Editeur : Editions de l'Olivier - Date de parution : Février 2016 - 373 pages et un gros coup de cœur !
Il existe des rêves qui sortent de l’ordinaire, comme celui de Lili : partir pêcher très loin. Après un long voyage cette Française arrive à Zodiak un port de l'Alaska : des hommes, des bateaux (chalutiers, palangriers) et des cafés. Elle ne souhaite qu’embarquer « je voudrais qu’un bateau m’adopte » et pêcher. Le skipper du Rebel accepte. Surnommée le moineau, ce petit gabarit qui ne connaît rien aux lignes de pêches, à ce travail va tout donner. Seule femme dans un équipage masculin, elle réclame d’être traitée comme las autres : de faire ses quarts, d’avoir sa couchette. Elle découvre le froid, la fatigue qui se transforme en épuisement, la promiscuité.
Tout un bateau qui respire selon les bancs de poisson en espérant revenir les cales pleines durant ces campagnes de pêche qui durent de plusieurs jours à plusieurs semaines. Des hommes aux apparences rudes, peu bavards avec chacun leur histoire et qui l’accepte parmi eux. Et dans l'équipage, il y a le Grand Marin.
Blessée à la main, hospitalisée, sa seule crainte est que le Rebel ne veuille plus d’elle. Repartir pêcher, c’est son seul but. A terre, les hommes sont comme désœuvrés. Les paies partent souvent dans l’alcool et quand il n’y a pas plus d’argent, c’est les tickets alimentaires pour manger. Lili ne veut pas abandonner la pêche avec cette idée d’aller ensuite à Point Barrow. Le Grand marin lui parle d'Hawaï
mais elle ne veut pas renoncer à sa liberté malgré l’amour.
C’est un paysage de mer qui décide et dirige les pêcheurs, où le froid nous transperce, où la faim nous fait vaciller tout comme la fatigue, où les mains rugueuses et abîmées tirent, soulèvent, vident des poissons à une cadence sans répit. Et entre deux quarts où à terre, les équipages se dévoilent au fil des pages. Des hommes souvent sensibles sous leurs traits abrupts.
Je n’ai pas lu ce livre grandiose, j’ai ressenti chaque ligne. Dans un livre, il y a l’histoire, l’écriture mais aussi les émotions et plus rarement les échos qu’il provoque. Et Catherine Poulain Poulain m' a offert tout cela dans ce premier roman.
C’est immensément beau ! L’écriture de Catherine Poulain est neuve, un mélange de justesse et de descriptions qui donnent des frissons.
Récit d’une grande humilité où Catherine Poulain nous transmet (si on ne l'avait pas déjà) son admiration, son respect pour ces pêcheurs et leur travail.
Un coup de cœur entier, vibrant et fulgurant !
« Embarquer, c'est comme épouser le bateau le temps que tu vas bosser pour lui. T'as plus de vie, t'as plus rien à toi.(...)Je ne sais pas pourquoi je suis venu, il dit encore en hochant la tête, je ne sais pas ce qui fait que l'on veuille tant souffrir, pour rien au fond. Manquer de tout, de sommeil, de chaleur, d'amour aussi, il ajoute à mi-voix, jusqu'à n'en plus pouvoir, jusqu'à haïr le métier, et que malgré tout on en redemande, parce que le reste du monde vous semble fade, vous ennuie en devenir fou. Qu'on finit par ne plus pouvoir se passer de ça, de cette ivresse, de ce danger, de cette folie oui ! »
lundi 29 février 2016
dimanche 28 février 2016
Sophie Fontanel - La vocation
Editeur : Robert Laffont - Date de parution : Janvier 2016 - 316 pages et un avis mitigé.
Sophie Fontanel nous décrit l’histoire de ses grand-parents fuyant l'Arménie arrivés en France au début des années 1920. La figure centrale est sa grand-mère Méliné pour qui Paris signifie Chanel et la beauté des vêtements. Avec un peu de hasard et parce que Méliné veut y vivre, de Marseille ils rejoindront Paris. Son mari à l’origine poète travaille le bois. Des étoiles dans les yeux, Méliné observe l’élégance dans les rues, reproduit dans son appartement des vêtements. Ses deux filles (dont la mère de Sophie Fontanel) baignent ainsi dans la mode.
En parallèle, Sophie Fontanel nous décrit son expérience nouvelle en tant que directrice de mode au magazine Elle. Et là, beaucoup de situations relatées me sont apparues souvent sans le moindre intérêt. Elle qui a "l'adoration les beaux vêtements" s’interroge sur sa place professionnelle, sur ce milieu où des filles plus que maigres, sans sourire posent et défilent. Nul besoin de regarder les défilés de haute-couture, car sur les sites de prêt à porter on retrouve ces même silhouettes voûtées sans aucune forme. Ce dernier point n’est pas nouveau mais elle l’ose l’écrire comme le superficiel de ce monde hypocrite.
Le naturel de l’écriture qui m’avait plus dans Grandir a un peu de mal à s’imposer ( une impression de tâtonnement) et il faut presque attendre la moitié du livre pour retrouver la liberté de style. Même si Sophie Fontanel a su me toucher à plusieurs reprises, mon avis reste mitigé.
Il y avait nous et les autres. De quel bord étais-je-je ? De mon groupe, de ses destins hétéroclites des gens de la mode, et donc en somme de là-bas, de Brousse, éduquée, méditerranéenne, née de l'exil et du don de soi, ou bien d'ici, de l'immuable ordre des choses, de l'ennui des nantis, fusionnant avec une princesse ?(...) Je constatais devant moi, apocalyptique spectacle la subtilité de jadis dévastée par l'érotisme moderne. Moi aussi je considérais avec dégoût les endimanchés pathétiques, les pique-assiettes. Moi aussi, j'étais une princesse, le cynisme au bord des dents, devant la vulgarité de l'avenir. (...) Directrice de la mode ou pas directrice de la mode, il me fallait rester chez les étourneaux. Les siècles de distinction, eux, ne m'acceptaientt pas. Méliné avait eu ses limites, j'avais les miennes.
Les billets de L'irrégulière, Stéphie, Séverine
Lu de cette auteure : Grandir - L'envie
Sophie Fontanel nous décrit l’histoire de ses grand-parents fuyant l'Arménie arrivés en France au début des années 1920. La figure centrale est sa grand-mère Méliné pour qui Paris signifie Chanel et la beauté des vêtements. Avec un peu de hasard et parce que Méliné veut y vivre, de Marseille ils rejoindront Paris. Son mari à l’origine poète travaille le bois. Des étoiles dans les yeux, Méliné observe l’élégance dans les rues, reproduit dans son appartement des vêtements. Ses deux filles (dont la mère de Sophie Fontanel) baignent ainsi dans la mode.
En parallèle, Sophie Fontanel nous décrit son expérience nouvelle en tant que directrice de mode au magazine Elle. Et là, beaucoup de situations relatées me sont apparues souvent sans le moindre intérêt. Elle qui a "l'adoration les beaux vêtements" s’interroge sur sa place professionnelle, sur ce milieu où des filles plus que maigres, sans sourire posent et défilent. Nul besoin de regarder les défilés de haute-couture, car sur les sites de prêt à porter on retrouve ces même silhouettes voûtées sans aucune forme. Ce dernier point n’est pas nouveau mais elle l’ose l’écrire comme le superficiel de ce monde hypocrite.
Le naturel de l’écriture qui m’avait plus dans Grandir a un peu de mal à s’imposer ( une impression de tâtonnement) et il faut presque attendre la moitié du livre pour retrouver la liberté de style. Même si Sophie Fontanel a su me toucher à plusieurs reprises, mon avis reste mitigé.
Il y avait nous et les autres. De quel bord étais-je-je ? De mon groupe, de ses destins hétéroclites des gens de la mode, et donc en somme de là-bas, de Brousse, éduquée, méditerranéenne, née de l'exil et du don de soi, ou bien d'ici, de l'immuable ordre des choses, de l'ennui des nantis, fusionnant avec une princesse ?(...) Je constatais devant moi, apocalyptique spectacle la subtilité de jadis dévastée par l'érotisme moderne. Moi aussi je considérais avec dégoût les endimanchés pathétiques, les pique-assiettes. Moi aussi, j'étais une princesse, le cynisme au bord des dents, devant la vulgarité de l'avenir. (...) Directrice de la mode ou pas directrice de la mode, il me fallait rester chez les étourneaux. Les siècles de distinction, eux, ne m'acceptaientt pas. Méliné avait eu ses limites, j'avais les miennes.
Les billets de L'irrégulière, Stéphie, Séverine
Lu de cette auteure : Grandir - L'envie
vendredi 26 février 2016
Aymeric Patricot - Les vies enchantées - Enquête sur le bonheur
Editeur : Plein jour - Date de parution : Janvier 2016 - 224 pages à lire !
Aymeric Patricot ne nous livre pas un (énième) livre de recettes, de philosophie, de modes de vie pour atteindre le bonheur. Car à la vaste question qu’est-ce que le bonheur, chacun a ses réponses. Et quoi de mieux que donner la parole à des anonymes aussi différents par leur style de vie et qui expliquent ce qu’est le bonheur pour eux. Mais avant l’auteur différencie six groupes : le bonheur par expansion, par dispersion, par opposition, par sublimation, par synthèse, par dilution.
De celle qui s’occupe de son jardin avec amour et s’y épanouit au dragueur insatiable amoureux de l’amour physique en passant par le poète, le réactionnaire à une jeune fille dont la foi la rend heureuse mais aussi celui dont les billets de banque procurent une satisfaction sans nom.... Vous l’aurez compris, tous ces personnages si différents en quelques pages nous expliquent leur bonheur.
On peut être surpris ou trouver des fragments qui résonnent ou qui nous touchent, mais ce livre nous ouvre les yeux sur les autres et sur nous-mêmes. Il y a ceux qui ont changé de vie, d’autres pour qui le chemin était tout tracé, d’autres qui se remettent en question mais tous autant qu’ils sont par leur sincérité et leur témoignage ne nous laissent pas indifférents. Et forcement on se pose des questions sur notre façon de concevoir le bonheur. Au fil des personnages rencontrés, Aymeric Patricot dépeint des portraits d’écrivains célèbres comme Montaigne, Aragon, Beauvoir, Céline, Proust et Colette et leur rapport au bonheur ( un régal!).
Certains de ces anonymes puisent leur bonheur dans la mise en avance de soi ou dans le vice ou le cynisme. Ces personnes existent comme celles pour qui le bonheur personnel passe par celui de l’autre (en tant que personne humaine) ou par la liberté. Pour ces anonymes, le bonheur prend différents aspects et est souvent au final non figé (car dans une vie beaucoup de choses peuvent changer).
C’est vivant, surprenant également et j’ai beaucoup aimé comment Aymeric Patricot de façon très subtile glisse quelques réflexions toujours très appropriées.
Hyper intéressant, cet essai joyeux et gai nous amène à nous interroger sur nos bonheurs et c'est très réussi ! A lire et à relire.
L'humaniste
Quelque chose est toujours possible, d'autant plus si nous travaillons en groupe. Fort de cette foi dans l'œuvre commune des hommes, je cherche toujours à entrevoir chez autrui la part essentielle d'humanité, la part excellente avec laquelle échanger.
Le maniaque
L'effet est magique. Travaillant perpétuellement sur ma vie, je la connais : je la trouve sous mon stylo, sous mon clavier, dans mes fichiers… Elle a cessé de m'angoisser pour me fasciner tout à fait. Je la dissèque comme un bel animal ressuscitant chaque jour sous mon scalpel. Je ne ressens plus ni tristesse ni nostalgie. Les jours défilent et je m'en réjouis : je m'approche d'une vision plus globalisante - et donc presque parfaite- de ma propre vie.
