dimanche 29 novembre 2009

Erik Orsenna "La chanson de Charles Quint"



Avant de lire ce livre, je me représentais Erik Orsenna comme un justicier moderne de la langue française. Le Zorro du plus que parfait du subjonctif, la grammaire à la boutonnière et laissant signe de son passage, non par le célèbre Z, mais la farandole joyeuse de chou-genou-bijou-hibou-caillou-joujou-pou. Et s’il vous plaît, écrite du bout de son épée.

Dans « la chanson de Charles Quint », on découvre l’homme sans sa panoplie grammaticale. Erik Orsenna met à nu ses sentiments après la mort de sa femme. Un homme partagé entre la douleur, le savoir et la science et qui cherche inlassablement la réponse à la question « où est-elle maintenant? ». Pour pouvoir vivre à nouveau, il lui faut trouver non pas la vérité mais sa vérité.
Entre ses errances et sa quête, on lit, les larmes aux yeux, une de plus belles déclarations d’amour.

Merci Monsieur Orsenna pour ce si beau livre….

lundi 23 novembre 2009

Shalom Auslander - "La lamentation du prépuce"






Décapant !

Un livre où le mot "masturbation" donne lieu à ses scènes tordantes , l'alimentation cachère côtoie sans complexe les Hot-Dod et où les gros mots sifflent.

Je m'excuse auprès des Dieux tout puissants ( ou moins) quel qu’ils soient mais grâce à eux, je me suis musclée les abdos et les zygomatiques.

A offrir pour Noël aux adeptes inconditionnels des génuflexions qui savent apprécier le second degré ...

Richard Zimler "La quête de Sana"




Je parle de ce livre car je l’ai reçu dans le cadre d’un partenariat. Non, ce n’est pas un coup de cœur. Armée de mon courage, et en poussant de long soupirs, j’ai quand même réussi à le finir. Car plus de 350 pages quand on s’ennuie, c’est long, très long, voire interminable…
Heureusement aux alentours de la 280ème page environ, l’auteur a réveillé mon intérêt mais c’était bien trop tard.

Si Richard Zimler m’avait épargné de fioritures ou de descriptions inutiles sur son petit déjeuner ou sur sa vie sentimentale, j’aurais peut-être accroché.

Désolée, mais je ne peux vous parler avec enthousiasme d’un livre que je n’ai pas apprécié…

Alors, je vous mets le résumé de la quatrième de couverture qui pourtant est bien alléchant :

"Février 2000. Richard Zimler, l'auteur du Dernier Kabbaliste de Lisbonne, est en Australie. Il y rencontre une femme qui lui dit combien Le Kabbaliste a compté dans sa vie. Le lendemain, sous les yeux de l'écrivain, elle saute par la fenêtre de sa chambre d'hôtel.

Richard Zimler, bouleversé par ce suicide, décide d'en savoir plus sur cette inconnue, de comprendre ce qui a pu la pousser à ce geste de désespoir.

Ce qu'il va découvrir, c'est d'abord une formidable histoire d'amitié entre Helena, d'origine juive, et Sana, d'origine palestinienne. Nées toutes les deux en 1946 à Haïfa, elles auront connu pendant près d'un demi-siècle, en dépit des déchirements entre leurs deux peuples, une vraie complicité.

Nombreux sont néanmoins les secrets et les zones d'ombre qui entourent leurs existences, et l'enquête de Richard Zimler prendra vite un tournant imprévu qui le mènera dans les coulisses du terrorisme international.

La Quête de Sana est tout à la fois un récit autobiographique surprenant, une vision bouleversante de l'histoire contemporaine et un thriller palpitant. "

jeudi 19 novembre 2009

Un air de chérubin

Souvenez-vous, au mois de septembre, j'avais participé à un concours de nouvelles sur le thème imposé de l'Escalier du Commandant.
Cet escalier du centre de Brest a été détruit lors des bombardements de la seconde guerre mondiale.

Pourquoi l’appelait-on ainsi? Qui était ce Commandant ?
Mon imagination, mes recherches m’ont amené à la fin du 19ème siècle à Brest.

