vendredi 28 août 2009

Marie-Sabine Roger - Les encombrants

J’avais demandé à Véronique de chez Dialogues * des nouvelles grinçantes, ironiques, elle m’a souri en me disant « j’ai ce qu’il vous faut ». Elle est revenue avec « Les encombrants » de Marie-Sabine Roger. « Les encombrants », on pense tout d’abord à des meubles volumineux et bien non, pas du tout, les encombrants désignent les personnes âgées : celles qui se retrouvent en maison de retraite ou bien celles qui tentent encore de convaincre leur famille qu’elles peuvent encore rester chez elles, qu’elles y arrivent, qu’elles se débrouillent.
Certains seront choqués, indignés, révoltés : quand même si ce n’est pas honteux de parler de la sorte des anciens !

Mais, sous ce titre, on découvre des nouvelles où l’amour, l’espoir ont place. D’autres sont teintées d’un cynisme et d’une ironie qui reflètent , hélas, la réalité. Autre point important : des chutes ficelées à merveille et au final, on garde en mémoire ces encombrants très attendrissants…

*non, je n’ai pas d’action chez Dialogues ou un membre de ma famille qui y travaille

mardi 25 août 2009

Philippe CLAUDEL " Le rapport de Brodeck" - "La Petite fille de Monsieur Linh"

Se lancer à lire Philippe Claudel c’est d’abord envisager de passer des heures, des journées entières où l’on se retrouve piégé par l’histoire et l’intrigue. On ne peut pas leur y échapper, elles nous obsèdent, nous hantent. Elles mettent à jour des émotions puis les intensifient, les projettent violemment comme l’écume de la mer déchaînée sur les rochers.

« Le rapport de Brodeck » est admirable et le thème de la guerre, cher à cet écrivain, est omniprésent. La guerre avec ses effrois, ses abominations, et la peur qu’elle engendre. Cette peur qui pousse l’homme, qui l’accule à commettre les actions les plus viles et les plus empreintes de lâcheté. En filigrane, on se pose des questions et l’on pense à ceux qui ont vécu cette période.
Tout le monde est concerné par la guerre : un grand-père ou un arrière grand-oncle lui aussi déporté et qui en est revenu un jour alors que toute la famille avait perdu espoir. Des hommes et des femmes brisés à tout jamais. Certains d’entre eux n’ont pas voulu en parler tellement l’horreur était à son apogée mais ils n’ont jamais pu oublier ce qu’ils avaient vu et subi. Comment oublier ces souffrances physiques, morales et cette humiliation qui fait vomir, qui fait penser que l’on est plus rien, ni personne ? Impossible…

Je voudrais parler aussi d’un autre livre de Philippe Claudel « La Petite fille de Monsieur Linh » qui m’a littéralement secouée. Je me suis prise de tendresse pour ce vieil homme expatrié qui lutte, qui veut vivre pour sa petite fille. Un livre bouleversant de sentiments qui m’a conduite doucement, sans aucune précipitation à découvrir sa vie d’avant et à aimer cet enfant. Il espère pouvoir offrir le meilleur à sa petite fille alors on voudrait, simplement, pouvoir l’aider ce Monsieur Linh...

samedi 22 août 2009

LOUISE

Comme tous les matins, le journal attend Louise près de son bol de café, soigneusement plié et bien mis en évidence à côté de la corbeille à pain. Pour être la première à le lire, elle n’hésite pas à mettre son réveil à sonner à six heures vingt précises.

On la sermonne, on lui dit que ce n’est pas une heure pour se lever, qu’elle devrait rester encore au lit mais Louise rétorque que pour rien, elle ne changera ses habitudes. Après avoir vérifié son chignon pour la énième fois, elle s’assoit sur son lit et attend que les aiguilles de son réveil se décident à avancer. Louise n’aime pas attendre et les dernières minutes semblent toujours durer une éternité.

A six heures cinquante cinq précises, elle sort enfin de sa chambre, ferme la porte à double tour et longe le couloir. Des autres chambres, quelques bruits s’échappent comme des discrétions d’église: un robinet qui coule, une voix qui chantonne ou une toux sèche. Elle prend l’ascenseur pour accéder à la grande pièce. Elle se rend directement à sa table et à sa place. Une odeur de café, le rire gai d’une jeune femme proviennent de la cuisine. Louise soupire et regarde sa montre. Il est déjà sept heures passé ! Pourtant, il est écrit noir sur blanc que le petit déjeuner est servi à partir de sept heures. Ah le personnel n’est plus ce qu’il était, aucun respect des horaires. Et puis ce rire, elle le reconnait. C’est celui de Josiane, une petite serveuse pimbêche qui a toujours les ongles recouverts d’un vernis mauve ou d’un rouge violacé, maquillée et fardée à outrance, des breloques autour des poignets qui tintent à chacun de ses mouvements et qui agressent les oreilles. Au lieu de faire des gorges chaudes au commis de cuisine, elle ferait bien mieux de venir la servir.