Le poète
La réalité me pose problème. Je ne vous dirai rien sur l'histoire de ma famille car cela n'expliquerait pas le rapport très particulier que j'ai au monde, ou ça l'expliquerai mais sans restituer la nature exacte de ce que je ressens. Quoi qu'il en soit, à mes yeux, le quotidien ne va pas de soi.(...) Je n'en reviens toujours pas que l'homme puisse réduire son comportement, dans certaines circonstances qui ont tendance à se multiplier, à quelque chose d'aussi dépourvu de bienveillance. Nous jouons tellement de rôles ! Moi-même, je donne des cours pour acquérir un statut social. Je séduis beaucoup pour me prouver des choses à moi-même et montrer à tous comment je comprends les règles qui nous régissent et comme je peux réussir à les transcender – croyez-moi, je suis très lucide à cet égard. Mais ce qui m'a toujours peiné, c'est que la plupart des gens n'arrivent pas à marquer de distance par rapport à ces masques. Ils les prennent très au sérieux. Jamais d'ironie de leur part, jamais d'élan vers un autre domaine que la plus reproduction des codes, cette espèce de machine.(...) Alors la poésie c'est la grande échappatoire. Non pour fuir la réalité mais pour la trouver. Ce sont des élans travaillés pour produire le même effet sur le lecteur, c'est-à-dire la sensibilisation d'entrer en communication avec les courants essentiel de nos vies, la vie pleinement comprise et pleinement vécue.
Le cynique
Chaque jour, je m'abandonne. Je me laisse aller à vivre et j'accepte le grand affaissement vers la mort. Que voulez-vous, je n'arrive pas à mentir. Je souffrirais de trop jouer le jeu. On me dit cynique, je me considère comme réaliste. Personne ne me croit lorsque je me déclare heureux; je suis profondément heureux, pourtant. (....) Ma pensée caustique est une cure de jouvence.
La paysagiste
Je n'ai jamais été déçue. Je pensais me divertir, les jardins sont entrés dans ma vie. Leur fanfare m' a fait oublier certaines déconvenues. Mieux, elle a pris la place d'autres passions.(...)Encore une fois, je ne m'oublie pas dans ce jardin : je grandis mon corps à ses dimensions et je les laisse entrer en moi. C'est un bonheur instinctif, comme privé de parole.
Lu de cet auteur : Les petits Blancs, un voyage dans la France d'en bas.
Aymeric Patricot ne nous livre pas un (énième) livre de recettes, de philosophie, de modes de vie pour atteindre le bonheur. Car à la vaste question qu’est-ce que le bonheur, chacun a ses réponses. Et quoi de mieux que donner la parole à des anonymes aussi différents par leur style de vie et qui expliquent ce qu’est le bonheur pour eux. Mais avant l’auteur différencie six groupes : le bonheur par expansion, par dispersion, par opposition, par sublimation, par synthèse, par dilution.
De celle qui s’occupe de son jardin avec amour et s’y épanouit au dragueur insatiable amoureux de l’amour physique en passant par le poète, le réactionnaire à une jeune fille dont la foi la rend heureuse mais aussi celui dont les billets de banque procurent une satisfaction sans nom.... Vous l’aurez compris, tous ces personnages si différents en quelques pages nous expliquent leur bonheur.
On peut être surpris ou trouver des fragments qui résonnent ou qui nous touchent, mais ce livre nous ouvre les yeux sur les autres et sur nous-mêmes. Il y a ceux qui ont changé de vie, d’autres pour qui le chemin était tout tracé, d’autres qui se remettent en question mais tous autant qu’ils sont par leur sincérité et leur témoignage ne nous laissent pas indifférents. Et forcement on se pose des questions sur notre façon de concevoir le bonheur. Au fil des personnages rencontrés, Aymeric Patricot dépeint des portraits d’écrivains célèbres comme Montaigne, Aragon, Beauvoir, Céline, Proust et Colette et leur rapport au bonheur ( un régal!).
Certains de ces anonymes puisent leur bonheur dans la mise en avance de soi ou dans le vice ou le cynisme. Ces personnes existent comme celles pour qui le bonheur personnel passe par celui de l’autre (en tant que personne humaine) ou par la liberté. Pour ces anonymes, le bonheur prend différents aspects et est souvent au final non figé (car dans une vie beaucoup de choses peuvent changer).
C’est vivant, surprenant également et j’ai beaucoup aimé comment Aymeric Patricot de façon très subtile glisse quelques réflexions toujours très appropriées.
Hyper intéressant, cet essai joyeux et gai nous amène à nous interroger sur nos bonheurs et c'est très réussi ! A lire et à relire.
L'humaniste
Quelque chose est toujours possible, d'autant plus si nous travaillons en groupe. Fort de cette foi dans l'œuvre commune des hommes, je cherche toujours à entrevoir chez autrui la part essentielle d'humanité, la part excellente avec laquelle échanger.
Le maniaque
L'effet est magique. Travaillant perpétuellement sur ma vie, je la connais : je la trouve sous mon stylo, sous mon clavier, dans mes fichiers… Elle a cessé de m'angoisser pour me fasciner tout à fait. Je la dissèque comme un bel animal ressuscitant chaque jour sous mon scalpel. Je ne ressens plus ni tristesse ni nostalgie. Les jours défilent et je m'en réjouis : je m'approche d'une vision plus globalisante - et donc presque parfaite- de ma propre vie.
Le poète
La réalité me pose problème. Je ne vous dirai rien sur l'histoire de ma famille car cela n'expliquerait pas le rapport très particulier que j'ai au monde, ou ça l'expliquerai mais sans restituer la nature exacte de ce que je ressens. Quoi qu'il en soit, à mes yeux, le quotidien ne va pas de soi.(...) Je n'en reviens toujours pas que l'homme puisse réduire son comportement, dans certaines circonstances qui ont tendance à se multiplier, à quelque chose d'aussi dépourvu de bienveillance. Nous jouons tellement de rôles ! Moi-même, je donne des cours pour acquérir un statut social. Je séduis beaucoup pour me prouver des choses à moi-même et montrer à tous comment je comprends les règles qui nous régissent et comme je peux réussir à les transcender – croyez-moi, je suis très lucide à cet égard. Mais ce qui m'a toujours peiné, c'est que la plupart des gens n'arrivent pas à marquer de distance par rapport à ces masques. Ils les prennent très au sérieux. Jamais d'ironie de leur part, jamais d'élan vers un autre domaine que la plus reproduction des codes, cette espèce de machine.(...) Alors la poésie c'est la grande échappatoire. Non pour fuir la réalité mais pour la trouver. Ce sont des élans travaillés pour produire le même effet sur le lecteur, c'est-à-dire la sensibilisation d'entrer en communication avec les courants essentiel de nos vies, la vie pleinement comprise et pleinement vécue.
Le cynique
Chaque jour, je m'abandonne. Je me laisse aller à vivre et j'accepte le grand affaissement vers la mort. Que voulez-vous, je n'arrive pas à mentir. Je souffrirais de trop jouer le jeu. On me dit cynique, je me considère comme réaliste. Personne ne me croit lorsque je me déclare heureux; je suis profondément heureux, pourtant. (....) Ma pensée caustique est une cure de jouvence.
La paysagiste
Je n'ai jamais été déçue. Je pensais me divertir, les jardins sont entrés dans ma vie. Leur fanfare m' a fait oublier certaines déconvenues. Mieux, elle a pris la place d'autres passions.(...)Encore une fois, je ne m'oublie pas dans ce jardin : je grandis mon corps à ses dimensions et je les laisse entrer en moi. C'est un bonheur instinctif, comme privé de parole.
Lu de cet auteur : Les petits Blancs, un voyage dans la France d'en bas.
jeudi 25 février 2016
Marisha Pessl - Intérieur nuit
Editeur : Gallimard - Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Clément Baude - Date de parution : Août 2015 - 704 pages brillantes !
Une jeune fille de vingt-quatre ans est retrouvée morte dans un entrepôt de Chinatown. Elle n'est autre qu'Ashley Cordova fille du célèbre réalisateur de films d'horreurs Stanislas Cordova. Controversé, adulé par des fans, énigmatique, ses films s'échangent sous le manteau et il ne s'est pas montré depuis trente ans. Si tout conclue à un suicide, le journaliste Scott MacGrath veut creuser. Il a y quelques années, en enquêtant sur Cordova, il s'est grillé professionnellement et y a laissé des plumes. Bien déterminé à remonter au réalisateur, MacGrath recoupe les informations concernant Ashley pour trouver les derniers témoins qui l'auraient vue en vie. Pianiste ultra douée, peu bavarde, les personnes l'ayant connue ou rencontrée décrivent une personnalité difficile à cerner. Et il n'y a pas que sa personnalité qui l'est car l'enquête avec son côté classique, réel prend une autre tournure. de la magie noire ou ce qui y ressemble, des fêtes très privées dans un endroit mystérieux et MacGrath qui est suivi.
Marisha Pessl nous harponne car ce roman est ultra bien mené. Des copies d'extraits de journaux, de lettres ou de mails y sont insérés comme autant de preuves. Au fil des pages, le monde de Cordova prend forme avec ses excentricités, la noirceur et la violence de ses oeuvres. le lecteur est plongé entre réalité et fiction en permanence qui semblent ne faire qu'une tant les limites sont repoussées. Mais surtout l'auteure nous désarçonne avec brio. Qui faut-il croire et que faut-il penser? Malgré quelques petites longueurs, ce roman hautement addictif bouscule, interpelle avec des personnages terriblement crédibles, des rebondissements qui maintiennent un vrai suspense. Brillant !
A n'en pas douter, Cordova cherchait des gens manipulables. Il était obsédé par l'idée de capter le réel.
Une jeune fille de vingt-quatre ans est retrouvée morte dans un entrepôt de Chinatown. Elle n'est autre qu'Ashley Cordova fille du célèbre réalisateur de films d'horreurs Stanislas Cordova. Controversé, adulé par des fans, énigmatique, ses films s'échangent sous le manteau et il ne s'est pas montré depuis trente ans. Si tout conclue à un suicide, le journaliste Scott MacGrath veut creuser. Il a y quelques années, en enquêtant sur Cordova, il s'est grillé professionnellement et y a laissé des plumes. Bien déterminé à remonter au réalisateur, MacGrath recoupe les informations concernant Ashley pour trouver les derniers témoins qui l'auraient vue en vie. Pianiste ultra douée, peu bavarde, les personnes l'ayant connue ou rencontrée décrivent une personnalité difficile à cerner. Et il n'y a pas que sa personnalité qui l'est car l'enquête avec son côté classique, réel prend une autre tournure. de la magie noire ou ce qui y ressemble, des fêtes très privées dans un endroit mystérieux et MacGrath qui est suivi.
Marisha Pessl nous harponne car ce roman est ultra bien mené. Des copies d'extraits de journaux, de lettres ou de mails y sont insérés comme autant de preuves. Au fil des pages, le monde de Cordova prend forme avec ses excentricités, la noirceur et la violence de ses oeuvres. le lecteur est plongé entre réalité et fiction en permanence qui semblent ne faire qu'une tant les limites sont repoussées. Mais surtout l'auteure nous désarçonne avec brio. Qui faut-il croire et que faut-il penser? Malgré quelques petites longueurs, ce roman hautement addictif bouscule, interpelle avec des personnages terriblement crédibles, des rebondissements qui maintiennent un vrai suspense. Brillant !
