Alice, la cinquantaine, a eu un grave accident de voiture. Plongée dans le coma pendant plusieurs jours, elle va devoir ré-apprivoiser ce corps meurtri. Admise dans un centre de rééducation, elle fait la connaissance d’autres patients qui ont tous leur histoire, une équipe médicale qui œuvre vers un seul et même but. Alice au lieu de s’enfoncer dans le drame de son accident va le considérer comme une chance de redémarrer sa vie.
L’histoire et l’écriture de ce livre sont si puissantes, si intenses que j’ai terminé ce livre le souffle coupé et les yeux embués de larmes ! Je ne pouvais que vibrer à cette lecture qui a trouvé de nombreux échos en ma personne. Suite à son accident de voiture, Alice est plongée dans le coma. Dans ce paradis artificiel de la non-douleur, elle flotte tiraillée par la tentation de rester dans ce monde indolore, de pas ne pas réincarner sa vie d’avant. Elle perçoit le monde qui l’entoure enveloppé de ouate. Son fils est venu la voir une fois. Pas plus. Après plusieurs semaines d’hospitalisation, elle est admise dans un centre de rééducation. Alice elle va devoir réapprendre à marcher : travail où elle ressent chaque infime partie de son corps. Muscles fondus et endormis, articulations rouillées ou bloquées, Alice a le corps d’une marionnette désarticulée. Mais son corps bien que meurtri va retrouver la mémoire aidé par l’équipe médicale. Les centres de rééducation sont des lieux où chacun est à égalité et où les démons passés et futurs ont le temps d’accaparer la mémoire. Alice commence un cheminement intérieur car les soubresauts de la vie amènent à une réflexion sur soi-même. Elle fait la connaissance de Caire, un patient. Au fil de leurs conversations et de leurs partages, Alice convoque les souvenirs oubliés qui remontent à la surface par fragments. Des pans de son enfance que sa mémoire avait volontairement occultés lui reviennent. Et le poids de la culpabilité surgit. La question se pose en filigrane : son accident de voiture n’était-il pas un acte suicidaire ? Petit à petit, le travail quotidien, les efforts portent leurs fruits. Alice remarche avec des béquilles maladroitement puis elle fait se premiers pas toute seule. Prête à saisir cette deuxième vie.
L’écriture de Régine Détambel est riche par sa magnificence, une écriture où la poésie s’invite naturellement. Un style qui n’est pas sans me rappeler celui de Sylvie Germain. Loin d’être un traité de kinésithérapie, Régine Detambel nous offre un roman tout simplement magnifique où l’on redécouvre la merveilleuse mécanique du corps et sa mémoire. Un livre vibrant, intelligent et puissant de la première à la dernière phrase …Un vrai coup de cœur !
Le vide est un baume aux tourments de soi. Une terrible et merveilleuse dispense d’humanité.
Minimum vital : air, eau et morphine. Alice qui avait trouvé sa vie trop pleine, bouffie d’excroissances insipides, a maintenant l’occasion de la purger.
Les pages moussent dans toute la pièce. Alice aime que toute sa main travaille, elle envoie chaque mot à sa besogne, pour son histoire, sa narration dépurative. Elle laboure par le feu, elle sarcle par le Bic. Et pour que les larmes ne gèlent pas, ajouter à l’encre quelques gouttes d’eau de Cologne.
Le billet de Cathulu.
Le billet de Cathulu.
21 commentaires:
Un très joli billet qui cerne très justement le cheminement intérieur de l'héroïne !
ton billet est tout aussi vibrant et résonne à sa lecture de cet écho personnel. Il est court mais puissant, c'est un livre coup de poing, on dirait ? Empreint de poésie, l'écriture semble mener la danse tambour battant ! j'adhèr, et en plus Actes Sud, j'aime ++++merci pour ce billet, bonne journée.
Une auteur à découvrir alors. Le sujet pourrait me plaire.
Voilà le 2e bon billet que je lis, donc. Mais j'ai peur que l'histoire me parle trop.
Vu chez Cathulu, tu en remets une couche... je vais être obligée de succomber. ;)
Elle est passée sur France culture fin juillet dans [http://www.franceculture.com/emission-les-bonnes-feuilles-regine-detambel-son-corps-extreme-actes-sud-2011-07-25.html Les bonnes feuilles], ça m'a donné envie tout comme ton billet!
Voilà le premier roman de la rentrée qui me tend vraiment les bras (avec, bien sûr, le nouveau titre de Carole Martinez)
Je le note. Je n'avais pas repéré ce roman encore et pourtant, j'en ai déjà noté une trentaine.
Comment ne pas noter un tel coup de cœur malgré la difficulté du sujet ?
Cathulu m'a déjà ferrée ce matin, ben je n'ai plus qu'à attendre l'ouverture de l'épicerie "Rentrée littéraire" dans quelques jours !!
Merci pour cette magnifique lecture qui montre comme tu as vécu cette tragédie dans toute sa profondeur.
Je le lirai très certainement...
C'est un livre qui me tentait déjà... ton billet renforce la tendance ;-)
Je le note !
le sujet m'intéresse mais je me demande si le style me plairait...
waou pas léger comme sujet mais ton billet donne envie. On ne se rend pas compte de la mécanique du corps quand il fonctionne correctement...
Je pense que voici le 1er livre de la rentrée que je n'avais pas prévu de lire mais qui devrait trouver un fort écho en moi aussi. Je note, j'espère que ma bibliothèque se le procurera.
Merci de vos commentaires ! C'est à lire en effet (et je sais de quoi je parle !), mais sans oublier l'essentiel : l'importance d'une vie en exercice ! Parmi les influences de ce roman, on peut noter que j’ai lu avec passion le Nietzsche des réflexions diététiques de Ecce homo, j’ai goûté sa théorie de l’exercice de la vie. Ensuite, au travers des pensées de Foucault, Dewey, James, Shusterman, Sloterdijk, j’ai apprécié les philosophies de la vie qui tiennent compte de l’exercice du corps, de l’énergie qu’il insuffle à la pensée. Et j’ai toujours constaté que l’énergie et l’autorité de ces théories diverses me revigoraient, intellectuellement, physiquement. D’où la transformation d’Alice, dans le roman, cette tension verticale qui soudain l’anime, comme si le kinésithérapeute était un gourou, tout au moins un coach, un entraîneur, et la salle de rééducation un dojo ou un monastère. Le langage de la mise en forme est une langue assez neuve encore, capable d’engendrer de nouvelles motivations pour produire de nouveaux efforts. Dans le cas d’Alice, il s’agit de s’intéresser aux possibilités d’un dépassement de la maladie qui produise un sens, là où la patiente ressent un vide total. Bonne lecture et bonne remise en forme, donc ! RD
Lu et billet programmé mais je ne peux pas le publier encore. Ouin ! :'( J'aurais bien voulu partager mon avis avec le tien !
Ce fut pour moi aussi une très belle découverte ! Et quelle plume !
Adoré moi aussi ! Quelle écriture ! Et le sujet est passionnant, bien que terriblement dur... Billet suit très bientôt...
Je pense que cela pourrait me parler. Je note.
Merci pour ce billet qui m'a poussée à acheter le livre. Superbe style de Régine Detambel. Le prologue est extraordinaire.J'ai lu le roman avec une boule dans la gorge. Je suis fan !
CC
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