dimanche 18 novembre 2012

Vie de phalène

Chez Gwen, les plus téméraires ont écrit  un poème, j'ai opté pour un texte où il fallait inclure ces dix titres de Patrick Modiano:
  1. L’herbe des nuits
  2. Dans le café de la jeunesse perdue
  3. Un cirque passe
  4. Chien de printemps
  5. Fleurs de ruine
  6. Vestiaire de l’enfance
  7. Rue des boutiques obscures
  8. De si braves garçons
  9. La ronde de nuit
  10. La petite Bijou

Dans le vestiaire de l’enfance
Elle va d’un pas hésitant
Passant des bras de sa mère aux jeux avec ses cousines plus grandes.
Calme, enfant peu bavarde et toujours conciliante
Un cirque passe laissant une traînée d’étoiles dans ses yeux.
Elle articule  une poupée sans savoir que
Dans quelques années,
Accompagnée de si braves garçons elle ira à la ville voisine
Passer ses samedis soirs
L’œil noirci au crayon, et toujours à sa bouche rouge provocante une cigarette allumée,
Une fois la portière claquée rue des boutiques obscures
Elle enfilera des bas volés à sa mère et une jupe courte cachée dans son sac.
Menant sa troupe masculine, rougeauds et maladroits, mal à l’aise sous les néons urbains.
Dans le café de cette jeunesse perdue, elle pensera radieuse se glisser dans la doublure des jours.
Et vivre plus intensément.
Elle reviendra aux lueurs du jour,
L’herbe des nuits folle humide collant à ses bottes,
Le rimmel coulé sur les joues, les cheveux emmêlés,
Prenant le temps de regarder la campagne se réveiller
D’écouter le silence, d’embrasser d’un regard ce pays qu’elle trouverait morne, vieillot.
Dans la ronde des nuits passées à refaire le monde sur des fleurs de ruine,
Elle trouvera la mère assise dans son vieux fauteuil en velours.
Visage pâle et tendu, rongée par l’inquiétude.
Phalène attiré part la lumière, elle aura accumulé des trésors de strass et de pacotille.
Butin qu’elle aimera imaginer de diamant.
Aux reproches, elle  criera qu’elle veut partir de ce trou.
La mère hochera la tête, lui répétant qu’elle est mineure  et elle, elle lui jettera à la face l’absence  d’un père, une vie aux vêtements donnés par les cousines.
Elle claquera le porte,  ira se blottir auprès  de Petite Bijou son chien de printemps trouvé dans un chemin.
L’épicentre de l’amour maternel  sera fendu. Blessé à jamais.
Quelques  semaines plus tard,  elle rencontrera un  garçon  qui la fera rougir.
Une nuit qu’elle passera dans une voiture révélant sa nudité pour s'offrir entière.
Dix-huit et des poussières, la robe de mariée tendue sous le ventre bien arrondi.
On pensera que c’est beau l’amour, qu’on a toute la vie devant soi.
L’année suivante, entres les pleurs du petits et le mari presque jamais là, on regrettera le lycée abandonné.
Et déjà la routine installée. Usante, corrosive et aride.   
Les soirées devant la télé et toujours regarder à la dépense.
A vingt ans, on se dira heureuse en cachant ses larmes dans les cheveux de l’enfant.

5 commentaires:

Jacques a dit…

Bravo...
Clara très inspirée ...jouant avec les mots...toute en sensibilité...un très joli moment...merci...bises...
Jack

Yv a dit…

J'ai manqué de témérité, et j'ai détourné le sujet. Serai-je puni ? ;)

Irrégulière a dit…

Bravo !

Mangolila a dit…

Pas facile! Tu t'en sors bien! Bravo!

Clara et les mots a dit…

@ Jacky : inspirée par l livre la grande bleue de N. Démoulin . Merci !

@ Yv : mais non...

@ Irrgulière @ Mangpo : oh, je vais rougir...