Deuxième édition des plumes de l'été chez Asphodèle avec plus de mots cette fois ci:
bouquin – bien – bout – beauté – bastingage – bambochade – bravache – barbare – banc – bambou – balivernes – byzantin – borderline – bébé – blanc(s) ou blanches (s) – bain.
Rendez-vous demain pour découvrir les textes des participants!
En attendant, je vous propose le mien :
Les mains posées fermement sur le bastingage, elle se retrouve enfin seule. Elle a réussi à se faufiler, à s’extraire du groupe dont elle fait partie. Une idée de sa mère, cette croisière pour découvrir l’art byzantin. Elle sait pertinemment que son médecin est derrière tout ça. Les paroles de sa mère et de l’équipe médicale lui trottent dans la tête « tu verras, ça ne pourra te faire que le plus grand bien ! » « Vous devez apprendre à revivre, à sortir du carcan dans lequel vous vous êtes enfermée». Depuis l’accident, elle a empaqueté sa douleur, l’a ficelé, serré les fils du corset. Elle se demande comment sa mère peut en être aussi certaine. Et son médecin qu’est ce qu’il en sait ? Il a beau s’occuper d’éclopés de la vie, elle ne veut pas admettre qu’elle en est un maillon. Une soi-disant famille où chacun a ses blessures et ses handicaps. Les rapports entre sa mère et elle se résument à des appels téléphoniques où les blancs sont plus nombreux que la conversation. Chacune entend la respiration de l’autre. Elle conclut par un « je dois te laisser ». Formule magique qui laisse supposer une chose quelconque à faire, un temps bien compté. Sa vie de couple s’est lézardée pour s’effondrer. Les petits rien qui agaçaient mais dont on ne faisait cas sont remontés à la surface. Fermentés, acides. Odeur fétide qui a signé la séparation. Cyniquement, elle se dit que son couple faisait partie des numéros de loterie qui gagnent le cadeau du divorce. Elle est tombée une fois puis une autre. Echouée. Morceaux et miettes qu’il faudrait recoller. Pour cette croisière, elle s’est retrouvée en compagnie d’un groupe de retraités. Ce matin, l’un d’entre eux s’exclamait devant la beauté d’une bambochade encadrée de bambous . Elle n’a rien dit, s’est juste un peu plus renfermée. Elle commence à regretter ce voyage de dix jours. Dix jours où les journées vont se superposer à l’identique. Chacun connait son rôle : rire de la blague de l’autre, acquiescer sur la qualité des repas. Elle a vite cerné les personnes du groupe : il y a celui qui fait son bravache, voulant toujours avoir le dernier mot. Son épouse semble lasse de ses balivernes, poudre pailletée pour éblouir la galerie. Une autre femme a toujours un bouquin à la main. Elle dispense à qui veut l’écouter ce que la croisière va permettre de découvrir. Informations assommantes où les dates sont reines. Elle écorche les mots aux sonorités étrangères, les rend barbares. Et puis, il y un homme en fauteuil roulant. Leurs regards se sont croisés. Il dégageait une humanité qu’elle a refoulée. Elle s’est crée une barrière entre elle et le reste du monde pour se protéger de la compassion et de la pitié. Une casquette vissée sur la tête et les écouteurs dans les oreilles constituent sa carapace. Un rempart que personne n’ose affronter.
bouquin – bien – bout – beauté – bastingage – bambochade – bravache – barbare – banc – bambou – balivernes – byzantin – borderline – bébé – blanc(s) ou blanches (s) – bain.
Rendez-vous demain pour découvrir les textes des participants!
En attendant, je vous propose le mien :
Les mains posées fermement sur le bastingage, elle se retrouve enfin seule. Elle a réussi à se faufiler, à s’extraire du groupe dont elle fait partie. Une idée de sa mère, cette croisière pour découvrir l’art byzantin. Elle sait pertinemment que son médecin est derrière tout ça. Les paroles de sa mère et de l’équipe médicale lui trottent dans la tête « tu verras, ça ne pourra te faire que le plus grand bien ! » « Vous devez apprendre à revivre, à sortir du carcan dans lequel vous vous êtes enfermée». Depuis l’accident, elle a empaqueté sa douleur, l’a ficelé, serré les fils du corset. Elle se demande comment sa mère peut en être aussi certaine. Et son médecin qu’est ce qu’il en sait ? Il a beau s’occuper d’éclopés de la vie, elle ne veut pas admettre qu’elle en est un maillon. Une soi-disant famille où chacun a ses blessures et ses handicaps. Les rapports entre sa mère et elle se résument à des appels téléphoniques où les blancs sont plus nombreux que la conversation. Chacune entend la respiration de l’autre. Elle conclut par un « je dois te laisser ». Formule magique qui laisse supposer une chose quelconque à faire, un temps bien compté. Sa vie de couple s’est lézardée pour s’effondrer. Les petits rien qui agaçaient mais dont on ne faisait cas sont remontés à la surface. Fermentés, acides. Odeur fétide qui a signé la séparation. Cyniquement, elle se dit que son couple faisait partie des numéros de loterie qui gagnent le cadeau du divorce. Elle est tombée une fois puis une autre. Echouée. Morceaux et miettes qu’il faudrait recoller. Pour cette croisière, elle s’est retrouvée en compagnie d’un groupe de retraités. Ce matin, l’un d’entre eux s’exclamait devant la beauté d’une bambochade encadrée de bambous . Elle n’a rien dit, s’est juste un peu plus renfermée. Elle commence à regretter ce voyage de dix jours. Dix jours où les journées vont se superposer à l’identique. Chacun connait son rôle : rire de la blague de l’autre, acquiescer sur la qualité des repas. Elle a vite cerné les personnes du groupe : il y a celui qui fait son bravache, voulant toujours avoir le dernier mot. Son épouse semble lasse de ses balivernes, poudre pailletée pour éblouir la galerie. Une autre femme a toujours un bouquin à la main. Elle dispense à qui veut l’écouter ce que la croisière va permettre de découvrir. Informations assommantes où les dates sont reines. Elle écorche les mots aux sonorités étrangères, les rend barbares. Et puis, il y un homme en fauteuil roulant. Leurs regards se sont croisés. Il dégageait une humanité qu’elle a refoulée. Elle s’est crée une barrière entre elle et le reste du monde pour se protéger de la compassion et de la pitié. Une casquette vissée sur la tête et les écouteurs dans les oreilles constituent sa carapace. Un rempart que personne n’ose affronter.