A n'en pas douter, Cordova cherchait des gens manipulables. Il était obsédé par l'idée de capter le réel.
mercredi 24 février 2016
J. M. Erre - Le grand n'importe quoi
Editeur : Buchet-Chastel - Date de parution : Février 2016 - 296 pages loufoques, décalées et déjantées !
Toi, lecteur de passage ou régulier , oui, toi derrière ton ordinateur ou les yeux rivés sur ton smartphone, si je suis une lectrice qui pleure d'un bonheur indescriptible par la beauté de certains romans, un seul auteur arrive à me faire rire et glousser. Il s'agit de l’unique J. M. Erre dont je suis une fan (un auteur que Keisha m’avait fait découvrir).
Nous sommes le 7 juin 2042 à 20h42 dans le village de Gourdiflot-le-Bombé. Tout commence avec Alain Delon membre et fondateur des Homonymes Anonymes qui tente de mettre fin à ses jours. Et c’est à moment précis qu’une soucoupe volante atterrit à l’extérieur. Il a la preuve que la vie existe autre part que sur la terre (mais toute la difficulté est de partager l’information quand on a une corde autour du cou et le bout des pieds sur une chaise qui se dérobe).
Toujours à Gourdiflot-le-Bombé, en tenue d’homme araignée Arhtur accompagne sa bien-aimée à une soirée déguisée organisée par un ami culturiste de sa belle. Les kilos de muscles sont donc de la partie et très nombreux. Pas loin de là, au café « avant la fin du monde'' Francis le patron et J-Bob son fidèle client pilier de bar discutent physique quantique entre cacahuètes et pastis. Suite à un malencontreux accident, Arthur est éjecté de la soirée tandis que Lucas se retrouve chassé de chez lui à cause d’une Marilyn Monroe. Arthur et Lucas sont poursuivis par Monsieur Muscle et ses amis. C’est bien connu, l’union fait la force (même si on a une carrure de gringalet comme Arthur et Lucas).
Mais il ne faudrait pas oublier les extraterrestres, un amateur de carabine, une maire nymphomane et son époux qui a découvert le secret de l’univers, une histoire de gobage de poulpe, la théorie des mondes multiples du physicien Hugh Everett ni le fait que le célèbre rocher monégasque soit devenu un état islamiste (ses habitants fuient et deviennent des migrants).
Jubilatoire, truffé de références musicales des années 80 ou de livres cultes de la science-fiction, J.M. Erre s’en donne à cœur joie ! Même si ce livre n’est pas mon préféré, c’est toujours un grand plaisir de lire cet auteur : son style irremplaçable et son humour à divers degrés !
Décalé, déjanté et loufoque !
Tout en marchant, Arthur et Lucas admiraient le ciel étoilé. Le noir firmament leur jetait son infini à la figure, la Lune esquissait son croissant dans un coin, les astres dessinaient leurs Grande Ourse, leur Petit Renard, leur Vieille Dorade et tout le reste de la ménagerie que de toute façon on ne reconnaît jamais, quand tout à coup, ça ne loupa pas : un vertige métaphysique leur tomba dessus. Ça finit toujours comme ça, la contemplation de l'immensité du cosmos a le chic pour engendrer chez l'être humain un trouble existentiel qui l'amène à s'effrayer façon Pascal devant le silence éternel de ces espaces infinis, à s'extasier façon Corneille devant l'obscurité clarté qui tombe des étoiles, et à débiter façon tout le monde des phrases ridicules du genre "c'est beau", "c'est grand" ou "on se sent tout petit".
Lu de cet auteur : La fin du monde a du retard - Le mystère Sherlock - Made in China - Série Z
Toi, lecteur de passage ou régulier , oui, toi derrière ton ordinateur ou les yeux rivés sur ton smartphone, si je suis une lectrice qui pleure d'un bonheur indescriptible par la beauté de certains romans, un seul auteur arrive à me faire rire et glousser. Il s'agit de l’unique J. M. Erre dont je suis une fan (un auteur que Keisha m’avait fait découvrir).
Nous sommes le 7 juin 2042 à 20h42 dans le village de Gourdiflot-le-Bombé. Tout commence avec Alain Delon membre et fondateur des Homonymes Anonymes qui tente de mettre fin à ses jours. Et c’est à moment précis qu’une soucoupe volante atterrit à l’extérieur. Il a la preuve que la vie existe autre part que sur la terre (mais toute la difficulté est de partager l’information quand on a une corde autour du cou et le bout des pieds sur une chaise qui se dérobe).
Toujours à Gourdiflot-le-Bombé, en tenue d’homme araignée Arhtur accompagne sa bien-aimée à une soirée déguisée organisée par un ami culturiste de sa belle. Les kilos de muscles sont donc de la partie et très nombreux. Pas loin de là, au café « avant la fin du monde'' Francis le patron et J-Bob son fidèle client pilier de bar discutent physique quantique entre cacahuètes et pastis. Suite à un malencontreux accident, Arthur est éjecté de la soirée tandis que Lucas se retrouve chassé de chez lui à cause d’une Marilyn Monroe. Arthur et Lucas sont poursuivis par Monsieur Muscle et ses amis. C’est bien connu, l’union fait la force (même si on a une carrure de gringalet comme Arthur et Lucas).
Mais il ne faudrait pas oublier les extraterrestres, un amateur de carabine, une maire nymphomane et son époux qui a découvert le secret de l’univers, une histoire de gobage de poulpe, la théorie des mondes multiples du physicien Hugh Everett ni le fait que le célèbre rocher monégasque soit devenu un état islamiste (ses habitants fuient et deviennent des migrants).
Jubilatoire, truffé de références musicales des années 80 ou de livres cultes de la science-fiction, J.M. Erre s’en donne à cœur joie ! Même si ce livre n’est pas mon préféré, c’est toujours un grand plaisir de lire cet auteur : son style irremplaçable et son humour à divers degrés !
Décalé, déjanté et loufoque !
Tout en marchant, Arthur et Lucas admiraient le ciel étoilé. Le noir firmament leur jetait son infini à la figure, la Lune esquissait son croissant dans un coin, les astres dessinaient leurs Grande Ourse, leur Petit Renard, leur Vieille Dorade et tout le reste de la ménagerie que de toute façon on ne reconnaît jamais, quand tout à coup, ça ne loupa pas : un vertige métaphysique leur tomba dessus. Ça finit toujours comme ça, la contemplation de l'immensité du cosmos a le chic pour engendrer chez l'être humain un trouble existentiel qui l'amène à s'effrayer façon Pascal devant le silence éternel de ces espaces infinis, à s'extasier façon Corneille devant l'obscurité clarté qui tombe des étoiles, et à débiter façon tout le monde des phrases ridicules du genre "c'est beau", "c'est grand" ou "on se sent tout petit".
Lu de cet auteur : La fin du monde a du retard - Le mystère Sherlock - Made in China - Série Z
mardi 23 février 2016
Karin Slaughter - Pretty girls
Editeur : Mosaïc - Traduit de l'américain par François Rosso - Date de parution : Février 2016 - 517 pages et un avis très mitigé.
Babelio m’ayant proposé de découvrir ce livre, j’ai accepté car le résumé me tentait bien (et parce que quand j’accumule les abandons côté romans, je lis un polar ou un thriller).
Claire et Lydia sont sœurs mais ne se parlent plus depuis plus de seize ans. A l’époque, leur sœur cadette Julia avait disparu. Son corps n’a jamais été retrouvé tout comme le coupable et la famille a implosé. Lydia avait de mauvaises fréquentations et touchait à la drogue. Claire plus réservée sortait avec Paul qui est devenu son mari. Depuis, elle a une vie sans anicroche et très confortable ( Paul est architecte). Devenue maman, Lydia s’est « rangée » et fait de son mieux pour élever sa fille ado. La vie de Claire bascule quand Paul est assassiné sous ses yeux. La police mène l’enquête mais bizarrement, le FBI s’intéresse aussi à l’affaire. Quand l’associé de Paul demande à Claire les dossiers sur lesquels son défunt mari travaillait, elle découvre des Snuff Movies sur son ordinateur.
Malgré une écriture passe partout, des petites incohérences ou des raccourcis un peu étranges, des répétitions d’expression (qui m’ont agacée à force), des personnages un peu trop manichéens, Karin Slaughter a réussi l'exploit de m'éviter l'abandon. Pourtant, elle appuie de trop sur la réconciliation des deux sœurs (on se pardonne, c’est merveilleux, nous faisons front ensemble) et utilise la fibre sensible chez le lecteur (sauf à qu’à trop s’en servir, ça en devient usant). Mais titillée malgré tout par l’intrigue, j'ai été jusqu'au bout car c'est un page turner.
En conclusion, un thriller sans rien d'extraordinaire.
Le billet d'Alex
Babelio m’ayant proposé de découvrir ce livre, j’ai accepté car le résumé me tentait bien (et parce que quand j’accumule les abandons côté romans, je lis un polar ou un thriller).
Claire et Lydia sont sœurs mais ne se parlent plus depuis plus de seize ans. A l’époque, leur sœur cadette Julia avait disparu. Son corps n’a jamais été retrouvé tout comme le coupable et la famille a implosé. Lydia avait de mauvaises fréquentations et touchait à la drogue. Claire plus réservée sortait avec Paul qui est devenu son mari. Depuis, elle a une vie sans anicroche et très confortable ( Paul est architecte). Devenue maman, Lydia s’est « rangée » et fait de son mieux pour élever sa fille ado. La vie de Claire bascule quand Paul est assassiné sous ses yeux. La police mène l’enquête mais bizarrement, le FBI s’intéresse aussi à l’affaire. Quand l’associé de Paul demande à Claire les dossiers sur lesquels son défunt mari travaillait, elle découvre des Snuff Movies sur son ordinateur.
Malgré une écriture passe partout, des petites incohérences ou des raccourcis un peu étranges, des répétitions d’expression (qui m’ont agacée à force), des personnages un peu trop manichéens, Karin Slaughter a réussi l'exploit de m'éviter l'abandon. Pourtant, elle appuie de trop sur la réconciliation des deux sœurs (on se pardonne, c’est merveilleux, nous faisons front ensemble) et utilise la fibre sensible chez le lecteur (sauf à qu’à trop s’en servir, ça en devient usant). Mais titillée malgré tout par l’intrigue, j'ai été jusqu'au bout car c'est un page turner.
En conclusion, un thriller sans rien d'extraordinaire.
Le billet d'Alex
lundi 22 février 2016
Stephen Benatar - Daisy, Daisy
Editeur : Le Tripode - Traduit de l'anglais par Christel Paris - Date de parution : Février 2016 - 395 pages pétillantes et grinçantes.
Que s’est–il passé dans la maison d'Hendon à Londres où vivaient Dan Stermont, veuf, âgé de 83 ans, sa sœur Marsha divorcée et leur belle-soeur Daisy presque nonagénaire ? Depuis plus d’un an, ils vivaient reclus et Marsha toujours très exigeante sur la propreté avait laissé la crasse tout envahir jusqu’aux fenêtres. La police forcée d'ouvrir le domicile n'a pu que constater le décès des deux femmes et la mort beaucoup plus antérieure de Daisy. Incapable de s'exprimer, Dan semblait avoir perdu la tête.
