vous souhaite à tous un joyeux Noël !
Je sais, je suis un peu en avance mais la trêve des confiseurs débute pour moi. De la fatigue qui doit sûrement jouer dans mes abandons de lecture, les vacances de mon mari qui arrivent demain donc je délaisse le blog, la blogo pour au moins quelques jours avec un grand besoin de m'aérer la tête et de me reposer.
En bonus, une photo de pointe du Minou prise par mon mari lors d'une ballade cet été.
A bientôt !
Je sais, je suis un peu en avance mais la trêve des confiseurs débute pour moi. De la fatigue qui doit sûrement jouer dans mes abandons de lecture, les vacances de mon mari qui arrivent demain donc je délaisse le blog, la blogo pour au moins quelques jours avec un grand besoin de m'aérer la tête et de me reposer.
En bonus, une photo de pointe du Minou prise par mon mari lors d'une ballade cet été.
A bientôt !
samedi 20 décembre 2014
Véronique Poulain - Les mots qu'on ne me dit pas
Éditeur : Stock - Date de parution : Août 2014 - 141 pages et un premier roman réussi !
Fille de parents sourds-muets, Véronique Poulain relate avec beaucoup d'humour et de sincérité son quotidien et celui de ses parents. Des anecdotes, des situations qui font sourire ou qui serrent le coeur. Avec une écriture concise, elle décrit toute la palette de sentiments qu'elle a éprouvé de l'enfance à l'âge adulte.
Habitée par deux cultures, elle se partage entre la communication verbale et la langue des signes. Si l'on croyait que sourd-muet rimait avec silence, l'auteure nous démontre le contraire. Des phrases courtes où l'auteure joue avec les mots, sans fioritures et sans pathos, ce témoignage rempli d'amour vaut bien plus que de grands discours. Et j'ai découvert tout ce qui gravite et découle de ce handicap comme la richesse de la langue des signes.
J'ai été plus que touchée! A lire !
Dans la langue de mes parents, il n'y a pas de métaphores, pas d'articles, pas de conjugaisons, peu d'adverbes, pas de proverbes, maximes, dictons. Pas de jeux de mots. Pas d'implicite. Pas de sous-entendus. Déjà qu'ils n'entendent pas, comment voulez-vous qu'il sous-entendent ?
La langue des signes est la plus expressive que je connaisse. Lorsque un sourd parle, tout son corps est en mouvement. Tout son visage s'exprime. Impossible de parler en langue des signes sans bouger un muscle de son minois. Qu'on l'ait joli e ou pas. Récemment liftée, passez votre chemin. L'émotion, la force d'un sentiment passe par la seule expression du visage. Si vous voulez transmettre un sentiment de tristesse, la bouche doit s'affaisser , les yeux se rétrécir. A l'inverse, pour un sentiment de joie, le visage doit s'éclairer, la bouche sourire, les yeux pétiller. J'ai constaté que c'était la grande difficulté des entendants. Faire la grimace, déformer leurs traits, bouger leur corps.
Fille de parents sourds-muets, Véronique Poulain relate avec beaucoup d'humour et de sincérité son quotidien et celui de ses parents. Des anecdotes, des situations qui font sourire ou qui serrent le coeur. Avec une écriture concise, elle décrit toute la palette de sentiments qu'elle a éprouvé de l'enfance à l'âge adulte.
Habitée par deux cultures, elle se partage entre la communication verbale et la langue des signes. Si l'on croyait que sourd-muet rimait avec silence, l'auteure nous démontre le contraire. Des phrases courtes où l'auteure joue avec les mots, sans fioritures et sans pathos, ce témoignage rempli d'amour vaut bien plus que de grands discours. Et j'ai découvert tout ce qui gravite et découle de ce handicap comme la richesse de la langue des signes.
J'ai été plus que touchée! A lire !
Dans la langue de mes parents, il n'y a pas de métaphores, pas d'articles, pas de conjugaisons, peu d'adverbes, pas de proverbes, maximes, dictons. Pas de jeux de mots. Pas d'implicite. Pas de sous-entendus. Déjà qu'ils n'entendent pas, comment voulez-vous qu'il sous-entendent ?
La langue des signes est la plus expressive que je connaisse. Lorsque un sourd parle, tout son corps est en mouvement. Tout son visage s'exprime. Impossible de parler en langue des signes sans bouger un muscle de son minois. Qu'on l'ait joli e ou pas. Récemment liftée, passez votre chemin. L'émotion, la force d'un sentiment passe par la seule expression du visage. Si vous voulez transmettre un sentiment de tristesse, la bouche doit s'affaisser , les yeux se rétrécir. A l'inverse, pour un sentiment de joie, le visage doit s'éclairer, la bouche sourire, les yeux pétiller. J'ai constaté que c'était la grande difficulté des entendants. Faire la grimace, déformer leurs traits, bouger leur corps.
vendredi 19 décembre 2014
Henning Mankell - Un paradis trompeur
Éditeur : Points - Traduit du suédois par Rémi Cassaigne - Date de parution : Octobre 2014 - 360 pages "traversées" sans émotion ...
Suède, 1904. Hanna vient d'obtenir sa majorité. Aînée d'une fratrie où le père est décédé, sa mère lui annonce qu'elle doit partir car elle n' a pas les moyens de nourrir tous ses enfants. Quitter le hameau où ils habitent pour rejoindre la côte où ils ont de la famille avec l'espoir d'une vie meilleure. Jonathan Forsman un important marchand de bois l'y conduit mais arrivée sur place rien ne se passe comme prévu : aucun membre de sa famille ne s'y trouve. Bienveillant, Forsman la prend à son service pendant plusieurs mois puis Hanna embarque sur un bateau à destination de l'Australie en tant que cuisinière. A bord, elle se marie et se retrouve très vite veuve.
Lors d'une escale au Mozambique, elle quitte en secret le navire. Désemparée et loin de sa terre natale, Hannah est loin de s'imaginer ce que la vie lui réserve. Elle trouve un hôtel où loger qui se révèle être un bordel. La jeune Hannah timide et réservée découvre un monde dont elle ne connaît pas la langue mais où surtout le racisme semble ordinaire. Les Noirs subissent et effectuent les basses besognes, les Blancs jouissent des privilèges. Elle ne comprend pas ces différences, se sent proche des gens de couleurs mais elle se soumet aux règles dictées par la caste Blanche. Si on a l'impression qu'elle est longtemps spectatrice de sa vie, l'avenir lui permettra de défendre ce qu'elle considère comme une injustice dans ce pays colonisé.
Il s'agit d'un roman ("poli") qui dénonce la ségrégation raciale. Mais voilà, j'ai trouvé que les vraies émotions sont absentes, et pire, je n'ai pas été sensible à la vie d'Hannah si particulière au demeurant.
Je crois que trop imprégnée par mes dernières lectures et notamment par celles de Laurent Mauvignier, je n'ai pas pu (ou su) apprécier ce roman à sa juste valeur. Certaines lectures sont si fortes qu'elles m'habitent longtemps et c'est le cas en ce moment...
- Ce serait un beau continent, s'écria-t-il, si seulement il n'y avait pas tous ces noirs !
- Mais ce n'est pas un Blanc qui tiré? objecta prudemment Anna.
Senhor Vaz ne répondit pas. Il s'excusa et se retira dans son bureau. À travers la porte fermée, elle l'entendit passer des marche militaires portugaises sur son gramophone. En se penchant pour regarder par le trou de la serrure, elle le vit aller et venir dans la pièce, en colère, agitant un sabre. Elle pouffa de rite. (...).
Puis l'inquiétude l'envahit à nouveau. Elle était devenue comme les autres femmes femmes blanches de la ville : désœuvrée, paresseuse, toujours à agiter un éventail.
Lu de cet auteur : Les chaussures italiennes ( un livre magnifique!)
Suède, 1904. Hanna vient d'obtenir sa majorité. Aînée d'une fratrie où le père est décédé, sa mère lui annonce qu'elle doit partir car elle n' a pas les moyens de nourrir tous ses enfants. Quitter le hameau où ils habitent pour rejoindre la côte où ils ont de la famille avec l'espoir d'une vie meilleure. Jonathan Forsman un important marchand de bois l'y conduit mais arrivée sur place rien ne se passe comme prévu : aucun membre de sa famille ne s'y trouve. Bienveillant, Forsman la prend à son service pendant plusieurs mois puis Hanna embarque sur un bateau à destination de l'Australie en tant que cuisinière. A bord, elle se marie et se retrouve très vite veuve.
Lors d'une escale au Mozambique, elle quitte en secret le navire. Désemparée et loin de sa terre natale, Hannah est loin de s'imaginer ce que la vie lui réserve. Elle trouve un hôtel où loger qui se révèle être un bordel. La jeune Hannah timide et réservée découvre un monde dont elle ne connaît pas la langue mais où surtout le racisme semble ordinaire. Les Noirs subissent et effectuent les basses besognes, les Blancs jouissent des privilèges. Elle ne comprend pas ces différences, se sent proche des gens de couleurs mais elle se soumet aux règles dictées par la caste Blanche. Si on a l'impression qu'elle est longtemps spectatrice de sa vie, l'avenir lui permettra de défendre ce qu'elle considère comme une injustice dans ce pays colonisé.
Il s'agit d'un roman ("poli") qui dénonce la ségrégation raciale. Mais voilà, j'ai trouvé que les vraies émotions sont absentes, et pire, je n'ai pas été sensible à la vie d'Hannah si particulière au demeurant.
Je crois que trop imprégnée par mes dernières lectures et notamment par celles de Laurent Mauvignier, je n'ai pas pu (ou su) apprécier ce roman à sa juste valeur. Certaines lectures sont si fortes qu'elles m'habitent longtemps et c'est le cas en ce moment...
- Ce serait un beau continent, s'écria-t-il, si seulement il n'y avait pas tous ces noirs !
- Mais ce n'est pas un Blanc qui tiré? objecta prudemment Anna.
Senhor Vaz ne répondit pas. Il s'excusa et se retira dans son bureau. À travers la porte fermée, elle l'entendit passer des marche militaires portugaises sur son gramophone. En se penchant pour regarder par le trou de la serrure, elle le vit aller et venir dans la pièce, en colère, agitant un sabre. Elle pouffa de rite. (...).
Puis l'inquiétude l'envahit à nouveau. Elle était devenue comme les autres femmes femmes blanches de la ville : désœuvrée, paresseuse, toujours à agiter un éventail.
Lu de cet auteur : Les chaussures italiennes ( un livre magnifique!)
mardi 16 décembre 2014
Emmanuelle Pagano - En cheveux
Éditeur : Invenit - Date de parution : Novembre 2014 - 76 pages savourées !
Voici un livre dont la genèse diffère de mes lectures habituelles. Le musée des Confluences de Lyon et les éditions Invenit nous font découvrir un objet du musée à travers la plume d'un auteur. Ce n'est pas une description technique ou historique car Emmanuelle Pagano autour de ce châle a tissé une histoire. Ce châle ancien dont " il faut pêcher mille grandes nacres, les sortir de l’ombre, pour obtenir deux cent cinquante grammes de fil de soie de mer, deux cent cinquante grammes seulement de lumière avec un millier de gros coquillages", elle l'attribue à une famille italienne. Un frère autoritaire et ses deux sœurs.
Lui s'est marié et a eu une fille qui est la narratrice. Ses sœurs sont restées célibataires. Nella la cadette refusant d'obéir aux règles et notamment à celles du mariage. Rebelle, elle rejette les ordres ou les idées de son frère, s'habille comme elle l'entend (elle porte des pantalons) et aime se promener dans les bois. Cheveux roux aux vents et le châle sur les épaules. Elle habite avec sa sœur aînée Bice dans la maison familiale qui appartient à leur frère. Toutes les deux n'ont rien reçu comme héritage à la mort des parents car seuls les hommes héritent. Et ce frère possessif, machiste ne les aident pas ou si peu "les deux sœurs descendaient dans la fraîcheur de la cave pour survivre."La relation entre Nella et son frère a une autre facette où l'amour se mêle à l'orgueil. Comme ce châle que l'on peut percevoir flamboyant, fier ou comme une étoffe douce, usée et réconfortante. "Il détestait aussi, par ricochet, son autre sœur, mais elle ne comptait pas autant, elle n'avait jamais été aimée ni haïe autant que la petite. Je n'ai jamais su, du début à la fin de leur relation, ce qu'il y avait d'amour, à la limite de l'inceste, ou de haine, à la limite de l'inceste aussi, parce que haïr aussi fort son frère, sa sœur, haïr au point de livrer une guerre, de brouiller et séparer toute la famille, haïr si fort qu'on tremble, je crois que c'est de l'inceste. "
Récepteur de l'âme et de la vie de Nella, ce châle était trop lourd à porter pour les épaules de sa nièce. Ce témoin muet nous délivre l'existence de la vie d'une femme, de sa condition, de son amour de la liberté.
L'écriture d'Emmanuelle Pagano est délicate, sensuelle et poétique...Un livre à savourer sans modération ! Et pour moi qui aime particulièrement les objets qui ont une histoire, un vécu, j'ai ressenti des émotions particulières...
Je crois qu'elle aimait les bois pour la même raison de transparence contrariée, de luminosité en alternance, je crois que ce qu'elle aimait dans les bois, ce n'était pas l'ombre, non, c'était la lumière au contraire, piégée, par les fentes des frondaisons, tombant en rayons comme des branches cassées, ou réservée au regard de bascule en arrière, vers la rosace du ciel dessinée par les hauts épicéas lorsqu'elle se laissait aller allongée sur le dos dans une courte clairière. Y voir menu, apercevoir par les trouées, c'était ce que ma tante préférait.
Les billets de Séverine, Zazy
Lu de cette auteure : Nouons-nous - Un renard à mains nues
Voici un livre dont la genèse diffère de mes lectures habituelles. Le musée des Confluences de Lyon et les éditions Invenit nous font découvrir un objet du musée à travers la plume d'un auteur. Ce n'est pas une description technique ou historique car Emmanuelle Pagano autour de ce châle a tissé une histoire. Ce châle ancien dont " il faut pêcher mille grandes nacres, les sortir de l’ombre, pour obtenir deux cent cinquante grammes de fil de soie de mer, deux cent cinquante grammes seulement de lumière avec un millier de gros coquillages", elle l'attribue à une famille italienne. Un frère autoritaire et ses deux sœurs.
Lui s'est marié et a eu une fille qui est la narratrice. Ses sœurs sont restées célibataires. Nella la cadette refusant d'obéir aux règles et notamment à celles du mariage. Rebelle, elle rejette les ordres ou les idées de son frère, s'habille comme elle l'entend (elle porte des pantalons) et aime se promener dans les bois. Cheveux roux aux vents et le châle sur les épaules. Elle habite avec sa sœur aînée Bice dans la maison familiale qui appartient à leur frère. Toutes les deux n'ont rien reçu comme héritage à la mort des parents car seuls les hommes héritent. Et ce frère possessif, machiste ne les aident pas ou si peu "les deux sœurs descendaient dans la fraîcheur de la cave pour survivre."La relation entre Nella et son frère a une autre facette où l'amour se mêle à l'orgueil. Comme ce châle que l'on peut percevoir flamboyant, fier ou comme une étoffe douce, usée et réconfortante. "Il détestait aussi, par ricochet, son autre sœur, mais elle ne comptait pas autant, elle n'avait jamais été aimée ni haïe autant que la petite. Je n'ai jamais su, du début à la fin de leur relation, ce qu'il y avait d'amour, à la limite de l'inceste, ou de haine, à la limite de l'inceste aussi, parce que haïr aussi fort son frère, sa sœur, haïr au point de livrer une guerre, de brouiller et séparer toute la famille, haïr si fort qu'on tremble, je crois que c'est de l'inceste. "
Récepteur de l'âme et de la vie de Nella, ce châle était trop lourd à porter pour les épaules de sa nièce. Ce témoin muet nous délivre l'existence de la vie d'une femme, de sa condition, de son amour de la liberté.