Et, attention … ma nouvelle « Un air de chérubin » a été retenue et elle sera éditée prochainement (promis : pour ceux qui l’achèteront, je ferais une séance exclusive de dédicaces !).
En avant-première, la voici …



Depuis trois jours, un ballet incessant défile devant moi : des redingotes dont les galons brillent de mille feux, des aiguillettes couleur or perchées sur des épaulettes, des têtes serrées dans des coiffes de dentelle et des couvre-chefs tenus à la main. Certains m’observent puis battent en retraite subrepticement ou en me saluant fièrement. D’autres me glissent quelques mots d’une banalité affligeante à peine teintés de regrets. Je devine les inflexions des conversations chuchotées des notables. J’entends les voix des femmes, elles murmurent dans le creux d’une oreille des confidences qui appellent à des discrétions d’église. Seuls les froissements soyeux des jupons, le tintement des fourreaux de sabre contre le ceinturon égaient l’atmosphère aussi lourde qu’une chape de plomb. La plupart d’entre eux arborent un visage impassible, fermé d’où ne suinte aucune compassion, juste du dédain. Leurs regards qui, avant, me montraient du respect et de la courtoisie sont devenus froids et hautains. Heureusement hier, il y a eu un peu de distraction.

Un des négociants en vin de la rue Siam où je me fournissais, Mr Jacques, est arrivé, ventripotent, le souffle court et la chemise sortant de son pantalon. Son teint rubicond virait au mauve. Il avait sorti de sa poche un mouchoir pour essuyer les gouttes de sueur qui dégoulinaient de son crâne dégarni. Quand il s’approcha de moi, il se prit les pieds dans un tapis et il s’en fallu de peu pour qu’il ne tombe. Louis, mon fils aîné qui affiche un air benêt en permanence, le retint par la manche de son paletot avant qu’il ne s’asseye à mes côtés. Le pauvre homme était tellement gêné qu’il s’est relevé aussi vite que possible avant de s’empêtrer dans ses explications :

- Vous savez, mon Commandant, c’est jour de marché aujourd’hui, et avec un temps comme ça…ben, les gens…les gens des environs sont venus nombreux, tellement nombreux que la Grand’Rue était noire de monde ! Et puis, j’ai fait des affaires.

Il avait dû sortir une bouteille de son comptoir pour appâter le chaland et boire un ou deux verres. Son haleine dégageait cette odeur que je connais par cœur. Celle de la liqueur à la fraise que j’avais coutume d’aller siroter au café de l’hôtel du Grand Monarque chaque fin de semaine. Quand Mr Jacques s’aperçut que tout le monde l’écoutait, il se tut. Il me décrocha un clin d’œil et se détourna pour aller présenter ses civilités à mon épouse.

Ensuite, un de ces Lieutenants de Vaisseaux, prétentieux et aux dents longues, a fait son entrée. J’ai deviné un sourire, aux commissures de ses lèvres, à peine esquivé car il avait bien du mal à cacher sa satisfaction de me voir là. Il m’a gratifié d’un salut militaire digne de mon rang mais avec une insolence de jeune loup. Je sais qu’il a pour ambition de prendre ma place de Commandant et d’épouser ma fille Adèle. Ce sera un mariage de raison et d’argent car la nature ne l’a pas gâtée la pauvre fille … Elle a hérité de sa mère cette maigreur et cette sécheresse comme s’il n’existait aucune chair entre ses os et sa peau. Ses yeux ressemblent à deux petites billes perdues sur un visage étiré aux pommettes saillantes. Une union qui alliera deux familles aisées, tel mon mariage avec Louise.

J’avais à peine vingt ans et j’étais tombé follement amoureux de la fille d’un des vitriers de la ville qui arpentait du matin au soir les rues pavées. Quelquefois, elle l’accompagnait et dès que j’entendais son père déclamer son refrain lancinant, j’accourais à la fenêtre de ma chambre pour l’observer. De là, j’avais vue sur le Champ de Bataille où les enfants jouaient tandis que leurs bonnes se racontaient les derniers commérages entendus au marché de la Place Médisance. Je me précipitais en faisant mine de m’intéresser aux gamins qui traînaient et qui chapardaient ce qu’ils pouvaient. Nous n’avons jamais échangé un mot et je crois qu’elle ne s’est pas doutée, une seule fois, de tout cet amour qui me consumait. Pour elle, je ne devais être que l’un de ces fils à papa, orgueilleux et pédant. A l’aube de mes vingt et un ans, toutes les demoiselles de la bonne société m’avaient été présentées. Ne voulant pas me décider, mes parents me choisirent Louise pour épouse puisque son père était sur le point de gagner ses étoiles de Commandant.

