Éditeur : J'ai lu - Date de parution : Mai 2013 - 250 pages cruellement superbes !
Il y a des livres qui vous touchent parce qu’ils vous renvoient à votre vécu ou à des gens proches. Des personnes issues d’un milieu modeste mais pour qui certaines valeurs étaient importantes. Souvent elles n’avaient pas appris à dire leurs sentiments, la pudeur était de vigueur. Pas d’effusion ou d’embrassade, on gardait ça en soi. Les joies comme les peines. Et un homme se devait d’être fort, surtout ne pas pleurer. Des taiseux dont des ruisseaux ou des torrents de larmes charriaient l’âme et le cœur traçant des sillons indélébiles enfouis. Mon père en faisait parti et je ne l’ai jamais entendu dire qu’il m’aimait.
Nous sommes en 1961. Albert est ouvrier à l’usine Michelin . Après sa journée de travail, il aime retourner à ses racines, la terre transmise d’une génération à l’autre. De ses mains, la toucher et la cultiver. Son épouse Suzanne voudrait balayer le passé que le mobilier lui renvoie à la figure par le mobilier et être moderne. Depuis que leur fils aîné Henri est parti en Algérie pour la guerre, Suzanne a changé. Elle n’est pas devenue une des ces femmes qui portent sur elles la tristesse. Au contraire, elle prend spin comme jamais auparavant. Avec Henri, elle échange une correspondance unique. Pourtant Albert connait la guerre, il l'a faite. Et y a Gilles, le second fils arrivé tardivement qui s’échappe dans les livres. Albert sait qu’Henri est le fils préféré de Suzanne. Même si Albert est un taiseux, il veut que Gilles bien que différent ait sa chance lui aussi. Il le présente à Monsieur Antoine un ancien instituteur à la retraite amoureux des livres. Suzanne a acheté une télé car Henri a été filmé. C’est l’effervescence, la famille, les voisins et voisins se tiennent devant ce poste durant la soirée. Et Henri apparaît. Albert se tient éloigné, il comprend que Suzanne a besoin de revoir son fils et qu'il n' a plus sa place dans ce monde qui n'est plus le sien.
En une seule journée, on assiste à la naissance du projet d’Albert, à ce qu’il veut transmettre à Gilles, à l’adultère de Suzanne. En une journée, les valeurs, les non-dits prennent forme à demi-mots mais surtout par les comportements. Les relations au sein de cette famille sont admirablement décrites. J’ai retrouvé cette pudeur qu’évoquait Marie-Hélène Lafon, les classes sociales qu’Annie Ernaux décrivait et dont on est prisonnier, la lecture qui peut changer une vie.
Dès les premières lignes, j’ai été ferrée par la simplicité qu’à Jean-Luc Seigle de nous immiscer dans un drame. La vérité superbement cruelle m’a prise à la gorge et j'ai été bouleversée. Pas de grands mots mais une écriture sans fioriture qui colle aux personnages comme une seconde peau.
Tout à l’heure je ne serai plus ce que je suis et que je n’aime pas être. Je n’aime pas qui je suis. Je n’aime pas ce qu’il faudrait que je sois, je n’aime pas me réjouir de cette vie–là, je ne suis pas de cette vie, je suis d’un autre temps que je n’ai pas su retenir.
Antigone m'avait donné envie de le lire, Leiloona a été bouleversée également et en parlait hier
Antigone m'avait donné envie de le lire, Leiloona a été bouleversée également et en parlait hier
24 commentaires:
Un titre que j'avais noté il y a quelques temps déjà mais je ne me souviens plus où j'avais lu un article ....
Très belle chronique :D
Bonne journée bises
Je le veux ! Il est pour moi, c'est une certitude (et c'est toi qui cherches à me faire passer pour un vil tentateur !)
Très très tentante cette note ! Et quel beau titre.
j'ai hésité à le prendre la dernière fois que je suis allée à la librairie, mais là, tu me donnes tellement envie que je vais aller l'acheter cet aprem. merci pour ce ressenti
Un beau titre en effet et une bonne analyse de la société rurale en pleine transformation. A rapprocher peut-être de l'amour sans le faire de S Joncour ...
Pour moi aussi, un (petit) coup de cœur
Noann
Noté déjà suite au billet d'Antigone et tu en rajoutes une couche :0) Il faut que je le lise quoi...
Tout ce que tu en as dit me tente et j'avais déjà mémorisé ce titre, comment l'oublier ? Très beau billet plein d'émotion...
Jamais entendu parler, mais ton billet donne envie de connaître cette famille
Je pense être aussi la bonne lectrice pour ce type de roman... (sortir un peu les mouchoirs)
D'abord je trouve le titre du livre canon, ensuite j'ai promis à Keisha ou à Somaja que je le lirai (après l'avoir auparavant emprunté en biblio sans l'avoir ouvert) et ta chronique est diaboliquement efficace, comme toujours. Bisous
Ton billet est rempli d'une très belle émotion.
Je sens bien que tu as eu la même lecture que moi... trop contente !! ;)
@Laure : ce livre est magnifique !!!
@In Cold blog : j'ai pleuré à la lecture...
@Céline : rien que le tire est d'une poésie qui dégage douceur et tristesse..
@L'éphémère: merci !!!!
@ Catherine : oui en effet à rapprocher avec le livre de Serge Joncour et les pays de M-Hélène Lafon . Travailler la "terre" et en vivre au sens noble de cette expression est quelque chose qui coule dans le sang...
@ Livrogne :oh excuse-moi Noann je n'ai pas cherché tous les billets !
@Lor rouge : un livre d'une sensibilité à fleur de peau !
@Asphodèle : c'est que ces personnes je les comprends ,je les connais , elles font partie de ma "famille"...
@Yv : oui !!!
@Keisha : beaucoup de larmes pour moi , des larmes libératrices et de compréhension...
@Philisine :comme je ne suis pas une chronique littéraire, je peux me permettre de donner tous mes ressentis et de parler de ma (petite) vie.
@ Leiloona: merci mais c'est le lire qui est beau !
@Antigone: merci car grâce à toi, j'ai découvert ce roman exceptionnel !!!
je n'avais pas prévu de passer chez le libraire cet aprem, mais comme j'ai conduit ma fille en ville pour qu'elle fasse les soldes, j'en ai profité pour y faire un tour et acheter ce petit bouquin car lire ton ressenti m'en a donné envie.
Il est dans ma PAL...
Cruellement superbe ? Tu sais trouver les mots justes et convaincants.
Un de plus à glisser dans la valise, il est en haut de la pile...!
Je ne vois pas comment résister à ce billet ainsi qu'à celui de Leiloona. Et puis le résumé ainsi que le titre ont tout pour me plaire.
Hop, je l'ajoute immédiatement à ma LAL!
@ Catherine : bonne lecture !
@Noukette @ Valérie: et on prévoit les mouchoirs..
@ Fleur : : il faut le lire !!!!
Ton avis diffère de celui de Leiloona que je viens de lire. Du coup, je ne sais plus, je suis perdue !!!
Je le lirai, c'est sûr.
@ Géraldine : si Leiloona a aimé !
@ Nadael : à lire ! oui !!
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