Sans suivre une chronologie linéaire, nous découvrons une cohabitation difficile quand Dan et Marsha ont accepté que Daisy vienne vivre avec eux mais aussi leurs relations sur plus de quarante ans. Dans l’Angleterre des années 30, Daisy jeune infirmière au caractère bien trempé épouse un jeune homme un peu plus jeune qu’elle. Hélas ce dernier souffre de tuberculose et elle se retrouve très vite veuve sans se laisser abattre. Chez les Stormont, sa belle-famille, elle ne fait guère l’unanimité. Sa belle-mère et elle se détestent, tandis que son beau-frère Dan et sa belle-sœur Marsha la supportent difficilement. Car Daisy n’a pas son pareil pour lancer des piques ou s’imposer. Jeune mariée, Marsha tente de se montrer gentille envers Daisy même si mon mari Andrew autoritaire et sec ne veut pas entendre parler d’elle. Pourtant tous deux se trouvent des points communs comme les échecs et il admire chez elle sa vivacité d'esprit, élément qui manque à la jolie Marsha. Egoïste, Daisy provoque dans sa belle-famille des petits cataclysmes en leur ouvrant les yeux ou en les méprisant. Ses réflexions, ses paroles même en apparence doucereuses sont très souvent à double sens. Cultivée, elle aime les références littéraires, cinématographiques, musicales ou historiques ( et c'est un régal).
Stephen Benatar ne se contente pas de donner un point de vue, des ressentis, et des pensées à travers un seul de ses personnages. Non, il place le lecteur aux côté de Daisy ou de Marsha ou d’Andrew et nous offre ainsi la possibilité d’avoir tous les avis sur une même situation.
Cette satire sans concession est très bien menée avec une analyse très fine de la psychologie des personnages qui sont attachants malgré leurs défauts. Les rancoeurs et les amertumes accumulées sur des décennies, ajoutées à la vieillesse (au lieu d’appeler à la sagesse) vont enclencher envie de vengeance et amour de la famille. Mais je n'en dis pas plus.
Du vitriol, de l’humour noir mais aussi de la tendresse pour ce roman vif, pétillant, grinçant (et à noter un très bon travail de traduction) !
- Pourquoi ? Qu'est-ce qu'on connaît de la vie à vingt et un ans? Cent vingt-et-un, là, peut-être, je comprendrais. À cet âge là, vous pouvez éventuellement commencer à être intéressant. Ça se discute, cependant, ajouta-t-elle en regardant le plafond.
Lu de cet auteur : La vie rêvée de Rachel Warring
Que s’est–il passé dans la maison d'Hendon à Londres où vivaient Dan Stermont, veuf, âgé de 83 ans, sa sœur Marsha divorcée et leur belle-soeur Daisy presque nonagénaire ? Depuis plus d’un an, ils vivaient reclus et Marsha toujours très exigeante sur la propreté avait laissé la crasse tout envahir jusqu’aux fenêtres. La police forcée d'ouvrir le domicile n'a pu que constater le décès des deux femmes et la mort beaucoup plus antérieure de Daisy. Incapable de s'exprimer, Dan semblait avoir perdu la tête.
Sans suivre une chronologie linéaire, nous découvrons une cohabitation difficile quand Dan et Marsha ont accepté que Daisy vienne vivre avec eux mais aussi leurs relations sur plus de quarante ans. Dans l’Angleterre des années 30, Daisy jeune infirmière au caractère bien trempé épouse un jeune homme un peu plus jeune qu’elle. Hélas ce dernier souffre de tuberculose et elle se retrouve très vite veuve sans se laisser abattre. Chez les Stormont, sa belle-famille, elle ne fait guère l’unanimité. Sa belle-mère et elle se détestent, tandis que son beau-frère Dan et sa belle-sœur Marsha la supportent difficilement. Car Daisy n’a pas son pareil pour lancer des piques ou s’imposer. Jeune mariée, Marsha tente de se montrer gentille envers Daisy même si mon mari Andrew autoritaire et sec ne veut pas entendre parler d’elle. Pourtant tous deux se trouvent des points communs comme les échecs et il admire chez elle sa vivacité d'esprit, élément qui manque à la jolie Marsha. Egoïste, Daisy provoque dans sa belle-famille des petits cataclysmes en leur ouvrant les yeux ou en les méprisant. Ses réflexions, ses paroles même en apparence doucereuses sont très souvent à double sens. Cultivée, elle aime les références littéraires, cinématographiques, musicales ou historiques ( et c'est un régal).
Stephen Benatar ne se contente pas de donner un point de vue, des ressentis, et des pensées à travers un seul de ses personnages. Non, il place le lecteur aux côté de Daisy ou de Marsha ou d’Andrew et nous offre ainsi la possibilité d’avoir tous les avis sur une même situation.
Cette satire sans concession est très bien menée avec une analyse très fine de la psychologie des personnages qui sont attachants malgré leurs défauts. Les rancoeurs et les amertumes accumulées sur des décennies, ajoutées à la vieillesse (au lieu d’appeler à la sagesse) vont enclencher envie de vengeance et amour de la famille. Mais je n'en dis pas plus.
Du vitriol, de l’humour noir mais aussi de la tendresse pour ce roman vif, pétillant, grinçant (et à noter un très bon travail de traduction) !
- Pourquoi ? Qu'est-ce qu'on connaît de la vie à vingt et un ans? Cent vingt-et-un, là, peut-être, je comprendrais. À cet âge là, vous pouvez éventuellement commencer à être intéressant. Ça se discute, cependant, ajouta-t-elle en regardant le plafond.
Lu de cet auteur : La vie rêvée de Rachel Warring
samedi 20 février 2016
Jean-Louis Fournier - Ma mère du Nord
Editeur : stock - Date de parution : Septembre 2015 - 198 pages sensibles et délicates.
Ce livre est un hommage à celle qui n’apparaissait que brièvement dans "Il a jamais tué personne, mon papa". Un bel hommage à sa mère où l’amour voilé de pudeur se mêle à un humour moins caustique que d’habitude. Celle qui voulait être heureuse n’a vu que de loin le bonheur à cause de l’alcoolisme de son mari : « ma mère est tombée sous le charme. Il l’a fait chavirer ». Un homme dont personne ne savait dans quel état il rentrerait le soir après sa tournée de médecin qui s’effectuait auprès des malades mais aussi dans les bistrots. Une charge et une honte qu’elle a supportée avec courage en mettant bien souvent son orgueil de côté. Et en ce point, ce livre complète parfaitement le tableau peint dans "Il a jamais tué personne, mon papa". Surviendra le décès de son père âgée de quarante ans rongé par l’alcool « Notre père aura bu jusqu’a à la fin de sa vie. Il aura gâché sa vie, beaucoup de notre mère, un peu la nôtre » : les blessures même passées ne sont pas oubliées. La mère de Jean-Louis Fournier ne montrait pas ses sentiments mais elle a fait découvrir à ses enfants ses passions comme la musique et le théâtre à ses enfants.
Moi qui suis une inconditionnelle de cet auteur, "la Servante du seigneur" m’avait mise mal à l’aise ( et pas de billet de rédigé) mais ce nouveau livre de Jean-Louis Fournier m’a vraiment énormément touchée. Un message d’amour beau, sensible et délicat et tout en nuances d’un fils à sa mère. Et celui qui était le plus turbulent de la fratrie écrit : « elle ignorait qu’elle avait été la plus grande chance de ma vie. Je n’ai pas osé le lui dire, elle m’avait appris à taire mes sentiments. »
Lu de cet auteur :Où on va Papa ? -Il a jamais tué personne, mon papa -Le C.V. de Dieu - Satané Dieu !- Veuf
Ce livre est un hommage à celle qui n’apparaissait que brièvement dans "Il a jamais tué personne, mon papa". Un bel hommage à sa mère où l’amour voilé de pudeur se mêle à un humour moins caustique que d’habitude. Celle qui voulait être heureuse n’a vu que de loin le bonheur à cause de l’alcoolisme de son mari : « ma mère est tombée sous le charme. Il l’a fait chavirer ». Un homme dont personne ne savait dans quel état il rentrerait le soir après sa tournée de médecin qui s’effectuait auprès des malades mais aussi dans les bistrots. Une charge et une honte qu’elle a supportée avec courage en mettant bien souvent son orgueil de côté. Et en ce point, ce livre complète parfaitement le tableau peint dans "Il a jamais tué personne, mon papa". Surviendra le décès de son père âgée de quarante ans rongé par l’alcool « Notre père aura bu jusqu’a à la fin de sa vie. Il aura gâché sa vie, beaucoup de notre mère, un peu la nôtre » : les blessures même passées ne sont pas oubliées. La mère de Jean-Louis Fournier ne montrait pas ses sentiments mais elle a fait découvrir à ses enfants ses passions comme la musique et le théâtre à ses enfants.
Moi qui suis une inconditionnelle de cet auteur, "la Servante du seigneur" m’avait mise mal à l’aise ( et pas de billet de rédigé) mais ce nouveau livre de Jean-Louis Fournier m’a vraiment énormément touchée. Un message d’amour beau, sensible et délicat et tout en nuances d’un fils à sa mère. Et celui qui était le plus turbulent de la fratrie écrit : « elle ignorait qu’elle avait été la plus grande chance de ma vie. Je n’ai pas osé le lui dire, elle m’avait appris à taire mes sentiments. »
Lu de cet auteur :Où on va Papa ? -Il a jamais tué personne, mon papa -Le C.V. de Dieu - Satané Dieu !- Veuf
jeudi 18 février 2016
Jayne Anne Phillips - Tous les vivants (Le crime de Quiet Dell)
Editeur : Editions de l'Olivier - Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marc Amfreville - Date de parution : Janvier 2016 - 533 pages et une belle découverte !
Park Ridge, Illinois, 1931. Devenue veuve depuis peu, Asta Eicher âgée de quarante-cinq ans mère et de trois enfants se retrouve dans uns situation financièrement difficile. Malgré l’aide de sa belle-mère, l’argent manque. Et quand celle-ci décède à son tour, l’avenir apparait bien sombre. Locataire d’une chambre chez les Eicher, Charles O’Boyle demande sa main à Asta mais cette dernière refuse. Il ne sait pas qu’elle correspond avec un certain Cornelius O. Person qui lui a promis monts et merveilles. Par le biais d’une simple annonce passée dans un journal, pensant à ses enfants et à leur bien-être, elle a déclenché un compte à rebours fatal et sans issue.
Entièrement inspiré d’un faits réel, Asta Eicher et ses trois enfants seront les victimes de Person. L’affaire Harry Powers (c’était son véritable nom) a déclenché aux Etats-Unis colère et effroi. En inventant une jeune journaliste Emily Thornhill déterminée mais aussi sensible, Jayne Anne Phillips brode une autre histoire romancée autour de celle du serial killer avec des personnages dotés de cette valeur du bien, de la justice, de bonté et de tolérance.
A travers l’enquête d’Emily sur les traces de Powers (et de ses interrogations sur ses motivations), sa bienveillance envers ceux qui ont disparus est frappante comme si le sort des Eicher l’avait frappée personnellement. Le sordide n’a pas sa place et jamais le lecteur ne se retrouve en position de voyeuriste.
On ne voit pas les pages défiler enrichies de photos et d’extraits de presse de l’époque mais qui donne également la parole à Annabel une des filles d’Asta qui veille sur les siens. Un récit où l’atmosphère et l’ambiance sont la plupart du temps comme feutré en décalage avec les meurtres commis par Harry Powers. Le Bien comme pour amoindrir le Mal et au final un roman lumineux aussi paradoxal que cela puisse paraître car tout est très bien mené.
Il ne faut pas oublier la très belle écriture de l’auteure aux accents lyriques(à noter le très bon travail de de traduction). Une belle et étonnante découverte !
Un livre repéré sur la table des livres "aimés et coups de cœur" des libraires de Dialogues. Merci Arnaud !