Aujourd’hui, en cette fin de matinée, je constate que mon épouse est remarquable dans l’interprétation de son nouveau rôle. Elle ne dégage pas une once de commisération. Assise bien droite, elle ne se lève que pour saluer ou remercier par déférence ceux qui, à ses yeux le méritent : le vice-amiral et quelques épouses des familles les plus riches de Brest. Les autres n’ont le droit qu’à un petit signe sentencieux de la main, un hochement de tête condescendant.

Hier soir, lorsque nous nous sommes retrouvés seuls, elle s’est approchée de moi. Elle est restée là quelques minutes passant ses doigts dans mes cheveux avec une tendresse que je ne lui ai jamais connue en vingt-cinq ans de mariage. Brusquement, elle s’est mise à rire comme prise d’une folie soudaine. Son corps tout entier psalmodiait et ses yeux crachaient de la haine. Elle faisait des allers-retours devant le balcon, et elle se mit à crier:

- Regardez-vous, mon Commandant ! Vous avez belle allure, n’est ce pas ? Pendant toutes ces années, je vous ai supporté, vous et votre arrogance. Mais surtout, j’ai gardé la tête haute lorsque les langues ont commencé à se délier ! Car, oh que oui, je savais ce que vous faisiez tous les soirs une fois votre dîner pris ! Tout Brest le savait et s’en faisait des gorges chaudes. Si vous pensiez que j’étais dupe de votre petit manège, vous vous trompiez, mon ami ! Ah, mon Dieu… qu’ai-je fait pour que vous nous trainiez ainsi dans la fange ? Et la simple idée de penser que maintenant, les fiançailles de notre fils Aristide sont compromises, me rend malade. Vous avez apporté la honte et l’humiliation sur notre famille!

Elle qui d’habitude était peu bavarde à mon égard, avait la langue bien pendue. Des larmes ont coulé sur ses joues alors qu’elle frappait sa poitrine de ses mains empoignées comme pour la prière.Puis, très vite, son apathie coutumière l’avait regagné. Son palabre acrimonieux se poursuivait :

-Voilà, où nous en sommes aujourd’hui à cause de vous ! Oui, par votre faute et seulement par la vôtre ! Après votre café, vous alliez fumer dehors votre cigarette pour ne point nous importuner. C’est bien ce que vous prétextiez, non ? Vous me pensiez donc sotte à ce point ? Une fois, je suis descendue à la Grand’Rue pendant que Marie surveillait les enfants. Je vous ai vu de la rue Siam descendre une par une les marches de cet escalier de fortune où les filles de joies tapinent. Oh oui ! Je vous ai observé… J’ai pu voir de quelle façon obscène vous les regardiez vous dévoiler leurs mollets. Vos yeux brillaient de vice et ces filles riaient tandis que vous vous régaliez de ce spectacle ! Je dois concéder que vous aviez choisi le meilleur emplacement. Tout en bas de ces marches, vous ne pouviez avoir meilleure image de ce que cachent les jupons de ces traînées !

Elle me fixait d’un regard torve et sévère, attendant une réponse de ma part. Que pouvais-je lui répondre ? Que toute la journée, je me languissais d’attendre ce moment de bonheur. Car, oui, c’était mon plaisir de voir ces filles dont les formes laissaient présager des corps fermes et généreux. J’avais la fatuité de connaître leurs courbes. Je frémissais quand un corsage laissait apparaitre un sein, un frisson me parcourait le dos quand elles remontaient leurs bas en me décochant des œillades aguicheuses. Elles m’offraient gratuitement ce que mon épouse n’avait jamais pu et su me donner : l’envie et le désir.

Son timbre de voix était devenu sec et son regard se perdait dans un paysage imaginaire :
-J’ai fermé les yeux car vous êtes un homme. Et, Dieu seul sait combien les hommes sont faibles.

