jeudi 30 décembre 2010

Louise Erdrich - La chorale des maîtres bouchers

Éditeur : Livre de poche - Date de parution : 16/05/2007 - 568 pages

1918, Allemagne. De retour du front, Fidelis, jeune soldat, décide de partir s’installer en Amérique. Il possède un peu d’argent mais surtout une valise remplie de couteaux de bouchers et de saucisses car dans sa famille, on est boucher de père en fils. Il se pose à Argus, dans le Dakota du Nord. A force de travail, il parvient à monter sa propre affaire et à faire venir sa femme et son fils d’Allemagne.

Voilà comment débute ce roman riche et foisonnant. Car l’histoire de Fidelis, de sa femme Eva et ses quatre garçons se poursuit jusqu’en 1950. Loin d’être uniquement centrée sur cette famille, il y également Delphine et Cyprian qui présentent des numéros de cirque, sillonnant le pays. En revenant à Argus où le père de Delphine vit toujours, ils y resteront. Delphine va s’occuper de son père Roy, alcoolique notoire, et nouera une amitié forte avec Eva. Le couple qu’elle forme avec Cyprian est atypique. Delphine est avec Fidelis un pivot central de ce roman. La boucherie de Fidelis prospèrera mais Argus n’échappera pas à la Grande Dépression. Puis, la Seconde Guerre Mondiale alors que deux des fils de Fidelis sont retournés en Allemagne. Tout au long du livre, les blessures et les plaies morales de la Première Guerre Mondiale hantent Fidelis et jalonnent le récit. Il y a autant de personnages secondaires comme Tante, femme aigrie venue d’Allemagne, Clarisse, l’amie d’enfance de Delphine qui travaille dans les pompes funèbres, Un-Pas-et-Demi la clocharde un peu inquiétante qui font la diversité et la richesse de ce roman. Bien plus qu’une saga familiale inscrite dans la Grande Histoire, c’est l’histoire de toute une communauté et j'ai vécu un immersion totale ! J’ai été emballée, conquise et j’avais presque envie de dire voilà un vrai bon roman ! Sauf que les cent cinquante dernières pages me sont apparues un peu trop rapides et moins étoffées que le reste. Dommage...il n’empêche que j’ai passé un superbe moment de lecture !

Merci à Sylire de m’avoir offert ce livre,  je vais aller lire le billet de Théo (du blog Blogoculture) avec qui nous en avons fait une lecture commune.

mardi 28 décembre 2010

Jeanne Benameur - Laver les ombres

Éditeur : Actes sud - Date de parution : 15/08/2010 - 157 pages sublimes...

Léa, 38 ans est chorégraphe et  danseuse. La danse c’est sa vie et le moyen pour elle de maintenir un équilibre. Mais, quelque chose au plus profond d’elle même l’empêche de s’investir dans sa relation avec Bruno. Sa mère l’appelle, dit qu’elle aura quelque chose à lui dire. Malgré la  tempête qui s’annonce, Léa rejoint Romilda dans sa maison près de la mer.
Après Les Demeurées et Les mains libres , quel bonheur de retrouver l’écriture d’orfèvre de Jeanne Benameur ! Des phrases courtes, concises, des mots portés à leur apogée par cette écriture ciselée. Onze tableaux pour partager, découvrir Léa, sa mère et Bruno. Léa se sert de son corps comme créateur d’émotions par la danse. Maîtrise absolue des mouvements pour atteindre la perfection. Mais, Léa craint de vivre pleinement son amour avec Bruno. Lui qui  fixe dans l’immobilité de la peinture les expressions.  Quand il lui demande de poser pour lui, Léa s’enfuit. En parallèle, entre passé et présent,  l’histoire de Romilda apparait. La honte qu’elle éprouve est un fardeau. Elle a décidé de tout raconter à Léa. Mère et  fille vont se retrouver, elles qui sont distantes et si liées. Romilda va confier son lourd secret à sa fille et lui dévoiler l’autre facette de son père.
Je n’en dirai pas plus… Les mots au cœur de la tempête vont trouver leur place et permettre à Léa de comprendre. Admirable…
Une fois de plus, j’ai vibré à la lecture de ce roman. J’ai relu certains passages par pur plaisir …Un coup de cœur !
D’autres avis chez l’ami BOB.
Danser c’est se trouver, seule, à croisée du vertical et de l’horizontal. C’est la seule place qu’elle, Léa, sait tenir.
Elle imagine. De toute sa force, elle imagine. Dans le corps de sa mère, elle pénètre, elle se lève. Elle insuffle la danse. Parce que la danse, c’est ça. C’est toujours ça, des corps qui se relèvent.

lundi 27 décembre 2010

Georges Perros- Papiers collés

Éditeur : Gallimard - Date de parution : 02/08/1999 - 216 pages

Quatrième de couverture :
Volontairement, paresseusement, éperdument, Georges Perros note. Bribes et morceaux ; fulgurations, colères, angoisse, apaisement, selon l'humeur, la lecture, le lieu, bref comme tout le monde vit : par moments, par éclairs, par éclats.
«... Pour ne rien perdre de cette incessante lecture, tout m'est bon - bouts de papier, souvent hygiénique, tickets de métro, boîtes d'allumettes, pages de livre. J'en suis couvert.» D'où aujourd'hui ces papiers distribués, collés, un livre - la chambre de l'esprit, mais à travers laquelle passe cet air de fête ou ce vent fou qui les a fait se détacher de la vie.
Comment et pourquoi  avoir lu cet auteur? Parce que mon chanteur chouchou ( c'est à dire Miossec... pour ceux et celles qui l'ignorent encore) s’en inspire pour écrire certaines de ses chansons. Lors de ses concerts, il fait souvent référence à cet auteur venu s’installer  à Douarnenez. Papiers collés ce sont  ce sont autant de réflexions, de pensées sur l’homme, l’amour, la vie… Autant vous  dire tout de suite que j’ai aimé ! Cette écriture m’a séduite et le contenu m’a comblée!
Saisir l’instant présent  et l’écrire, Georges Perros l’a fait avec brio. Ce qui donne cette  précision dans la concision des mots.  J'ai picoré ces petites phrases couchées au gré des humeurs, alchimie qui donne toute une originalité à ce livre.  Du sérieux au gai, de l’ironie à l’amour. On y réfléchit à ces mots griffonnés qui interpellent ou qui font sourire ! Que demander de plus ? Le deuxième et le troisième volume de ces papiers collés…tout simplement.
Le bonheur est un devoir, etc. Et  puis quoi, encore ?
Aucun peintre n’a pris la mer.
L’ écriture a cette vertu de nous faire exister quand nous n’existons plus pour personne. De là sa magie, sa divine hérédité. Au comble du malheur de n’être plus aimé, sans qu’il y ait faute de part et d’autre, le seul acte d’ écrire qu’on n’est plus aimé soulage un peu (…)

