J'ai détourné un tout petit peu la consigne de Gwen ...Ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps !
Et voici mon texte :
Comme tous les soirs, j'ai pris mon bus pour rentrer du travail. Nous sommes nombreux à venir gonfler cette zone de la ville où les bureaux sont sortis de terre. Puis le soir chacun rentre chez soi. La bus dépose tout ce petit monde à la périphérie là où des lotissements tous semblables sont notre demeure.
Le bus s’est arrêté brutalement. "Une panne !" a crié le chauffeur à notre attention. Certains ont râlé plus forts que d'autres arguant la fatigue de la journée. Rien qu'à voir les mines crispées, les yeux noirs, ils laissaient présager que ce sont des insatisfaits permanents. Le genre même de ceux qui soupirent parce qu'il faut faire la queue, ceux qui trouvent toujours une remarque désagréable. "Vous attendez 20 minutes et un autre bus va arriver du dépôt".
Les portes étaient ouvertes, je suis descendue et j'ai eu envie de finir la route à pied. J'ai sorti mon portable et laissé un message sur le répondeur de Marc " le bus a eu un souci, j’arriverai plus tard à la maison".
Il me connait, il sait que j'ai besoin de me retrouver seule par moment. De posséder des instants sans contrainte. Le chauffeur m'a dit " ne vous trompez pas de direction Madame et faites attention à vous". Je lui ai souri poliment.
La rue était déserte. Normalement, je devais continuer tout droit. Une entrée de rue s’offrait à droite et je m'y suis engouffrée. Comme ça. Une rue était bordée d'immeubles vieillots d'où s'échappait le bruit de la télé ou celui des ustensiles de cuisine. A mesure que j'avançais, les habitations se sont raréfiées. Le talus était jonché d'herbes hautes, de détritus semés par le vent. Puis, les genêts se sont mis à cohabiter avec une palissade placardée d'affiches en lambeaux et de tags. Deux enfants couraient à toutes enjambées en riant aux éclats. Leurs rires s'étaient prolongés derrière ce mur de planches. Une planche fendillée laissait une brèche juste assez grande pour que je puisse y jeter un œil. Est ce que j'avais le droit ? Je n'ai pas eu le temps d'y réfléchir, les deux enfants sont réapparus et m'ont fait signe de le suivre. Nous sommes arrivés devant une porte délabrée. Il fallait se pencher pour entrer derrière la palissade. Cinq ou six caravanes, deux voitures, du linge séchant au vent, de vieilles chaises de jardin piquées s'étalaient devant moi. Des femmes, des hommes, des enfants, tous étaient réunis auprès d'une petite table. Un peu plus loin, j'ai vu des abris de fortune faits de toile ondulé et de sacs plastiques. Loin de la ville policée, organisée, vivaient ici d'autres personnes. Une femme âgée vêtue d'une longue jupe s'est approchée de moi. Elle me parlait mais je ne comprenais pas sa langue. Les autres me dévisageaient avec méfiance. Pourquoi les enfants m’avaient-ils fait venir ? Son visage s'est éclairci et elle a crié. On m'a tendue une chaise et offert un verre d'eau. Je suis resté là plusieurs heures. Les contemplant, étonnée. Leurs sourires occultaient la misère. J'ai enlevé mes chaussures, libéré mes cheveux attachés, marché avec les enfants. Mon portable a sonné, je n'ai pas répondu. Je me sentais bien parmi eux. Quand la nuit est tombée, un homme m’a désigné une voiture. J'ai compris qu'il voulait me ramener. J'ai eu honte. Honte d'avoir partagé avec eux ces moments de bonheur. Ils m'ont tous salué, les deux enfants m'ont embrassée.
Il m'a déposé juste à l'entrée du lotissement. La vue du lampadaire m'a frappée. Mon estomac s'est contracté. Eux n'avaient ni électricité ni eau. Il fallait que j'en parle à Marc, qu'on se rende à la mairie. Demain.