En sa qualité de bigote assidue, j‘étais certain qu’elle allait invoquer ses litanies et les heures passées à prier à l’église St Louis :
-Chaque jour, j’ai imploré notre Seigneur afin qu’il vous remette dans le droit chemin. J’ai fait brûler des cierges pour le salut de votre âme. Mais même pour vos enfants, vous ne vous êtes pas donné la peine de vous libérer de vos accointances dans ce cloaque qu’est la rue Guyon ! Je vais vous apprendre une nouvelle : Marie m’a rapporté que désormais les gens nomment cet endroit l’escalier du Commandant ! Quel déshonneur !

Ah, tout de suite les grands mots ! J’aurais dû lui ordonner d’arrêter sur le champ ses geignardises. Avait-elle oublié que si nous habitions ce bel et vaste hôtel St Pierre, c’était bien en ma qualité de Commandant. Tout Brest nous respectait, nous allions au théâtre et aux endroits où il fallait être vu. A chaque cérémonie, la vanité d’être à mes cotés boursouflait un peu plus la veine de son front. Le dimanche après-midi, par beau temps, nous descendions écouter les concerts militaires donnés au Champ de Bataille. Nous recevions des invités de marque et nous étions conviés bras ouverts chez quiconque appartenant à la bonne société. Elle a pu profiter de mon statut de Commandant et de tous les égards bienveillants.
Qu’elle arrête ses sermons à présent !

-Mais non, il fallait que chaque jour …
-Taisez-vous, mère, il n’est plus l’heure des reproches.
C’était Caroline qui tenait ainsi tête à sa mère. Caroline, ma cadette, ma fille adorée, ma joie de vivre. Je ne pouvais pas l’apercevoir mais je l’imaginais se tenant dans l’embrasure de la porte.

Louise vitupérait :
-Caroline, comment osez-vous me parler de la sorte après ce que votre père nous a infligé ?
Ma fille s’avançait vers moi. Je pouvais enfin voir son doux visage rongé par les cernes mais ses yeux, habituellement pétillants de malice, étaient ternes et rougis d’avoir trop pleuré. La pauvre enfant, mon cœur se serrait à la vue de sa mine décomposée.

Elle s’était allongée à mes côtés. Je retrouvais ma princesse : son odeur de miel, sa peau veloutée comme une pêche. Elle tenait ma main qu’elle a ensuite posée contre sa joue.
-Pauvre papa, vous allez me manquer. Sachez que je n’ai pas honte de vous. Comment le pourrais-je ? Vous qui m’avez appris à contempler l’horizon, à aimer la mer et à apprécier le goût des embruns. Je me souviendrai pour le restant de ma vie de nos promenades Cours Dajot. Vous me répétiez que de tous les pays où vous vous étiez rendus, aucune ville n’égalait Brest. Nous restions là des heures durant jusqu’à ce que la nuit vienne nous déloger. Et, je suis certaine que vous avez eu la mort que vous avez souhaité.
-Taisez-vous Caroline, immédiatement ! Arrêtez cela !

Sa mère s’époumonait mais elle continuait :
-Il avait tellement plu que vous avez glissé du haut des marches. Lorsque votre tête s’est mise à saigner sur le pavé, ces filles ont accouru et vous vous êtes éteint dans leurs bras. Elles m’ont dit que vous souriez et que vous affichiez même un air coquin de chérubin … Vous pouvez reposer en paix mon cher papa.

Mon épouse venait de quitter furieusement la pièce et peu de temps après, Caroline s’était endormie, harassée de fatigue, contre ma main froide.


Les cloches viennent de sonner trois coups. Les croque-morts sont là. Il ne me reste plus qu’à regarder, pour une dernière fois, le plafond de ma chambre avant qu’ils ne ferment mon cercueil.
Je pars l’esprit tranquille et folâtre : Caroline, mon enfant chéri, ne m’a pas répudié et l’escalier de Brest que j’aimais tant porte désormais mon nom….

mercredi 18 novembre 2009

Marguerite DURAS "L'Amant"




Parler de Marguerite Duras, c’est comme vouloir rajouter sa petite touche personnelle à un portait de l’une des grandes figures de la littérature française. Généralement, on l’associe à son œuvre entière, l’auteur se substituant alors à l’ensemble de ses écrits.

