Éditeur : Flammarion - Date de parution : Janvier 2015 - 234 pages poignantes lues en apnée !
1953, Pauline Dubuisson vingt-quatre ans est la première femme à être condamnée à la peine de mort pour avoir tué son ex-fiancé, étudiant en médecine comme elle, trois ans plus tôt. Une affaire judiciaire qui a inspiré à Clouzot le film "La vérité "avec comme interprète Brigitte Bardot. Libérée après neuf années de prison et portant désormais un autre nom, elle va voir le film avec l'espoir "que la vérité justement serait enfin entendue, non pas la vérité qui disculpe, mais celle qui ne condamne pas toujours". Anéantie après la séance, elle quitte la France pour le Maroc et "c'est ici que commence le livre" de Jean-Luc Seigle.
L'auteur se glisse dans la peau de Pauline Dubuisson et lui donne la parole. Il revient sur l'enfance de cette benjamine d'une fratrie de quatre enfants et seule fille qui vénère son père. Un père qui se suicidera le lendemain de son arrestation. Arrive la fin de l'enfance et la Seconde Guerre mondiale : deux de ses frères sont tués, sa mère séquestrée par la douleur. Renvoyée de l'école, elle travaille à seize ans en tant qu'infirmière et apprend des aspects de la médecine dans un hôpital sous tutelle allemande. Il s'agit d'un projet initié par son père non pour sa fille mais pour son épouse.
Alors qu'enfin elle va entamer les études dont elle rêve depuis toujours, son destin bascule une première fois en quelques jours. Elle sera battue, tondue, violée collectivement à la Libération pour avoir eu une aventure avec le médecin allemand.
A la Faculté de Médecine elle rencontre Félix Bailly fils de bonne famille. Ils s'aiment et elle lui dit la vérité. Elle le dégoûte, il l'insulte et ne veut plus d'elle : c'en est trop pour Pauline.
Jean-Luc Seigle sonde la relation qu'entretenait Pauline avec son père. Une figure paternelle semblable à un pivot pour Pauline qui lui obéissait et l'adorait. Mais ce père possédait une personnalité bien plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord. Et très justement, tout au long de ce livre, la modification des sentiments ou les réflexions de Pauline envers ses parents sont explorées.
Le procès où elle s'emmure dans un silence, son crime passionnel, ses années de prison sont racontés par la voix de Pauline.
Et il s'agit du portrait d'une jeune fille brillante, passionnée, intelligente dont la vie fut souillée à de nombreuses reprises qui nous est dépeint. Le Maroc était un pays où enfin elle pouvait espérer être tranquille mais l'amour en décidera autrement sous les traits de Jean. Au lieu de lui mentir, elle préfèrera une fois de plus la vérité et au final la mort. "Voilà. J'y suis. Je peux maintenant finir le travail du tribunal des libérateurs et me libérer. J'ai trente-quatre ans, je reconnais tous mes crimes et toutes mes erreurs, et en mon âme et conscience je me condamne à cette mort à laquelle j'avais cru échapper, surtout ces dernières années où j'ai commencé à croire à cette renaissance possible de tout. Je meurs comme dans le film."
Un livre poignant que j'ai lu en apnée. J'ai été happée, j'ai ressenti de l'empathie, j'ai été indignée, j'ai été bousculée, j'ai voulu crier ma colère mais sans à aucun moment juger Pauline Dubuisson ...
Une lecture dont on ne sort pas indemne !
Lu de cet auteur le très beau En vieillissant les hommes pleurent
13 commentaires:
J'avais raté En vieillissant les hommes pleurent qui a eu de très bons échos. Celui-ci me paraît bien sombre. Mais je note un des deux.
@ Jostein : En vieillissant les homme pleurent est toujours en poche ! Peut-être que celui-ci est plus sombre mais j'ai été happée et bouleversée !
Encore une vie bien ravagée .. Un sujet qui me tente et ce serait l'occasion de lire l'auteur.
J'ai justement prévu de lire En vieillissant les hommes pleurent en lecture commune la semaine prochaine. Au vu de tes commentaires sur les 2 romans je suis impatiente.
je n'avais pas entendu parler de ce livre, suite à la lecture de ton billet il me dit vraiment beaucoup, cela a l'air d'être un vrai roman coup de poing!
"En vieillissant les hommes pleurent", très beau en effet... Je suis tentée par celui là aussi du coup !
@ Aifelle: oui ! Attention car certaines pages sont très dures..
@ Tant qu'il y aura des livres : tu vas aimer !!!!
@ Eva : un roman très fort, c'est clair !
@ Céline : yes!!!!!
Très envie de le lire après la rencontre avec l'auteur, il semble être comme je le soupçonne, tant mieux !!
Ma libraire me l'a conseillé. A voir.
@ Antigone : il faut le lire !
@ Alex : toujours écouter les conseils des libraires :)
Je ne connais pas cette histoire, je ne sais même pas si j'ai vu le film.
Je viens de refermer ce roman et en même temps ouvrir la "véritable" histoire de Pauline Dubuisson, que presque trente ans après sa mort Jean Cau nommait "une dure garce". Véritable entre guillemets, car même si l'auteur l'a inventée et lui a offert trois somptueux cahiers, elle a des accents d'humanité et d'universalité.
Au-delà de l'écriture, toujours humble et riche, discrète et foisonnante chez Seigle, j'ai particulièrement aimé la relation père/fille qu'il aborde, puis travaille et creuse inlassablement pour trouver "l'origine de la violence " (pour reprendre le titre de F. Humbert) de cette jeune fille qui avait tout pour être heureuse.
A pas feutrés, dans l'hésitation de la formulation de l'indicible, au détour d'une sensation, d'un souvenir, planqué derrière un "je" , celui de Pauline, le narrateur nous guide peu à peu vers ce désamour, usant de retenue pour faire avouer à cette conscience l'effroi insurmontable. "Sous les pieds des mères, le Paradis"... sur les épaules des pères, l'Enfer.
J'ai cherché un lieu -ici - où déposer ces mots avant qu'ils ne se perdent égoïstement dans mes pensées.
J'ai retenu "En vieillissant les hommes pleurent". Par contre, pas attirée par ce dernier livre
Enregistrer un commentaire