dimanche 26 décembre 2010

Fabrice Colin - La vie extraordinaire des gens ordinaires

Éditeur : Flammarion - Date de parution : 02/09/2010 - 328 pages

Vingt et une nouvelles et un fil conducteur, le narrateur. Vingt et une tranches de vies peu courantes de personnes rencontrées aux quatre coins du globe par un homme qui a voyagé. Cet homme et sa rencontre avec l’auteur forme elle aussi une nouvelle car en fait, rien n’est banal.
En préface, Fabrice Colin nous explique qui a écrit ce livre. Ce n’est pas lui mais un homme hospitalisé, malade qui se savait condamné. Cet homme a bourlingué pour  chercher à rencontrer des gens qui ont vécu des choses extraordinaires. Il a écrit chacune de ces histoires et à demander à Fabrice Colin d’en faire un livre.  Le premier récit où il est question d’un chasseur de nuages m’a un peu désarçonnée. Eh oui, car le fantastique, le surnaturel ou l’irrationnel rentrent en compte dans la vie de certains de ces personnes. Et puis, il y a ceux et celles dont l’existence a été modifié ou qui ont changé leur perception de la vie. Une jeune fille qui a perdu son ticket de loto gagnant, un surfeur  âgé qui attend la vague, celle qu’il voit en rêves depuis des années.  Chaque rencontre est différente, une surprise en  soi !
J’en ai aimé plus que d’autres, certaines m’ont fait sourire comme l’homme qui est roi d’un mini-royaume, d’autres m’ont émue. Libre à chacun d’y croire ou non.  
Toutes ces personnes nous délivrent un message sur la vie et on ne peut être que réceptif ...
Etre heureux, ça s’apprend sans réfléchir.

jeudi 23 décembre 2010

Fausser la réalité

21/12
Rendez-vous chez le coiffeur.  Je n’ai pas de salon de coiffure  attitré. J’aime changer pour ne pas prendre des habitudes et rester une cliente quelconque. La jeune femme me demande « vous êtes en vacances ? ». Nos regards se croisent  par le jeu du miroir. Avec cette question, elle m’offre  la possibilité sans le savoir de m’inventer une autre vie le temps de quelques minutes.  Je peux dire ce que je veux. Mentir, fausser la réalité. Une question simple qui prend l’allure d’une perche tendue vers d’autres existences.  Je réponds « oui » mais je ne soutiens plus son regard. J’ai baissé les yeux…Fin de la conversation.

22/12
Comme chaque année, le marché de Noël occupe la place de la liberté. Baraques en bois et vendeurs de barbe à papa et autres douceurs sucrées. Des chapelets de famille sur trois générations, des grappes d’ado parsèment la  place dans le grincement métallique des manèges. On y vient pour croquer des pommes d’amour, bouches rouges et poisseuses, ou tout simplement pour flâner. Mais les enfants sont là pour le père Noël. Juste avant de gagner mon arrêt de bus, j’observe un couple et son petit garçon qui s’y rendent. Avant de s’enfoncer dans cette masse joyeuse, le petit garçon s’arrête. Il glisse sa main de celle de son père et court vers le père Noël. Un père Noël en bon uniforme et qui de surcroit joue de l’accordéon. L’enfant le regarde, admiratif. Le père arrive et lui dit « non, ce n’est pas le vrai père Noël ». Les mains continuent de jouer des notes qui s’envolent dans le ciel. L’enfant ne semble pas comprendre. Le père insiste « regarde, le père Noël  est là bas ». Tous les trois  rejoignent le marché de Noël. Prendre une photo de son enfant devant ce père Noël ? Non mais, n’y pensez- pas ! Un père Noel qui flotte dans son costume. Pas de ventre rebondi ou de joues rouges mais des pommettes saillantes et  un regard perdu dans le vague.  Hors de question ! Sans compter la coupelle en fer usée où quelques pièces de monnaie gisent….Ca ferait désordre dans l’album de famille.

Annie Ernaux - Les années

Éditeur : Gallimard - Date de parution : 14/01/2010 - 254 pages

Extrait de la quatrième de couverture :Au travers de photos et de souvenirs laissés par les événements, les mots et les choses, Annie Ernaux nous fait ressentir le passage des années, de l'après-guerre à aujourd'hui. En même temps, elle inscrit l'existence dans une forme nouvelle d'autobiographie, impersonnelle et collective.
Je crois que cet extrait de la quatrième de couverture résume on ne peut mieux ce livre. Et quel livre ! A partir d’une première photo sépia qui représente un bébé en 1941 à  des photos de famille qui jalonnent sa vie, Annie Ernaux nous livre une chronique sociale et culturelle de notre pays. La facilité  aurait été de s’en tenir  à des faits historiques et  politiques. Elle va beaucoup plus loin étayant ce récit d’une multitude de détails. La France après guerre, les classes moyennes, le changement des mentalités, la soif de consommation et surtout la place de la femme. Des femmes ayant accès aux études, qui travaillent et qui ont des enfants mais aussi le droit à l’avortement. Son parcours n’est plus personnel, le « je » s’efface et fait place  à  « on », « nous ».  Une narration représentant le chemin de  femmes et  d’une génération.  L’histoire personnelle de l’auteure se glisse à travers les années.  Cette lecture ouvre les portes de notre mémoire et des souvenirs que je croyais oubliés ont surgi… L’écriture percute, on revit  tous ces changements si nombreux effectués en quelques dizaines d’années.
Une fois de plus et bien qu’en étant plus jeune qu’Annie Ernaux, je me suis retrouvée dans ce livre sur bien des points. Un livre indispensable qui m’a fait vibrer … Je pense que ce livre s’adresse à tout le monde car  il s’agit d’une autobiographie collective.
Le progrès était dans l’horizon des existences. Il signifiait le bien-être, la santé des enfants, le savoir, tout ce qui tournait le dos aux choses noires de la campagne et à la guerre. Il était dans le plastique et le Formica, les antibiotiques et les indemnités de la sécurité sociale, l’eau courante sur l’évier et le tout- à-l’égout, les colonies de vacances, la continuation des études et l’atome. Il faut être de son temps, disait-on à l’envi, comme une preuve d’intelligence et d’ouverture d’esprit.
Merci à Canel qui m’a offert ce livre, il y a bien des mois. J’ai attendu de le lire mais j’ai profité de chaque mot de ce livre….. et un de moins dans ma PAL ! Alors qu'est ce qu'on dit Antigone?
De nombreux avis chez l'ami BOB