Deux possibilités s’offraient à moi : piocher gaiement parmi l’un des nombreux avis existants : modifier un mot ici ou là, une formulation (c'est-à-dire l’art de faire du neuf avec de l’ancien), ou plus simplement de vous dire comment j’ai vécu le livre de façon si intense.

Je l’ai ressenti avec ce ballet, cette danse sans fin de non dits sensuels, ces mots peu nombreux mais si justes, et puis le rythme des phrases. Ce rythme lancinant, entraînant, qui provoque des vertiges ou qui fait tourner la tête. Inconsciemment, on cale sa respiration pour suivre, pour goûter au mieux cette cadence. Cadence des mots, cadence des émois …

Et, tout le génie de Marguerite Duras réside là. Elle arrive par cette jeune fille de quinze ans, à nous faire découvrir, revisiter la volupté, les troubles, le plaisir de la chair et sans jamais tomber dans la vulgarité ou dans le sale.

Magnifique !

lundi 16 novembre 2009

ROSE

Comme tout le monde, Rose n’aime pas aller chez le dentiste. Quel drôle de métier que de passer ses journées à farfouiller dans des bouches ouvertes. Elle se demande d’où peut venir ce sacerdoce à débusquer la carie sous l’épiglotte tremblante.

Elle s’y rend à l’heure précise pour s’épargner le temps interminable de l’attente. Si le bourreau a du retard, le supplice commence pendant ces quelques minutes où tout se fige au bruit de la roulette. Elle retient sa respiration, elle guette un cri de douleur épouvantable qui ne vient pas.

Il vient toujours chercher sa prochaine victime avec un sourire bienveillant. Rose traîne toujours un peu des pieds et arrivée devant l’appareil de torture, manifeste un petit mouvement subreptice de recul. Le dentiste invite sa martyre à y prendre place.

Allongée sur le fauteuil, elle est à ses ordres sans aucune défense possible.
-Ouvrez la bouche, dit la voix sous le masque.

Rose obéit, elle n’a pas le choix. L’aspirateur de salive dans le coin de la bouche, elle observe son tortionnaire, quel instrument va t-il choisir ? Elle déglutit difficilement car elle se sait à sa merci.
-Hum, hum… oui.

Il inspecte chaque recoin de sa bouche béante, tapotant les dents. Un petit clignement de paupières involontaire, et il devine immédiatement que la dent est sensible.

Elle se cramponne au siège et ferme les yeux en attendant que l’aiguille vienne se planter dans la gencive.
-Bon…ce n’est rien. Vous n’aurez qu’à utiliser un dentifrice pour renforcer l’émail. Si jamais vous avez mal dans quelques jours, revenez.

Pour cette fois, elle est sauvée.

Avant de partir, Rose offre un regard débonnaire à la personne assise dans la salle d’attente.
-Merci Docteur, dit-elle poliment.

Puis, d’un ton condescendant en direction du pauvre patient qui s’agite nerveusement sur sa chaise, elle ajoute d’un ton hautain:
-Et dire que certains ont peur du dentiste !

vendredi 13 novembre 2009

Marie Desplechin - Un pas de plus



Marie Desplechin, un nom qui il y a quelques mois m’était totalement inconnu. Si on m’avait posé la question « La connaissez-vous ? » sans me donner plus de renseignements, j’aurais fait mine de réfléchir, moue dubitative de l’intellectuelle qui cherche dans son grand et immense savoir, puis j’aurais émis un :
-Euh… non, je ne vois pas. Désolée.

Dans cette situation indélicate, on peut essayer de grappiller des indices. Et pour la circonstance, afficher un air innocent, benoît: est-ce que c’est une femme politique ? Non. Bon… si elle fait partie des personnes qui font la une ou même la dernière page des magazines people, ce n’est pas la peine d’aller plus loin…. Car je suis archi nulle, incompétente dans ce domaine.