L'écriture d'Emmanuelle Pagano est délicate, sensuelle et poétique...Un livre à savourer sans modération ! Et pour moi qui aime particulièrement les objets qui ont une histoire, un vécu, j'ai ressenti des émotions particulières...
Je crois qu'elle aimait les bois pour la même raison de transparence contrariée, de luminosité en alternance, je crois que ce qu'elle aimait dans les bois, ce n'était pas l'ombre, non, c'était la lumière au contraire, piégée, par les fentes des frondaisons, tombant en rayons comme des branches cassées, ou réservée au regard de bascule en arrière, vers la rosace du ciel dessinée par les hauts épicéas lorsqu'elle se laissait aller allongée sur le dos dans une courte clairière. Y voir menu, apercevoir par les trouées, c'était ce que ma tante préférait.
Les billets de Séverine, Zazy
Lu de cette auteure : Nouons-nous - Un renard à mains nues
samedi 13 décembre 2014
Laurent Mauvignier - Seuls
Depuis qu'ils sont enfants, Tony aime Pauline. Il a toujours été là pour elle comme l'ami sur qui on peut compter : chagrins amoureux, nuits brouillées par l'alcool ou les pleurs. Pauline l'a toujours considéré comme un frère. Même quand ils étaient tous les deux étudiants, elle n'a pas voulu voir ses regards où l'amour était bien présent. Tony ne lui a jamais rien avoué. Quand Pauline est partie suivre Guillaume à l'étranger, Tony a arrêté la fac pour une vie fade et un boulot alimentaire.
Un jour elle l'appelle. Elle revient et lui demande de venir la chercher à l'aéroport. Elle s'installe chez lui provisoirement, le temps de trouver un appartement et un travail. Il le lui a proposé avec cette idée que les mensonges que l'on se fabrique peuvent devenir réalité. Et tous deux ont joué à une parodie : sorties, cinéma, restaurant. Toujours tous les deux. Tony la surveillant mine de rien, ayant trop peur qu'elle s'envole pour une nuit avec quelqu'un. Un soir, elle s'est faite belle car elle a une nouvelle à lui annoncer. Elle va se remettre en couple avec Guillaume. Tony devrait être content pour elle, avoir des sourires de pacotille et la féliciter. Faire comme si une fois de plus. Mais Tony ne peut plus. Un trop plein de non-dits refoulées depuis longtemps, de cet amour qui le consume à le rendre fou, de sa relation faite de silences avec son père. Tony disparaît.
Ce père enseveli sous le poids de l'Algérie et de la mort de sa femme cherche à comprendre. Il demande de l'aide à Pauline et l'accuse. Pas ouvertement ni franchement mais à demi-mots. Et Pauline lui renvoie au visage les blessures cachées de son fils. Le père perd espoir de revoir son fils.
Des personnages qui sont seuls ni innocents ni coupables et qui se cognent, se cherchent tels des phalènes devant le scintillement d'une lumière. Ils encaissent les heurts ou ne veulent pas voir l'étendue dévastatrice de leurs silences. Les voix comblent peu à peu ce qui n'a pas été forcément raconté jusqu'à ce que l'inéluctable sans concession se produise .
Une écriture magnifique, une construction admirable pour une lecture qui implose les silences, dépeint les drames de vies tissées sur un quotidien bancal.
Que dire de plus? Laurent Mauvignier est un maestro...
Alors, c'était avant ce jour où il a franchi la porte, où il est venu parler et où à la fin il s'est effondré pour dire que la vérité c'était le réel sans lui, qu'il n'était que des yeux et son corps une éponge faite pour absorber les surplus qu'il voyait dans la vie, son corps, lourd de ce silence où les autres l'abandonnaient, croyait-il, ignorants qu'ils étaient de ce qu'ils lui laissaient à charge.
Lu de cet auteur dont je suis archi fan : Apprendre à finir - Autour du monde - Dans la foule - Loin d'eux
jeudi 11 décembre 2014
Leonardo Padura - Hérétiques
Edition : Métailié - Traduit de l'espagnol(Cuba) par Elena Zayas - Date de parution : Août 2014- 620 pages lues avec plaisir !
La Havane, 1939 "une ville, où, pire encore, chaque soir à neuf heures précises, un coup de canon résonnait sans qu'il y ait de guerre déclarée ou de forteresse à fermer et où toujours, invariablement dans les époques prospères comme dans les moments critiques, quelqu'un écoutait de de la musique, et en plus, chantait", le jeune Daniel Kaminsly d'origine polonaise vit chez son oncle paternel Joseph appelé Pepe Cartera arrivé à Cuba des années plus tôt. Daniel s'apprête à vivre une journée particulière : ses parents et sa soeur doivent arriver par mer sur le S.S. Saint-Louis. Un bateau transportant presque mille juifs qui ont réussi à fuir l’Allemagne. Mais le bateau reste à quai pendant plusieurs jours avec ses passagers et est renvoyé à son point de départ avec la mort au bout du compte. Les parents de Daniel avaient avec eux un tableau de très grande valeur appartenant à leur famille depuis plusieurs générations et signé de Rembrandt.
2007, Elias Kaminsly le fils de Daniel fait appel à Mario Conde (ancien flic reconverti désormais dans le commerce des livres anciens) pour essayer de comprendre comment le tableau se retrouve désormais à une vente aux enchères à Londres. Ce tableau représente représente le buste d’un jeune homme ressemblant au Christ. Sauf que son modèle n'était autre autre qu'un jeune juif rêvant de devenir peintre...un anathème dans la religion juive. Et nous voilà embarqués à Amsterdam en 1643.
Mais Mario Conde se retrouve face à une énigme supplémentaire. Une jeune fille intelligente qui s'habille "Emo" disparaît alors que son père trempe dans des affaires louches impliquant beaucoup d'argent.
Vous l'aurez compris plusieurs histoires s'imbriquent et certaines s'insèrent dans la grande Histoire. Un roman sur la liberté, sur les "hérétiques" qui refusent de se soumettre à des lois, sur le massacre des juifs . Les magouilles, la corruption, le mauvais rhum, la débrouille des habitants de Cuba ou encore l'ambiance d'Amsterdam nous collent à la peau ! Des personnages humains tiraillés par leurs origines et ce qu'elles impliquent, leurs devoirs ou la volonté de vivre une autre vie, le fait de s'en affranchir.
Je découvre Leonardo Padura avec ce titre et ça ne sera pas le dernier !
Les billets de Dasola, Keisha
La Havane, 1939 "une ville, où, pire encore, chaque soir à neuf heures précises, un coup de canon résonnait sans qu'il y ait de guerre déclarée ou de forteresse à fermer et où toujours, invariablement dans les époques prospères comme dans les moments critiques, quelqu'un écoutait de de la musique, et en plus, chantait", le jeune Daniel Kaminsly d'origine polonaise vit chez son oncle paternel Joseph appelé Pepe Cartera arrivé à Cuba des années plus tôt. Daniel s'apprête à vivre une journée particulière : ses parents et sa soeur doivent arriver par mer sur le S.S. Saint-Louis. Un bateau transportant presque mille juifs qui ont réussi à fuir l’Allemagne. Mais le bateau reste à quai pendant plusieurs jours avec ses passagers et est renvoyé à son point de départ avec la mort au bout du compte. Les parents de Daniel avaient avec eux un tableau de très grande valeur appartenant à leur famille depuis plusieurs générations et signé de Rembrandt.
2007, Elias Kaminsly le fils de Daniel fait appel à Mario Conde (ancien flic reconverti désormais dans le commerce des livres anciens) pour essayer de comprendre comment le tableau se retrouve désormais à une vente aux enchères à Londres. Ce tableau représente représente le buste d’un jeune homme ressemblant au Christ. Sauf que son modèle n'était autre autre qu'un jeune juif rêvant de devenir peintre...un anathème dans la religion juive. Et nous voilà embarqués à Amsterdam en 1643.
Mais Mario Conde se retrouve face à une énigme supplémentaire. Une jeune fille intelligente qui s'habille "Emo" disparaît alors que son père trempe dans des affaires louches impliquant beaucoup d'argent.
Vous l'aurez compris plusieurs histoires s'imbriquent et certaines s'insèrent dans la grande Histoire. Un roman sur la liberté, sur les "hérétiques" qui refusent de se soumettre à des lois, sur le massacre des juifs . Les magouilles, la corruption, le mauvais rhum, la débrouille des habitants de Cuba ou encore l'ambiance d'Amsterdam nous collent à la peau ! Des personnages humains tiraillés par leurs origines et ce qu'elles impliquent, leurs devoirs ou la volonté de vivre une autre vie, le fait de s'en affranchir.
Je découvre Leonardo Padura avec ce titre et ça ne sera pas le dernier !
Les billets de Dasola, Keisha
mardi 9 décembre 2014
Hélène Cixous - Homère est morte
Éditeur : Galilee - Date de parution : Août 2014 - 225 pages et un cri d'amour !
103 ans, c'est à cet âge lors du 1er juillet de l'année dernière qu'Eve Cixous la mère de l'auteure est morte. A l'heure où la mort des personnes âgées se déroule loin des domiciles familiaux, sa fille l'a voulue chez elle. Etre deux quand la mort commence à rôder, se féliciter de petites victoires, dire encore et toujours tout son amour à son mère, assister à la dégradation du corps, devenir la mère et Eve l'enfant, réconforter mais également "souffrir de cette fin sans fin".
Des journées qu'Hélène Cixous a noté comme ses conversations avec Eve qui est alitée. Les petites promenades ont cédé au fil des mois à quelques pas puis au lit et enfin au lit médicalisé. Sans détour, Hélène Cixous nous parle du corps asséché, des mots qui se mélangent dans la bouche de sa mère et ce dans plusieurs langues. Mais il y a également des scènes drôles ou d'autre encore où l'auteure fait preuve d'ironie ( en parlant du lit médicalisé : "on ouvre la cage en baissant les barreaux pour administrer les soins ou les repas. On referme"). On sourit mais on est surtout ému de partager cet espace temps non chronologique avant et après la mort de sa mère. Un espace où "elle a emménagé dans un sommeil profond, capitonné" entre deux rives. Eve qui fut sage-femme de son métier et qui donna la vie. Née en Allemagne à un mauvais moment de l'Histoire et qui aura dû fuir durant la guerre. On remonte le temps pour suivre son parcours jalonné de noms de villes et de pays. Mais il y a aussi la peur, le "aidemoua" qu'elle demande. Comment y répondre ?
Cet amour si fort entre une mère et une fille crève les yeux comme la complicité qui les unit. Elles se comprennent, se complètent.
Il faut prendre son temps pour lire ce roman à l’écriture vive qui malaxe les mots, s'en empare pour défier la mort mais aussi sait rendre avec justesse les émotions. Jamais on ne se sent en position de voyeur, jamais on ne ressent de l'apitoiement.
Finalement, c'était une belle nuit.
E.- Qu'est-ce qu'on peut faire, quand on est si vieux? Je ne suis plus rien.
H.- La nuit tu fais beaucoup de bruit.Beaucoup pipi.
E.- J'ai pas d'autre chose à faire. ( Un temps.) Dommage.
Dommage, ai-je pensé. Nous nous sommes battues cote à côte. Dans une autre pièce, le jour nous aurait trouvées allongées dan les bras l'une de l'autre, pensai-je.
Maintenant ma mère craint ma nuit. On voit rien. C'est pas très clair. Voilà que nous nous figurons tous les deux qu'"Elle" viendra la nuit.
"Tu me laisses pas tomber ! dit ma mère. Tu me laisses pas seule!" Maintenant j'ai aussi peur de la nuit que du jour. Je la laisse calmement endormie à 23 heures, je dors à une allure folle, à 5 heures je parcours le petit couloir, étroit conduit peuplé de spectre et d'illusions, je murmure "maman", que dis-je! "maman" c'est moi, si ma mère vit encore. C'est seulement si j'avais perdu mon vieil enfant que maman ce serait celle que j'appelle à mon secours pour me déterrer de cette enterrement vivante.
103 ans, c'est à cet âge lors du 1er juillet de l'année dernière qu'Eve Cixous la mère de l'auteure est morte. A l'heure où la mort des personnes âgées se déroule loin des domiciles familiaux, sa fille l'a voulue chez elle. Etre deux quand la mort commence à rôder, se féliciter de petites victoires, dire encore et toujours tout son amour à son mère, assister à la dégradation du corps, devenir la mère et Eve l'enfant, réconforter mais également "souffrir de cette fin sans fin".
Des journées qu'Hélène Cixous a noté comme ses conversations avec Eve qui est alitée. Les petites promenades ont cédé au fil des mois à quelques pas puis au lit et enfin au lit médicalisé. Sans détour, Hélène Cixous nous parle du corps asséché, des mots qui se mélangent dans la bouche de sa mère et ce dans plusieurs langues. Mais il y a également des scènes drôles ou d'autre encore où l'auteure fait preuve d'ironie ( en parlant du lit médicalisé : "on ouvre la cage en baissant les barreaux pour administrer les soins ou les repas. On referme"). On sourit mais on est surtout ému de partager cet espace temps non chronologique avant et après la mort de sa mère. Un espace où "elle a emménagé dans un sommeil profond, capitonné" entre deux rives. Eve qui fut sage-femme de son métier et qui donna la vie. Née en Allemagne à un mauvais moment de l'Histoire et qui aura dû fuir durant la guerre. On remonte le temps pour suivre son parcours jalonné de noms de villes et de pays. Mais il y a aussi la peur, le "aidemoua" qu'elle demande. Comment y répondre ?
Cet amour si fort entre une mère et une fille crève les yeux comme la complicité qui les unit. Elles se comprennent, se complètent.
Il faut prendre son temps pour lire ce roman à l’écriture vive qui malaxe les mots, s'en empare pour défier la mort mais aussi sait rendre avec justesse les émotions. Jamais on ne se sent en position de voyeur, jamais on ne ressent de l'apitoiement.
Le pathos n’a pas sa place. Au contraire, le récit est émaillé de références à la mythologie grecque, à certains écrivains. Il fait écho à nos propres peurs face à la mort.
Je suis consciente de parler très mal de ce livre qui est un hymne à la vie, aux mères. Une lecture très bouleversante qui nous fait pénétrer dans cette brèche où vie et mort se côtoient, se combattent mais où l'amour est le plus fort.
Finalement, c'était une belle nuit.
E.- Qu'est-ce qu'on peut faire, quand on est si vieux? Je ne suis plus rien.