Les Eicher étaient comme un beau village enchanté sur lequel s'abattirent des pluies d'étoiles néfastes. Ils n'étaient pas les seuls à connaître ces épreuves, bien sûr, mais ils gardaient la tête haute avec noblesse et patience, élevant la comédie du bonheur au rang de grand art, une vraie leçon de morale et de courage.
- Chez eux ? s'étonna Emily.Mais les victimes dans toute ça?
Il la regarda droit dans les yeux, comme pour reconnaître qu'elle avait marqué un point. "La catastrophe ne vient pas de chez eux, pas de chez nous, il n'y a donc pas cette part de deuil, de responsabilité ou de honte qui en ferait davantage qu'un spectacle inouï. Ce n'est pas que dans les petites bourgades ou dans les campagnes on manque de compassion. La journaliste de la grande ville que vous êtes doit trouver cela évident."
Park Ridge, Illinois, 1931. Devenue veuve depuis peu, Asta Eicher âgée de quarante-cinq ans mère et de trois enfants se retrouve dans uns situation financièrement difficile. Malgré l’aide de sa belle-mère, l’argent manque. Et quand celle-ci décède à son tour, l’avenir apparait bien sombre. Locataire d’une chambre chez les Eicher, Charles O’Boyle demande sa main à Asta mais cette dernière refuse. Il ne sait pas qu’elle correspond avec un certain Cornelius O. Person qui lui a promis monts et merveilles. Par le biais d’une simple annonce passée dans un journal, pensant à ses enfants et à leur bien-être, elle a déclenché un compte à rebours fatal et sans issue.
Entièrement inspiré d’un faits réel, Asta Eicher et ses trois enfants seront les victimes de Person. L’affaire Harry Powers (c’était son véritable nom) a déclenché aux Etats-Unis colère et effroi. En inventant une jeune journaliste Emily Thornhill déterminée mais aussi sensible, Jayne Anne Phillips brode une autre histoire romancée autour de celle du serial killer avec des personnages dotés de cette valeur du bien, de la justice, de bonté et de tolérance.
A travers l’enquête d’Emily sur les traces de Powers (et de ses interrogations sur ses motivations), sa bienveillance envers ceux qui ont disparus est frappante comme si le sort des Eicher l’avait frappée personnellement. Le sordide n’a pas sa place et jamais le lecteur ne se retrouve en position de voyeuriste.
On ne voit pas les pages défiler enrichies de photos et d’extraits de presse de l’époque mais qui donne également la parole à Annabel une des filles d’Asta qui veille sur les siens. Un récit où l’atmosphère et l’ambiance sont la plupart du temps comme feutré en décalage avec les meurtres commis par Harry Powers. Le Bien comme pour amoindrir le Mal et au final un roman lumineux aussi paradoxal que cela puisse paraître car tout est très bien mené.
Il ne faut pas oublier la très belle écriture de l’auteure aux accents lyriques(à noter le très bon travail de de traduction). Une belle et étonnante découverte !
Un livre repéré sur la table des livres "aimés et coups de cœur" des libraires de Dialogues. Merci Arnaud !
Les Eicher étaient comme un beau village enchanté sur lequel s'abattirent des pluies d'étoiles néfastes. Ils n'étaient pas les seuls à connaître ces épreuves, bien sûr, mais ils gardaient la tête haute avec noblesse et patience, élevant la comédie du bonheur au rang de grand art, une vraie leçon de morale et de courage.
- Chez eux ? s'étonna Emily.Mais les victimes dans toute ça?
Il la regarda droit dans les yeux, comme pour reconnaître qu'elle avait marqué un point. "La catastrophe ne vient pas de chez eux, pas de chez nous, il n'y a donc pas cette part de deuil, de responsabilité ou de honte qui en ferait davantage qu'un spectacle inouï. Ce n'est pas que dans les petites bourgades ou dans les campagnes on manque de compassion. La journaliste de la grande ville que vous êtes doit trouver cela évident."
mercredi 17 février 2016
Elsa Flageul - Les mijaurées
Editeur : Julliard - Date de parution : Février 2016 - 228 pages qui m'ont plus que touchée...
Clara et Lucile se sont connues au collège. D'abord le hasard puis elles ont appris à se connaître. Complémentaires, elles se trouvent des points communs et la complicité s’instaure unique et exclusive. Elle sont deux et elles sont une. Elles n’ont pas de secret l’une pour l’autre. Inséparables, et on se promet de l’être toujours. Euphorie de l’amitié, d’être sœurs de cœur pour la vie.
Avec elles, on redécouvre les années 80- 90 et l’adolescence. Les vacances partagées, les petites jalousies vite oubliées, les premiers émois amoureux.
La vie adulte est quelques mètres mais Clara et Lucile ne vont pas briser ce fil précieux. Malgré les coups durs de la vie et ses aléas, dans les bons ou les mauvais moments, elles seront toujours l’une là pour l’autre. Adultes, elles ne sont plus les gamines insouciantes et même si quelquefois la maladresse, la peur de blesser l’autre apparaissent, leur amitié est la plus forte.
C’est une histoire au fil des années qui nous rappelle des faits inscrits dans notre mémoire universelle. Mais aussi et surtout toutes ces petits choses, futiles, importantes, nécessaires qui nourrissent, cimentent la plus profonde des amitiés. Quelquefois, les routes prennent des chemins opposés. On s’éloigne, on promet de se voir, sauf que le temps passe, on oublie celle qui fut toujours présente à nos côtés. D’autre demeurent ou naissent et on les chérit avec amour.
Elsa Flageul nous tend un miroir. On s’y retrouve alors forcément les émotions sincères jaillissent ( avec des regrets, des blessures ou du bonheur). Et on a envie de dire à celles qui nous sont chères, indispensables, à quel point elles comptent pour nous. Dès les premières pages, j’ai retrouvé le style d’Elsa Flageul qui m’avait conquise avec Les araignées du soir.
Une écriture à part portée par un vrai souffle où les phrases s’étirent, font des cabrioles et accrochent la rétine, l’esprit et le cœur.
Pas de guimauve et un roman qui résonne longtemps une fois terminé !
Il y a tant d’errances dans une vie, tant de chemins rebroussés, tant de routes abandonnées et d’autres prises presque par hasard, par accident dirait-on mais justement les accidents mes amis, les échappées, les embardées qui font virer de bord et prendre des chemins de traverse qui se révèlent être des routes, il y a tant de moments d’égarement dans une vie qui ne sont pas des faiblesses non mais des respirations, des ponctuations.
Avec le temps, nous avions appris à nous méfier donc de nos embrasement estivaux et attendons patiemment notre retour, étonnées et ébahies tout de même par la puissance du fantasme, cette capacité infinie du cœur et de l'esprit à vous faire croire n'importe quoi.
La pudeur est la politesse des timides.
Les billets de Charlotte, Sabine
Clara et Lucile se sont connues au collège. D'abord le hasard puis elles ont appris à se connaître. Complémentaires, elles se trouvent des points communs et la complicité s’instaure unique et exclusive. Elle sont deux et elles sont une. Elles n’ont pas de secret l’une pour l’autre. Inséparables, et on se promet de l’être toujours. Euphorie de l’amitié, d’être sœurs de cœur pour la vie.
Avec elles, on redécouvre les années 80- 90 et l’adolescence. Les vacances partagées, les petites jalousies vite oubliées, les premiers émois amoureux.
La vie adulte est quelques mètres mais Clara et Lucile ne vont pas briser ce fil précieux. Malgré les coups durs de la vie et ses aléas, dans les bons ou les mauvais moments, elles seront toujours l’une là pour l’autre. Adultes, elles ne sont plus les gamines insouciantes et même si quelquefois la maladresse, la peur de blesser l’autre apparaissent, leur amitié est la plus forte.
C’est une histoire au fil des années qui nous rappelle des faits inscrits dans notre mémoire universelle. Mais aussi et surtout toutes ces petits choses, futiles, importantes, nécessaires qui nourrissent, cimentent la plus profonde des amitiés. Quelquefois, les routes prennent des chemins opposés. On s’éloigne, on promet de se voir, sauf que le temps passe, on oublie celle qui fut toujours présente à nos côtés. D’autre demeurent ou naissent et on les chérit avec amour.
Elsa Flageul nous tend un miroir. On s’y retrouve alors forcément les émotions sincères jaillissent ( avec des regrets, des blessures ou du bonheur). Et on a envie de dire à celles qui nous sont chères, indispensables, à quel point elles comptent pour nous. Dès les premières pages, j’ai retrouvé le style d’Elsa Flageul qui m’avait conquise avec Les araignées du soir.
Une écriture à part portée par un vrai souffle où les phrases s’étirent, font des cabrioles et accrochent la rétine, l’esprit et le cœur.
Pas de guimauve et un roman qui résonne longtemps une fois terminé !
Il y a tant d’errances dans une vie, tant de chemins rebroussés, tant de routes abandonnées et d’autres prises presque par hasard, par accident dirait-on mais justement les accidents mes amis, les échappées, les embardées qui font virer de bord et prendre des chemins de traverse qui se révèlent être des routes, il y a tant de moments d’égarement dans une vie qui ne sont pas des faiblesses non mais des respirations, des ponctuations.
Avec le temps, nous avions appris à nous méfier donc de nos embrasement estivaux et attendons patiemment notre retour, étonnées et ébahies tout de même par la puissance du fantasme, cette capacité infinie du cœur et de l'esprit à vous faire croire n'importe quoi.
La pudeur est la politesse des timides.
Les billets de Charlotte, Sabine
lundi 15 février 2016
Ron Rash - Le chant de la Tamassee
Editeur : Seuil - Date de parution : Janvier 2016 - Traduit de l'anglais ( Etats-Unis) par Isabelle Reinharez - 233 pages à lire !
Comté d’Oconne, Virginie du Sud. Ruth Kowalsky âgée de douze ans pique–nique avec sa famille au bord de la rivière la Tamassee. Mais ce n’est pas un cours d’eau paisible et elle s’y noie. Ses parents père veulent que son corps coincé sous un rocher à proximité d’une chute soit enlevé à la rivière et ils demandent qu’un barrage temporaire soit installé. La rivière est protégée par une loi Fédérale (il est interdit d'en perturber le cours naturel) et Luke écologiste jusqu'au-boutiste s'y oppose. L’affaire fait du bruit, Maggie Glenn est dépêchée par son journal en tant que photographe avec un nouveau collègue. Originaire du coin, elle connaît la plupart des habitants. Son père y vit tout comme sa tante et des cousins. La jeune femme sait que la protection de la rivière continue de diviser la population. Quand Herb Kowalsky obtient des soutiens non négligeables notamment politiques, les dés semblent définitivement jetés.
Ce nouveau livre de Ron Rash aborde de nombreux thèmes : la douleur des parents, la protection de l'environnement, les enjeux économiques, la culpabilité, les rapports père-fille. Sans se faire donneur de leçons, l'auteur expose à travers ses personnages tous les éléments. Les amoureux de nature seront conquis car la Tamassee est un personnage à part entière. Avec une écriture qui fait appel à tous les sens (on voit cette rivière, on l'entend) et des personnages non exempts de failles ou de blessures, Le chant de la Tamassee pose énormément de questions.
Une lecture prenante, belle et âpre qui forcément interpelle. Une fois de plus, Ron Rash fait mouche !
- Que le corps de la fillette appartient maintenant à la Tamassee, qu'à l'instant même où elle s'est avancée dans les hauts-fonds, elle a accepté la rivière selon ses conditions. C'est ça, la nature sauvage -la nature selon ses conditions- pas les nôtres, il n'y a pas d'entre-deux. C'est tout l'un ou tout l'autre.
