Éditeur : Plon - Traduit de l'anglais par Gérard Meudal - Date de parution : Septembre 2012 - 726 pages denses et un plaidoyer pour la liberté !
Le 14 février 1989, la vie de Salman Rushdie auteur des versets sataniques bascule. Il apprend par un journaliste que l'Ayatollah Khomeini a lancé une fatwa contre lui. Désormais sa tête a un prix. Durant neuf longues années, sa vie et celle de sa famille sont bouleversées. Il est placé sous protection policière en permanence et devient Joseph Anton un personnage clandestin. Sa liberté est réduite à néant. Son domicile ressemble à une forteresse, le peu de ses déplacements doit être approuvé par la police. Il est comme un prisonnier alors qu'il n'a commis aucun délit. S'il trouve du soutien auprès de ses amis, de certains écrivains ou de personne connues, son cas embarrasse à plus d'un niveau. Sur les places politiques, on lui offre un soutien déguisé devant les journalistes. Mais la diplomatie et les relations avec l'Iran sont pour certains pays plus importantes que le cas Salman Rushdie.
Au fil du temps, les médias s'insurgent du coût de sa protection payée par le contribuable, certains de ses éditeurs font marche arrière pour la publication des versets sataniques en livre de poche et d'autres prennent le risque. La fatwa est une pieuvre qui s'étend à tout ce qui touche l'auteur et son livre.
Si chaque 14 février est un anniversaire particulier, l'opinion publique semble lassée mais Salman Rushdie continue à se battre pour la liberté. Un combat qui mobilise tant d'énergie que l'auteur n'écrit plus ou presque. Sa vie d'homme, d'époux, de père, d'auteur et d'homme est en affectée. Face à des moments de solitude, il ne perdra jamais espoir ni son sens de l'humour.
En 1999, la fatwa est levée et Joseph Anton n'est plus mais la fondation 15 Khorad offre aujourd’hui 3,3 millions de dollars pour son meurtre...
Dans ce livre dense qui fourmille de détails, l'auteur a choisi de s'exprimer à la troisième personne. Sans se placer sur un piédestal, il se montre tel qu'il est toute franchise avec ses faiblesses et en revenant sur les erreurs qu'il a commises.
Malgré quelques longueurs, j'ai très vite été passionnée par ce livre qui interpelle et qui est une véritable mine de réflexions sur la liberté d'expression, l'Islam intégriste, les intérêts politiques qui peuvent hélas prendre le pas sur la vie d'un homme.
Un plaidoyer pour la liberté à mettre entre toutes les mains !
Un livre hérisson tant j'y ai inséré de marque-pages...
Il commençait à apprendre la leçon qui allait lui rendre la liberté : se laisser emprisonner par le besoin d'être aimé revenait à être enfermé dans une cellule où l'on éprouve d'infinis tourments et dont il est impossible de s'échapper. Il fallait qu'il comprenne qu'il y avait des gens qui n el'aimeraient jamais. Il pouvait toujours expliquer patiemment son travail, préciser clairement les intentions qu'il avait eues en écrivant, ils ne l'aimeraient pas. Les esprits qui ne raisonnaient pas, qui se laissaient guider par la foi absolue imperméable au doute ne pouvaient pas être convaincus par des arguments raisonnables. Ceux qui l'avaient diabolisé ne diraient jamais : "Au fond, il n'est pas Démoniaque". Il fallait qu'il se fasse une raison. De toute façon, lui non plus n'aimait pas ces gens-là. Du moment qu'il revendiquait clairement ce qu'il avait écrit et déclaré, du moment qu'il était en accord avec son travail et ses prises de positions publiques, il pouvait supporter d'être détesté. (...) Ce qu'il avait besoin de savoir précisément maintenant, c'était pourquoi il se battait. La liberté de parole, la liberté d'imagination, la fin de la peur et cet art ancien et magnifique qu'il avait le privilège de pratiquer. Mais aussi le scepticisme, l'irrévérence, le doute, la satire, la comédie et la jubilation profane. Il ne fléchirait jamais dans plus dans la défense de toutes ces choses.
L'histoire de sa petite bataille, elle aussi, touchait à sa fin. (...) il aurait été facile, après tout ce qui lui était arrivé, après l'énormité du crime commis contre la ville, de se laisser à haïr cette religion, aussi bien que ses fidèles, au nom de laquelle ces actes avaient été commis. (...) Il prit le parti de croire en la nature humain et dans l'universalité de ses droits, dans sa morale et dans sa liberté, et de résister aux sirènes du relativisme qui était la source même des invectives de ces armées de religieux (..) et de leurs compagnons de route.
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12 commentaires:
Parfait ton billet! Et bons passages.
Comme c'est pour Elle, on en verra d'autres, des billets, et tant mieux.
@ Kaisha : ; oui, le prix ELLE va mettre ce livre en avant et c'est tant mieux !
Un plaidoyer pour la liberté qui t'aurait laissée insensible, je me serais fait du souci, tu n'aurais plus été notre Clara! ;-)
@ Gwen : en effet:))))
Ce doit être passionnant. Faut-il nécessairement selon toi avoir lu Les versets sataniques avant de se pencher sur cette bio ?
Et dire qu'il est toujours vivant. Un sacré pied de nez.
@ Bladelor : non pas nécessairement justement car il explique le contenu des versets sataniques et ce pourquoi il l'avait écrit.
@ Alex : oui ! Un homme qu'on ne peut peut que respecter. Il représente des hommes, des femmes qui luttent pour la liberté d'expression ou/et qui sont victimes de l'intégrisme religieux par leurs opinions.
C'est à ce type d'épreuve qu'on se rend compte que Voltaire avec son Zadig n'en finit pas d'être moderne. Bises
Je disais donc :-) que je viens de finir un livre qui s'appelle "le prix à payer" et qui est l'autobiographie d'un Irakien musulman qui décide de se convertir au catholicisme. Une fatwa a été émise contre lui, et il vit aujourd'hui en tant que réfugié, caché, à Paris.
Je lirais sûrement celui-ci, mais je vais attendre un peu...
J'ai découvert Salman Rushdie de deux façons différentes à la même époque quand je suis entrée en fac d'anglais, j'y ai étudié Haroun and the sea of stories et parallèllement je lisais Hanif Kureishi, son black album où il était justement question de cette fatwa sans jamais nommer Rushdie me semble-t-il, du coup j'ai pas mal été intriguée par cet auteur. As-tu lu les versets sataniques? Je n'ai pas pu j'ai abandonné au bout de quelques pages, d'ailleurs dans la bibliothèque municipale où je l'avais emprunté il fallait demander une autorisation pour pouvoir l'emprunter! un comble tout de même, mais je me suis dit que c'était sans doute pour le "protéger"...
Une histoire qui m'a toujours fasciné. Comment peut on arriver à vouloir tuer un homme pour ses écrits ? Comment cet homme est obligé de mener une autre vie. Sans faire injure à S. Rushdie, on se croirait presque dans un film états-unien...
C'est pour le grand prix des lectrices Elle de 2014 ?
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