H.- La nuit tu fais beaucoup de bruit.Beaucoup pipi.
E.- J'ai pas d'autre chose à faire. ( Un temps.) Dommage.
Dommage, ai-je pensé. Nous nous sommes battues cote à côte. Dans une autre pièce, le jour nous aurait trouvées allongées dan les bras l'une de l'autre, pensai-je.
Maintenant ma mère craint ma nuit. On voit rien. C'est pas très clair. Voilà que nous nous figurons tous les deux qu'"Elle" viendra la nuit.
"Tu me laisses pas tomber ! dit ma mère. Tu me laisses pas seule!" Maintenant j'ai aussi peur de la nuit que du jour. Je la laisse calmement endormie à 23 heures, je dors à une allure folle, à 5 heures je parcours le petit couloir, étroit conduit peuplé de spectre et d'illusions, je murmure "maman", que dis-je! "maman" c'est moi, si ma mère vit encore. C'est seulement si j'avais perdu mon vieil enfant que maman ce serait celle que j'appelle à mon secours pour me déterrer de cette enterrement vivante.
lundi 8 décembre 2014
Iván Repila - Le puits
Éditeur : Denoël - Traduit de l’espagnol par Margot Nguyen Béraud - Date de parution : Septembre 2014 - 110 pages dont on ne sort pas indemne !
Deux frères nommés le Grand et le Petit tombent dans un puits au milieu d'une forêt. Un puits trop profond et les tentatives d'évasion se soldent en échec. Pourtant, il y le sac qui contient de la nourriture mais leur mère leur a formellement interdit d'y toucher. Le Grand y veille pourtant le Petit a faim. Les heures se transforment en jours. Ils sont devenus des prisonniers du lieu.
Dans cette prison aux murs de terre, ils se nourrissent de racines, de vers de terre, se désaltèrent d'eau boueuse. La Grand fait des exercices pour maintenir sa condition physique. Son frère tombe malade, s'affaiblit de plus en plus et sombre dans la folie. En proie à des hallucinations et une aphasie, il divague et a envie de tuer l'autre. Le Grand continue de veiller sur lui. Alors qu'il a aperçu un visage les observer, il ne n'en parle pas au Petit.
Et je n'en dirai pas plus !
Ce conte terriblement dérangeant est un huis clos cruel où la tension va en crescendo. On ressent l'étouffement, le perte de l'innocence du Petit. Et les questions viennent naturellement : qui survira? et de quelle manière?
Ce livre est extrêmement bien mené car à partir d'un moment donné aucun des deux ne parle plus du sac de provisions. Et Iván Repila réussit à focaliser notre attention sur d'autres points et à nous le faire oublier.
L'amour du Grand pour son son frère cadet est immense et il est prêt à tous les sacrifices pour lui. Les deux frères sont deux enfants qui deviennent adultes par cette épreuve. Mais est-ce vraiment une épreuve?
Un livre sur l'amour fraternel, la rage, la vengeance et dont les dernières pages sont une claque ! Vous l'aurez compris, une lecture dont on ne sort pas indemne...
Le Petit continue de mourir quelques jours tandis que son frère essaie de le maintenir encore en vie. Comme si ce n'était qu'un jeu.
Cette citation ne donne pas d'indication sur le dénouement...
Les billets de Cryssilda, Eve, Jerôme, Laure, Sandrine
Deux frères nommés le Grand et le Petit tombent dans un puits au milieu d'une forêt. Un puits trop profond et les tentatives d'évasion se soldent en échec. Pourtant, il y le sac qui contient de la nourriture mais leur mère leur a formellement interdit d'y toucher. Le Grand y veille pourtant le Petit a faim. Les heures se transforment en jours. Ils sont devenus des prisonniers du lieu.
Dans cette prison aux murs de terre, ils se nourrissent de racines, de vers de terre, se désaltèrent d'eau boueuse. La Grand fait des exercices pour maintenir sa condition physique. Son frère tombe malade, s'affaiblit de plus en plus et sombre dans la folie. En proie à des hallucinations et une aphasie, il divague et a envie de tuer l'autre. Le Grand continue de veiller sur lui. Alors qu'il a aperçu un visage les observer, il ne n'en parle pas au Petit.
Et je n'en dirai pas plus !
Ce conte terriblement dérangeant est un huis clos cruel où la tension va en crescendo. On ressent l'étouffement, le perte de l'innocence du Petit. Et les questions viennent naturellement : qui survira? et de quelle manière?
Ce livre est extrêmement bien mené car à partir d'un moment donné aucun des deux ne parle plus du sac de provisions. Et Iván Repila réussit à focaliser notre attention sur d'autres points et à nous le faire oublier.
L'amour du Grand pour son son frère cadet est immense et il est prêt à tous les sacrifices pour lui. Les deux frères sont deux enfants qui deviennent adultes par cette épreuve. Mais est-ce vraiment une épreuve?
Un livre sur l'amour fraternel, la rage, la vengeance et dont les dernières pages sont une claque ! Vous l'aurez compris, une lecture dont on ne sort pas indemne...
Le Petit continue de mourir quelques jours tandis que son frère essaie de le maintenir encore en vie. Comme si ce n'était qu'un jeu.
Cette citation ne donne pas d'indication sur le dénouement...
Les billets de Cryssilda, Eve, Jerôme, Laure, Sandrine
samedi 6 décembre 2014
Ron Rash - Serena
Éditeur : Livre de poche - Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Béatrice Vierne - Date de parution : 2012 - 523 pages et un avis mitigé...
1930 en Caroline du Nord. George Pemberton est un riche exploitant forestier et il vient d'épouser Serena qui n'est pas de la région. Il s'agit d'une femme au caractère bien trempé et qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Tous les deux sont avides d'argent. Le couple entend poursuivre la déforestation pour s'enrichir même si certains s'opposent à ce projet. La main d'oeuvre ne manque pas car avec la crise beaucoup de personnes cherchent du travail. Une vraie aubaine pour George et Serena.
Quand la corruption ne suffit pas pour acheter les autorités, le couple utilise d'autres moyens pour arriver à ses fins. Et Serana se montre encore plus perfide, calculatrice et machiavélique que son époux. Rien ne semble l'arrêter. Seul bémol au bonheur : Serena n'a pas pas pu donner d'enfant à George. elle voit d'un mauvais oeil celui que George a eu avant leur mariage avec une jeune serveuse prénommée Rachel.
Dès les premières pages, la personnalité de Serena fait froid dans le dos.
Des descriptions de la nature et des personnalités, des discussions où le point de vue des ouvriers exploités est exprimé, une ambiance forte : malgré toutes ces qualités, j'ai trouvé que la trame se devinait assez facilement... Et si j'ai poursuivi ma lecture, c'est seulement pour savoir si Rachel et son fils s'en sortiraient.
Ce roman sombre contrairement aux autres livres de Ron Rash m'a procurée beaucoup moins de plaisir.
Des billets et des avis très différents : Alex, Aifelle, Cathulu, Dasola, Krol, Leiloona, Mango, Papillon...
Lu de cet auteur : Le monde à l'endroit - Un pied au paradis - Une terre d'ombre
1930 en Caroline du Nord. George Pemberton est un riche exploitant forestier et il vient d'épouser Serena qui n'est pas de la région. Il s'agit d'une femme au caractère bien trempé et qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Tous les deux sont avides d'argent. Le couple entend poursuivre la déforestation pour s'enrichir même si certains s'opposent à ce projet. La main d'oeuvre ne manque pas car avec la crise beaucoup de personnes cherchent du travail. Une vraie aubaine pour George et Serena.
Quand la corruption ne suffit pas pour acheter les autorités, le couple utilise d'autres moyens pour arriver à ses fins. Et Serana se montre encore plus perfide, calculatrice et machiavélique que son époux. Rien ne semble l'arrêter. Seul bémol au bonheur : Serena n'a pas pas pu donner d'enfant à George. elle voit d'un mauvais oeil celui que George a eu avant leur mariage avec une jeune serveuse prénommée Rachel.
Dès les premières pages, la personnalité de Serena fait froid dans le dos.
Des descriptions de la nature et des personnalités, des discussions où le point de vue des ouvriers exploités est exprimé, une ambiance forte : malgré toutes ces qualités, j'ai trouvé que la trame se devinait assez facilement... Et si j'ai poursuivi ma lecture, c'est seulement pour savoir si Rachel et son fils s'en sortiraient.
Ce roman sombre contrairement aux autres livres de Ron Rash m'a procurée beaucoup moins de plaisir.
Des billets et des avis très différents : Alex, Aifelle, Cathulu, Dasola, Krol, Leiloona, Mango, Papillon...
Lu de cet auteur : Le monde à l'endroit - Un pied au paradis - Une terre d'ombre
jeudi 4 décembre 2014
Pauline Dreyfus - Ce sont des choses qui arrivent
Éditeur : Grasset - Date de parution : Août 2014 - 234 pages à découvrir !
1945. Le livre s'ouvre sur l'enterrement de la duchesse Nathalie de Sorrente où le gratin de l'aristocratie est venu lui rendre un dernier hommage. En moins de deux ans, cette jeune femme belle, séduisante qui vivait pour les bals, les dîners mondains dans l'insouciance la plus totale a vu son monde s'écrouler. Mais afin de préserver ses enfants et surtout des futures alliances, son mari la laissera emporter ses secrets.
La guerre ennuie Nathalie épouse d'un Duc fervent admirateur de Pétain. Ils sont obligés de quitter Paris et ses fêtes pour Cannes où le reste de l'aristocratie trouve également refuge. Elle s'en fiche de la politique et de cette guerre. Tout ce qu'elle veut c'est retrouver sa vie d'avant.
Entre gens de la bonne société où l'on affiche son pedigree, où l'on expose la bravoure des ancêtres, on continue de s'amuser. Et l'on ferme les yeux sur les juifs. Partout, les privations sautent aux yeux mais ce monde huppé se débrouille pour garder au minimum son train de vie. Sauf qu'à la mort de sa mère, elle apprend la véritable identité de son père. Le doute s'empare d'elle mais la lâcheté sera la plus forte.
Avec des petites touches ironiques, cyniques, Pauline Dreyfus n'épargne pas son héroïne et l'aristocratie qui sait retourner sa veste quand elle a besoin. Un monde frivole et hypocrite mais l'auteure réussit à nous faire ressentir un peu d'empathie pour Nathalie par sa prise de conscience (ce qui n'était pas gagné d'avance). Ce roman sur la filiation restitue un monde qui se croyait à l'abri de de tout.
A découvrir !
En larmes sous sa mantille noire, Nathalie a moins pleuré la mort de sa mère - qu'après tout, elle voyait très peu- que son nouveau statut d'orphelin. Il est parfois réconfortant de s'apitoyer sur son propre sort.
Le billet de Mimipinson
1945. Le livre s'ouvre sur l'enterrement de la duchesse Nathalie de Sorrente où le gratin de l'aristocratie est venu lui rendre un dernier hommage. En moins de deux ans, cette jeune femme belle, séduisante qui vivait pour les bals, les dîners mondains dans l'insouciance la plus totale a vu son monde s'écrouler. Mais afin de préserver ses enfants et surtout des futures alliances, son mari la laissera emporter ses secrets.
La guerre ennuie Nathalie épouse d'un Duc fervent admirateur de Pétain. Ils sont obligés de quitter Paris et ses fêtes pour Cannes où le reste de l'aristocratie trouve également refuge. Elle s'en fiche de la politique et de cette guerre. Tout ce qu'elle veut c'est retrouver sa vie d'avant.
Entre gens de la bonne société où l'on affiche son pedigree, où l'on expose la bravoure des ancêtres, on continue de s'amuser. Et l'on ferme les yeux sur les juifs. Partout, les privations sautent aux yeux mais ce monde huppé se débrouille pour garder au minimum son train de vie. Sauf qu'à la mort de sa mère, elle apprend la véritable identité de son père. Le doute s'empare d'elle mais la lâcheté sera la plus forte.
Avec des petites touches ironiques, cyniques, Pauline Dreyfus n'épargne pas son héroïne et l'aristocratie qui sait retourner sa veste quand elle a besoin. Un monde frivole et hypocrite mais l'auteure réussit à nous faire ressentir un peu d'empathie pour Nathalie par sa prise de conscience (ce qui n'était pas gagné d'avance). Ce roman sur la filiation restitue un monde qui se croyait à l'abri de de tout.
A découvrir !
En larmes sous sa mantille noire, Nathalie a moins pleuré la mort de sa mère - qu'après tout, elle voyait très peu- que son nouveau statut d'orphelin. Il est parfois réconfortant de s'apitoyer sur son propre sort.
Le billet de Mimipinson
mercredi 3 décembre 2014
Paula Daly - La faute
Éditeur : Le Cherche-Midi - Traduit de l'anglais par Florianne Vidal- Date de parution : mars 2014 - 345 pages addictives !
Lisa Kallisto n'est une superwoman. Entre ses trois enfants, son travail dans un refuge d'animaux, elle a souvent d'impression de ne pas être à la hauteur des autres mères. Comme son amie Kate parfaite sur tous les plans. Lucinda la fille adolescente de Kate et amie de sa propre fille Sally disparaît alors qu'elle était sensée dormir chez elle. Sauf qu'une autre jeune fille du même âge enlevée un peu plus tôt a été retrouvée en état de choc profond. Lisa s'imagine que c'est de sa faute si Lucinda a disparu et elle promet à Kate de la retrouver.
Lisa ne va pas se transformer en super héroïne et résoudre l'affaire. Comme dans beaucoup de thrillers, Paula Daly nous amène d'abord sur une fausse piste (celle qui nous fait penser que l'un des personnages est le coupable) sauf que rien n'est joué d'avance. La narration se partage trois voix : celle de Lisa, celle de l'inspectrice Joanne Aspinall et celle d'un homme qui s’intéresse aux jeunes filles à la sortie des écoles. Au fil des pages, ce thriller prend une autre dimension avec les différences de classes sociales, les préjugés , les thèmes de l'éducation de enfants, du mariage mais aussi les trahisons. Les apparences qu'il faut sauver à tout prix prennent l'eau et les surprises se multiplient !
Mon bémol va à l'écriture qui concerne Lisa : elle trop proche de l'oralité et joue en sa défaveur à mon sens. Malgré tout, ce premier thriller est bien mené et addictif !
Lisa Kallisto n'est une superwoman. Entre ses trois enfants, son travail dans un refuge d'animaux, elle a souvent d'impression de ne pas être à la hauteur des autres mères. Comme son amie Kate parfaite sur tous les plans. Lucinda la fille adolescente de Kate et amie de sa propre fille Sally disparaît alors qu'elle était sensée dormir chez elle. Sauf qu'une autre jeune fille du même âge enlevée un peu plus tôt a été retrouvée en état de choc profond. Lisa s'imagine que c'est de sa faute si Lucinda a disparu et elle promet à Kate de la retrouver.
