Éditeur : Grasset - Date de parution : Janvier 2012 - 330 pages bouleversantes...
Le 17 avril 1975, les Khmers rouges entrent dans Phnom Penh
la capitale du Cambodge. Rithy Pahn est âgé de treize ans :du jour au
lendemain, je deviens « un nouveau
peuple », ou, expression plus affreuse encore, « un 17 avril ». Trente
ans plus tard, il raconte, témoigne de ce qu’il a enduré sous le régime de Pot
Pot.
Pour la réalisation de son film "S21, la machine de mort Khmère rouge », Rithy Phan a rencontré des survivants comme
lui mais également des bourreaux, des tortionnaires dont Duch le responsable du
centre S21. Un centre où étaient accomplis des tortures, des exécutions, des prises
de sang massive (allant jusqu’à vider
entièrement la personne de son sang), des viols. Lors de ces entretiens avec Duch, documents à l’appui,
il lui pose des questions. L’homme nie ou se réfugie derrière la doctrine, se
complait dans le mensonge. Pire, il lui
arrive de sourire. Rithy Pahn n’abandonne pas et cherche de comprendre avec
patience.
De 1975 à 1979, les Khmers rouges ont organisé des déplacements massifs de la population : la première décision politique du nouvel ordre est d’ébranler la société : déraciner les habitants des villes ; dissoudre des familles, mettre fin aux activités antérieures – professionnelles en particulier ; briser les traditions politiques, intellectuelle, culturelles, affaiblir physiquement et psychologiquement les individus. L’évacuation forcée a eu lieu simultanément dans tout le pays et n’a souffert aucune exception.
De 1975 à 1979, les Khmers rouges ont organisé des déplacements massifs de la population : la première décision politique du nouvel ordre est d’ébranler la société : déraciner les habitants des villes ; dissoudre des familles, mettre fin aux activités antérieures – professionnelles en particulier ; briser les traditions politiques, intellectuelle, culturelles, affaiblir physiquement et psychologiquement les individus. L’évacuation forcée a eu lieu simultanément dans tout le pays et n’a souffert aucune exception.
Le
Kampuchea démocratique a affamé la population : la faim est le premier
des crimes de masse – si difficile à établir avec certitude, comme si ses
causes même étaient mangées, tout était soumis à l’Angkar où l’individu était réduit à néant : c’est un état
de « non habeas corpus ». Je suis sans liberté, sans pensée, sans
origine, sans patrimoine, sans droits : je n’ai plus de corps. Je n’ai qu’un
devoir : me dissoudre dans l’organisation . Chacun était renommé
pour effacer l’individualisme, pour déshumaniser un peu plus l’être humain. Pour l’Angkar, il n’y avait
pas d’individus. Nous étions des éléments.
Travailler sans relâche, obéir,
se taire : Rithy Pahn l’a vécu. En quelques semaines, il a perdu sa famille tous emportés par
la cruauté et la folie des khmères rouges. J’étais sans famille. J’étais sans
nom. J’étais sans visage. Ainsi je suis resté vivant, car je n’étais plus rien.
Il a frôlé la mort, sauvé de de la maladie. Il a vu des enfants périr à
ses côtés, a transporté des cadavres dans des charniers.
Tout est raconté sans pathos, sans
auto-apitoiement, sans haine mais avec justesse et une forme de sagesse que
seuls ceux qui ont connu le pire possèdent. Entre les mots, on ressent la
douleur. Brute et ineffaçable. Certains passages
sont très durs, à la limite de l’insoutenable mais il fallait écrire noir sur blanc ce qui s’est
réellement passé. Rithy Pahn a rassemblé des documents, vérifier chaque élément et chaque point pour que personne ne puisse dire que le S21 n’était qu’un « détail » de
l’histoire ou que les 1,7 millions de morts n’étaient pas aussi nombreux. L’auteur
soulève des questions sur la passivité de l’ONU, sur les relations des Etats-Unis
et de la Chine avec ces criminels, sur la France qui n’a toujours pas dit ce
qui s’était passé dans son ambassade en avril 1975.
Quelques éléments de mise en forme m’ont gênée à ma lecture. L’auteur cite Louis Althusser, j’aurais aimé qu’il précise que c’était un philosophe (ce que j'ignorais). De même, des extraits de la plaidoirie de Jacques Vergès sont mentionnés mais sans la date du procès.