mardi 21 décembre 2010

Judy Pascoe - L'arbre du père

Éditeur : 10 x 18 - Date de parution : 19/08/2010 - 190 pages


Simone a 9 ans lorsque son père décède. La maison familiale est  construite à côté d’un somptueux arbre. Simone va découvrir que son père lui parle à travers les branches du Flamboyant et elle va mettre sa mère dans la confidence. Encore bouleversée par la mort de son mari, sa mère va y trouver un refuge et un réconfort. Mais l’arbre menace de détruire la maison par ses racines puissantes qui s’étendent.
Il s’agit du résumé du livre car j’ai vu également  le film. Et, l’adaptation de ce livre s’est avérée très belle ! Commençons par le livre… L’histoire est racontée par Simone. Ce n’est pas l’enfant de 9 ans qui parle mais une jeune adulte qui revient sur ces années et ces mois difficiles. La mort de son père a un âge relativement jeune et une mère broyée par le chagrin. Simone est convaincue que l’âme de son père est dans l’arbre à coté de leur maison.  Il lui parle à travers le feuillage de l’arbre. Simone persuadée que sa mère ira mieux  lui confie son secret. Cet arbre va devenir le pilier de la reconstruction de la famille. Sauf qu’il menace leur maison.  Que faut-il faire ?  A travers la question qui semble simple : abattre l’arbre ou se résigner à le voir détruire la maison,  il s'agit d'une réflexion sur  le père défunt et de sa place dans cette famille qui tente d'avancer.

Dans le film de Julie Bertuccelli où Charlotte Gainsbourg joue à merveille le personnage de la mère, on retrouve bien entendu la trame générale mais des points diffèrent.
J’ai aimé le livre et  j'ai été très touchée par le film ! Et je ne peux que les conseiller tous les deux ! L’un et l’autre traitent avec justesse du deuil et de la place que nous accordons dans nos vies à ceux qui sont morts. Les phases de découragement et celle d’envie d’aller de l’avant, de continuer de vivre sont très touchantes sans tomber dans des excès.  Il se dégage du livre comme du film beaucoup de sensibilité...
Un grand merci à Antigone pour le livre ! Les billets de Cathulu, Mirontaine et Mélusine.

dimanche 19 décembre 2010

Juste une nuit

Dernier atelier d'écriture de l'année chez Gwen avec comme consigne : Fermez les yeux. Vous vivez sereinement dans une ville grande ou petite. Vous êtes en couple, avez peut-être des enfants, une situation stable. Tout va bien. Jusqu’au jour où vous recevez une lettre. Signée d’un prénom que vous ne connaissez que trop bien. Celui de votre amour de jeunesse, que vous avez perdu de vue depuis dix, quinze, vingt (trente, quarante?) ans. Et cet amour a besoin de vous et vous donne rendez-vous dans une semaine, dans un café, un restaurant, un musée, à deux pas de chez vous… Racontez…


Louise s’occupait de ses rosiers quand le facteur est passé.
-Bonjour Madame Aubret, du courrier pour vous aujourd’hui !
-Oh, merci ! J’attends des nouvelles de ma petite fille. Vous savez celle qui est partie en  Angleterre. Elle a promis de m’écrire.
Le facteur regarde le tampon :
-Ah non, c’est une lettre de France. Bon allez, j’y vais. Bonne journée.
Louise tient la  lettre dans ses mains. Elle  ne reconnait pas dans les lettres appliquées  et rondes l’écriture de  ses enfants ou ses petits-enfants.  Elle pose son sécateur et rentre dans sa cuisine pour l’ouvrir. Elle hésite à se réchauffer un petit café car à son âge, 75 printemps passé, le docteur lui a conseillé d’en boire un peu moins. Lentement, elle décachète l’enveloppe et d’un geste machinal, vérifie que ses lunettes sont sur son nez. Elle lit à voix haute, les sourcils froncés : Chère Louise, tu seras sûrement étonnée d’avoir de mes nouvelles et peut-être que tu ne souviens plus de moi. Moi je ne t’ai pas oublié ni cet été de 1954. J’avais été engagé comme journalier à la ferme de tes parents.
Louise s’interrompt dans sa lecture et  laisse s’échapper un oh mon dieu…
La suite tu la connais. Je suis revenu dans la région depuis peu. J’ai trouvé ton adresse dans l’annuaire et j’aimerai te revoir. Je conduis toujours et je peux venir te rendre visite vendredi en fin d’après-midi. Je n’ai pas oublié le chemin de la maison de tes parents. Si tu veux me voir, utilises-notre signal. Affectueusement, Jean Pontier.
La lettre est posée sur la nappe cirée. Louise a le cœur qui palpite. Elle cherche ses médicaments dans la poche de son gilet, en prend un et l’avale. Jean est vivant. La nouvelle a l’effet d’une bombe. Un deuxième cachet  pour apaiser son cœur. Tout lui revient en mémoire. Non, elle n’a pas oublié Jean, ce jeune homme de 21 ans qu’elle avait aimé au premier regard. Il était arrivé en mai ou en avril à la recherche de travail. Ses parents avaient agrandi l’exploitation et faisaient souvent appel à des saisonniers. Il était arrivé un peu par hasard, adressé par un autre fermier de la région. Courageux et travailleur, son père avait dit oui. Il logeait avec les autres employés dans une partie de la maison. A chaque fois qu’ils se croisaient, l'un et l'autre rougissaient. Un soir de juillet, ils se sont retrouvés seuls dans la grange. Louise y était venue mettre des pots de confiture faits le jour même. Jean l’a prise par la main et l’a embrassé. C’était la première fois que ses lèvres en touchaient d’autre. Pendant tout l’été, ils ont multiplié les rendez-vous. Quand Louise pouvait se libérer, elle laissait pendre par la fenêtre de sa chambre un pan du rideau. Louise s’en fichait de la situation de Jean mais pas son père. Quand Jean triturant casquette  dans ses mains, endimanché, s’était présenté peur demander la main de Louise, son père l’avait renvoyé. Sa fille épouser un homme sans terre, sans bien, c’était inconcevable. Blessée et inconsolable, Louise s’était enfermée dans un silence. Elle avait perdu sa gaieté et l’appétit. Elle passait la plus part de son temps dans sa chambre. Quelques mois s’étaient écoulés et son père, un soir, le visage rembruni lui avait dit que Jean était mort. Il avait appris la nouvelle au marché à bestiaux. Deux ans après, elle  s’était mariée à Victor. Le soir de sa nuit de noces, elle avait fermé les yeux et s'était offerte à Victor en pensant à Jean.
Louise essuie de sa main une larme qui coule sur sa joue. Ainsi donc, son père lui avait menti et s’était éteint sans même oser lui dire la vérité. Oh, Victor avait été un bon mari et  un bon père mais dans son cœur, il y avait toujours une place pour Jean.
Vendredi, elle ouvrira la fenêtre de la cuisine et poussera le rideau à l’extérieur. Elle l’attendra et quand il arrivera, elle posera sa main sur ses lèvres. Ils iront s’allonger sur son lit et s’endormiront enlacés. Elle veut juste passer la nuit à ses côtés, une nuit pour effacer le souvenir de centaines d’autres qui n’ont pas eu lieu.