Lisa ne va pas se transformer en super héroïne et résoudre l'affaire. Comme dans beaucoup de thrillers, Paula Daly nous amène d'abord sur une fausse piste (celle qui nous fait penser que l'un des personnages est le coupable) sauf que rien n'est joué d'avance. La narration se partage trois voix : celle de Lisa, celle de l'inspectrice Joanne Aspinall et celle d'un homme qui s’intéresse aux jeunes filles à la sortie des écoles. Au fil des pages, ce thriller prend une autre dimension avec les différences de classes sociales, les préjugés , les thèmes de l'éducation de enfants, du mariage mais aussi les trahisons. Les apparences qu'il faut sauver à tout prix prennent l'eau et les surprises se multiplient !
Mon bémol va à l'écriture qui concerne Lisa : elle trop proche de l'oralité et joue en sa défaveur à mon sens. Malgré tout, ce premier thriller est bien mené et addictif !
mardi 2 décembre 2014
Marlen Haushofer - Le Mur invisible
Éditeur : Actes Sud - Traduit de l’allemand par Liselotte Bodo et Jacqueline Chambon - Date de parution : 1992 - 342 pages hérissées de marque-pages !
Lors d'un week-end en compagnie de sa cousine et du mari de cette dernière, la narratrice se retrouve coupée du reste du monde dans la forêt autrichienne. Un mur invisible mais bien réel est apparu au-delà duquel tout est pétrifié. Que s'est-il passé durant la nuit ? Là n'est pas la question et d'ailleurs la narratrice n' y pense pas vraiment. Elle se retrouve dans un chalet avec quelques animaux comme seule compagnie. Et cette femme âgée d'une quarantaine d'années et mère de deux filles devenues adultes au lieu de pleurer sur son sort va avoir ce courage et cette force de survivre.
Grâce à un vieil almanach et à quelques graines, elle entreprend de semer et de faire pousser des légumes. Elle a recueilli une vache égarée qui lui donne du lait et s'en occupe comme du chien et de la chatte. Des journées souvent harassantes avec des travaux souvent physiques où le temps devient celui de la nature et des saisons avec lesquelles elle apprendra à prévoir.
Au bout de plus de deux ans, elle écrit son quotidien depuis que le mur est apparu et ses réflexions. Bien sûr, il y a des moments de peur et ceux de découragement mais toujours elle reprend le dessus. Et quand elle pense à sa vie d'avant, elle se rend compte que celle-ci était faite de conventions alors que désormais elle est libre mais seule. Elle doit adopter cette solitude et la dominer.
Entre les descriptions de la nature, des travaux ou de ses relations avec les animaux, ce qui pourrait être ennuyeux ne l'est pas car il nous interpelle profondément. Que reste-t-il de la femme qu'elle était deux ans plus tôt ? Et des questions lancinantes ne cessent de nous troubler. Qu'aurions-nous fait à la place de la narratrice ? Comment aurions-nous réagi ?
Il s'agit d'un livre qui trace son sillon durant et après sa lecture. J'ai aimé sa beauté singulière, son aspect fascinant, émouvant et troublant !
Donc on oublie la couverture guère attrayante et sans rapport avec le contenu pour s'y plonger et le savourer !
Je ne sais pas comment j'ai réussi à survivre à cette période. Je ne sais vraiment pas. Je n'ai dû y pas venir que parce que je me l'étais fourré dans la tête parce qu'il fallait bien que je prenne soin des trois animaux. La conséquence de ces efforts incessants fut que je me mis à ressembler aux pauvre Hugo, je m'endormais dès que je me m'asseyais sur le banc. À cela s'ajoutait que si je rêvais nuit et jour de nourriture, des que je voulais manger j'étais incapable d'avaler une bouchée. Je crois que je n'ai vécu que du lait de Bella. C'était la seule chose qui ne m'écoeurait pas.
J'étais bien trop accaparée par tout ce labeur pour pouvoir appréhender clairement la situation. Puisque j'avais décidé de tenir bon, je tenais bon, je ne savais plus pourquoi c'était si important de le faire et je me contentais de vivre au jour le jour.
Je ne suis qu'une simple femme qui a perdu le monde qui était le sien et qui est chemin pour en trouver un autre. Ce chemin est douloureux et ne prendra pas fin avant longtemps.
Merci à Willy lecteur de mon blog, prescripteur de bonnes lectures qui une fois de plus a vu juste en me le conseillant !
Le billet de Cathulu, celui de Cuné qui renvoie à d'autres liens, Une Comète
Lors d'un week-end en compagnie de sa cousine et du mari de cette dernière, la narratrice se retrouve coupée du reste du monde dans la forêt autrichienne. Un mur invisible mais bien réel est apparu au-delà duquel tout est pétrifié. Que s'est-il passé durant la nuit ? Là n'est pas la question et d'ailleurs la narratrice n' y pense pas vraiment. Elle se retrouve dans un chalet avec quelques animaux comme seule compagnie. Et cette femme âgée d'une quarantaine d'années et mère de deux filles devenues adultes au lieu de pleurer sur son sort va avoir ce courage et cette force de survivre.
Grâce à un vieil almanach et à quelques graines, elle entreprend de semer et de faire pousser des légumes. Elle a recueilli une vache égarée qui lui donne du lait et s'en occupe comme du chien et de la chatte. Des journées souvent harassantes avec des travaux souvent physiques où le temps devient celui de la nature et des saisons avec lesquelles elle apprendra à prévoir.
Au bout de plus de deux ans, elle écrit son quotidien depuis que le mur est apparu et ses réflexions. Bien sûr, il y a des moments de peur et ceux de découragement mais toujours elle reprend le dessus. Et quand elle pense à sa vie d'avant, elle se rend compte que celle-ci était faite de conventions alors que désormais elle est libre mais seule. Elle doit adopter cette solitude et la dominer.
Entre les descriptions de la nature, des travaux ou de ses relations avec les animaux, ce qui pourrait être ennuyeux ne l'est pas car il nous interpelle profondément. Que reste-t-il de la femme qu'elle était deux ans plus tôt ? Et des questions lancinantes ne cessent de nous troubler. Qu'aurions-nous fait à la place de la narratrice ? Comment aurions-nous réagi ?
Il s'agit d'un livre qui trace son sillon durant et après sa lecture. J'ai aimé sa beauté singulière, son aspect fascinant, émouvant et troublant !
Donc on oublie la couverture guère attrayante et sans rapport avec le contenu pour s'y plonger et le savourer !
Je ne sais pas comment j'ai réussi à survivre à cette période. Je ne sais vraiment pas. Je n'ai dû y pas venir que parce que je me l'étais fourré dans la tête parce qu'il fallait bien que je prenne soin des trois animaux. La conséquence de ces efforts incessants fut que je me mis à ressembler aux pauvre Hugo, je m'endormais dès que je me m'asseyais sur le banc. À cela s'ajoutait que si je rêvais nuit et jour de nourriture, des que je voulais manger j'étais incapable d'avaler une bouchée. Je crois que je n'ai vécu que du lait de Bella. C'était la seule chose qui ne m'écoeurait pas.
J'étais bien trop accaparée par tout ce labeur pour pouvoir appréhender clairement la situation. Puisque j'avais décidé de tenir bon, je tenais bon, je ne savais plus pourquoi c'était si important de le faire et je me contentais de vivre au jour le jour.
Je ne suis qu'une simple femme qui a perdu le monde qui était le sien et qui est chemin pour en trouver un autre. Ce chemin est douloureux et ne prendra pas fin avant longtemps.
Merci à Willy lecteur de mon blog, prescripteur de bonnes lectures qui une fois de plus a vu juste en me le conseillant !
Le billet de Cathulu, celui de Cuné qui renvoie à d'autres liens, Une Comète
lundi 1 décembre 2014
Eric Reinhardt - L'amour et les forêts
Éditeur : Gallimard - Date de parution : Août 2014 - 366 pages et une fin qui m'a assommée..
La vie de Bénédicte Ombredanne professeur de français, mariée et mère de deux enfants croise celle d'Eric Reinhardt au départ par le biais d'une lettre . Elle lui a écrit pour dire combien elle a aimé son livre et combien il l'a aidé, il va lui répondre. Et exceptionnellement, l'auteur et la lectrice se rencontrent, discutent et Bénédicte se confie à lui. Son mari est un manipulateur et un tyran. Elle est harcelée moralement, il surveille ses faits et gestes en permanence. Sous ce ciel chargé, elle connaît une aventure amoureuse et romanesque. Une journée de grâce dans sa vie. Le retour à la réalité en saura d'autant plus dur que son mari la soupçonne de l'avoir trompé.
Cette histoire pourrait être à elle seule matière à un livre. Sauf que le plus dur est à venir dans les pages suivantes où on découvre réellement la vie de Bénédicte Ombredanne. De cette épouse et de cette mère qui a trouvé refuge dans la lecture, se nourrissant de ses rêves qui lui permettent d'encaisser l'impensable. Des rêves bercés d'un romanesque empreint d'une autre époque.
Eric Reinhardt lève le voile sur d'autres facettes plus terribles. Et il s'agit d'un véritable crève-coeur, écoeurant, révoltant qui a eu sur moi l'effet d'un poignard. Je me suis répétée ce que ce n'était pas possible comme pour m'en convaincre tant j'étais abasourdie.
J'ai été secouée, bousculée mais ce mélange de fiction et de réalité m'a également mise mal à l'aise. Car à travers ce récit, j'ai ressenti une forme d'impuissance face à cette situation. Et dans le cas où elle s'est produite, j'ai eu l'impression d'une absence de regrets (et celui de n'avoir pas agi...).
Pas une seule seconde, je n'ai eu envie de juger Bénédicte et je réfute tous ces discours qui affirment qu'une femme harcelée peut partir ou pire qu'elle se complait dans son rôle de victime. Comment ne pas ressentir de l'empathie pour elle ?
Malgré les nombreuses qualités de ce livre (et quelques petits défauts), je reste quand même en retrait car la fin m'a littéralement assommée...
La vie de Bénédicte Ombredanne professeur de français, mariée et mère de deux enfants croise celle d'Eric Reinhardt au départ par le biais d'une lettre . Elle lui a écrit pour dire combien elle a aimé son livre et combien il l'a aidé, il va lui répondre. Et exceptionnellement, l'auteur et la lectrice se rencontrent, discutent et Bénédicte se confie à lui. Son mari est un manipulateur et un tyran. Elle est harcelée moralement, il surveille ses faits et gestes en permanence. Sous ce ciel chargé, elle connaît une aventure amoureuse et romanesque. Une journée de grâce dans sa vie. Le retour à la réalité en saura d'autant plus dur que son mari la soupçonne de l'avoir trompé.
Cette histoire pourrait être à elle seule matière à un livre. Sauf que le plus dur est à venir dans les pages suivantes où on découvre réellement la vie de Bénédicte Ombredanne. De cette épouse et de cette mère qui a trouvé refuge dans la lecture, se nourrissant de ses rêves qui lui permettent d'encaisser l'impensable. Des rêves bercés d'un romanesque empreint d'une autre époque.
Eric Reinhardt lève le voile sur d'autres facettes plus terribles. Et il s'agit d'un véritable crève-coeur, écoeurant, révoltant qui a eu sur moi l'effet d'un poignard. Je me suis répétée ce que ce n'était pas possible comme pour m'en convaincre tant j'étais abasourdie.
J'ai été secouée, bousculée mais ce mélange de fiction et de réalité m'a également mise mal à l'aise. Car à travers ce récit, j'ai ressenti une forme d'impuissance face à cette situation. Et dans le cas où elle s'est produite, j'ai eu l'impression d'une absence de regrets (et celui de n'avoir pas agi...).
Pas une seule seconde, je n'ai eu envie de juger Bénédicte et je réfute tous ces discours qui affirment qu'une femme harcelée peut partir ou pire qu'elle se complait dans son rôle de victime. Comment ne pas ressentir de l'empathie pour elle ?
Malgré les nombreuses qualités de ce livre (et quelques petits défauts), je reste quand même en retrait car la fin m'a littéralement assommée...
vendredi 28 novembre 2014
Steve Tesich - Price
Éditeur : Monsieur Toussaint Louverture - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jeanine Hérisson - Date de parution : Août 2014 - 536 pages émouvantes !
Agé de dix-huit ans, Daniel Price vient de terminer ses études secondaires. Nous sommes au début des années 60 dans une petite ville d’East-Chicago. Une ville industrielle comme tant d'autres avec son usine la Standard Oil Company où le père de Daniel travaille. Daniel a perdu la finale d'un combat de lutte et par la même l'occasion, il s'est fermé les portes des facultés. Il passe ses journées en compagnie de ses deux amis Freud et Misiora pour échapper à la présence de son père morose. Tous les trois ne sont pas des "populaires" au lycée qui s'affichent en compagnie des plus belles filles. Et même s'ils sont sur le point d'être diplômés, ils vont prendre conscience que l'avenir semble semble être déjà tracé pour eux : un travail à l'usine de la ville.
Daniel rencontre Rachel arrivée récemment en ville en compagnie de son père et en tombe amoureux fou. Mais le père de Daniel devient gravement malade. L'adolescent le fuit, veut échapper à ses questions. Désorienté, il délaisse ses amis et devient obnubilé par Rachel même s'il a de plus en plus de mal à comprendre le comportement de cette dernière. A l'annonce du cancer de son père, il ne cherche pas à se rapprocher de lui. Car Daniel ne veut pas devenir comme lui, avoir sa vie. En seulement un été, il subit désillusions et revers.
Dans ce roman initiatique où certains passages sont des bombes d'émotion à eux-seuls, tous les personnages même secondaires tentent d'échapper à cette vie ou se soumettent et contemplent, impuissants, leurs rêves enterrés comme prisonniers de cette ville. Devant faire face à la mort et aux déceptions, Daniel effectuera ses propres choix. Et ce roman qui colle à une réalité se termine sur une note d'optimisme.
Un livre émouvant et douloureusement beau !
Les billets d'Eva, Micmélo, Papillon
Lu du même auteur : Karoo ( qui est dans un tout autre registre)
(*) : pas d'extrait car j'ai perdu mes marque-pages/post-it
Agé de dix-huit ans, Daniel Price vient de terminer ses études secondaires. Nous sommes au début des années 60 dans une petite ville d’East-Chicago. Une ville industrielle comme tant d'autres avec son usine la Standard Oil Company où le père de Daniel travaille. Daniel a perdu la finale d'un combat de lutte et par la même l'occasion, il s'est fermé les portes des facultés. Il passe ses journées en compagnie de ses deux amis Freud et Misiora pour échapper à la présence de son père morose. Tous les trois ne sont pas des "populaires" au lycée qui s'affichent en compagnie des plus belles filles. Et même s'ils sont sur le point d'être diplômés, ils vont prendre conscience que l'avenir semble semble être déjà tracé pour eux : un travail à l'usine de la ville.
Daniel rencontre Rachel arrivée récemment en ville en compagnie de son père et en tombe amoureux fou. Mais le père de Daniel devient gravement malade. L'adolescent le fuit, veut échapper à ses questions. Désorienté, il délaisse ses amis et devient obnubilé par Rachel même s'il a de plus en plus de mal à comprendre le comportement de cette dernière. A l'annonce du cancer de son père, il ne cherche pas à se rapprocher de lui. Car Daniel ne veut pas devenir comme lui, avoir sa vie. En seulement un été, il subit désillusions et revers.
