Non pas ma vie, ni sa vie, ni même une vie. La vie, avec ses contenus qui sont les mêmes pour tous mais que l’on éprouve de façon individuelle : le corps, l’éducation, l’appartenance et la condition sexuelles, la trajectoire sociale, l’existence des autres, la maladie, le deuil. Par-dessus tout, la vie telle que le temps et l’Histoire ne cessent de la changer, la détruite et la renouveler. Je n’ai pas cherché à m’écrire, à faire œuvre de ma vie : je me suis servie d’elle, des évènements, généralement ordinaires, qui l’ont traversé, des situations, et des sentiments qu’il m’a été donné de connaître, comme d’une matière à explorer pour saisir et mettre au jour quelque chose de l’ordre d’une vérité sensible.
Ces phrases sont extraites de la préface ô combien magnifique où Annie Ernaux présente cette anthologie qui regroupe les armoires vides, la honte, l’événement, la femme gelée, la place, journal du dehors, une femme, je ne suis pas sortie de ma nuit, passion simple, se perdre, l’occupation et les années.Si Ecrire la vie reprend une partie des livres de l'auteure déjà parus, il est enrichi de photos personnelles et d’extraits du journal intime d’Annie Ernaux.
Depuis l’âge de seize ans, elle n’a jamais cessé d’écrire. La fille de l’épicerie-café d’Yvetot en Normandie devenue professeur a toujours cherché par l’écriture à dénouer ses sentiments vis-à-vis de ses parents et principalement de sa mère. A travers sa vie, il s’agit des chroniques sociales de notre pays et de ses changements sur plus de quarante ans. Ses livres sont devenus une part de notre mémoire collective. Des écrits à portée universelle s'inscrivant dans notre patrimoine à tous et qui reflètent toujours avec justesse les sentiments de cette femme.
Alors qu’elle était étudiante elle se fera avorter illégalement en 1963, mariée et mère de famille, elle divorcera et connaitra des aventures purement charnelles. Elle s’occupera de sa mère atteinte d’Alzheimer, cette mère qui pouvait se montrer dure puis l’instant d’après débordante d’amour. Avec Journal du dehors écrit sur plusieurs années, elle observe : Il ne s’agit pas d’un reportage, ni d’une quête de sociologie urbaine, mais d’une tentative d’atteindre la réalité d’une époque, - cette modernité dont une ville nouvelle donne le sentiment aigu sans qu’on puisse la définir - au travers d’une collection d’instantanés de la vie quotidienne collective. C’est, je crois , dans la façon de regarder aux caisse la contenu de son Caddie, dans les mots qu’on prononce pour demander un bifteck ou apprécier un tableau, que se lisent les désirs et les frustrations, les inégalités socioculturelles.