Michael Chabon - Des garçons épatants

Éditeur : Robert laffont - Date de parution : 10/11/2010 - 552 pages

Extrait de la présentation Editeur  : Devenu adulte et professeur de lettres à l’université de Pittsburg, Grady travaille, ou plutôt se débat depuis près d’une décennie avec son nouveau roman, un manuscrit proche de l’absurde et bourré d’inutiles digressions de plus de deux mille pages, intitulé Des garçons épatants. La vie de Grady est aussi peu linéaire que son roman. Tout juste quitté par sa femme, il vient d’apprendre que sa maîtresse Sara, la présidente de son université, la femme de son supérieur hiérarchique, est enceinte de lui. Et comme si cela ne suffisait pas, Grady se convainc qu’il est passionnément amoureux d’une de ses étudiantes, la jeune Hannah…
Autour de Grady gravitent deux autres personnages principaux : Terry Grabtree, flamboyant et cynique explorateur de diverses drogues et autres plaisirs, qui vient de se faire virer de son poste d’éditeur, et James Leer, un des plus fervents disciples de Grady, jeune homme anxieux et fragile, mythomane avéré et atteint d’une attirance morbide pour les suicides de stars hollywoodiennes.
Et oui, j’ai eu la paresse de faire un résumé car si j’ai  débuté ma lecture sur des chapeaux de roue, je l’ai terminé non seulement désenchantée mais en diagonale
L’écriture m’a séduite au départ avec le cocktail humour et ironie. Ajouter à cela un rythme sans temps mort, des situations assez incongrues et j’étais sur un petit nuage. Mais le fameux mais, au bout de 200 pages, entre les verres de whisky que Graddy s’enfile pratiquement en continu, et ses fumettes, je crois avoir fait moi-même un certain malaise.  Lassée de Graddy et de tout son entourage, mon engouement est tombé aussi vite qu’un soufflé sorti trop tôt du four.  Après que tout ce petit monde se soit agité et fatigué,  ça s’englue. Les péripéties n’en sont plus (ou alors c’est parce qu’il y en a eu de trop au départ), bref j’ai trouvé que le tout s’embourbait.
Je voulais découvrir cet auteur, c’est chose faite. De là à tenter  un autre de ses livres, c’est une autre histoire…
L’avis de Voyelle et consonne

samedi 18 décembre 2010

Amour, paix ... et Hymnes à la haine

Et bien oui, en cette période où la fraternité est de mise, je mets Hymnes à la haine  en livre voyageur. J’ai mesuré l’enveloppe, elle fait moins de 2 cm d’épaisseur et passe comme une lettre à la poste ! Oui, je sais, mon jeu de mots est archi nul mais j’assume…
Tiens d’ailleurs, si chère Dorothy Parker était toujours parmi nous, je me demande ce qu’elle aurait écrit à notre sujet. Non, pas de poème assassin de ma part car je dois penser  à ma future bonne résolution ...écrire du gai !

vendredi 17 décembre 2010

Nancy Huston - Prodige

Éditeur : Actes Sud - Date de parution : 2001 - 173 pages

Lara, pianiste, met au monde sa fille  Maya bien avant terme. L’enfant est une grande prématurée. Lara est  présente chaque jour à ses côtés dans ce combat pour la vie. Lui parler mais surtout  lui raconter, lui transmettre et lui insuffler la musique. Robert son mari s’éclipse devant cette  relation. Les années ont passé, Maya est un enfant gaie, pétillante, une libellule qui joue de toute son âme du piano.  Elles habitent  avec Sofia, la mère de Lara, pianiste d’origine Russe.
Sur  la quatrième de couverture, il est indiqué : « Un conte polyphonique poignant qui explore les frontières entre rêve et folie, amour et douleur, art et réalité » et je suis totalement d’accord. Ils sont plusieurs à prendre la parole bien sûr Lara et Sofia les deux femmes de la maison puis Maya. Mais aussi Robert, l’époux qui sent impuissant devant la relation fusionnelle de sa femme et de sa fille. Une relation qui prend naissance alors que Maya est en couveuse. Lara lui parle mais surtout lui communique la musique pour qu’elle vive. Lara donne des cours de piano. C’est  sa mère Sofia qui le lui a enseigné. Pas en s’amusant mais avec exigence.  Sofia, la grand-mère Russe, est une perfectionniste. Même si Lara est douée, elle n’est pas un prodige. Or, Maya en est une. Sous ses doigts, la musique nait et vit. Plus Maya grandit, s’épanouit et joue comme une virtuose et plus Lara sombre, s’enferme dans un autre monde. La fin est inattendue. Triste, belle et inversant les rôles. Tout au long du livre,  la musique est présente. Douce ou vive mais toujours passionnelle comme la relation entre Maya et Lara.
Une lecture  magnifique qui m’a remplie d’émotions !

jeudi 16 décembre 2010

Maud Lethielleux - Tout près le bout du monde

Éditeur : Flammarion - Date de parution : 13/11/2010 - 509 pages qui se lisent toutes seules...