Dans ce roman initiatique où certains passages sont des bombes d'émotion à eux-seuls, tous les personnages même secondaires tentent d'échapper à cette vie ou se soumettent et contemplent, impuissants, leurs rêves enterrés comme prisonniers de cette ville. Devant faire face à la mort et aux déceptions, Daniel effectuera ses propres choix. Et ce roman qui colle à une réalité se termine sur une note d'optimisme.
Un livre émouvant et douloureusement beau !
Les billets d'Eva, Micmélo, Papillon
Lu du même auteur : Karoo ( qui est dans un tout autre registre)
(*) : pas d'extrait car j'ai perdu mes marque-pages/post-it
mercredi 26 novembre 2014
Laurent Mauvignier - Des hommes
Éditeur : Éditons de Minuit - Date de parution : 2011 - 283 pages et un coup de cœur
Pour ses soixante ans, Solange a invité famille et amis à un repas dans une salle des fêtes louée pour l'occasion. Tout se passe bien jusqu'à l'arrivée de Bernard surnommé Feu-de-Bois, le frère aîné de Solange. Marginal, alcoolique et vivant aux crochets des uns et des autres, il offre à sa soeur un bijou de grande valeur. Solange essaie de masquer son embarras mais le mal est fait car tout le monde se demande comment il s'est procuré l'argent pour l'acheter. Tout s'enchaîne : la réflexion de trop qui met le feu aux poudres, l'esclandre et Feu-de-Bois humilié, en colère part. La fête est finie et gâchée. Mais la stupeur est à son comble quand on apprend que Feu-de-Bois a menacé la femme de Chefraoui un collègue de Solange d'origine algérienne.
Rabut le cousin de Feu-de-Bois présent à la fête raconte les heures qui suivent et bien plus. Car cet incident réveille chez lui des souvenirs plus anciens dont il n'a jamais parlé. Des souvenirs enfouis qui hantent toujours ses nuits. Quarante ans plus tôt, lui et Feu-de-Bois à peine âgés de vingt ans se sont retrouvés sous les drapeaux à participer à la guerre d'Algérie. Une guerre "étrange" avec l'ennui, l'incrédulité, la non compréhension "Mais là, c'est autre chose. Il n'est pas le seul à être seul, ils sont seuls tous ensemble.", la peur permanente mais aussi ses atrocités.
Laurent Mauvignier nous plonge dans cette guerre, dans ses souffrances, dans son silence et ses non-dits. Car une fois revenus, tous se taisent, ils ne peuvent pas mettre des mots sur cette guerre taboue. Mais Feu-de-Bois n'a pas pu tourner la page, ni à vivre avec ses blessures tapies au fond de lui.
On ne lit pas ce livre, on le ressent par l'écriture unique si précise et si ample de Laurent Mauvignier, par le rythme des phrases, par l'intensité poignante et juste.
Admirable sur tous les points et magistral !
La guerre c'est toujours des salauds qui la font à des types bien ; là il n'y en avait pas, c'était des hommes, c'est tout.
Lu de cet auteur : Apprendre à finir - Autour du monde - Dans la foule - Loin d'eux
Pour ses soixante ans, Solange a invité famille et amis à un repas dans une salle des fêtes louée pour l'occasion. Tout se passe bien jusqu'à l'arrivée de Bernard surnommé Feu-de-Bois, le frère aîné de Solange. Marginal, alcoolique et vivant aux crochets des uns et des autres, il offre à sa soeur un bijou de grande valeur. Solange essaie de masquer son embarras mais le mal est fait car tout le monde se demande comment il s'est procuré l'argent pour l'acheter. Tout s'enchaîne : la réflexion de trop qui met le feu aux poudres, l'esclandre et Feu-de-Bois humilié, en colère part. La fête est finie et gâchée. Mais la stupeur est à son comble quand on apprend que Feu-de-Bois a menacé la femme de Chefraoui un collègue de Solange d'origine algérienne.
Rabut le cousin de Feu-de-Bois présent à la fête raconte les heures qui suivent et bien plus. Car cet incident réveille chez lui des souvenirs plus anciens dont il n'a jamais parlé. Des souvenirs enfouis qui hantent toujours ses nuits. Quarante ans plus tôt, lui et Feu-de-Bois à peine âgés de vingt ans se sont retrouvés sous les drapeaux à participer à la guerre d'Algérie. Une guerre "étrange" avec l'ennui, l'incrédulité, la non compréhension "Mais là, c'est autre chose. Il n'est pas le seul à être seul, ils sont seuls tous ensemble.", la peur permanente mais aussi ses atrocités.
Laurent Mauvignier nous plonge dans cette guerre, dans ses souffrances, dans son silence et ses non-dits. Car une fois revenus, tous se taisent, ils ne peuvent pas mettre des mots sur cette guerre taboue. Mais Feu-de-Bois n'a pas pu tourner la page, ni à vivre avec ses blessures tapies au fond de lui.
On ne lit pas ce livre, on le ressent par l'écriture unique si précise et si ample de Laurent Mauvignier, par le rythme des phrases, par l'intensité poignante et juste.
Admirable sur tous les points et magistral !
La guerre c'est toujours des salauds qui la font à des types bien ; là il n'y en avait pas, c'était des hommes, c'est tout.
Lu de cet auteur : Apprendre à finir - Autour du monde - Dans la foule - Loin d'eux
lundi 24 novembre 2014
Per Petterson - Je refuse
Éditeur : Gallimard - Traduit du norvégien par Terje Sinding - Date de parution : Octobre 2014 - 270 pages à lire !
Au début des années 60, Tommy et Jim sont inséparables. Ils habitent tous deux dans le petit village de Mork en Norvège. Tommy essaie de protéger ses soeurs de la violence paternelle depuis que leur mère est partie sans un mot ou une explication. Jim vit avec sa mère enseignante et très croyante. Mais Tommy craque : il s'en prend à son père et c'est l'implosion. Ses soeurs sont placées dans des familles d'accueil différentes. Il n'a pas le droit de les voir alors qu'il était très lié avec Siri de un an sa cadette. Il se retrouve chez Jonsen un célibataire qui dirige une scierie.
A partir de ces enfances, on pourrait s'imaginer les chemins suivis une fois qu'ils seraient devenus adultes. Mais rien n'est jamais acquis d'avance. Comme les amitiés que l'on croyait indéfectibles et qui s'effritent puis meurent.
Trente ans plus tard, Jim est en train de pêcher sur un pont et Tommy passe dans sa luxueuse voiture. Jim qui a enchaîné les arrêts maladies se retrouve sans droits alors que Tommy est quelqu'un qui a réussi sa vie sur le plan professionnel. Cette rencontre si brève fut-elle entre les deux hommes va déclencher les souvenirs mais aussi et surtout des questionnements. Tous deux ne se sont pas vus depuis l'âge de dix-huit ans et ils vont remonter le cours du passé et des événements séparément.
Alternant passé et présent, dans ce roman polyphonique où d'autres personnages prennent également la parole, Tommy et Jim sont confrontés aux souvenirs qu'ils avaient tenté de bannir ou d'oublier. Pourront-ils accepter de se regarder en face et de changer ?
Un roman très touchant sur l'amitié, la vie et ses chemins de traverse d'où se dégage un mélange de mélancolie, de nostalgie mais aussi d'espoir. Une lecture loin d'être plombante car l'écriture est juste et sans fioritures. Elle nous dépeint ces vies, les émotions, la fragilité de Tommy et de Jim.
Un livre qui s'insinue en nous et nous prend aux tripes sans que l'on ait le temps de s'en apercevoir...
- Ca alors ! Ca fait combien de temps? Vingt-cinq ans? trente ?
- A peu près. Un peu plus, même.
Il a souri :
- A l'époque, on a pris des chemins différents, hein?
C'était dit sans sous-entendus.
- C'est vrai.
Il souriait, il était content de me voir, c'est l'impression que j'ai eue.
- Et maintenant tu es là, sur le pont, en train de pêcher, et moi je me ramène dans cette bagnole. elle m'a coûté un sacré paquet de fric, ça je peux le dire. mais j'en ai les moyens. J'aurais pu m'en acheter plusieurs, si j'avais voulu. En payant cash. C'est bizarre, hein?
Il souriait toujours.
- Qu'est-ce qui est bizarre?
- Que les choses puissent tourner comme ça. En s'inversant.
Le billet de Jérôme
Au début des années 60, Tommy et Jim sont inséparables. Ils habitent tous deux dans le petit village de Mork en Norvège. Tommy essaie de protéger ses soeurs de la violence paternelle depuis que leur mère est partie sans un mot ou une explication. Jim vit avec sa mère enseignante et très croyante. Mais Tommy craque : il s'en prend à son père et c'est l'implosion. Ses soeurs sont placées dans des familles d'accueil différentes. Il n'a pas le droit de les voir alors qu'il était très lié avec Siri de un an sa cadette. Il se retrouve chez Jonsen un célibataire qui dirige une scierie.
A partir de ces enfances, on pourrait s'imaginer les chemins suivis une fois qu'ils seraient devenus adultes. Mais rien n'est jamais acquis d'avance. Comme les amitiés que l'on croyait indéfectibles et qui s'effritent puis meurent.
Trente ans plus tard, Jim est en train de pêcher sur un pont et Tommy passe dans sa luxueuse voiture. Jim qui a enchaîné les arrêts maladies se retrouve sans droits alors que Tommy est quelqu'un qui a réussi sa vie sur le plan professionnel. Cette rencontre si brève fut-elle entre les deux hommes va déclencher les souvenirs mais aussi et surtout des questionnements. Tous deux ne se sont pas vus depuis l'âge de dix-huit ans et ils vont remonter le cours du passé et des événements séparément.
Alternant passé et présent, dans ce roman polyphonique où d'autres personnages prennent également la parole, Tommy et Jim sont confrontés aux souvenirs qu'ils avaient tenté de bannir ou d'oublier. Pourront-ils accepter de se regarder en face et de changer ?
Un roman très touchant sur l'amitié, la vie et ses chemins de traverse d'où se dégage un mélange de mélancolie, de nostalgie mais aussi d'espoir. Une lecture loin d'être plombante car l'écriture est juste et sans fioritures. Elle nous dépeint ces vies, les émotions, la fragilité de Tommy et de Jim.
Un livre qui s'insinue en nous et nous prend aux tripes sans que l'on ait le temps de s'en apercevoir...
- Ca alors ! Ca fait combien de temps? Vingt-cinq ans? trente ?
- A peu près. Un peu plus, même.
Il a souri :
- A l'époque, on a pris des chemins différents, hein?
C'était dit sans sous-entendus.
- C'est vrai.
Il souriait, il était content de me voir, c'est l'impression que j'ai eue.
- Et maintenant tu es là, sur le pont, en train de pêcher, et moi je me ramène dans cette bagnole. elle m'a coûté un sacré paquet de fric, ça je peux le dire. mais j'en ai les moyens. J'aurais pu m'en acheter plusieurs, si j'avais voulu. En payant cash. C'est bizarre, hein?
Il souriait toujours.
- Qu'est-ce qui est bizarre?
- Que les choses puissent tourner comme ça. En s'inversant.
Le billet de Jérôme
mardi 18 novembre 2014
Rene Denfeld - En ce lieu enchanté
Éditeur : Fleuve éditions - Traduit de l'anglais ( Etats-Unis ) par Frédérique Daber et Gabrielle Merchez -
Date de parution : Août 2014 - 207 pages qui bousculent !
Derrière ce titre doucereux il y a la prison et plus exactement le couloir de la mort. Le narrateur séjourne depuis longtemps dans ce qu'il appelle le "donjon". Il ne parle pas mais il observe ses compagnons du couloir, écoute les bruits du bâtiment. Il s'évade de l'univers carcéral grâce aux livres et s'est créé un monde à part, un univers enchanté où réalité et fantastique ne font qu'un.
Le seul lien pour ces hommes avec le monde extérieur est la venue de la "dame". Elle travaille pour un cabinet d'avocats. Elle doit enquêter et trouver des éléments pour qu'un condamné à mort voie sa peine de mort transformée en condamnation à perpétuité. Elle plonge dans le passé des détenus, remonte à l'enfance, cherche ce qui a pu se produire pour qu'un homme commette un ou des actes impensables mais sans à chercher à les excuser. Cette fois elle vient pour "sauver" York mais ce dernier refuse, il veut mourir. Elle croise souvent le directeur de la prison et le prêtre, un homme d'église déchu. Le narrateur nous décrit la violence : les caïds qui règnent en maître, les agressions, les trafics, des gardiens malhonnêtes sans que l'on sache pourquoi il est incarcéré.
L'écriture de Rene Denfeld est tout simplement superbe. La noirceur est contrebalancée par la poésie, l'humanité surgit entre ces murs et ce roman est un livre à part ! Troublant et très marquant, ce livre qui bouscule possède une vraie beauté...
Je ne peux plus penser à ce monde du dehors, il est trop vaste, il me fait peur. C'est un cirque effréné qui résonne de l'affrontement des idées et des êtres. Depuis que j'ai neuf ans, j'ai passé mon temps enfermé quelque part. Je suis habitué à ces pièces contenues dans d'autres pièces, elles-mêmes contenues dans des enceintes de barbelés électrifiés. Les murs que d'autres trouveraient suffocants sont devenus mes poumons.
Les billets de MicMélo, Sandrine, Séverine
Derrière ce titre doucereux il y a la prison et plus exactement le couloir de la mort. Le narrateur séjourne depuis longtemps dans ce qu'il appelle le "donjon". Il ne parle pas mais il observe ses compagnons du couloir, écoute les bruits du bâtiment. Il s'évade de l'univers carcéral grâce aux livres et s'est créé un monde à part, un univers enchanté où réalité et fantastique ne font qu'un.
Le seul lien pour ces hommes avec le monde extérieur est la venue de la "dame". Elle travaille pour un cabinet d'avocats. Elle doit enquêter et trouver des éléments pour qu'un condamné à mort voie sa peine de mort transformée en condamnation à perpétuité. Elle plonge dans le passé des détenus, remonte à l'enfance, cherche ce qui a pu se produire pour qu'un homme commette un ou des actes impensables mais sans à chercher à les excuser. Cette fois elle vient pour "sauver" York mais ce dernier refuse, il veut mourir. Elle croise souvent le directeur de la prison et le prêtre, un homme d'église déchu. Le narrateur nous décrit la violence : les caïds qui règnent en maître, les agressions, les trafics, des gardiens malhonnêtes sans que l'on sache pourquoi il est incarcéré.
L'écriture de Rene Denfeld est tout simplement superbe. La noirceur est contrebalancée par la poésie, l'humanité surgit entre ces murs et ce roman est un livre à part ! Troublant et très marquant, ce livre qui bouscule possède une vraie beauté...
Je ne peux plus penser à ce monde du dehors, il est trop vaste, il me fait peur. C'est un cirque effréné qui résonne de l'affrontement des idées et des êtres. Depuis que j'ai neuf ans, j'ai passé mon temps enfermé quelque part. Je suis habitué à ces pièces contenues dans d'autres pièces, elles-mêmes contenues dans des enceintes de barbelés électrifiés. Les murs que d'autres trouveraient suffocants sont devenus mes poumons.
