Éditeur : Folio - Date de parution : Février 2015 - 264 pages passionnantes !
Alors que Jean-Jacques Servan-Schreiber rompt avec elle et qu'elle est écartée de L’Express, journal qu'ils avaient fondé ensemble en 1953, Françoise Giroud tente de mettre fin à ses jours. Il aura fallu que le destin s'en mêle pour qu'elle échappe de peu à la mort. Nous sommes en août 1960 et Françoise Giroud s'exile à Capri avec sa machine à écrire. Personne ne connaît sur place cette femme âgée de quarante-quatre ans : son histoire, sa tentative de suicide. Et Françoise Giroud écrit durant deux mois sur sa vie.
Cette autobiographie a été longtemps considérée comme perdue ou détruite par Françoise Giroud elle-même. Pourtant elle dormait dans des cartons à l'Imec (l'Institut mémoires de l'édition contemporaine). Retrouvée par Alix de Saint-André, elle a été publiée pour la première fois en 2013.
Fille d'un milieu bourgeois, son père meurt lorsqu'elle est qu'une enfant. Sa mère n'a pas su gérer la fortune familiale qui pour elle relevait des affaires d'un homme. La soeur de Françoise est vendeuse et la famille vivote. Pourtant sa mère garde un optimisme à toutes épreuves. Françoise suit des cours de sténodactylo car elle sait que la demande de secrétaires est forte. Et à quatorze ans, elle décroche son premier travail dans une librairie. Son adolescence avant la guerre est sans fêtes, sans dépenses inutiles. A la librairie, elle revoit par hasard Marc Allégret dont elle secrètement amoureuse. Il lui propose de travailler dans le monde du cinéma (il est devenu metteur en scène). La voilà script-girl à vingt ans. Après un stage de quelques mois à Paris-soir et suite à un article qu'elle a écrit, on la recommande à Hélène Lazareff. Elle travaille à Elle qui n'est qu'à ses débuts apprenant sur le tas le métier de journaliste. Elle veut proposer aux femmes des articles concrets et féministes. Forçat de travail, elle écrit également des portraits pour France Dimanche et France-Soir. Son travail lui fait croiser beaucoup d'hommes : politiciens, écrivains. Sa rencontre avec Jean-Jacques Servan-Schreiber sera d'abord d'ordre professionnelle. A eux deux, ils créeront L'Express. Ils seront aussi amants. Avec les années, le regard fasciné que Françoise aura sur lui se modifiera.
Sa franchise et sa lucidité sont frappantes tout comme son humilité. Sans jamais se mettre sur un piédestal ou se vanter, elle reconnaît au contraire ses erreurs aussi minimes soient-elles et ses faiblesses. Françoise Giroud s'est donnée à son métier, a évolué parmi les hommes dans des années où les positions de la femme étaient jugées souvent secondaires.
Dans ce récit personnel, elle donne son avis sur la société, l'amour, le journalisme, l'injustice, les personnes qui ont traversé sa vie ou l'ont marquée, mais aussi le pouvoir.
Un portait passionnant, attachant, touchant et beau...
Je suis une femme libre. J'ai été, donc je sais être, une femme heureuse... Qu'y a-t-il de plus rare au monde ? Cela est dit sans orgueil, mais avec gratitude à l'égard de ceux qui m'ont aidée à me construire ainsi. Car, pour la liberté, j'avais des aptitudes mais peu de dons pour le bonheur.
Elle était en pleine expansion, une expansion nécessaire à sa survie. Je pouvais continuer à écrire librement ; je ne pouvais pas m'opposer à l'exploitation du goût naturel que porte les Françaises aux heurs et aux malheurs des familles royales. Encore que l'on puisse parler de cela aussi autrement. Mais quand on en parle autrement, on retient dix lecteurs, on en écarte mille.
On peut aussi penser qu'il faut savoir en attirer dix et en retenir mille avec de la confiture, et glisser ici et là la dose de vinaigre qu'ils absorberont avec. Ce n'est pas l'un des moindres problèmes qui se posent à ceux qui dirigent des journaux.
À quoi cela sert-il de bien penser et de bien écrire pour cinq mille personnes, convaincues d'avance au demeurant ? Oui mais à quoi cela sert-il de ne rien penser et de ne rien écrire pour deux millions de personnes ?
Je n'ai pas de solution à proposer. Ou plutôt j'en avais une, intermédiaire : L'Express. À l'époque, je n'aurai pas su dire ce que je voulais exactement, mais je le voulais plus que tout. C'est pourquoi je l'obtiens, retrouvant à la fois lance et dragon.
9 commentaires:
J'aime bien les écrits de Françoise Giroux, je lisais tous ses journaux, même si l'on sait maintenant qu'elle "s'arrangeait" avec la réalité. Je lirai celui-ci.
Comme Aifelle, j'aime bien ses écrits...
@ Aifelle @ Keisha : je la découvre avec cette autobiographie
Je ne connais pas ses écrits même si son nom est connu. Et comme j'aime les portraits de femme je lirai probablement cette autobiographie.
lu il y a déjà quelque temps j'avais bien aimé
c'est vrai que pendant longtemps elle a été aux avant postes de l'info et de la politique
Je l'avais noté à sa sortie ; s'il est en poche, j'ai moins d'excuses pour ne pas le lire. Cette femme est fascinante !
Les autobiographies ne sont pas mon fort. Les auteurs s'arrangent trop avec leur mémoire
@ Tant qu'il y aura des livres : une belle découverte très enrichissante pour moi !
@ Dominique : je n'ai pas trouvé ton billet..
@ Irrégulière : ah oui, aucun excuse !
@ Zazy : et bien non justement dans ce cas. Elle a fait un tentative de suicide et elle écrit sans n'avoir rien à cacher..
J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre moi aussi.
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