Ils sont trois  à arriver chez Marlène : un enfant Malo et deux adolescents Solam et Jul. Ce ne sont pas des vacances mais un endroit pour se reconstruire et  aller mieux. Leur  seule obligation : écrire chaque jour une page dans un journal intime et aider à la rénovation de la grange.  
On découvre petit à petit à travers leurs écrits qui ils sont et  pourquoi ils sont là. Malo, petit garçon  de 11 ans, déboussolé de ne plus pouvoir vivre avec Cynthia et qui focalise sur son transit intestinal. Jul dont l’amour pour un certain Ley l’a conduite à ne plus manger  et à vivre dans la rue. Et puis, Solam. Le rebelle, la tête forte,  rempli de violence contre le monde. Chacun à leur façon, ils s’expriment, couchent sur le papier leurs impressions et leurs questions. Malo et ses mots remplis de pudeur, Jul et ses lettres adressées à son amour et Solam qui déverse des mots durs et agressifs envers Marlène. Ensemble, ils vont s’aider. Par des petits bouts de rien qui vont faire de grandes choses.  Au fur et  à mesure, on prend connaissance de leurs histoires, de leur passé. Des histoires pas gaies car il n’y a pas d’âge, hélas, pour être malmené ou fracassé par la vie. Marlène apparait à travers leurs histoires. On la découvre, on en apprend plus sur elle. Au fil des mois, ces trois personnages fragiles avec des bleus  à l’âme vont retrouver goût à la vie. Gagner en stabilité, retrouver la confiance perdue et pouvoir aller de l’avant.
J’ai lu ce livre classé en littérature jeunesse avec le cœur serré. Et, je suis tellement émue que j’en parle mal... Ecrit avec de l'humour et beaucoup  de sensibilité mais sans jamais tomber dans le larmoyant, Maud Lethielleux réussit à se glisser dans la peau de chacun de ses personnages. J’ai eu l’impression de lire réellement les journaux de Malo, Solam et Jul. Touchant et juste, ce livre est une formidable et très belle leçon de vie !
Les billets de Cathulu, Leiloona, Saxaoul qui le fait voyager, Herisson08 et d'Anne-Sophie
Un grand merci à Flammarion pour  cet envoi ! 

mercredi 15 décembre 2010

Luc-Michel Fouassier - Les hommes à lunettes n'aiment pas se battre

Éditeur : QUADRATURE - Date de parution : 03/11/2010 - 108 pages

Extrait de la quatrième de couverture : « Les personnages des seize nouvelles qui composent ce recueil ont décidé d’éviter les joutes frontales. Pourtant, ils n’en demeurent pas moins résolus à se faire entendre ».
Avant d’entamer cette lecture, j’ai lu la quatrième de couverture et je m'étais imaginée des nouvelles avec un dénominateur commun. Ca n’a pas été le cas… Tant pis, et je vais dire que ce n’est  pas grave car j’ai pris beaucoup de plaisir à les lire.  Seize nouvelles où l’on retrouve l’homme à lunettes dont le fils se voit obligé à son tour d’en porter et où l’on découvre d’autres personnages. Une femme rongée par la jalousie matérielle, un homme qui se ballade avec une grenade dans sa poche ou un autre qui idolâtre le tennisman  Bjorn  Borg …
Autant de nouvelles variées, très bien  construites et avec une écriture impeccable. J’ai souri, j’ai été surprise par certaines chutes ou par le fin mot de l’histoire. Ma préférence étant pour Page de pub et le COD. Même s’il a manqué l’étincelle, le p’tit truc en plus  pour en  faire un coup de cœur, j’ai passé un agréable moment de lecture et je ne vais pas m’en plaindre !
Un grand merci aux éditions Quadrature qui confirment, une fois de plus, la grande qualité de ses publications.
Les billets de Sylire et d'Anne.

lundi 13 décembre 2010

Dorothy Parker - Hymnes à la haine

Éditeur : Phebus - Date de parution : 04/11/2010 - 101 pages

En ces jours où règne l’esprit commercial de Noël : sapins ornés de guirlandes scintillantes, petits et grands enfants attendant sagement leurs futurs cadeaux, amour, paix et joie sur la Terre, tralala (mais surtout une période où les CB chauffent à fond),je me suis régalée des Hymnes à la haine.
Ces dix-neuf poèmes, publiés en 1916 dans Vanity Fair  sont écrits d’une plume vive et acérée et quel bonheur ! Dorothy Parker déclare la guerre à tout le monde ! Les femmes, les hommes, la famille, les acteurs, les livres… C’est drôlement féroce ( j’ai un doute "drôle" et "féroce" sont ils compatibles ?) mais tellement  juste !  En peu de mots, elle décrit les travers, ose écrire les non-dits et pique là où fait mal !

J'ai  picoré ces textes  exquis et jubilatoires avec un sourire non dissimulé… je l’avoue ( mauvaise et méchante fille que je suis ) !

Et puis, il y a les Madame-Je- Sais-Tout.
Elles sont la peste !
Elles savent tout ce qui de par le monde arrive
Et sont au régal de vous en informer.
Il est de leur devoir de corriger les impressions fausses,
Elles connaissent les Dates de Naissance, les Seconds Prénoms
De tout un chacun
Et leur être sue la Banalité Factuelle.
Pour moi, elles sont l'Ennui !


Un autre titre de cette auteure : Mauvaise journée demain.

dimanche 12 décembre 2010

Jésus au PMU

Aujourd'hui, chez Gwen, l'atelier d'écriture est le suivant :
" Choisissez une fenêtre dans votre maison ou votre appartement. Installez-vous devant et décrivez ce que vous voyez, ce qui se passe dehors. Ce que ce spectacle vous inspire, vous rappelle, vous suggère… S’il ne se passe rien, si c’est la nuit (vous êtes peut-être à New-York ou à Singapour…), dites-le aussi… Si vous vivez dans un squat muré, allez plutôt au café du coin pour faire l’exercice…"

Et voici mon texte sous forme de deux portraits :