Les billets de MicMélo, Sandrine, Séverine
lundi 17 novembre 2014
Mélisa Godet - Les Augustins
Editeur : JC Lattes - Date de parution : Mai 2014 - 183 pages remplies d'énergie !
Jeune journaliste Web, Malika obtient de travailler sur les squats. Via Gabor qui y loge, elle découvre une association qui lutte contre le mal-logement et le squat des Augustins. Elle décide de réaliser des reportages sur les personnes qui y vivent. Et ce sont autant de personnages attachants que l'on découvre. Des accidentés de la vie, des étudiants, des clandestins, des personnes qui travaillent mais qui ne gagnent pas assez pour s'offrir un logement... Autant de situations différentes que Malika était loin d'imaginer.
Mais un squat dérange et celui des Augustines pour des raisons qui seront révélées au fil des pages. Même si on pressent ce qui va se passer, il n'empêche que ce premier roman déborde d'énergie.
Sous des airs légers, Mélisa Godet traite de sujets plus graves mais sans tomber dans le pathos.
Malgré une trame qui ne m'a pas toujours convaincue, ce roman fait du bien et donne du punch !
Le billet de Cathulu, (merci Cuné !)
Jeune journaliste Web, Malika obtient de travailler sur les squats. Via Gabor qui y loge, elle découvre une association qui lutte contre le mal-logement et le squat des Augustins. Elle décide de réaliser des reportages sur les personnes qui y vivent. Et ce sont autant de personnages attachants que l'on découvre. Des accidentés de la vie, des étudiants, des clandestins, des personnes qui travaillent mais qui ne gagnent pas assez pour s'offrir un logement... Autant de situations différentes que Malika était loin d'imaginer.
Mais un squat dérange et celui des Augustines pour des raisons qui seront révélées au fil des pages. Même si on pressent ce qui va se passer, il n'empêche que ce premier roman déborde d'énergie.
Sous des airs légers, Mélisa Godet traite de sujets plus graves mais sans tomber dans le pathos.
Malgré une trame qui ne m'a pas toujours convaincue, ce roman fait du bien et donne du punch !
Le billet de Cathulu, (merci Cuné !)
samedi 15 novembre 2014
Laurent Mauvignier - Apprendre à finir
Éditeur : Éditions de Minuit - Date de parution : 2003 - 127 pages superbes lues en apnée !
Une femme prépare sa maison car son mari longuement hospitalisé suite à un accident va bientôt rentrer. Immobilisé et alité, elle va s'en occuper. Un des enfants a libéré sa chambre pour lui. Elle met tout en œuvre pour son mari et pourtant elle ne peut s'empêcher de penser qu'avant l'accident, il lui avait annoncé sa volonté de la quitter. Son coeur battait pour une autre. Constat d'un mariage arrivé à bout de souffle avec les disputes, le désamour, sa jalousie à elle haineuse.
La convalescence de son mari est l'occasion pour elle de le récupérer "une nouvelle chance pour elle, pour eux", de tirer un trait sur ce passé récent et de repartir sur de nouvelles bases. Lui montrer combien elle est présente pour effacer la rivale, son dévouement, ses attentions : autant de bouées auxquelles elle s'accroche pour espérer. Mais quand son mari commence à aller mieux, la peur la saisit. Et si tout cela n'avait servi à rien ? La douleur de cette femme est palpable, elle prend à la gorge...
Et dans un monologue, tous ses sentiments contradictoires ou paradoxaux nous sont livrés sans concession. Le cri d'amour de cette femme est douloureusement beau car Laurent Mauvignier fait parler les silences, le regard du mari, un geste.
L'écriture est magnifique (j'en suis amoureuse), elle creuse au plus profond, nous bouleverse par sa justesse ! Absolument superbe!
Maintenant, aucune importance. Rien n'a d'importance après, quand on sait ce qu'on a refusé tout le temps, qu'on se dit que, même son corps à côté de nous, on était seul toujours, parce quand on est seul on est tout seul, même avec celui qu'on voulait garder, si ce n'est que son corps, si ce n'est qu'un regard vide et puis puis toute sa vie, toute sa tête qui sont tournées là où jamais il n'y aura de place pour nous. Il n'y a rien aucun visage, aucun regard pour nous sauver de ça. Et au contraire, je me disais, il faut en finir vite et plonger pour en finir, vite, pour aller au bout une fois et ne plus se lasser d'attendre des autres que ça change. Rien ne change. Tout est déjà là. Rien, il n'y à rien à attendre ce jour qui vous délivrera de l'illusion des autres, c'est tout.
Lu de cet auteur : Autour du monde - Dans la foule - Loin d'eux
Une femme prépare sa maison car son mari longuement hospitalisé suite à un accident va bientôt rentrer. Immobilisé et alité, elle va s'en occuper. Un des enfants a libéré sa chambre pour lui. Elle met tout en œuvre pour son mari et pourtant elle ne peut s'empêcher de penser qu'avant l'accident, il lui avait annoncé sa volonté de la quitter. Son coeur battait pour une autre. Constat d'un mariage arrivé à bout de souffle avec les disputes, le désamour, sa jalousie à elle haineuse.
La convalescence de son mari est l'occasion pour elle de le récupérer "une nouvelle chance pour elle, pour eux", de tirer un trait sur ce passé récent et de repartir sur de nouvelles bases. Lui montrer combien elle est présente pour effacer la rivale, son dévouement, ses attentions : autant de bouées auxquelles elle s'accroche pour espérer. Mais quand son mari commence à aller mieux, la peur la saisit. Et si tout cela n'avait servi à rien ? La douleur de cette femme est palpable, elle prend à la gorge...
Et dans un monologue, tous ses sentiments contradictoires ou paradoxaux nous sont livrés sans concession. Le cri d'amour de cette femme est douloureusement beau car Laurent Mauvignier fait parler les silences, le regard du mari, un geste.
L'écriture est magnifique (j'en suis amoureuse), elle creuse au plus profond, nous bouleverse par sa justesse ! Absolument superbe!
Maintenant, aucune importance. Rien n'a d'importance après, quand on sait ce qu'on a refusé tout le temps, qu'on se dit que, même son corps à côté de nous, on était seul toujours, parce quand on est seul on est tout seul, même avec celui qu'on voulait garder, si ce n'est que son corps, si ce n'est qu'un regard vide et puis puis toute sa vie, toute sa tête qui sont tournées là où jamais il n'y aura de place pour nous. Il n'y a rien aucun visage, aucun regard pour nous sauver de ça. Et au contraire, je me disais, il faut en finir vite et plonger pour en finir, vite, pour aller au bout une fois et ne plus se lasser d'attendre des autres que ça change. Rien ne change. Tout est déjà là. Rien, il n'y à rien à attendre ce jour qui vous délivrera de l'illusion des autres, c'est tout.
Lu de cet auteur : Autour du monde - Dans la foule - Loin d'eux
vendredi 14 novembre 2014
Mathieu Lindon - Les hommes tremblent
Éditeur : P.O.L. - Date de parution : Octobre 2014 - 169 pages déstabilisantes !
Qu'est-ce qui peut bien entacher la tranquillité d'un petit immeuble parisien? L'arrivée d'un SDF Martin qui squatte le hall en permanence. Les habitants s'interrogent : nous sommes en hiver, il faut bien que le pauvre homme se mette à l'abri du froid alors faisons preuve d'humanité Oui mais... Martin boit, il est sale et ramène sa copine Martine. Martin a le chic pour s'immiscer dans la vie de gens. Du hall, il règne et observe les allées et venues, donne son avis sur tout avec arrogance ou mépris. Et quand Martin et Martine provoquent, on en viendrait à avoir peur d'eux. Que faire ? Car après tout, quelquefois ils rendent service et Martin a aussi parfois des réflexions justes ou emplies de bon sens. Mais quand même la situation ne peut plus durer. Les habitants ne savent plus que faire.
Tenter de les déloger ou alors leur proposer le local poubelles? Des solutions qui les feraient apparaître pour des gens sans coeur et chacun pour soi. Il y a ceux qui les ignorent, ceux qui ont un simulacre d'attention gentille ou encore l'adolescent qui boit les paroles de Martin. Car ce dernier a des grandes idées du système, du travail.
Sauf que Mathieu Lindon sait révéler toutes les facettes des âmes de tout ce petit monde. Celui qui pouvait nous être sympathique se révèle hypocrite. Il n'y pas de méchant ou de gentil, juste la mise à nu et à mal de nos consciences. Le tout est décrit avec une ironie féroce.
Déstabilisant et très bien réussi !
Sans que Martin soit expulsé manu militari, il devrait être possible de le convaincre de passer son temps dans le local poubelles, qui est très bien tenu et assez spacieux, de sorte qu'il ne manquerait pas de place pour se mettre à l'aise, même avec Martine, et lui-même ne serait pas sans cesse interrompu dans ses rêveries par des allées et venues. Les allées et venues, pour leur part, n'auraient pas sous leurs yeux, à chaque fois qu'il quittent ou regagnent leur appartement, cette espèce de loque prétentieuse qui donne son avis sur tout et sur chacun. Mais Martin a des complices dans l'immeuble, des locataires principalement, qui tiennent à faire connaître leur idée de l'humanisme, laquelle consiste à se scandaliser de tout contact trop poussé entre les hommes et les déchets. Qu'est-ce qu'ils croient ? Que, dans des pays moins favorisés, les pauvres gens ne fouillent pas jour les décharges d'ordures comme une île au trésor, pour y trouver de quoi se nourrir ou commercer jusqu'à demain? Martin, il était juste question qu'il passe ses journées et dorme, qui plus est éventuellement avec sa Martine, dans la Rolls des locaux poubelles.
Qu'est-ce qui peut bien entacher la tranquillité d'un petit immeuble parisien? L'arrivée d'un SDF Martin qui squatte le hall en permanence. Les habitants s'interrogent : nous sommes en hiver, il faut bien que le pauvre homme se mette à l'abri du froid alors faisons preuve d'humanité Oui mais... Martin boit, il est sale et ramène sa copine Martine. Martin a le chic pour s'immiscer dans la vie de gens. Du hall, il règne et observe les allées et venues, donne son avis sur tout avec arrogance ou mépris. Et quand Martin et Martine provoquent, on en viendrait à avoir peur d'eux. Que faire ? Car après tout, quelquefois ils rendent service et Martin a aussi parfois des réflexions justes ou emplies de bon sens. Mais quand même la situation ne peut plus durer. Les habitants ne savent plus que faire.
Tenter de les déloger ou alors leur proposer le local poubelles? Des solutions qui les feraient apparaître pour des gens sans coeur et chacun pour soi. Il y a ceux qui les ignorent, ceux qui ont un simulacre d'attention gentille ou encore l'adolescent qui boit les paroles de Martin. Car ce dernier a des grandes idées du système, du travail.
Sauf que Mathieu Lindon sait révéler toutes les facettes des âmes de tout ce petit monde. Celui qui pouvait nous être sympathique se révèle hypocrite. Il n'y pas de méchant ou de gentil, juste la mise à nu et à mal de nos consciences. Le tout est décrit avec une ironie féroce.
Déstabilisant et très bien réussi !
Sans que Martin soit expulsé manu militari, il devrait être possible de le convaincre de passer son temps dans le local poubelles, qui est très bien tenu et assez spacieux, de sorte qu'il ne manquerait pas de place pour se mettre à l'aise, même avec Martine, et lui-même ne serait pas sans cesse interrompu dans ses rêveries par des allées et venues. Les allées et venues, pour leur part, n'auraient pas sous leurs yeux, à chaque fois qu'il quittent ou regagnent leur appartement, cette espèce de loque prétentieuse qui donne son avis sur tout et sur chacun. Mais Martin a des complices dans l'immeuble, des locataires principalement, qui tiennent à faire connaître leur idée de l'humanisme, laquelle consiste à se scandaliser de tout contact trop poussé entre les hommes et les déchets. Qu'est-ce qu'ils croient ? Que, dans des pays moins favorisés, les pauvres gens ne fouillent pas jour les décharges d'ordures comme une île au trésor, pour y trouver de quoi se nourrir ou commercer jusqu'à demain? Martin, il était juste question qu'il passe ses journées et dorme, qui plus est éventuellement avec sa Martine, dans la Rolls des locaux poubelles.
jeudi 13 novembre 2014
Annie Ernaux - Le vrai lieu
Éditeur : Gallimard - Date de parution : Octobre 2014 - 111 pages hérissées de marque-pages !
En 2008, Michelle Porte, que je connaissais comme la réalisatrice de très beaux documentaires sur Virginia Woolf et Marguerite Duras, m'a exprimé son désir de me filmer dans les lieux de ma jeunesse, Yvetot, Rouen, et dans celui d'aujourd'hui, Cergy. J'évoquerais ma vie, l'écriture, le lien entre les deux. J'ai aimé et accepté immédiatement son projet, convaincue que le lieu - géographique, social - où l'on naît, et celui où l'on vit, offrent sur les textes écrits, non pas une explication, mais l'arrière-fond de la réalité où, plus ou moins, ils sont ancrés.
Ces lignes sont les premières phrases de ces entretiens réalisés en 2011 à Cergy où vit Annie Ernaux. Mais Yvetot le lieu de son enfance et de son adolescence qui apparaît dans beaucoup de ses livres est abordé également.
Comme dans "Retour à Yvetot", l'auteure revient sur certains de ses romans pour nous éclairer. Ses origines modestes qui font que Je crois que j’ai toujours été entre deux et que ça a commencé tôt.
Sans tabou, elle revient sur ses relations avec sa mère (jusqu'à la mort de cette dernière), une femme autoritaire mais qui a toujours voulu le mieux pour sa fille mais aussi et surtout sur 'importance de la lecture et celle de l'écriture : C'est un lieu, l'écriture, un lieu immatériel. Même si je ne suis pas dans l'écriture d'imagination, mais l'écriture de la mémoire, c'est aussi une façon de m'évader. D'être ailleurs. L'image qui me vient toujours pour l'écriture, c'est celle d'une immersion. De l'immersion dans une réalité qui n'est pas moi. Mais qui est passée par moi. Mon expérience est celle d'un passage et d'une séparation du monde social.
Et les passages sur sa démarche d'écriture m'ont particulièrement intéressée : Je me suis toujours révoltée contre l'assimilation de ma démarche d'écriture à l'autofiction parce que dans le terme même il y a quelque chose de repli sur soi, de fermer au monde. Je n'ai jamais envie que le livre soit une chose personnelle. Ce n'est pas parce que les choses ne me sont arrivées à moi que je les écris, c'est parce qu'elles sont arrivées, qu'elles ne sont donc pas uniques.(...)Bien sûr, on dit les choses personnellement. Personne ne les vit à votre place . Mais il faut pas les écrire de façon qu'elles ne soient que pour soi. Il faut qu'elles soient transpersonnelles, c'est ça. C'est ce qui permet de s'interroger sur soi-même, de vivre autrement, d'être heureux aussi. La littérature peut rendre heureux.
Ce livre est une pierre supplémentaire qui nous éclaire sur l'œuvre d'Annie Ernaux !