Les billets de Jostein, Mimi
Lu de cet auteur : Le monde à l'endroit - Un pied au paradis - Serena- Une terre d'ombre
Comté d’Oconne, Virginie du Sud. Ruth Kowalsky âgée de douze ans pique–nique avec sa famille au bord de la rivière la Tamassee. Mais ce n’est pas un cours d’eau paisible et elle s’y noie. Ses parents père veulent que son corps coincé sous un rocher à proximité d’une chute soit enlevé à la rivière et ils demandent qu’un barrage temporaire soit installé. La rivière est protégée par une loi Fédérale (il est interdit d'en perturber le cours naturel) et Luke écologiste jusqu'au-boutiste s'y oppose. L’affaire fait du bruit, Maggie Glenn est dépêchée par son journal en tant que photographe avec un nouveau collègue. Originaire du coin, elle connaît la plupart des habitants. Son père y vit tout comme sa tante et des cousins. La jeune femme sait que la protection de la rivière continue de diviser la population. Quand Herb Kowalsky obtient des soutiens non négligeables notamment politiques, les dés semblent définitivement jetés.
Ce nouveau livre de Ron Rash aborde de nombreux thèmes : la douleur des parents, la protection de l'environnement, les enjeux économiques, la culpabilité, les rapports père-fille. Sans se faire donneur de leçons, l'auteur expose à travers ses personnages tous les éléments. Les amoureux de nature seront conquis car la Tamassee est un personnage à part entière. Avec une écriture qui fait appel à tous les sens (on voit cette rivière, on l'entend) et des personnages non exempts de failles ou de blessures, Le chant de la Tamassee pose énormément de questions.
Une lecture prenante, belle et âpre qui forcément interpelle. Une fois de plus, Ron Rash fait mouche !
- Que le corps de la fillette appartient maintenant à la Tamassee, qu'à l'instant même où elle s'est avancée dans les hauts-fonds, elle a accepté la rivière selon ses conditions. C'est ça, la nature sauvage -la nature selon ses conditions- pas les nôtres, il n'y a pas d'entre-deux. C'est tout l'un ou tout l'autre.
Les billets de Jostein, Mimi
Lu de cet auteur : Le monde à l'endroit - Un pied au paradis - Serena- Une terre d'ombre
dimanche 14 février 2016
Evan S. Connell - Mrs. Bridge
Editeur : Belfond - Traduit de l'américain par Clément Leclerc - Date de parution : Janvier 2016 (première parution : 1959) - 360 pages à découvrir.
Avec ce roman, nous entrons dans l'intimité de Mrs. Bridge. S’il y a très peu de pages sur son enfance et son adolescence, la vie de l’épouse, de la mère au foyer constituent l'essentiel.
Nous sommes à Kansas City dans les années 1920-1930 lorsqu'elle se marie. Son époux avocat passe beaucoup de temps à son cabinet. Mrs. Bridge s’occupe tout naturellement de l’éducation de leurs trois enfants et veille au confort domestique. Les bonnes convenances et son manque de confiance font que Mrs. Bridge se noie facilement dans un verre d’eau. Incapable de prendre une décision par elle-même ou d’avoir un jugement, elle se range du côté des idées de son mari. Bien sûr, elle a des amies mais jamais elle ne se confierait à l’une d’entre elles. Que ce soit la lecture ou l'apprentissage d’une langue, elle a le don d’abandonner très vite tout ce qu'elle entreprend.
Les enfants grandissent et Mrs. Bridge s’ennuie de plus en plus souvent. Et par cette faille, les questions existentielles surgissent.
En 117 courts chapitres, l’auteur nous dépeint des situations de la vie de Mrs. Bridge. Alternant des scènes assez drôles (notamment avec ses enfants ou des personnes de la bonne société), ironiques mais également d’autres où l’on ressent ses angoisses.
Avec une écriture où l’observation est très fine, Evan S. Connell nous dresse un portrait très réussi de cette femme dans son contexte. Ce roman possède un charme suranné mais il sait également nous toucher et j’ai éprouvé de l’empathie pour Mrs.Bridge.
- Vous n'avez donc pas d'opinion personnelle ? Lui demanda Mabel en prenant un air menaçant. Mon dieu, réveillez-vous ! Nous avons été émancipées, que diable, continua-t-elle en se balançant d'avant en arrière, les mains derrière le dos, les sourcils froncés et le regard fixé sur le tapis du club.
- Vous avez certainement raison, s’excusa Mrs. Bridge en évitant discrètement le ruban de fumée qui s'échappait de la cigarette de Mabel. Mais vous ne trouvez pas difficile de savoir que penser ?
Elle passait de longs moments à regarder dans le vide, oppressée par un sentiment d'attente. Attente de quoi ? Elle ne savait. Quelqu'un allait venir, quelqu'un avait sûrement besoin d'elle. Mais chaque jour passait comme celui qu'il avait précédé. Rien d'intense, rien de désespéré n'arrivait jamais. Le temps ne passait pas. La maison, la ville, le pays, la vie même étaient éternels pourtant elle avait le pressentiment qu'un jour, sans avertissement et sans pitié, tout ce qui lui était cher, tout ce qui comptait pour elle serait détruit. Ainsi, de temps en temps, ses pensées, se faisaient-elles, par des voies détournées, plus profondes, descendant en spirale en quête de l'ultime sanctuaire, en quête d'une vie plus immuable que celle qu'elle avait transmise à ses enfants en les mettant au monde.
Les billets de Kathel, Mimi, Nicole, Orzech
Merci à Babelio !
Avec ce roman, nous entrons dans l'intimité de Mrs. Bridge. S’il y a très peu de pages sur son enfance et son adolescence, la vie de l’épouse, de la mère au foyer constituent l'essentiel.
Nous sommes à Kansas City dans les années 1920-1930 lorsqu'elle se marie. Son époux avocat passe beaucoup de temps à son cabinet. Mrs. Bridge s’occupe tout naturellement de l’éducation de leurs trois enfants et veille au confort domestique. Les bonnes convenances et son manque de confiance font que Mrs. Bridge se noie facilement dans un verre d’eau. Incapable de prendre une décision par elle-même ou d’avoir un jugement, elle se range du côté des idées de son mari. Bien sûr, elle a des amies mais jamais elle ne se confierait à l’une d’entre elles. Que ce soit la lecture ou l'apprentissage d’une langue, elle a le don d’abandonner très vite tout ce qu'elle entreprend.
Les enfants grandissent et Mrs. Bridge s’ennuie de plus en plus souvent. Et par cette faille, les questions existentielles surgissent.
En 117 courts chapitres, l’auteur nous dépeint des situations de la vie de Mrs. Bridge. Alternant des scènes assez drôles (notamment avec ses enfants ou des personnes de la bonne société), ironiques mais également d’autres où l’on ressent ses angoisses.
Avec une écriture où l’observation est très fine, Evan S. Connell nous dresse un portrait très réussi de cette femme dans son contexte. Ce roman possède un charme suranné mais il sait également nous toucher et j’ai éprouvé de l’empathie pour Mrs.Bridge.
- Vous n'avez donc pas d'opinion personnelle ? Lui demanda Mabel en prenant un air menaçant. Mon dieu, réveillez-vous ! Nous avons été émancipées, que diable, continua-t-elle en se balançant d'avant en arrière, les mains derrière le dos, les sourcils froncés et le regard fixé sur le tapis du club.
- Vous avez certainement raison, s’excusa Mrs. Bridge en évitant discrètement le ruban de fumée qui s'échappait de la cigarette de Mabel. Mais vous ne trouvez pas difficile de savoir que penser ?
Elle passait de longs moments à regarder dans le vide, oppressée par un sentiment d'attente. Attente de quoi ? Elle ne savait. Quelqu'un allait venir, quelqu'un avait sûrement besoin d'elle. Mais chaque jour passait comme celui qu'il avait précédé. Rien d'intense, rien de désespéré n'arrivait jamais. Le temps ne passait pas. La maison, la ville, le pays, la vie même étaient éternels pourtant elle avait le pressentiment qu'un jour, sans avertissement et sans pitié, tout ce qui lui était cher, tout ce qui comptait pour elle serait détruit. Ainsi, de temps en temps, ses pensées, se faisaient-elles, par des voies détournées, plus profondes, descendant en spirale en quête de l'ultime sanctuaire, en quête d'une vie plus immuable que celle qu'elle avait transmise à ses enfants en les mettant au monde.
Les billets de Kathel, Mimi, Nicole, Orzech
Merci à Babelio !
vendredi 12 février 2016
Franck Bouysse - Grossir le ciel
Editeur : Le livre de poche- Date de parution : Janvier 2016 - 240 pages qui prennent à la gorge.
22 janvier 2007, l’Abbé Pierre vient de mourir. Au fin fond des Cévennes, Gus paysan solitaire d'une cinquantaine d'années apprend l’information. Son chien Mars, la solitude en compagne, le travail à la ferme et les vaches à s’occuper hiver comme été sont son quotidien. Gus est un taiseux comme son plus proche voisin Abel. Les deux hommes ne se parlent que depuis vingt ans pourtant tous deux sont des enfants du pays qui ont hérité de la ferme familiale. A l’occasion, ils s‘aident pour certains travaux agricoles, ils en profitent pour parler un peu des bêtes, de la météo et boire un coup. Pas plus. Gus n’arrive pas à s’enlever de la tête le mort de l’Abbé Pierre et avec elle, ce sont d’autres souvenirs qui s’invitent ( « des souvenirs dont on ne sait jamais où ils mènent, ni même si ça fait du bien de le savoir, mais qui ressurgissent et s’imposent, sans crier gare »). En quelques jours, la vie de Gus est perturbée par des éléments : la visite d’un évangéliste, le changement de comportement d’Abel.
Si Franck Bouysse installe un suspense, il nous raconte avant tout une vie. L’écriture sans effets de manche prend à la gorge que ça soit pour décrire des blessures profondes ou l’amour de la nature comme ce que renferment les silences et les non-dits.
Les descriptions du monde rural, des attitudes, des gestes, des expressions et ce sont autant d’éléments qui ont déclenché chez moi une multitude de flashbacks. Alors forcément cette lecture m’a d’autant plus parlée, touchée (et remuée).
Ici, les lignées, elles s’éteignent toutes les unes après les autres, comme des bougies qui n'ont plus de cire à brûler. C'est ça le truc, la mèche, c'est rien du tout si il y a plus de cire, une sorte de pâte humaine, si bien que l'obscurité gagne un peu plus de terrain chaque jour ; et personne n'est assez puissant pour contrecarrer le projet de la nuit.
Et ces mots terribles au détour d’une phrase « une famille soudée par la ferme ».
22 janvier 2007, l’Abbé Pierre vient de mourir. Au fin fond des Cévennes, Gus paysan solitaire d'une cinquantaine d'années apprend l’information. Son chien Mars, la solitude en compagne, le travail à la ferme et les vaches à s’occuper hiver comme été sont son quotidien. Gus est un taiseux comme son plus proche voisin Abel. Les deux hommes ne se parlent que depuis vingt ans pourtant tous deux sont des enfants du pays qui ont hérité de la ferme familiale. A l’occasion, ils s‘aident pour certains travaux agricoles, ils en profitent pour parler un peu des bêtes, de la météo et boire un coup. Pas plus. Gus n’arrive pas à s’enlever de la tête le mort de l’Abbé Pierre et avec elle, ce sont d’autres souvenirs qui s’invitent ( « des souvenirs dont on ne sait jamais où ils mènent, ni même si ça fait du bien de le savoir, mais qui ressurgissent et s’imposent, sans crier gare »). En quelques jours, la vie de Gus est perturbée par des éléments : la visite d’un évangéliste, le changement de comportement d’Abel.