12/12
Un dimanche matin sous un ciel plombé.  Un homme âgé trottine à petites foulées. Les coudes près du corps. A chaque expiration, un petit nuage sort de sa bouche. Il fait son jogging matinal comme tous les jours depuis 15 ans. A la retraite, il a dû se trouver des occupations. Pendant que sa femme s’occupe de son ménage,  il va courir. Torse bombé, il avance à fière allure. Il effectue toujours le même trajet. Encore que depuis quelques mois, il l’a raccourci. A cause de cette gêne, de ce serrement qu’il ressent par moment au niveau de la poitrine. Il n’a rien dit sa femme. Pensez-vous ! Elle qui est toujours fourrée chez le médecin même pour un simple rhume et qui lui fait souvent la morale : à ton âge, tu devrais quand même faire un bilan cardiaque ! Je ne suis jamais malade, je suis en pleine forme alors hein, pourquoi aller voir le médecin ? Mais là, il se dit qu’il devrait peut-être lui en parler. Pas tout de suite. Après les fêtes. Bientôt, son pas va ralentir. Il s’arrêtera, reprendra sa respiration. Il terminera à pied en prenant son temps. Il croisera d’autres joggeurs, des hommes plus jeunes .Ils le salueront d’un mouvement de la tête. En rentrant, sa femme lui demandera : ça  a été ? Oui, comme d’habitude. Il évitera son regard. Promis, après le nouvel an, il lui en parlera.
Un homme d’environ quarante ans.  Fraîchement rasé, les cheveux mouillés, il  marche à grandes enjambées. Soudain, il s’arrête, pose la main sur la poche de son blouson. Il la plonge dedans et en ressort des feuilles d’un journal hippique. Ses yeux brillent, les pages sont griffonnées. Cette fois, il est certain. Il va gagner au tiercé. Hier soir, il a étudié les dernières performances des cheveux, regardé les classements. Il y croit. Comme tous les dimanches depuis plus de 10 ans. Aujourd’hui, il va toucher gros. Il ne peut pas en être autrement. Au PMU, il va rencontrer d’autres turfeurs. Ils se connaissent, prennent un café ensemble et discutent. Chacun garde ses pronostics pour lui. Quand la course va commencer, les discussions cesseront. Tous les yeux seront rivés vers l’écran de télé. Les cœurs se mettront à battre plus rapidement. Les bouches fermées s’entrouvriront pour laisser sortir des encouragements murmurés ou comme sorti des entrailles. A la dernière ligne droite,  on se lèvera pour donner un peu de chance à son cheval favori. Lui serre de plus en plus fort ses feuilles de journal. La fébrilité le gagne. Il ne reste  plus que quelques  mètres avant la ligne d’arrivée. Il a vu juste ! L’excitation est à son apogée. Il rigole. Et puis, un cheval apparaît comme sorti de nulle part. Il dépasse tous les autres. Fin de la course. Hébété, il regarde l’écran. Il lui faut quelques secondes pour comprendre qu’il a perdu. Encore. Le patron éteint la télé.  On rejoue la course, on commente avec des soupirs ou  des exclamations. Il prend un café et  se dit que dimanche prochain, ce sera la bonne.
A la radio, au même moment, une chanson de Miossec passe :
Oh Jésus, je n' tombe jamais sur le bon cheval
Oh Jésus, je me demande ce que j'ai bien pu faire de mal
Oh Jésus, ne trouves-tu pas ça anormal ?
Oh Jésus, ne te fais plus jamais porter pâle

Et que la foudre me tombe dessus
Même au beau milieu du P.M.U.
Et que tremble la Terre
Pourvu que je sois gagnant dans la dernière
Et triomphe alors le Mal
Et que je devienne enfin un peu moins sale

Oh Jésus, je ne tombe jamais sur le bon numéro
Oh Jésus, j'ai l'impression d'être devenu un moins que zéro

samedi 11 décembre 2010

Naseem Rakha - L'arbre des pleurs

Éditeur : Archipel- Date de parution : 17/11/2010 - 371 pages

Irène et Nathan Stanley viennent de s’installer avec leurs deux enfants Shep et Bliss dans l’Oregon. Quelques mois après, lors d’un cambriolage qui a mal tourné, leur fils Shep âgé de 15 ans est abattu. Le coupable, Daniel Robbins âgé de 19 ans est condamné à la peine capitale. Irènesombre dans la dépression et l’alcoolisme. 19 ans se sont écoulés et Daniel Robbins attend son exécution. Irène va tout mettre en œuvre pour arrêter la machine judiciaire.
Un livre qui au départ pourrait s’inspirer malheureusement d’un fait divers. Un cambriolage qui ne se déroule pas comme prévu  et puis  le coup de feu,  la mort. La famille Stanley est brisée. Irène qui était très proche de son fils est anéantie. Elle n’admet pas la mort de Shep, délaisse sa fille Bliss et perd  sa foi en Dieu. La dépression et l’alcool sont ses refuges. Et une conviction,  Daniel Robbins doit « payer » pour le meurtre de son fils. Au fil des années et d’un long cheminement intérieur, elle comprend que pour pouvoir avancer, elle doit pardonner. Elle écrit une lettre à Daniel Robbins sans en dire mot à quiconque. Daniel Robbins va lui répondre. Il s'en suit une correspondance régulière entre eux deux.   
Habilement construit entre  passé et présent, on revit les mois avant le drame, le jour du drame et la descente aux enfers d’une famille. On suit également le directeur du pénitencier,Tab Mason, où se trouve Daniel Robbins. C’est à lui que revient la charge de préparer l’exécution. On découvre les pensées, le questions de chacun. Irène, si fragile, mais qui va trouver la force de se relever,  de Bliss qui va faire des études de droit. 
A quelques jours de la date fixée pour l’exécution, on apprend ce qu'il s’est réellement passé le jour du drame. Je n'en dis pas plus... Je me suis sentie en colère, désemparée et j’ai souhaité que le sablier du temps s’arrête. J’ai lu les dernières pages avec le cœur qui battait très fort…
Une lecture poignante !   La psychologie  des personnages est remarquable… Un livre très fort sur le pardon sous toutes ses formes !
Un grand merci à l'ami BOB et aux éditions Archipel pour cette lecture que je ne suis pas  prête d’oublier.

jeudi 9 décembre 2010

Martin Page, Quentin Faucompré - La mauvaise habitude d'être soi

Éditeur : Editions de l'Olivier - Date de parution : 04/11/2010 - 145 pages

Sept nouvelles entre l’absurde et le fantastique. Imaginez-vous qu’un matin, un policier débarque  chez vous et vous déclare que vous avez été assassiné. Ou encore qu’un inconnu vous aborde et vous propose de devenir vous, ou qu’on vous annonce que vous êtes non pas un homo sapiens mais le dernier individu d’un cousin de cette espèce.
Les nouvelles sont mon pêché mignon, ma danseuse … Oui, j’avoue ! Et avec ce recueil, j’ai eu l’impression de faire un tour de manège à fond les manettes.  La première nouvelle m’a laissée bouche bée (tel  un poisson hors de l’eau en train d’asphyxier). On vous déclare que vous  êtes un cadavre alors que vous parlez, vous respirez. Il y a de quoi suffoquer … Ce recueil nous plonge dans un autre monde et l’on ressent un frisson délicieux. Exit la logique, le rationnel ! Chaque nouvelle nous confronte au non-sens, à l’absurde et nous pousse dans nos retranchements.  Amis cartésiens, vous êtes prévenus !
Ces nouvelles sont accompagnées de dessins. Et comme moi et le dessin nous ne sommes pas amis,  je suis passée très vite sur ces illustrations.  L’écriture de Martin Page est  précise, limpide et efficace.
Un moment de lecture agréable d’où je suis sortie grisée….
Les billets de Cathulu (merci pour le prêt) et d’Antigone.
Mais mener une vie saine, pour un chômeur, est un exercice de tous les instants, une vraie épreuve physique. Nul besoin de salle de sports, de cours de gym : vivre est en soi une discipline olympique.