Le billet de Margotte
Lu de cette auteure : Ecrire la vie (qui regroupe Les armoires vides, La honte, L’événement, La femme gelée, La place, Journal du dehors, Une femme, « Je ne suis pas sortie de ma nuit », Passion simple, Se perdre, L’occupation, Les années)- La femme gelée - La place - Les années - Regarde les lumières mon amour - Retour à Yvetot
En 2008, Michelle Porte, que je connaissais comme la réalisatrice de très beaux documentaires sur Virginia Woolf et Marguerite Duras, m'a exprimé son désir de me filmer dans les lieux de ma jeunesse, Yvetot, Rouen, et dans celui d'aujourd'hui, Cergy. J'évoquerais ma vie, l'écriture, le lien entre les deux. J'ai aimé et accepté immédiatement son projet, convaincue que le lieu - géographique, social - où l'on naît, et celui où l'on vit, offrent sur les textes écrits, non pas une explication, mais l'arrière-fond de la réalité où, plus ou moins, ils sont ancrés.
Ces lignes sont les premières phrases de ces entretiens réalisés en 2011 à Cergy où vit Annie Ernaux. Mais Yvetot le lieu de son enfance et de son adolescence qui apparaît dans beaucoup de ses livres est abordé également.
Comme dans "Retour à Yvetot", l'auteure revient sur certains de ses romans pour nous éclairer. Ses origines modestes qui font que Je crois que j’ai toujours été entre deux et que ça a commencé tôt.
Sans tabou, elle revient sur ses relations avec sa mère (jusqu'à la mort de cette dernière), une femme autoritaire mais qui a toujours voulu le mieux pour sa fille mais aussi et surtout sur 'importance de la lecture et celle de l'écriture : C'est un lieu, l'écriture, un lieu immatériel. Même si je ne suis pas dans l'écriture d'imagination, mais l'écriture de la mémoire, c'est aussi une façon de m'évader. D'être ailleurs. L'image qui me vient toujours pour l'écriture, c'est celle d'une immersion. De l'immersion dans une réalité qui n'est pas moi. Mais qui est passée par moi. Mon expérience est celle d'un passage et d'une séparation du monde social.
Et les passages sur sa démarche d'écriture m'ont particulièrement intéressée : Je me suis toujours révoltée contre l'assimilation de ma démarche d'écriture à l'autofiction parce que dans le terme même il y a quelque chose de repli sur soi, de fermer au monde. Je n'ai jamais envie que le livre soit une chose personnelle. Ce n'est pas parce que les choses ne me sont arrivées à moi que je les écris, c'est parce qu'elles sont arrivées, qu'elles ne sont donc pas uniques.(...)Bien sûr, on dit les choses personnellement. Personne ne les vit à votre place . Mais il faut pas les écrire de façon qu'elles ne soient que pour soi. Il faut qu'elles soient transpersonnelles, c'est ça. C'est ce qui permet de s'interroger sur soi-même, de vivre autrement, d'être heureux aussi. La littérature peut rendre heureux.
Ce livre est une pierre supplémentaire qui nous éclaire sur l'œuvre d'Annie Ernaux !
Le billet de Margotte
Lu de cette auteure : Ecrire la vie (qui regroupe Les armoires vides, La honte, L’événement, La femme gelée, La place, Journal du dehors, Une femme, « Je ne suis pas sortie de ma nuit », Passion simple, Se perdre, L’occupation, Les années)- La femme gelée - La place - Les années - Regarde les lumières mon amour - Retour à Yvetot
mardi 11 novembre 2014
Ron Rash - Une terre d'ombre
Éditeur : Seuil - Traduit de l'anglais (Etats-unis) par Isabelle Reinharez - Date de parution : Janvier 2014- 243 pages captivantes et bouleversantes..
1918 en Caroline du Sud. Au fond d'un vallon, Hank et sa soeur Laurel vivent dans l'ancienne ferme de leur parents. Malgré qu'il ait perdu une main lors de la guerre en Europe, Hank travaille dur pour s'occuper du lieu. Très tôt, Laurel à été mise à l'écart et rejetée par les autres autres car sa peau est maculée depuis sa naissance d'une tâche de vin. Considérée comme pouvant porter malheur, les gens la fuient. Jusqu'au jour où elle rencontre Walter. Un jeune homme muet qui joue merveilleusement de la flûte. Mal en point, harassé, Laurel le ramène chez eux et s'occupe de lui.
Hank se montre tout d'abord méfiant mais très vite Walter gagne sa confiance. Travailleur, il l'aide énormément sauf qu'il doit rejoindre New-York sous. Laurel a vu sa vie modifiée avec l'arrivée de cet inconnu, il a apporté de la gaieté et de l'espoir dans le quotidien bien terre de la jeune femme. Dans la petite ville, la plupart de population voue une haine aux Allemands : des fils sont morts ou ne sont pas revenus indemnes. La guerre n'est pas finie et certains ont une soif de vengeance aveugle. Des livres de cours en allemand sont détruits, un professeur déchu de sa fonction. La tension monte en crescendo et le drame apparaît inéluctable. Il le sera. Dur et animé par la peur de l'autre et l'ignorance.
Un roman âpre, fort où des moments de lumière jaillissent. Ron Rash décortique les âmes humaines avec brio. Poignant, captivant et bouleversant, l'ambiance est palpable de la première à la dernière ligne et ne nous lâche pas !
Dans un cas comme dans l'autre, les gens l'évitaient, traversaient la rue, partaient dans un autre coin de la grange. N'était-ce pas cela un fantôme : un être isolé des vivants ?
Les billets d'Aifelle, Jostein, Kathel, Keisha, Krol, Micmélo
Lu de cet auteur : Le monde à l'endroit - Un pied au paradis
1918 en Caroline du Sud. Au fond d'un vallon, Hank et sa soeur Laurel vivent dans l'ancienne ferme de leur parents. Malgré qu'il ait perdu une main lors de la guerre en Europe, Hank travaille dur pour s'occuper du lieu. Très tôt, Laurel à été mise à l'écart et rejetée par les autres autres car sa peau est maculée depuis sa naissance d'une tâche de vin. Considérée comme pouvant porter malheur, les gens la fuient. Jusqu'au jour où elle rencontre Walter. Un jeune homme muet qui joue merveilleusement de la flûte. Mal en point, harassé, Laurel le ramène chez eux et s'occupe de lui.
Hank se montre tout d'abord méfiant mais très vite Walter gagne sa confiance. Travailleur, il l'aide énormément sauf qu'il doit rejoindre New-York sous. Laurel a vu sa vie modifiée avec l'arrivée de cet inconnu, il a apporté de la gaieté et de l'espoir dans le quotidien bien terre de la jeune femme. Dans la petite ville, la plupart de population voue une haine aux Allemands : des fils sont morts ou ne sont pas revenus indemnes. La guerre n'est pas finie et certains ont une soif de vengeance aveugle. Des livres de cours en allemand sont détruits, un professeur déchu de sa fonction. La tension monte en crescendo et le drame apparaît inéluctable. Il le sera. Dur et animé par la peur de l'autre et l'ignorance.
Un roman âpre, fort où des moments de lumière jaillissent. Ron Rash décortique les âmes humaines avec brio. Poignant, captivant et bouleversant, l'ambiance est palpable de la première à la dernière ligne et ne nous lâche pas !
Dans un cas comme dans l'autre, les gens l'évitaient, traversaient la rue, partaient dans un autre coin de la grange. N'était-ce pas cela un fantôme : un être isolé des vivants ?
Les billets d'Aifelle, Jostein, Kathel, Keisha, Krol, Micmélo
Lu de cet auteur : Le monde à l'endroit - Un pied au paradis
lundi 10 novembre 2014
Elena Ferrante - L'amie prodigieuse
Éditeur : Gallimard - Traduit de l'italien par Elsa Damien - Date de parution : Octobre 2014 - 389 pages à lire !
Fin des années cinquante. Dans un quartier éloigné et pauvre du centre ville de Naples, Elena et Lila deviennent amies à l'école. Toutes deux sont des enfants dont les parents vivotent comme le reste des habitants de ces rues. Elena voue de l'admiration à Lilaqui est billante et vive. Et pourtant ses parents ne veulent pas qu'elle aille au collège, elle va désormais travailler dans la cordonnerie familiale. Si seule Elena franchit les classes supérieures, Lila emprunte des livres à la bibliothèque pour continuer d'apprendre. Les nouvelles matières semblent un jeu pour l'adolescente qui devient une charmante jeune fille. Dans ce quartier qui subit des métamorphoses certaines familles s'enrichissent tandis qu'Elena cherche sa place.
Depuis l'enfance, Elena s'est toujours sentie en compétition avec Lila. Cette dernière aurait dû continuer les études et Elena se sent comme un imposteur. Et si ce sentiment laisse place à celui d'une forme de supériorité, Lila a toujours un temps d'avance. Alors qu'Elena passe son temps à étudier, Lila attire bon nombre de garçons.
Dans ce récit raconté par Elena, les chemins des deux adolescentes se retrouvent, divergent. Les vies d'Elena et de Lila sont liées à celle du quartier où tout le monde se connaît et où les rivalités entre certaines familles font régner une ambiance de jalousie. Lila se fiance à un jeune homme et son destin semble tracé vers le bonheur.
On est immergé dans cette partie de Naples, et on suit ces deux filles de l'enfance à la porte de l'âge de l'adulte. Si Lila est belle, intelligente et qu'Elena semble son opposée, à travers les réflexions de cette dernière on s'aperçoit combien ses pensées évoluent.
Il s'agit d'un roman sur l'amitié, les tourments liés à l'adolescence et les bouleversements de tout un quartier et d'une époque.
Les deux héroïnes sont aussi attachantes l'une que l'autre et la toute dernière page révèle un retournement de situation complètement inattendu et assez glaçant...
Cet argent donne encore plus de force à mon impression qu'elle avait ce qui me manquait et vice versa, dans un perpétuel jeu d'échanges et de renversements qui, parfois dans la joie, parfois dans la souffrance nous rendent indispensables l'une à l'autre. (…) Je me répondis que j'avais l'école, un privilège qu'elle avait perdu pour toujours. C'est ma richesse, tentai-je de me convaincre.
Fin des années cinquante. Dans un quartier éloigné et pauvre du centre ville de Naples, Elena et Lila deviennent amies à l'école. Toutes deux sont des enfants dont les parents vivotent comme le reste des habitants de ces rues. Elena voue de l'admiration à Lilaqui est billante et vive. Et pourtant ses parents ne veulent pas qu'elle aille au collège, elle va désormais travailler dans la cordonnerie familiale. Si seule Elena franchit les classes supérieures, Lila emprunte des livres à la bibliothèque pour continuer d'apprendre. Les nouvelles matières semblent un jeu pour l'adolescente qui devient une charmante jeune fille. Dans ce quartier qui subit des métamorphoses certaines familles s'enrichissent tandis qu'Elena cherche sa place.
Depuis l'enfance, Elena s'est toujours sentie en compétition avec Lila. Cette dernière aurait dû continuer les études et Elena se sent comme un imposteur. Et si ce sentiment laisse place à celui d'une forme de supériorité, Lila a toujours un temps d'avance. Alors qu'Elena passe son temps à étudier, Lila attire bon nombre de garçons.
Dans ce récit raconté par Elena, les chemins des deux adolescentes se retrouvent, divergent. Les vies d'Elena et de Lila sont liées à celle du quartier où tout le monde se connaît et où les rivalités entre certaines familles font régner une ambiance de jalousie. Lila se fiance à un jeune homme et son destin semble tracé vers le bonheur.
On est immergé dans cette partie de Naples, et on suit ces deux filles de l'enfance à la porte de l'âge de l'adulte. Si Lila est belle, intelligente et qu'Elena semble son opposée, à travers les réflexions de cette dernière on s'aperçoit combien ses pensées évoluent.
Il s'agit d'un roman sur l'amitié, les tourments liés à l'adolescence et les bouleversements de tout un quartier et d'une époque.
Les deux héroïnes sont aussi attachantes l'une que l'autre et la toute dernière page révèle un retournement de situation complètement inattendu et assez glaçant...
Cet argent donne encore plus de force à mon impression qu'elle avait ce qui me manquait et vice versa, dans un perpétuel jeu d'échanges et de renversements qui, parfois dans la joie, parfois dans la souffrance nous rendent indispensables l'une à l'autre. (…) Je me répondis que j'avais l'école, un privilège qu'elle avait perdu pour toujours. C'est ma richesse, tentai-je de me convaincre.
vendredi 31 octobre 2014
Marie-Aimée Lebreton
Éditeur : Buchet-Chastel - Date de parution : Août 2014 - 125 pages justes et belles !
Ce n'est pas au nombre de pages que l'on peut mesurer la puissance, le force et la beauté d'un texte. Car certains par l'écriture touchent, racontent, nous font vibrer et Cent sept ans en fait partie.
De sa Kabylie natale, Nine ne garde aucun souvenir. Son père a été tué là-bas alors que sa mère Madame Plume était enceinte d'elle. L'amour de ses parents dérangeait "il était algérien, Madame Plume était française" en ces temps de guerre. Puis sa mère a été contrainte de fuir, de s'exiler dans le nord de la France avec elle. Laisser le soleil, la douce Fatma pour un deux pièces dans une région inconnue. Nine réclame que sa mère lui raconte avant mais elle ne veut pas, veut balayer ces images. Et Nine rêve de ce père, de ce pays inconnu qui font partie d'elle. Toujours de ne pas dire l'Algérie, taire ses origines comme si elles étaient honteuses.Un quotidien rapidement marqué par les exercices de piano. Madame Plume a décidé pour Nine qu'elle en jouera et qu'elle fera même sa profession. Comment ne pas réveiller chez sa mère les douleurs tout en se construisant avec ce qui lui manque ?
Un roman sur l'exil, sur une renaissance également à l'écriture poétique avec une justesse et une précision dans les mots choisis. Un texte fort et beau !
Un livre qui pour certains aspects ( je dis bien certains) m'a rappelée "Ca t'apprendra à vivre" de Jeanne Benameur.
Il fallait admettre que l'Algérie fût cette terre de rires et de larmes au cœur des femmes aux visages allongés. Elle portaient à leurs bras des colliers de perles et des rêves de princesse toujours recommencés. La force d'aimer, ici peut-être plus qu'ailleurs, rappelait qu'en ces lieux, survivre était le prix à payer pour ne pas perdre la mémoire. La guerre avait arraché des pans entiers de souvenirs, de ses liens essentiels que nous entendons au premiers chants de l'aube.
Les billets de Mimipinson, Zazy
Ce n'est pas au nombre de pages que l'on peut mesurer la puissance, le force et la beauté d'un texte. Car certains par l'écriture touchent, racontent, nous font vibrer et Cent sept ans en fait partie.
De sa Kabylie natale, Nine ne garde aucun souvenir. Son père a été tué là-bas alors que sa mère Madame Plume était enceinte d'elle. L'amour de ses parents dérangeait "il était algérien, Madame Plume était française" en ces temps de guerre. Puis sa mère a été contrainte de fuir, de s'exiler dans le nord de la France avec elle. Laisser le soleil, la douce Fatma pour un deux pièces dans une région inconnue. Nine réclame que sa mère lui raconte avant mais elle ne veut pas, veut balayer ces images. Et Nine rêve de ce père, de ce pays inconnu qui font partie d'elle. Toujours de ne pas dire l'Algérie, taire ses origines comme si elles étaient honteuses.Un quotidien rapidement marqué par les exercices de piano. Madame Plume a décidé pour Nine qu'elle en jouera et qu'elle fera même sa profession. Comment ne pas réveiller chez sa mère les douleurs tout en se construisant avec ce qui lui manque ?