Si Franck Bouysse installe un suspense, il nous raconte avant tout une vie. L’écriture sans effets de manche prend à la gorge que ça soit pour décrire des blessures profondes ou l’amour de la nature comme ce que renferment les silences et les non-dits.
Les descriptions du monde rural, des attitudes, des gestes, des expressions et ce sont autant d’éléments qui ont déclenché chez moi une multitude de flashbacks. Alors forcément cette lecture m’a d’autant plus parlée, touchée (et remuée).
Ici, les lignées, elles s’éteignent toutes les unes après les autres, comme des bougies qui n'ont plus de cire à brûler. C'est ça le truc, la mèche, c'est rien du tout si il y a plus de cire, une sorte de pâte humaine, si bien que l'obscurité gagne un peu plus de terrain chaque jour ; et personne n'est assez puissant pour contrecarrer le projet de la nuit.
Et ces mots terribles au détour d’une phrase « une famille soudée par la ferme ».
jeudi 11 février 2016
K. D. Miller - Astres sans éclat
Editeur : Les Allusifs - Traduit de l'anglais (Canada) par Marie Frankland - Date de parution : Janvier 2016 - 174 pages lues en apnée totale.
1962, Canada. Dans la petite ville d’Hamilton, Brenda Bray âgée de douze ans, mal dans sa peau et boulotte est élevée par une mère instable et dépressive. Depuis toujours elle est habituée à être la cible des moqueries des autres élèves et pourtant Jori Clément nouvellement arrivée vient vers elle. Fille unique d‘un couple aisé, Jori est l’opposé de Brenda : sûre d’elle, très déterminée. Préférant fuir les crises de colère et l’inconstance de sa mère, Brenda obéit toujours à Jori même si elle n’est pas d’accord avec ce qu'elle pense ou dit. Sauf que cette dernière disparaît durant les vacances.
2002, Brenda qui se fait appeler Rae est devenue une auteure de polars à succès au physique filiforme. Elle revient à Hamilton et consigne dans un journal tout ce qui s’est déroulé avant et après la disparition de Jori.
Alternant passé et présent, on découvre toutes les facettes de l’amitié très ambiguë entre Brenda et Jori. Les personnalités des deux fillettes mais aussi et surtout les pensées intimes, les sentiments de Brenda/ Rae ainsi qu'une époque.
J'ai été ferrée dès les premières lignes par l’atmosphère de ce roman parfaitement mené. J. D. Miller fait preuve d’une finesse et d’une justesse incroyable sur les rapports entre ses personnages. Au fil des pages, les certitudes volent en éclats et on est déstabilisé.
Un premier roman lu en apnée totale à ne pas rater !
Un terme vint à l'esprit de Brenda : le bon goût. Ils avaient commencé à aborder le sujet à l'école dans les cours d'économie ménagère. Il en ressortait que le bon goût n'avait aucun lien avec l'argent. C'était une question de jugement.
Le billet tentateur de Cathulu
1962, Canada. Dans la petite ville d’Hamilton, Brenda Bray âgée de douze ans, mal dans sa peau et boulotte est élevée par une mère instable et dépressive. Depuis toujours elle est habituée à être la cible des moqueries des autres élèves et pourtant Jori Clément nouvellement arrivée vient vers elle. Fille unique d‘un couple aisé, Jori est l’opposé de Brenda : sûre d’elle, très déterminée. Préférant fuir les crises de colère et l’inconstance de sa mère, Brenda obéit toujours à Jori même si elle n’est pas d’accord avec ce qu'elle pense ou dit. Sauf que cette dernière disparaît durant les vacances.
2002, Brenda qui se fait appeler Rae est devenue une auteure de polars à succès au physique filiforme. Elle revient à Hamilton et consigne dans un journal tout ce qui s’est déroulé avant et après la disparition de Jori.
Alternant passé et présent, on découvre toutes les facettes de l’amitié très ambiguë entre Brenda et Jori. Les personnalités des deux fillettes mais aussi et surtout les pensées intimes, les sentiments de Brenda/ Rae ainsi qu'une époque.
J'ai été ferrée dès les premières lignes par l’atmosphère de ce roman parfaitement mené. J. D. Miller fait preuve d’une finesse et d’une justesse incroyable sur les rapports entre ses personnages. Au fil des pages, les certitudes volent en éclats et on est déstabilisé.
Un premier roman lu en apnée totale à ne pas rater !
Un terme vint à l'esprit de Brenda : le bon goût. Ils avaient commencé à aborder le sujet à l'école dans les cours d'économie ménagère. Il en ressortait que le bon goût n'avait aucun lien avec l'argent. C'était une question de jugement.
Le billet tentateur de Cathulu
samedi 6 février 2016
Frédérique Martin - J'envisage de te vendre ( j'y pense de plus en plus)
Editeur : Belfond - Date de parution : Janvier 2016 - 220 pages et 12 nouvelles piquantes, cyniques !
On passe très vite sur la couverture pour se plonger dans ses nouvelles. La première donne le ton : un jeune homme vend sa mère (fauteuil compris) dans une brocante. Très vite, on comprend que Frédérique Martin nous transpose dans une société où bien des choses ont changé. Que ce soit le contrôle des faits et des actes de chacun ou un pouvoir collectif qui dirige, le monde où évoluent les personnages de ces nouvelles est froid, intransigeant avec ses règles et ses codes, l’argent et la consommation sont les maîtres-mots.
Les individus sont le plus souvent privés de leurs libertés et obligés d’obéir. Que ce soit une femme gagnante d’un cadeau empoisonné à l’Organisation des Consciences Unies qui vous juge, ces nouvelles (hormis deux qui ont un air de déjà lu) font froid dans le dos. L’auteure utilise avec brio le cynisme de ces mondes futuristes et les nouvelles vont en crescendo. Très bien écrites ( Frédérique Martin possède ce talent pour camper des personnages et une situation en quelques pages), elles nous amènent à nous poser des questions (je pense notamment à la nouvelle intitulée La prophétie de la goutte d’eau) sur les dérives. Attention, ça remue !
Un très bon recueil de nouvelles à lire !
Les billets d'Antigone, Jérôme, Noukette, Saxaoul
Lu de cette auteure : Le vase où meurt cette verveine
On passe très vite sur la couverture pour se plonger dans ses nouvelles. La première donne le ton : un jeune homme vend sa mère (fauteuil compris) dans une brocante. Très vite, on comprend que Frédérique Martin nous transpose dans une société où bien des choses ont changé. Que ce soit le contrôle des faits et des actes de chacun ou un pouvoir collectif qui dirige, le monde où évoluent les personnages de ces nouvelles est froid, intransigeant avec ses règles et ses codes, l’argent et la consommation sont les maîtres-mots.
Les individus sont le plus souvent privés de leurs libertés et obligés d’obéir. Que ce soit une femme gagnante d’un cadeau empoisonné à l’Organisation des Consciences Unies qui vous juge, ces nouvelles (hormis deux qui ont un air de déjà lu) font froid dans le dos. L’auteure utilise avec brio le cynisme de ces mondes futuristes et les nouvelles vont en crescendo. Très bien écrites ( Frédérique Martin possède ce talent pour camper des personnages et une situation en quelques pages), elles nous amènent à nous poser des questions (je pense notamment à la nouvelle intitulée La prophétie de la goutte d’eau) sur les dérives. Attention, ça remue !
Un très bon recueil de nouvelles à lire !
Les billets d'Antigone, Jérôme, Noukette, Saxaoul
Lu de cette auteure : Le vase où meurt cette verveine
vendredi 5 février 2016
Iain Levison - Ils savent tout de vous
Snowe un agent de police se rend compte par hasard qu'il parvient à lire les pensées des autres. Pendant ce temps là, Brooks Denny attend dans le couloir de la mort dans une prison d'un autre état. Lui aussi possède ce don si particulier. Une femme d'une agence du gouvernement (jamais citée) vient le voir car elle a besoin le lui et de son don. Mais sortir un homme condamné à mort même sous surveillance peut tourner au vinaigre et Brooks Denny se fait la malle. Et qui de mieux pour retrouver un évadé télépathe qu'un policier lui-même télépathe ? Sauf que si notre agent croit avoir tout planifié, elle se trompe et rien ne va se passer comme prévu.
Dans ce livre sans temps mort, Iain Levison nous entraîne sur le sujet de la surveillance et de la manipulation des individus par les technologies.
Vif et entraînant, saupoudré d'humour, ce livre est à ne pas bouder!
Les billets d'Albertine, Cuné
jeudi 4 février 2016
Camille Laurens - Celle que vous croyez
Agée de quarante-huit ans, professeur de littérature comparée à l’université, divorcée et mère de deux enfants, Claire séjourne en service psychiatrique. Pourquoi est-elle là ? Elle raconte son histoire au psychiatre. Pour surveiller son amant Jo plus jeune qu’elle, Claire s’est créée un profil Facebook où elle a vingt-quatre ans. Son but (par ses activités et ses loisirs) est d’attirer l’attention de Chris photographe sans le sou, ami de Jo qui l’héberge. Chris mord à l’hameçon et Claire pense ainsi surveiller Jo. S’en suivent des commentaires sur des publications jusqu’à des messages privés. Ils se parlent au téléphone, il veut la rencontrer mais elle a toujours une excuse pour éviter le rendez-vous. Sauf que Chris tombe amoureux de la Claire virtuelle et que notre «vraie» Claire a ce garçon dans la peau. Comment faire pour que Chris s’éprenne d’elle et oublie la belle et jeune Claire de Facebook? Elle prend la fuite pour ainsi dire.
Mais ce n’est pas tout car par ricochets, le livre se poursuit. On retrouve une Claire internée suivant des ateliers d’écriture dirigée par une certaine Camille, l'histoire écrite par la Claire internée qui raconte une autre version et enfin la lettre d’un auteure prénommée Camille à son éditeur.
Et c’est absolument brillant ! Entre réel et virtuel, Camille Laurens nous entraîne entre mensonges et vérités. Elle nous trouble, nous déstabilise.
Puissant, extrêmement bien écrit, avec des réflexions sur l'écriture, alternant humour et des constats sans concession, des surprises, cette lecture aussi addictive qu’un très bon thriller m'a complètement bluffée ! Un roman également sur la condition féminine avec un beau portrait de femme presque quinquagénaire qui ne veut pas taire son désir. Magistral !
Nous sommes tous, dans les fictions continues de nos vies, dans nos mensonges, dans nos accommodements avec la réalité, dans notre de désir de possession, de domination, de maîtrise de l'autre, nous sommes tous des romanciers en puissance. Nous inventons tous notre vie. La différence, c'est que moi, je te dis que j'invente, je la vis. Et que, comme toute créature, elle échappe à son créateur. (...)La vie m'échappe, elle me détruit, écrire n'est qu'une manière d'y survivre - la seule manière. Je ne vis pas pour écrire, j'écris pour survivre à la vie. Je me sauve. Se faire un roman, c'est se bâtir un asile.
Une lecture tandem avec Antigone et Cathulu.
Le billet de Cuné.
mardi 2 février 2016
Isabelle Coudrier - Babybatch
Editeur : Seuil - Date de parution : Janvier 2016 - 395 pages et un coup de cœur (oui!).