Nicolas Cano - Bacalao

Éditeur : Arlea - Date de parution : 19/08/2010 - 139 pages

Vincent est professeur de français dans un lycée privé. Un nouvel  élève Ayrton fait son apparition et Vincent en tombe amoureux. Fan de foot, l’adolescent  n’est pas un bon élève. Une relation commence entre eux quand il demande à Vincent de lui donner des cours particuliers.
Ce premier roman n’a pas à rougir d’en être un ! J’ai été très étonnée par la qualité de l’écriture, toute en retenue et en finesse. Sur ce sujet difficile, des relations intimes entre un adulte et un mineur, le risque était de sombrer dans le voyeurisme, dans le vulgaire ou pire, dans le trash. Rien de tout ça ! Cet amour est soumis aux lois de la passion et Vincent sait qu’il souffrir. Entre les  attentes, la domination d’Ayrton et le plaisir d’être avec lui, Vincent s’abandonne à cet amour. Au jeu du chat et de la souris, Ayrton s’amuse. Il possède  la fougue et l’audace de la jeunesse. Mais jusqu’où Vincent va-t-il supporter ce jeu ?
Un livre touchant sur un sujet délicat ! Une très belle découverte !
J’avais repéré ce livre chez Canel. Et, l’auteur m’a proposé de m‘expédier le livre, je l'en remercie!
D’autres avis : Delphine’s books, la Ruelle Bleue, In Cold Blog et en bonus une interview de l'auteur toujours chez In Cold Blog.

Il  avait promis de lui donner des cours particuliers, d’améliorer sa syntaxe, de revoir avec lui certaines règles de grammaire, et il n’avait encore rien commencé. Ici ou là, il s’était contenté de le rependre sur une tournure de phrase ou une concordance de temps. C’était tout. Pour le reste, il n’avait fait que flatter ses penchants naturels et son goût immodéré du foot. Il aurait voulu se justifier à ses propres yeux, alléguant son amour fou, mettait son laxisme sur le compte de cet amour qui l’aveuglait, mais il ne savait plus où il en était, et il se mit à pleurer.

mercredi 8 décembre 2010

Quinze livres audio à gagner !

Je vous ai parlé du livre audio Quand le requin dort de Milena Agus dont l'écoute s'est révélée un véritable plaisir.
Les éditions Audiolib organisent jusqu'au 14 décembre (soit jusqu'à mardi prochain) un quiz de Noël avec  à la clé 15 livres audio à gagner. On se rassure, les questions ne portent pas sur Brest ou sur Miossec...
Et c'est ici pour participer.

Bonne chance à tout le monde ! 

mardi 7 décembre 2010

Mabrouck Rachedi et Habiba Mahany - La petite Malika

Éditeur : JC Lattes - Date Parution : 15/09/2010 - 237 pages

Malika est une enfant précoce que l’on détecte  surdouée  à 5 ans. Elle vit avec sa mère et  son frère dans une cité de banlieue.  En vingt-deux portraits qui vont des 5 ans aux 26 ans de Malika, on la suit dans sa vie et dans ses études jusqu’à ce qu'elle trouve sa voix professionnelle.
En refermant ce livre, si un mot me vient à l’esprit, c’est  humour et fraîcheur ! Je sais ça en fait deux…   Pour avoir rencontré les auteurs, je savais que Mabrouck Rachedi ne manquait pas d’humour. Et là, avec sa sœur,  ils viennent de me prouver qu’ils savent le manier à l’écrit. Raconté par Malika, ce qui aurait pu tomber dans un sérieux plombant ou se révéler une gentille fable ne l’est pas. « Avec une mère persuadée que « précoce » est synonyme de « grossesse précoce » et qui refuse que sa fille saute une classe. Trop mature pour ses copines, trop singulière pour les adultes, Malika cultive sa différence » :  oui, et le tout est joliment bien raconté.  Dans chacun des vingt-deux portraits, on retrouve ce qui  caractérise la banlieue. Le langage, la mixité des cultures…mais sans oublier les aspects moins drôles. Loin d’être un essai sur les cités ou sur l’intégration,  il s’agit de l’accomplissement d’une enfant devenue femme. La force de caractère de Malika, sa détermination l’amèneront à réaliser ses projets. Un livre qui mêle humour, réflexions et constatations. Et le tout est écrit dans un rythme sans temps mort !
J’ai rigolé, j’ai souri et qu’est ce que ça fait  du bien ! Un roman qui se lit tout seul et qui donne envie d'aller de l'avant ! Donc aucune raison de s’en priver…
Les demandes de mariage ont afflué auprès de ma mère qui étudiait les dossiers avec autant de soin qu’un directeur d’école à la recherche d’un high potential. Dans le quartier, c’était coton. Quand elle recevait des amies flanquées de leur rejeton aux épaules basses et au regard fuyant, je savais que c’était un blind-date. Avec ce genre de jeu à la con, même une top model italienne classe pourrait se retrouver avec un nabot sans manières, alors pas question d’engager mon avenir dans ces mauvais remakes de Tournez manège.

lundi 6 décembre 2010

Rebecca Miller - Les vies privées de Pippa Lee

Éditeur : Points - Date de parution : 25/11/2010 - 305 pages


Pippa, une femme sans histoire agée de cinquante ans,  et son mari Herb, un célèbre éditeur de trente ans son aîné, s’installent  dans une résidence de luxe pour retraités.  Leurs amis ont du mal à comprendre ce choix. Pippa rencontre son voisinage où elle fait figure de jeunette. Peu après leur arrivée, Pippa est prise de somnambulisme.  La voilà qui se lève la nuit pour faire des choses insensées. C’est l’occasion pour elle de faire un point sur sa vie… et quelle vie ! La surface propre et lisse se fissure et éclate. C’est une autre  Pippa, bien loin du  cliché conforme, qui apparaît...
Il s’est passé quelque chose d’inattendu avec ce livre. Au début, je n’étais pas emballée. J’ai eu l’impression d’avoir à faire à un personnage de feuilleton ou de série américaine. La résidence, les voisins, Pippa qui prépare les repas …. Une écriture trop délayée à mon goût allant jusqu’à donner  la composition des menus. J’avoue avoir failli abandonner ma lecture !

