dimanche 21 novembre 2010

Relever l'échine

Aujourd’hui chez Gwen, nous avons une phrase de début et une de fin. Et une photo représentant des berlingots…Pas facile!
Voici mon texte :

Je reste là, tout seul, avec le bruit des vagues…Assis sur ce bout de grève comme autrefois. Depuis combien de temps, je n’y suis pas venu ? Une bonne vingtaine d’années. Rien n’a vraiment changé. Des vieux bateaux y meurent toujours, coques à l’air et éventrées. Le bar au bout de la jetée s’appelle différemment. C’est tout. En venant, j’ai fait un détour à sa maison. Là aussi, tout était à l’identique. Le salon et ses vieux canapés en velours marron, la cuisine et ses meubles formicas. J’ai hésité à aller voir ma chambre. La main sur la poignée, j’ai expiré un bon coup et je suis entré. Mon bureau, mes maquettes et le mur tapissé de posters. Tout y était. Il avait donc conservé toutes mes affaires. J’ai pris une maquette d’avion et dans l’entrée son manteau.

En mettant ma main dans la poche, j’ai trouvé un berlingot. Poisseux, collé à son emballage plastique. Ce bonbon représente ma vie ici. Mon père et ses accès de violences. Tout a dérapé après la mort de ma mère. Ca a commencé par une gifle à l’âge de 8 ans pour une mauvaise note. Le lendemain, il m’avait demandé de lui pardonner. Comme quoi ça ne recommencerait plus. Il avait sorti de ses poches des bonbons. Une première gifle. Puis une autre pour des broutilles. Je ne disais rien, j’avais trop peur. Il rentrait dans des colères monstres et il finissait par me taper dessus. Ensuite, c’étaient les pleurs mêlés aux excuses et les bonbons. En grandissant, j’ai refusé de courber l’échine. Sa main a tremblé, il a serré son poing et s’est retenu. J’avais 16 ans, je suis parti. Terminé pour moi d’être son souffre-douleur.

Je sors le berlingot et je le jette dans la mer. Maintenant, il est mort. Tout est fini. Ma femme arrive avec Quentin, mon petit garçon. La maquette c’est pour lui. Dans les remous de l’écume, le berlingot flotte. Avec lui, je tire une croix sur mon passé. Quentin joue avec la maquette. Il est heureux. Ma femme s’assoit près de moi et m’embrasse. Le bonheur a le goût des embruns et du sel. Jamais, je ne pourrais tout oublier. Mais avancer et lever la tête, je peux le faire. Les vagues reviennent toujours et je sais que tout est parfait.

5 commentaires:

Livvy a dit…

Eh ben, chez toi aussi, ce n'est pas très joyeux (j'ai lu le texte de choupynette).
On aurait pu croire qu'une image de bonbons colorés aurait suscité des pensées positives... Je me demande si ce ne sont pas les phrases imposées qui sont imprégnées de nostalgie...

Clara et les mots a dit…

@ Livvy : j'ai ressentieles phrases imposées comme empreintes de mélancolie.Et puis, je crois qu'écrire du Happy n'est pas ma tasse de thé!

gambadou a dit…

ma petite parenthèse du dimanche, c'est de lire ta prose. Bravo

Clara et les mots a dit…

@ Gambadou : eh bien, c'est un très beau compliment !

anne marie a dit…

juste une petite bafouille pour te dire que je passe souvent par ici; avec de nouvelles surprises a chaque fois; merci pour ces écrits et bisous