Elle regarde la mer, étendue sans fin qui s’étale majestueuse. Enfant, elle aimait les vacances à la mer. Puis, son intérêt à diminué. Elle voyait la plage comme des immenses parcelles individuelles. Les serviettes de bain délimitant le périmètre de chacun. Il y avait celui qui se plaignait que les pleurs d’un bébé l’empêchaient de lire. Ou le râleur qui répétait inlassablement « je bosse onze mois sur douze, alors pendant mes vacances, j’estime avoir le droit au calme ». Des paroles mises bout à bout qui la remplissaient. Et une après-midi, devant ses parents ébahis et gênés, elle a vidé son sac. Déversé tout le flot d’émotions qui la faisait tanguer. Elle était une équilibriste qui essayait de ne pas tomber. Elle a déjà donné. De trop. Sensible, borderline comme dit le psychiatre qu’elle consulte. Depuis, elle s’est endurcie. En surface.
Les embruns rendent le sol du pont glissant, elle a laissé sur un banc ses affaires. Juste pour voir si elle était capable d’effectuer cinq mètres. Une bourrasque la déstabilise et entraîne sa casquette. Ses mains défaillent et elle tombe. Se relever lui demande beaucoup d’efforts. De ses deux jambes, une est valide, l’autre est un poids mort qu’elle traîne. Elle regrette d’avoir posé sa béquille, d’avoir voulu essayer. Elle pleure toute la colère qu’elle a retenue pendant des mois. Ses cheveux, le sel marin lui fouettent le visage. Elle s’appuie de toutes ses forces sur sa jambe valide, et d’une main, elle déplace son autre jambe. Elle est debout. Elle a réussi. Une petite victoire qu’elle savoure. Prudemment, elle avance jusqu’au banc. Un pas puis un autre, ne pas se laisser déstabiliser par le vent. Au contraire, en faire un allié. Chaque pas lui demande une concentration, un temps infini. Elle persévère malgré la douleur lancinante. Elle compte, calcule la distance. Autant de centimètres pour se prouver qu’elle en est capable. Et quand enfin elle arrive au banc, elle relève la tête. Dans ses yeux, on peut lire de la fierté.
19 commentaires:
Très touchant... Curieux comme l'on peut se retrouver dans les mots (maux). Belle journée :-)
Comme je te l'ai déjà dit ton texte me touche énormément... Beauté et pudeur, voilà les termes que je cherchais !Comme de coutume, bravo et félicitations pour ta vélocité !! Je mets le lien dans mon texte de demain !!^^
Ton texte est très réussi! Un beau portrait de femme et les mots imposés trouvent leur place naturellement. You're a killer! :-)
Très beau texte.
Bravo ! J'aime beaucoup ton texte, tout en finesse, en retenue... Elle est très touchante, cette femme...
@ Paikanne : merci !!!
@Asphodèle : j'ai hâte de lire les autres textes aujourd'hui !
@Gwen : il faut croire que les mots imposés me conviennent :).Et qui disait tout le temps "oh, les obligatoires ne sont pas m tasse de thé"?!
@Nadael : merci!!!
un texte qui nous fait l'accompagner sur cet appel de la mer
Un portrait de femme en reconstruction tout en finesse : tout est très bien évoque par petites touches successives : la mère, le psy, l'entourage.....
Un texte aussi réussi, automatiquement,j'espère la suite!
Nos deux héroïnes sont des bras cassés au propre ou au figuré. Elles auraient pu être sur le même bateau, mais se seraient-elles adressé la parole ? :))
Un portrait touchant, mélange de force et de détresse.
Un texte à la fois fort et touchant...
et la lueur d'espoir qui le termine...j'aime beaucoup!
J'espère que ton héroïne va se remettre de ses blessures elle est très touchante :)
Un texte tout en douleur qui met en évidences les écorchées de la vie. Je suis pas à la veille de partir en croisière alors ! 8)
Sans nul doute mon texte préféré cette semaine ! J'adoooore ta façon de poser les mots !
@ 32 octobre : ah le sommes ! il faudrait que je me décide à écrire sur les hommes !
@ Valentyne : et pour unz fois, j'ai fait long:)!
@ Mango : merci !
@ Célestine : j'aurai bien aimé un texte où toutes les deux se retrouvent sur le pont, s'observent à la dérobée , et imaginent qui peut être l'autre...
@ Olivia : merci !
@ Coumarine : j'ai préféré opter pour une touche d'optimiste ! Une femme qui malgré tout renaît..
@ Aymeline : se remet-on à jamais des blessures ? grande question...
@ Jean-Charles : toues les croisières ne sont pas "la croisière s'amuse":)!
@ Jul : j'aime ton expression "poser les mots". Merciiiiii!
@
@ 32 otobre : il fallait lire "ah les femmes"...
Bravo,c'est beau et bien rendu.
Ce serait intéressant de publier tous les textes.
@ Mireille : merci !
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