Un roman sur l'exil, sur une renaissance également à l'écriture poétique avec une justesse et une précision dans les mots choisis. Un texte fort et beau !
Un livre qui pour certains aspects ( je dis bien certains) m'a rappelée "Ca t'apprendra à vivre" de Jeanne Benameur.
Il fallait admettre que l'Algérie fût cette terre de rires et de larmes au cœur des femmes aux visages allongés. Elle portaient à leurs bras des colliers de perles et des rêves de princesse toujours recommencés. La force d'aimer, ici peut-être plus qu'ailleurs, rappelait qu'en ces lieux, survivre était le prix à payer pour ne pas perdre la mémoire. La guerre avait arraché des pans entiers de souvenirs, de ses liens essentiels que nous entendons au premiers chants de l'aube.
Les billets de Mimipinson, Zazy
mercredi 29 octobre 2014
Rencontre avec Marie-Sabine Roger
Tralala, hier j'ai eu l'immense chance de rencontrer Marie-Sabine Roger venue à Dialogues. Et ce moment, je l'attendais depuis très, très longtemps !
Bonheur total : j'ai pu discuter avec elle en tête-à-tête durant une heure avant son intervention devant un public de lectrices/lecteurs fidèles. Nous avons échangé autour des livres, de nos lectures (et d'autres points).
Marie-Sabine Roger est d'une bienveillance entière et sincère. Elle possède de l'humour, une énergie communicative et de l'humilité.
Une belle rencontre et des étincelles dans les yeux et dans le coeur...
Merci à Laurence et à Adèle !
mardi 28 octobre 2014
Nickolas Butler - Retour à Little Wing
Éditeur : Autrement- Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Mireille Vignol - Date de parution : Août 2014 - 445 pages à lire !
Ils sont quatre amis devenus trentenaires et ont tous grandi à Little Wing une petite ville au cœur du Wisconsin. Hank y vit toujours, il s'est marié à Beth et ils tiennent une exploitation agricole qui vivote. Ronny a connu la gloire, les tournées. Suite à un accident, cet ancien champion de rodéo a gardé des séquelles mais Hank et Lee veillent sur lui. La plupart du temps absent, Lee est une rock-star. Il parcourt le monde pour donner des concerts mais il revient à Little Wing sa terre natale pour se ressourcer et retrouver la simplicité, ses amis. Kip l'ancien trader a tout quitté et a investi son argent pour transformer la vieille fabrique désaffectée. A l'occasion de son mariage, tous sont réunis.
Voilà un très bon roman sur l'amitié, l'attachement à la terre natale, les liens plus ou moins indéfectible noués depuis l'enfance. Enfants puis adolescents, ils rêvaient tous de partir de Little Wing. Hank est le seul à y être resté pour toujours. Sa femme Beth et lui se sont connus au lycée, et ils ont fondé une famille heureuse. Ronny a joué avec le feu, a bravé le danger et sa carrière dans le rodéo est derrière lui. Tous le surveillent et ont tendance à la materner. Ronny a toujours idolâtré Lee. Ce dernier est peu bavard, il sait qu'en venant à Little Wing il peut laisser sa panoplie de star derrière lui sans être importuné. Kip s'est senti toujours un peu exclu du groupe et cherche toujours à impressionner les autres.
Dans ce roman choral où tous prennent la parole y compris Beth, le mariage de Kip sera le déclencheur qui va modifier le cours des choses. Et plus encore.
On ne peut être que touché par cette lecture car l'amour, l'amitié, tout ce sur quoi on bâtit sa vie sont omniprésents et très bien décrits.
On se sent bien dans ce livre qui dégage une bienveillance palpable et authentique! Les ressentis des personnages nous collent à la peau tout comme la ville de Little Wing.
Nickolas Butler nous offre un bel hymne d'amour sur cette Amérique, ses gens qui la composent et un beau premier roman !
On pense que l'univers est stable, qu'il se déploie dans l'espace sous nos pieds, jour et nuit, au grand soleil ou sous la pluie. Puis un jour, on décroche de la planète et on part à la dérive dans le cosmos, où tout ce qu'on croyait vrai - toutes les lois qui régissaient nos vies avant, toutes les règles et les normes qui cimentaient les choses et qui nous tenaient en place–, tout a disparu. Plus rien n' a de sens. L'apesanteur a disparu. L'amour a disparu.
Les billets de Céline, Hélène, Kathel, Mimipinson, Sandrine, Un autre endroit
Ils sont quatre amis devenus trentenaires et ont tous grandi à Little Wing une petite ville au cœur du Wisconsin. Hank y vit toujours, il s'est marié à Beth et ils tiennent une exploitation agricole qui vivote. Ronny a connu la gloire, les tournées. Suite à un accident, cet ancien champion de rodéo a gardé des séquelles mais Hank et Lee veillent sur lui. La plupart du temps absent, Lee est une rock-star. Il parcourt le monde pour donner des concerts mais il revient à Little Wing sa terre natale pour se ressourcer et retrouver la simplicité, ses amis. Kip l'ancien trader a tout quitté et a investi son argent pour transformer la vieille fabrique désaffectée. A l'occasion de son mariage, tous sont réunis.
Voilà un très bon roman sur l'amitié, l'attachement à la terre natale, les liens plus ou moins indéfectible noués depuis l'enfance. Enfants puis adolescents, ils rêvaient tous de partir de Little Wing. Hank est le seul à y être resté pour toujours. Sa femme Beth et lui se sont connus au lycée, et ils ont fondé une famille heureuse. Ronny a joué avec le feu, a bravé le danger et sa carrière dans le rodéo est derrière lui. Tous le surveillent et ont tendance à la materner. Ronny a toujours idolâtré Lee. Ce dernier est peu bavard, il sait qu'en venant à Little Wing il peut laisser sa panoplie de star derrière lui sans être importuné. Kip s'est senti toujours un peu exclu du groupe et cherche toujours à impressionner les autres.
Dans ce roman choral où tous prennent la parole y compris Beth, le mariage de Kip sera le déclencheur qui va modifier le cours des choses. Et plus encore.
On ne peut être que touché par cette lecture car l'amour, l'amitié, tout ce sur quoi on bâtit sa vie sont omniprésents et très bien décrits.
On se sent bien dans ce livre qui dégage une bienveillance palpable et authentique! Les ressentis des personnages nous collent à la peau tout comme la ville de Little Wing.
Nickolas Butler nous offre un bel hymne d'amour sur cette Amérique, ses gens qui la composent et un beau premier roman !
On pense que l'univers est stable, qu'il se déploie dans l'espace sous nos pieds, jour et nuit, au grand soleil ou sous la pluie. Puis un jour, on décroche de la planète et on part à la dérive dans le cosmos, où tout ce qu'on croyait vrai - toutes les lois qui régissaient nos vies avant, toutes les règles et les normes qui cimentaient les choses et qui nous tenaient en place–, tout a disparu. Plus rien n' a de sens. L'apesanteur a disparu. L'amour a disparu.
Les billets de Céline, Hélène, Kathel, Mimipinson, Sandrine, Un autre endroit
samedi 25 octobre 2014
Benjamin Wood - Le complexe d'Eden Bellwether
Éditeur : Zulma - Traduit de l'anglais par Renaud Morin - Date de parution : Août 2014 - 496 pages qui ne se lâchent pas !
Aimanté par le son de l'orgue provenant d'une chapelle du campus de Cambridge, Oscar un jeune aide soignant dans une maison de retraite va faire la rencontre de la belle Iris Bellwether et de celui qui joue ainsi à la perfection. Eden le frère d'Iris est un jeune homme talentueux, narcissique et arrogant. Frère et soeur sont issus d'une famille très aisée et sont très liés. Tous deux ont un cercle très fermé d'amis qui vénèrent Eden. Oscar et Iris entament une relation amoureuse qu'Eden voit d'un mauvais oeil. Passionné de musique baroque, il est persuadé du pouvoir guérisseur de la musique et de l'état de transe hypnotique qu'elle provoque. Et Oscar se retrouve au centre d'une expérience qu'Eden a organisé.
Eden dont la personnalité intrique Oscar est-il un génie ou un malade manipulateur? Oscar se sent souvent mal à l'aise : il n'a pas fait d'études et a déserté la maison familiale dont le son statut est à l'opposé de celui des Bellwether. Pourtant Oscar est introduit dans ce cercle de brillants étudiants. Fait surprenant, Iris lui demande de l'aider à démontrer la défaillance de la santé mentale de son frère. Et ces presque 500 pages se lisent d'un traite comme un thriller psychologique !
Aucun temps mort pour ce roman où l'on est est en permanence sur un fil entre la folie, l'irrationnel et les doutes. Ajoutez-y un psychologue âgé et condamné par la maladie, une analyse très fine des relations et du pouvoir qu'un individu peut prendre sur les autres, des événements inattendus, une ambiance qui vous ferre, bref il est impossible de ne pas succomber au charme de ce livre qui agite en permanence des questions dont on aimerait connaître les réponses ( comme qui manipule qui).
Et même si ce premier roman souffre de quelques petits défauts dont une fin qui n'est pas à la hauteur de l'ensemble, il n'empêche que je me suis régalée !
Beaucoup de billets sur ce roman donc je vous renvoie à Babelio et à Libfly
Aimanté par le son de l'orgue provenant d'une chapelle du campus de Cambridge, Oscar un jeune aide soignant dans une maison de retraite va faire la rencontre de la belle Iris Bellwether et de celui qui joue ainsi à la perfection. Eden le frère d'Iris est un jeune homme talentueux, narcissique et arrogant. Frère et soeur sont issus d'une famille très aisée et sont très liés. Tous deux ont un cercle très fermé d'amis qui vénèrent Eden. Oscar et Iris entament une relation amoureuse qu'Eden voit d'un mauvais oeil. Passionné de musique baroque, il est persuadé du pouvoir guérisseur de la musique et de l'état de transe hypnotique qu'elle provoque. Et Oscar se retrouve au centre d'une expérience qu'Eden a organisé.
Eden dont la personnalité intrique Oscar est-il un génie ou un malade manipulateur? Oscar se sent souvent mal à l'aise : il n'a pas fait d'études et a déserté la maison familiale dont le son statut est à l'opposé de celui des Bellwether. Pourtant Oscar est introduit dans ce cercle de brillants étudiants. Fait surprenant, Iris lui demande de l'aider à démontrer la défaillance de la santé mentale de son frère. Et ces presque 500 pages se lisent d'un traite comme un thriller psychologique !
Aucun temps mort pour ce roman où l'on est est en permanence sur un fil entre la folie, l'irrationnel et les doutes. Ajoutez-y un psychologue âgé et condamné par la maladie, une analyse très fine des relations et du pouvoir qu'un individu peut prendre sur les autres, des événements inattendus, une ambiance qui vous ferre, bref il est impossible de ne pas succomber au charme de ce livre qui agite en permanence des questions dont on aimerait connaître les réponses ( comme qui manipule qui).
Et même si ce premier roman souffre de quelques petits défauts dont une fin qui n'est pas à la hauteur de l'ensemble, il n'empêche que je me suis régalée !
Beaucoup de billets sur ce roman donc je vous renvoie à Babelio et à Libfly
mardi 21 octobre 2014
Laurent Mauvignier - Autour du monde
Éditeur : Éditions de Minuit - Date de parution : Septembre 2014 - 384 pages saisissantes !
Après Dans la foule, je continue avec Laurent Mauvignier et son nouveau roman. Comme Dans la foule, un événement qui s'est réellement produit est eu coeur de ce roman. Mais ici le tsunami de mars 2011 qui a dévasté une partie du Japon est le fil conducteur. Un voyage autour du monde en cette date précise où les personnages apprennent cette information par les médias.
Si le roman débute par deux victimes de cette catastrophe qui la vivent, les personnages suivants sont en mer du Nord pour une croisière. En quatorze lieux du globe, on pénètre dans des existences qui elle-aussi vont subir d'une façon intime des tremblements, des secousses. Au lieu de séparer l'ensemble en chapitres, ce livre est un ensemble où Laurent Mauvignier glisse avec aisance et fluidité des personnages présents à ceux qui vont être ceux du prochain tableau.
Des quotidiens qui dérapent, des hommes ou des femmes qui reçoivent l'information à des degrés différents. Certains sont effarés, d'autres y prêtent peu ( ou pas) d'attention ou d'autres encore n'y croient pas. Tous ne sont pas chez eux à ce moment précis. En vacances pour la plupart, voyage d'affaire ou déplacement humanitaire, quête personnelle et familiale, ou encore ils travaillent dans un autre pays "Monsieur Arroyo vit à Dubaï depuis trop longtemps, il n'est pas un touriste - à moins que le tourisme ce soit se sentir à côté des autres, en spectateur, en invisible?". Et si certains des tableaux peuvent apparaître courts ou d'une importance moindre, et bien "peu importe, ça sonne vrai , comme un riff de guitare" et intégrés dans l'ensemble, ils ont leur place.
Tout simplement remarquable ! Et ici l'écriture habite les espaces, elle nous fait toucher du doigt l'intime comme l'universel.
Merci Cuné!
Après Dans la foule, je continue avec Laurent Mauvignier et son nouveau roman. Comme Dans la foule, un événement qui s'est réellement produit est eu coeur de ce roman. Mais ici le tsunami de mars 2011 qui a dévasté une partie du Japon est le fil conducteur. Un voyage autour du monde en cette date précise où les personnages apprennent cette information par les médias.
Si le roman débute par deux victimes de cette catastrophe qui la vivent, les personnages suivants sont en mer du Nord pour une croisière. En quatorze lieux du globe, on pénètre dans des existences qui elle-aussi vont subir d'une façon intime des tremblements, des secousses. Au lieu de séparer l'ensemble en chapitres, ce livre est un ensemble où Laurent Mauvignier glisse avec aisance et fluidité des personnages présents à ceux qui vont être ceux du prochain tableau.
Des quotidiens qui dérapent, des hommes ou des femmes qui reçoivent l'information à des degrés différents. Certains sont effarés, d'autres y prêtent peu ( ou pas) d'attention ou d'autres encore n'y croient pas. Tous ne sont pas chez eux à ce moment précis. En vacances pour la plupart, voyage d'affaire ou déplacement humanitaire, quête personnelle et familiale, ou encore ils travaillent dans un autre pays "Monsieur Arroyo vit à Dubaï depuis trop longtemps, il n'est pas un touriste - à moins que le tourisme ce soit se sentir à côté des autres, en spectateur, en invisible?". Et si certains des tableaux peuvent apparaître courts ou d'une importance moindre, et bien "peu importe, ça sonne vrai , comme un riff de guitare" et intégrés dans l'ensemble, ils ont leur place.
Tout simplement remarquable ! Et ici l'écriture habite les espaces, elle nous fait toucher du doigt l'intime comme l'universel.
Merci Cuné!
Inscription à :
Articles (Atom)