J'aurais tout vu aujourd’hui ! Quelle sale journée ! Ma voiture au garage pour réparation et moi, Xavier Gourmin, il a fallu que je prenne le bus ! Et voilà que le bus tombe en panne. Le chauffeur avec sa mine d'enfant de chœur nous a dit d'attendre 20 minutes. Sauf que moi, je n'ai pas que ça à faire, j'ai un rapport à terminer pour demain. Une demi-heure est passée et toujours pas de bus. Bien entendu, je me suis plains au chauffeur " je téléphonerai à la compagnie du bus , c'est intolérable". Il m'a répondu avec son air blasé que si ça me faisait plaisir, je pouvais. Il n'y avait qu'une solution rentrer à pied à cause de cette grève des taxis. Une jeune femme était déjà partie, en me dépêchant, j'arriverai à la rejoindre. Dans ce genre de situation, il vaut mieux être à deux. Le sens de l'orientation n'a jamais été mon point fort et je me suis perdu. J'ai préféré marcher au milieu de la route. La vue de ces maisons répugnantes me donnait la nausée. Je suis arrivé près d'une palissade. J'entendais des conversations. En langue étrangère, forcement. Encore des gens du voyage qui s'approprient les terrains de la ville sans permission Une planche flanchait et j'ai regardé. Quel spectacle ! Des caravanes, une voiture sans pneus et tous ces enfants ! J'ai cru apercevoir la jeune femme du bus. Oui, c'était bien elle assise parmi eux. Elle ne sait pas donc pas que ce tous gens sont des vauriens, des voleurs. J'ai serré fort ma pochette contre moi. Ils peuvent rire tant qu'ils veulent. C'est moi qui rédige les dossiers d'expulsion. Et dès demain, le leur sera sur le bureau du maire.
Une journée de plus. Je les compte, j'en suis à dix. Je suis fière de moi. J'ai la gorge sèche et mes mains tremblent un peu. Il est temps que j’arrive chez moi. Pas de chance, le bus est tombé en panne. Ne pas paniquer, respirer, expirer lentement. Je me suis dit que marcher serait une bonne chose. Ca m’occuperait l’esprit. J’ai attendu qu’un monsieur se plaigne au chauffeur et je suis partie. L’air chargé de tiédeur me donnait envie de boire. De calmer l'aridité de ma gorge. J'ai cherché ma bouteille d’eau dans mon sac. En deux gorgées je l’avais terminée et j’avais toujours aussi soif. Le médecin m’a dit que c’est normal et dans ce cas, les bonbons à la menthe étaient une solution. Heureusement, j’en ai toujours avec moi. Plus je marchais et plus j’avais envie d’une bière fraîche. Je jouais avec le bonbon, je le faisais ricocher contre mes dents. Furieusement pour faire fuir mes pensées. La rue était bordée d’une palissade. Des voix s’élevaient dans l’air. J’ai continué à la longer jusqu’a trouver une porte. Je l’ai poussée en essayant de faire le moins de bruit possible. Juste à côté d’une caravane, il y avait un seau rempli d’eau où baignaient des canettes. Mes canettes, je le ai reconnues. J’ai avalé difficilement ma salive. Et si je leur demandais de leur en acheter une. Une seule. Mon portable a sonné. Julien, mon grand me demandait où j’étais, j’ai répondu que je n’allais pas tarder. J’avais tellement envie de boire. Sentir le goût de l’alcool dans ma bouche. Mais cette fois, je me suis promise d’y arriver. Je me suis éloignée en pleurant. Demain sera un autre jour.
4 commentaires:
Il faudrait sans doute avoir de la sympathie pour la première mas définitivement, je préfère l' alcoolique trop obsédée pour regarder!
Tu as eu raison de détourner, c'est bien comme ça!!
toujours aussi intéressants tes textes. le mien a fini à la poubelle. :S
@ Orfeenix : oui , moi aussi !
@ Hérisson08 : merci !!!!
@ Choupynette : oh, pourquoi tu l'as jeté?? en tout cas, merci. Même si j'ai encore parlé d'un de mes thèmes récurrents...
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