Sauf qu’il y a eu le déclic lorsque Pippa remonte le cours de sa vie. Et là, un vrai tourbillon, j’ai tourné les pages avec enthousiasme ! Car pour devenir une femme attentionnée, quasi-parfaite, Pippa a mis en  sourdine son passé. A entasser les souvenirs, le volcan  s’est réveillé. Et tout surgit : une mère shootée aux amphétamines, des relations mère-fille houleuses, difficiles qui se transmettent d’une génération à l’autre. Et Pippa qui a tenté de briser ce cercle avec sa fille. Evidemment, je ne raconte pas tout sinon il n'y a plus d'intérêt...
C’est vif ! L’écriture se fait  plus  concise comme pour mieux frapper le lecteur.  On est surpris de découvrir Pippa sous un autre jour. Et, bonus, jusqu’à la dernière page, les rebondissements surgissent.
Une lecture  qui s’est révélée finalement  agréable et juteuse même s’il m’a manqué ce petit plus au niveau de l’écriture.
Les avis de Cathulu et d'Antigone qui ont aimé. Pour l’Or des chambres, c’est un abandon.

dimanche 5 décembre 2010

La vie rêvée

Aujourd'hui chez Gwen, nous faisons place à nos rêves d'enfant. Ou plus exactement à la vie que nous rêvions d'avoir. Danseuse, bergère, hôtesse de l'air.. tout est permis!

Je m'en suis tenue à que je voulais faire étant enfant...

Sur les bancs de la fac de médecine, j’étais en  décalage à côté de ceux qui rêvaient de faire une spécialité comme chirurgie plastique pour le salaire.  Qu’importe, mon diplôme en  poche, j’allais enfin sauver le monde.  Je m’étais préparer à voir la misère mais quand  je l’ai vu de mes propres yeux, je n’y croyais pas. Des campements de fortune, des familles n’ayant plus rien ou presque. L’odeur, les pleurs des enfants,  des hommes et des femmes  fatigués. Las, exténués. Il fallait soigner  ceux qui pouvaient l’être avec les moyens du bord. Et le plus dur, voir la faim et la malnutrition. Autant de ventres et d’esprits tenaillés par la faim du matin au soir. Le premier soir, j’ai pleuré. J’ai hurlé de désespoir. Comment allais- je faire ?  Je puisais des forces à la vue d'un enfant  avalant une ration ou dans les yeux de leurs mères qui exprimaient la reconnaissance. Je me suis souvent sentie démunie. Avec l’impression de vider à la petite cuillère l’océan ou comme si mon travail était vain.  Mais j’ai continué. Je n’ai pas eu à voyager dans d’autres pays pour être médecin dans l’humanitaire. Non, j'ai exercé en France.

Milena Agus - Quand le requin dort

 Audiolib - 21 avril 2010- Lu par Audray D'Hulstère

La famille Sevilla-Mendoza est Sarde. Une famille bien loin des portraits lisses sur papier glacé. Le père n’est presque jamais présent, il passe son temps à courir par monts et vaux à  aider les plus démunis de la planète. Une mère  mélancolique, mal à l’aise dans sa vie qui peint. Un frère qui se réfugie dans la musique. Et la  narratrice, jeune fille adolescente. Elle a une relation avec un homme marié. Un homme qui lui fait exécuter tous ses fantasmes sadiqueset à qui elle elle obéit.
Les clichés de la famille traditionnelle éclatent en mille morceaux avec Milena Agus ! Et c’est le moins que l’on puisse dire… Si vous cherchez de la guimauve, juste un conseil : passez votre chemin.
Une famille non "conforme" où le père semble plus préoccupé par le sort des autres que par sa femme et ses deux enfants. La mère est si fragile que l'on dirait qu'elle est perdue dans la vie. La narratrice nous confie ses pensées, ses espoirs et ses déceptions. C’est dur, violent quand elle aborde sa relation sado-masochiste. Une jeune fille qui se cherche, un peu naïve, mais qui rêve du  vrai bonheur. On aurait pu avoir un livre très sombre du début à la fin. Mais non. Car y a aussi des éclaircies, des joies simples mêmes fugaces qui apparaissent.  
Et, je me suis prise des paquets d’émotions en  pleine figure. L’écriture de Milena Agus possède une poésie qui me transporte à chaque fois. Des  personnages fracassés ou qui vivent la tête dans les étoiles mais  qui sont toujours très attachants.
J’ai trouvé ce livre plus troublant que Mal de pierre ou que Battement d’ailes.
C’est la deuxième fois que j’écoute un livre et quel plaisir ! J’ai ressenti cette lecture comme si les mots s’engouffraient dans mon corps et en prenaient possession. L’écoute donne une puissance supplémentaire aux émotions…
Un grand merci à Audiolib !
Les billets de Leiloona,Mango, Stephie, Lancellau, Gambadou 

J’écris des histoires, parce que quand le monde ne me plaît pas, je me transporte dans le mien et je suis bien.

samedi 4 décembre 2010

Lamia Berrada-Berca - Eclatantes soltitudes

Editeur: Mon petit éditeur - Date de parution : 09/01/2010 - 126 pages

Franck, la quarantaine, travaille dans la finance. Une situation professionnelle où il est souvent en déplacement, pas de femme ou d’enfant. Célibataire sur le papier, il multiplie les relations d’un soir à gauche et à droite. Il revoit un ami de promo, Philippe,  marié depuis plusieurs années à Gina. Celui-ci lui annonce son intention de divorcer et lui demande un service inhabituel. Au même moment, une de ses anciennes maitresses Anya lui apprend qu’elle est enceinte.
J’ai été bluffée par l’écriture ce livre très belle, ciselée et aux accents poétiques. Mais beaucoup moins par l’histoire… Franck est un businessman par définition. L’argent, c’est son domaine. Toujours à courir derrière et en remporter  des contrats juteux. Avec lucidité et une pointe de cynisme, il fait le constat de sa vie. Sa vie sentimentale se résume à des maîtresses ou des femmes d’un soir qu’il revoit à lors de ses déplacements.  Et pas d’ami. Quand une de ses ex lui annonce qu’elle est enceinte, Franck se retrouve face à des choix. Assumer ou pas cette paternité, cet enfant.  J’ai trouvé très peu  crédible l’histoire de l’ancien copain de promo qui refait surface tout d’un coup. Et à partir de ce moment là, la suite m’est apparue incongrue.  Même si certaines pensées de Franck sont intéressantes et prêtent à réflexion, il y a des clichés comme son appartement qu’il reconnait à peine tant il est peu chez soi... Une histoire comme des fragments épars de vies qui m’ont parus irréels et auxquels je n’ai pas accroché.
Je retiendrai  l’écriture de l’auteure qui m’a séduite !
Merci à l’ami BOB et à mon petit éditeur  pour cette découverte.
Parce qu’on ne dit pas. On en pense pas à transformer le poids des silences, à créer la parole au milieu du vide, et à combler petit à petit, tous les espaces, entre. On apprend plutôt à gagner du temps, oui. A gagner de l’argent. On devient homme en perdant de vue, lentement, cette petite part d’humain qui se nourrit du doute et de l’erreur…