Éditeur : Buchet-Chastel - Date de parution : Octobre 2015 - 314 pages magnifiques !
Vingt nouvelles où l’on retrouve des gens de la campagne pas forcément des gens de la ferme, des villages, la ruralité, des gens du Cantal et ce « pays » avec sa rigueur hivernale mais également sa beauté. Des couples mariés, des personnes seules, des jeunes, des familles : les relations sont décrites avec le mot juste, calibré comme toujours chez Marie-Hélène Lafon. Des vies dures où l’on travaille sans rechigner, où l’on n’a pas le temps de s’apitoyer sur soi, les non-dits également. Apreté des vies où viennent se glisser quelquefois des rêveries, des souvenirs mais aussi quelquefois de la compassion. Le quotidien est raconté avec une richesse de la langue.
Le corps également a son importance. Comme dans le première nouvelle Liturgie qui raconte la toilette du père et de ses filles qui à tour de de rôle lui lavent le dos avec un gant. Pas de dialogues tout est dans les gestes, les regards. Ou encore dans un pensionnat, une religieuse surveille depuis des années les douches des adolescentes, "L’hygiène de la chair n'est rien quand le Verbe est soudé, sali, piétiné". Dans cette nouvelle L’hygiène, les deux dernières pages se lisent presque dans un souffle sur un rythme scandé par les mots de la prière.
Des nouvelles m’ont vrillée le cœur : le suicide de Roland " Peu importe qu'il ait ou non connu l'ardeur des corps, à la sortie d'un bal, sur un chantier, dans une ferme isolée, ou dans son atelier ; peu importe puisqu’il reste de lui qu'une trace de solitude, lisse et infime, à la surface de nos mémoires. ", l’histoire d’Alphonse le simple d’esprit.
D’autres derrière une certaine innocence en apparence comme La communiante révèlent une forme de cruauté. Jeanne l'institutrice, amante d'un prêtre, est d’une beauté à double tranchant.
Une ponctuation qui quelquefois se fait rare pour donner une densité supplémentaire. Et quand l’ironie s’invite, elle précède la noirceur.
La dernière nouvelle Histoires serait à citer entièrement. Marie-Hélène Lafon revient sur son enfance avec l’apprentissage de l’écriture et de la lecture. Mais aussi son rapport à l’écriture : " Il n'est pas plus facile, n'est plus difficile, je le crois aujourd'hui, décrire des nouvelles que des romans ; c'est seulement une autre affaire, en terme de distance et de souffle, d’élan et de tension. (..) Il y a moins de matière, de pâte textuelle à malaxer, à pétrir, à travailler sur un chantier de nouvelles à établi du roman, mais la question de la tension du récit s’y pose en des termes cuisants et cruciaux. En trois pages en dix ou trente, il faut, il faudrait tout donner à voir, à voir et à entendre, à entendre et à attendre, à deviner, humer, sentir, flairer, supposer, espérer, redouter.. Il faut, il faudrait tout ramasser, tout, et tout cracher ; il faut que ça fasse monde, ni plus ni moins qu‘un roman de 1322 pages, que les corps y soient, que la douleur y soit, la couleur, et le temps qui passe, ou ne passe pas, et la joie, et les saisons, et les gestes, le travail, les silences, les cris, la mort, l'amour, et la jubilation d'être, et tous les vertiges, et les arbres, le ciel, le vent. Il faudrait. »"
Un recueil magnifique et l’écriture de Marie-Hélène Lafon est de l’orfèvrerie !
Le billet d'Eva. Keisha et Sabine ont lu Album qui comprend également ces nouvelles.
Sur ce blog : Chantiers - Joseph - L'annonce - Les pays - Traversée
17 commentaires:
Aaaaaaaaaah de toute façon je veux le lire!!!
@ Keisha : j'ai relu des passages entiers rien que pour l'écriture de Marie-Hélène Lafon !
Lu et aimé également :)
par contre je n'ai pas encore lu Chantiers, il faut vraiment que je me le procure !
Et moi "il faudrait" que je lise ce recueil ! Très beau billet qui donne envie de se jeter dessus. :-)
oh la vache ce billet ;-)
Impossible de passer à côté de ce bijou ! Je note je note et je le lis viiiiiiiiite
merci
et un joli lundi à toi !
J'ai beaucoup de retard avec elle, j'en ai plusieurs à lire, pourtant ils ne sont pas longs en général.
Une auteure que j'adore !
Un beau billet effectivement qui donne envie de se plonger dans ces "Histoires". J'avais beaucoup aimé "Les derniers Indiens" et "L'Annonce".
Oui, Marie Hélène Lafon est une orfèvre, elle cisèle, choisit ses mots. Un livre sur ma liste
très envie ! mais j'attendrai l'été pour m'y plonger plus sereinement et profiter ! J'adore quand elle passe à la LGL !
j'attendrai sagement le poche.
Ce n'est pas un auteur qui m'attire beaucoup, même si elle fait l'objet de bien des éloges...
@ Eva : j'ai jouté ton lien (désolée pour l'oubli Miss:). Il faut absolument lire Chantiers !
@ Mélanie B @ Framboise : c'est l'écriture de Marie-Hélène Lafon qui est sublime !
@ Aifelle: elle st devenue une incontournable pour moi.
@ Alex : il te le faut !
@ Celina : L'annonce m'avait touchée-coulée...
@ Zazy : oui et re-oui !
@ Virginie : j'espère qu'un jour elle viendra chez Dialogues.
@ Cath : je vais arranger ça:)
@ Delphine Olympe : pourtant l'écriture ,le style c'est du grand Art !
Peut-être une bonne façon de découvrir l'auteure non ? J'adore les nouvelles !
J'aime beaucoup cette écrivaine et n'ai pas encore lu ce recueil... me voilà tentée encore une fois !
je ne suis pas très "nouvelles", mais là je crois que je vais faire une entorse !
@ Noukette : oui ! Ce recueil a été récompensé et c'est mérité!
@ Margotte : je commence à être accro à Marie-Hélène Lafon:)
@ Gambadou : :)))
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