Louise se mouche pour que l’on remarque sa présence. Toujours personne, alors d’un air pincé, elle dit « s’il vous plait » d’une voix ferme, autoritaire. Enfin, Josiane arrive avec un thermos rempli de café arborant un grand sourire.
-Bonjour, Mme Tanguy, alors on a bien dormi cette nuit ?

Louise ne répond pas et tend sa tasse sans même la regarder.
-Bon, eh bien, bon appétit et bonne journée, dit Josiane en claquant ses talons.

Quelle petite sotte et quel manque de respect ! Louise avale sa première gorgée du liquide fumant et déplie le journal.
Elle regarde distraitement les titres de la première page : un accident de la route qui a fait deux morts, une femme agressée pour dix euros, des jeunes interpellés dans une affaire de cambriolage. Louise hoche la tête et se dit que les enfants ne sont plus éduqués comme avant. On ne leur apprend plus les bonnes manières, ni comment se tenir, il n’y a qu’à regarder Josiane d’ailleurs ! Attifée de jupes trop courtes, les cheveux toujours épars et teints d’une couleur plus que douteuse.

Elle retourne le journal, jette un coup d’œil rapide sur le bulletin météo et cherche entre les pages consacrées aux sports et aux loisirs, sa rubrique préférée. Elle l’a trouvé, son regard devient plus alerte comme celui d’une pie. Elle lit rapidement les noms qui se succèdent mais s’arrête aux lignes suivantes. Une d’entre elles retient toute son attention « la famille remercie le personnel de la maison de retraite Les lys bleus pour tout leur dévouement… ». Elle la relit pour être sûre, sa main cachectique en tremble de joie. Oui, c’est bien cela, il y a une place de libre à l’autre maison de retraite de la ville! Elle en oublie son café et déchire la page des obsèques du journal qu’elle met dans sa poche.

Les maisons de retraite, c’est comme les bonnes adresses de restaurant ou d’hôtel qu’on s’échange. La seule différence c’est qu’il n’y a pas de place pour tout le monde alors quand quelqu’un y décède c’est une chance. Depuis le temps qu’elle en rêvait, elle ne va pas laisser aux autres pensionnaires cette opportunité. Après tout, ils n’ont qu’à se lever plus tôt…

vendredi 21 août 2009

Marie NIMIER "La Reine du silence"

Un auteur qui ose montrer ses failles et qui dit tout sur ses relations avec son père. C’est rare, très rare qu’un écrivain nous fasse entrer dans les vicissitudes de son intimité. Marie Nimier le fait dans « La Reine du silence ». Un livre bouleversant de pudeur où elle confie ses interrogations, ses doutes sur ce père. Il aurait été facile de mettre en avant un type formidable, le père idéal et d’en faire que des éloges mais non, elle met le doigt là où ça fait mal : des remises en question sur l’amour paternel, et sur soi-même.
Comme dans « les inséparables », elle raconte du réel, son vécu ce qui met en avant Marie Nimier en tant que qu’une personne comme vous et moi. Elle ne se place pas sur un piédestal car elle fait part de ses confidences, de sa vie.

Des mots lus et écrits

Quelques lignes, avant d’entrer dans le vif du sujet...

Du plus loin où je puisse fouiller dans ma mémoire, j’ai toujours aimé lire.

Qu’importe qu’on lise peu ou beaucoup, des auteurs connus ou non, que ça soit chez soi ou dans un bus. La lecture reste avant tout un plaisir où l’on découvre un éventail extraordinaire de ressentis.
Il peut s’agir d'une histoire qui se tisse au fil des pages et qui nous tend la main, ou des nouvelles au contenu grinçant. Quand j’ai tourné la dernière page, je peux être émue, ou souriante et pleine de gaité. Parce que les mots, la narration, le style ont ce pouvoir de donner des émotions incroyables !

Je pourrais aller à la bibliothèque mais à mes yeux, un livre c’est intime : on développe une histoire personnelle car chacun possède ses propres ressentis.

Pourquoi j'écris?
Même si c'est sur un blog, on écrit parce que sinon…on n’arrive plus à vivre, à respirer. J’écris sur tout et sur rien, sur ce qui me mord le cœur ou le ventre. Le départ peut être une conversation entendue dans le bus ou un visage croisé dans la rue.

Tout va très vite, le texte vient de lui-même comme dans un film. L’imaginaire prend le relais ou je transcris ce que j’ai vu avec ma sensibilité. Les mots s’enchaînent quelquefois moqueurs, ironiques ou alors plus graves. Il y a le plaisir de trouver le mot juste, celui qui va former une harmonie ou qui sera une étincelle. A travers mon blog, je cherche à partager mes émotions et mes points de vue. Je considère l’humour, la dérision comme des armes implacables contre la bêtise humaine...