Quelques éléments de mise en forme m’ont gênée à ma lecture. L’auteur cite Louis Althusser, j’aurais aimé qu’il précise que c’était un philosophe (ce que j'ignorais). De même, des extraits de la plaidoirie de Jacques Vergès sont mentionnés mais sans la date du procès.
Il n’en demeure pas moins que
ce livre est un document bouleversant, capital et nécessaire, une pierre à l'édifice de la mémoire
collective !
16 commentaires:
Je surligne ce titre mais j'attendrai un moment plus propice.
Mouais, TB sans doute, mais au bon moment (je suis en mode polar)
Ma prochaine lecture (je pars au Cambodge en septembre)
Un livre qui doit marquer profondément, indispensable à la mémoire collective comme tu le dis...
La mémoire est parfois sélective. Pourtant rien ne devrait entraver de tels témoignages. Mais comme disait Aristote : "L'expérience est un fanal attaché dans le dos pour éclairer le chemin parcouru"
Ce qu'on ne dit pas non plus, c'est qu'en 79, rien n'était terminé et la guerre civile s'est poursuivie, notamment lors du partage des terres aux Cambodgiens revenus dans leurs villages.
La communauté internationale n'a rien fait, à part distribuer les dollars, transformant les jeunes cambodgiens en assistés.
Lors de mon premier voyage, en 2004, il y avait encore beaucoup de mines que les villageois déplaçaient pour protéger leurs maigres biens des mercenaires qui pillaient les villages (parfois les policiers eux mêmes).
Mais Rithy Panh a le mérite d'être l'un des premiers à faire ce travail de mémoire, maintenant que le pays est en reconstruction (parfois à tort et à travers, mais c'est toujours mieux) et n'a quasiment plus de subventions internationales.
J'ai lu et apprécié ce livre. J'avais déjà lu les livres précédents de R. Panh et vu ces films. Je crois que ce livre est un livre important, indispensable.
Avec le prix ELLE, lorsque j'ai participé, j'avais lu plusieurs documents comme celui-ci... ce sont des lectures intéressantes mais difficiles.
J'ai l'intention de le lire, j'ai entendu Rithy Panh longuement dans plusieurs interviews, c'est toujours captivant, mais si terrible.
@ Cathulu : c'est clair il faut le bon moment pour le lire
@ Keisha : même réponse qu' à Cathulu ( je suis paresseuse)
@ Delphine : bonn lecture alors!
@ Rébecca : oui, un lecture marquante...
@ Jeanmi : écrire ce témoignage a sûrement été très dur pour l'auteur. Un livre qui m' a beaucoup appris !
@ Estelle Calim :oui, le livre ne va pas au delà de 1979 mais il s'ouvre sur des questions ( le rôle d'autres états, celui de l'ONU°. D'autres auteurs ont écrit avant lui sur ce sujet mais leurs livres ont trouvé peu de lecteurs ( et de couverture médiatique aussi j'imagine)
@ Anna: indispensable et nécessaire pour que personne ne puisse dire "on ne savait pas"...
@ Antigone : c'était une de mes motivations personnelles pour faire partie du jury !
@ Aifelle : terrible , oui, comme partout où la guerre frappe et que des êtres humains deviennent des marionnettes dans les mains de personnes mégalo...
Envie de découvrir cette "pièce"
J'admire ta capacité à te glisser dans les écrits les plus divers.. romans, nouvelles, docs...
Je ne me souvenais plus quel prix ce livre avait reçu mais j'ai maintenant ma réponse.
@ Noann : j'ai des lectures très variées...
@ Valére : la couv' t'a donnée la réponse ?
J'ai "visité" ce camp S21 lors de mon voyage au cambodge... Et c'était ci affreux, de voir entre autre la photo de certains bourreaux qui n'avaient même pas 13 ans...
Bref, nos différents guides nous ont raconté leur histoire. Un des guides a vu sa belle soeur enceinte se faire éventré devant lui....
Très informée sur cette affreuse époque, je n'ai pas franchement envie de m'y replonger.
un puissant moment de lecture pour moi.
Bon ben moi j'ai pas été emballée du tout...j'ai trouvé l'écriture très froide entre autre. Je suis restée sur ma faim...
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