A quinze ans, Dominique est une adolescente sage, sérieuse et assez solitaire. Elle n’a pas de loisirs et n’est pas du genre à traîner dans le centre commercial de la petite ville où elle habite. Bonne élève, elle entre au lycée où elle retrouve son amie depuis l’enfance. Mais depuis qu’elle a découvert trois ans plus tôt par la série Sherlock l’acteur anglais Benedict Cumberbatch, elle passe beaucoup de temps sur internet à suivre son actualité, à lire tout ce qui lui est consacré sur les forums alimentés par des fans. Elle fait partie de cette communauté qui voue à l’acteur un amour inconditionnel mais contrairement aux autres, Dominique reste un peu en retrait en ne postant jamais rien. Pourtant Babybatch (c'est ainsi qu’elle a surnommé Benedict Cumberbatch) est au centre de ses pensées. Il s’agit d’une adolescente de son époque mais sans l’être totalement. Très sensible, elle observe ceux qui l’entourent : de son nouveau professeur d’anglais à la voix basse qui n’arrive pas à se faire respecter à un garçon de sa classe tombé malade subitement, de ses parents à son amie d’enfance qui la laisse tomber. Par le biais d’un forum, elle fait la connaissance de deux fans françaises bien plus âgées qu’elle. Et avec l’une des deux Rachel qui a pratiquement l’âge de sa mère, elle garde contact et lui téléphone de temps en temps.
Avec un sens profond de l’observation et du détail, Isabelle Coudrier nous décrit la vie de Dominique sur un peu plus d'un an avec une justesse remarquable. Ses émotions, ses sentiments sont admirablement dépeints tout comme ses questionnements ou comment elle perçoit le monde extérieur, les agissements de chacun. Et les dernières pages sont d’une beauté douloureuse sans égale.
L’écriture d’Isabelle Coudrier est magnifique car elle analyse finement. Un coup de cœur que j’ai eu du mal à quitter, il s'agit d'un livre impeccable, prenant, magnétique !
Partant ce n'était pas tout à fait de l'amour, seulement de l'obsession. Mais Dominique en était arrivée au point où elle se demandait si elle pouvait aimer autrement.
Il était peu ordinaire d'une jeune fille prît la peine d'anticiper à ce point sur son existence, qu'une adolescente de quinze ans se projetât ainsi, éprouvant déjà la nostalgie d'un présent impossible à vivre. C'était une bizarre façon d'avancer, de ne pas avancer, et Dominique la déplorait secrètement. Ignorant s'il s'agissait du sort commun ou si elle était seule à éprouver ce sentiment, elle préférait prudemment le passer sous silence. Si c'était une faiblesse, comme elle le craignait, mieux valait n'en parler à personne.
Un grand merci à Babelio.
Le billet de Cuné
Lu de cette auteure : J'étais Quentin Erschen
A quinze ans, Dominique est une adolescente sage, sérieuse et assez solitaire. Elle n’a pas de loisirs et n’est pas du genre à traîner dans le centre commercial de la petite ville où elle habite. Bonne élève, elle entre au lycée où elle retrouve son amie depuis l’enfance. Mais depuis qu’elle a découvert trois ans plus tôt par la série Sherlock l’acteur anglais Benedict Cumberbatch, elle passe beaucoup de temps sur internet à suivre son actualité, à lire tout ce qui lui est consacré sur les forums alimentés par des fans. Elle fait partie de cette communauté qui voue à l’acteur un amour inconditionnel mais contrairement aux autres, Dominique reste un peu en retrait en ne postant jamais rien. Pourtant Babybatch (c'est ainsi qu’elle a surnommé Benedict Cumberbatch) est au centre de ses pensées. Il s’agit d’une adolescente de son époque mais sans l’être totalement. Très sensible, elle observe ceux qui l’entourent : de son nouveau professeur d’anglais à la voix basse qui n’arrive pas à se faire respecter à un garçon de sa classe tombé malade subitement, de ses parents à son amie d’enfance qui la laisse tomber. Par le biais d’un forum, elle fait la connaissance de deux fans françaises bien plus âgées qu’elle. Et avec l’une des deux Rachel qui a pratiquement l’âge de sa mère, elle garde contact et lui téléphone de temps en temps.
Avec un sens profond de l’observation et du détail, Isabelle Coudrier nous décrit la vie de Dominique sur un peu plus d'un an avec une justesse remarquable. Ses émotions, ses sentiments sont admirablement dépeints tout comme ses questionnements ou comment elle perçoit le monde extérieur, les agissements de chacun. Et les dernières pages sont d’une beauté douloureuse sans égale.
L’écriture d’Isabelle Coudrier est magnifique car elle analyse finement. Un coup de cœur que j’ai eu du mal à quitter, il s'agit d'un livre impeccable, prenant, magnétique !
Partant ce n'était pas tout à fait de l'amour, seulement de l'obsession. Mais Dominique en était arrivée au point où elle se demandait si elle pouvait aimer autrement.
Il était peu ordinaire d'une jeune fille prît la peine d'anticiper à ce point sur son existence, qu'une adolescente de quinze ans se projetât ainsi, éprouvant déjà la nostalgie d'un présent impossible à vivre. C'était une bizarre façon d'avancer, de ne pas avancer, et Dominique la déplorait secrètement. Ignorant s'il s'agissait du sort commun ou si elle était seule à éprouver ce sentiment, elle préférait prudemment le passer sous silence. Si c'était une faiblesse, comme elle le craignait, mieux valait n'en parler à personne.
Un grand merci à Babelio.
Lu de cette auteure : J'étais Quentin Erschen
lundi 1 février 2016
Evains Wêche - Les brasseurs de la ville
Editeur : Philippe Rey - Date de parution : Janvier 2016 - 190 pages à découvrir!
Haïti, dans un des quartiers pauvres éloignés du centre de Port-au-Prince, une famille comme tant d’autres survit au jour le jour. Le père est maître pelle sur un chantier, un travail harassant et difficile. la mère est « marchande ambulante de serviettes, parfois repasseuse. (..) La bonne à tout faire quand la rue ne donne rien ». Et cinq enfants à nourrir souvent difficilement. Leur fille adolescente Babette l’aînée fait la fierté de ses parents : belle et intelligente. Ils lui imaginent un bel avenir différent du leur. Un homme beaucoup plus âgé qu’elle la remarque. C’est un homme d’affaires riche et marié M. Erickson qui vient souvent à Haïti. Il gâte Babette et est effrayé par l’endroit où ils habitent. Alors il leur offre de loger dans une belle maison dans un autre quartier mais en contrepartie il veut que Babette vive avec lui.
Dans ce roman où le père et la mère prennent tour à tour la parole, on assiste au tournant bien loin d’être rose que prend la vie de l’adolescente. Elle est « la chose » de M. Erickson, une de ses maitresses entretenues. Et ses parents sans vouloir se l’avouer ressentent la honte et la culpabilité d’avoir cédé à ce marchandage. Ils ne voient plus Babette et découvre avec douleur et rage qu’elle tourne dans des films pornographiques sous la houlette de M. Erickson. Je n’en dirai pas plus sur la suite.
Dans ce premier roman, Evains Wêche dresse un portrait sans complaisance d’un système gouverné par la corruption et les pots de vin mais il critique également la communauté internationale et les ONG. Mais il n'oublie pas ce courage si caractéristique des habitants d'Haïti. Même si je n'ai pas retrouvé ici le phrasé que j'aime tant dans la littérature haïtienne, ce livre par son regard sans concession bouscule et est à découvrir !
Tout ici est une question de couleur. Dis-moi quelle couleur tu portes, je te dirai qui tu es. Comme moi, les SDF vont et viennent ici et là, brassant l'air de la ville. Et la couleur, c'est une question de famille. Ma mère, si ce n'est pas mon père porte, portait joyeusement une chemise trop large à grosses fleurs rouges sur une jupe longue à petites fleurs jaunes ou un pantalon vert. C'était le seul moyen de couleur et sa vie. Depuis nous sommes arc-en-ciel.(...) À Port-au-Prince, c'est chaque jour le carnaval.
Quand je descends en ville, je suis toujours impressionnée. On explique pas Port-au-Prince . On vit Port-au-Prince. Je n'ai jamais vu quelqu'un s'habituer à cette ville, elle impressionne toujours. Pour moi, Port-au-Prince est un cri de douleur. L'accouchement de la vie est un film d'horreur ou les acteurs croient que tout est normal. Comment dire Port-au-Prince? Cette ville est un piège. Cette ville est un examen. Pour avoir droit de cité, le nouveau venu doit y passer. J'habitais attends sur l'avenue Pouplard. les choses n'étaient pas si terribles, mais le bruit faisait déjà la pluie et le beau temps.
Haïti, dans un des quartiers pauvres éloignés du centre de Port-au-Prince, une famille comme tant d’autres survit au jour le jour. Le père est maître pelle sur un chantier, un travail harassant et difficile. la mère est « marchande ambulante de serviettes, parfois repasseuse. (..) La bonne à tout faire quand la rue ne donne rien ». Et cinq enfants à nourrir souvent difficilement. Leur fille adolescente Babette l’aînée fait la fierté de ses parents : belle et intelligente. Ils lui imaginent un bel avenir différent du leur. Un homme beaucoup plus âgé qu’elle la remarque. C’est un homme d’affaires riche et marié M. Erickson qui vient souvent à Haïti. Il gâte Babette et est effrayé par l’endroit où ils habitent. Alors il leur offre de loger dans une belle maison dans un autre quartier mais en contrepartie il veut que Babette vive avec lui.
Dans ce roman où le père et la mère prennent tour à tour la parole, on assiste au tournant bien loin d’être rose que prend la vie de l’adolescente. Elle est « la chose » de M. Erickson, une de ses maitresses entretenues. Et ses parents sans vouloir se l’avouer ressentent la honte et la culpabilité d’avoir cédé à ce marchandage. Ils ne voient plus Babette et découvre avec douleur et rage qu’elle tourne dans des films pornographiques sous la houlette de M. Erickson. Je n’en dirai pas plus sur la suite.
Dans ce premier roman, Evains Wêche dresse un portrait sans complaisance d’un système gouverné par la corruption et les pots de vin mais il critique également la communauté internationale et les ONG. Mais il n'oublie pas ce courage si caractéristique des habitants d'Haïti. Même si je n'ai pas retrouvé ici le phrasé que j'aime tant dans la littérature haïtienne, ce livre par son regard sans concession bouscule et est à découvrir !
Tout ici est une question de couleur. Dis-moi quelle couleur tu portes, je te dirai qui tu es. Comme moi, les SDF vont et viennent ici et là, brassant l'air de la ville. Et la couleur, c'est une question de famille. Ma mère, si ce n'est pas mon père porte, portait joyeusement une chemise trop large à grosses fleurs rouges sur une jupe longue à petites fleurs jaunes ou un pantalon vert. C'était le seul moyen de couleur et sa vie. Depuis nous sommes arc-en-ciel.(...) À Port-au-Prince, c'est chaque jour le carnaval.
Quand je descends en ville, je suis toujours impressionnée. On explique pas Port-au-Prince . On vit Port-au-Prince. Je n'ai jamais vu quelqu'un s'habituer à cette ville, elle impressionne toujours. Pour moi, Port-au-Prince est un cri de douleur. L'accouchement de la vie est un film d'horreur ou les acteurs croient que tout est normal. Comment dire Port-au-Prince? Cette ville est un piège. Cette ville est un examen. Pour avoir droit de cité, le nouveau venu doit y passer. J'habitais attends sur l'avenue Pouplard. les choses n'étaient pas si terribles, mais le bruit faisait déjà la pluie et le beau temps.
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