« Un pas de plus », comme dans une danse où les temps sont gais mais énergiques. Je me suis laissée emporter par ses nouvelles où lire cette verve vive, rythmée est un réel plaisir. Du pur bonheur ! Une auteure qui ose parler de sujets sensibles ou d’autres plus légers avec humour et brio.

mardi 10 novembre 2009

Emmanuel CARRERE -"La classe de neige"


Vous vous souviendrez sûrement que la lecture de « D’autres vies que la mienne » avait eu pour effet d’engendrer différentes réaction de ma part. Avec « la classe de neige », je vais vous épargner mes questions métaphysiques.
Je l’ai terminé depuis hier et je suis toujours sous son emprise : sonnée, époustouflée, estomaquée…

Dès que j’ai fait la connaissance de ce p’tit garçon, Nicolas, je n ‘ai plus eu envie de le quitter. Mais, pourquoi une classe de neige peut provoquer de telles peurs, de telles inquiétudes chez un gamin? Comme un mauvais pressentiment, on a la certitude que quelque chose de terrible va se passer : laquelle, et pourquoi ?

Je suis retournée… sidérée par l’histoire et par son rythme, épatée par le style, par cette facilité de l’auteur à nous raconter tout ce qui peut se passer dans la tête d’un enfant.

Une seule certitude : une fois de plus, il va me falloir plusieurs jours pour récupérer.

jeudi 5 novembre 2009

ANNA GAVALDA "L'échappée belle"



L’échappée belle : un cycliste qui se détache du groupe et qui sème les autres coureurs ? Ou alors un cycliste tout simplement heureux, heureux de vivre et d'avaler le bitume sur sa selle.

Sauf que notre homme n’est pas forcément un accro de la petite reine et qu'il n'est pas tout seul. Ils sont quatre en tout, quatre à se faire une échappée belle : Garance, Simon, Lola et Vincent. Une fratrie unie comme les doigts de la main et qui le temps d’un week-end va se retrouver comme avant.

Avec eux, j’ai rigolé, j’ai souri à leurs jeux de mots (façon jespspeekenglishverywell) et à leurs souvenirs d’enfance, d’adolescence qui ont fait ressurgir les miens. Mes cheveux qui sentaient le gel, les tubes interplanétaires de cette époque, les discussions «ouais, quand on sera …» partagées avec la meilleure copine ,l’insouciance, et puis cette envie de grandir mêlée à de l’appréhension.

Un livre est à offrir à votre patron s’il vous voit mettre du stabilo sur vos ongles, à la dame coincée du cinquième qui semble avoir été vieille et sérieuse toute sa vie ou à votre belle-soeur BCBG car au fond vous l'aimez bien.

Un vrai condensé de gaieté pour ne pas oublier la joie de vivre même si l’on est devenu « des grands » avec des responsabilités.

Maintenant, le cœur un peu pincé de nostalgie, j’ai envie de téléphoner à mes sœurs pour trouver et parler encore de ces instants qui datent d’hier. Et puis, je vais montrer la chorégraphie trop, trop top de Bananarama à mes filles.

mercredi 4 novembre 2009

Eric FOTTORINO "L'homme qui m'aimait tout bas"







Je pense qu’écrire sur son père décédé ne doit pas être une chose aisée : faire la part des choses, relater en essayant d’être fidèle à ses souvenirs, être au plus juste dans ses propos. Eric Fottotino ne tombe pas dans le mélodramatique dès qu’il parle de ce mot dur, le suicide, ou tout de qui l’entoure.

Bien sûr dans ce livre, on retrouve le style limpide et fluide d’Eric Fottorino. Les sentiments et les émotions ont une belle part, et je l’ai lu facilement mais ce j’ai retenu c’est le portrait luisant d’un père parfait mis sur un piédestal.

Livre ou exutoire pour l’auteur? Comme pour tenter de se déculpabiliser de n’avoir pas su prêter attention à un signe qui laissait présager les ennuis de son père. Mais quand bien même, il l’aurait remarqué et qu’il l’aurait aidé, est-ce que ça aurait pu changer quelque chose ?
Je n’ai pas la réponse…

dimanche 1 novembre 2009

Lecture "Nouvelles à chute"



Un petit livre qui ne paie pas de mine et qui de surcroit se présente sous la forme d’une des lectures imposées par la prof de français :
-Ce trimestre nous allons étudier tel courant littéraire ou tel auteur, je vous demanderai donc de lire …

La pauvre prof n’avait pas le temps de terminer sa phrase qu’un soupir général, proche du bâillement à se décrocher la mémoire, prenait le relais, montrant ô combien, l’enthousiasme pour les lectures obligatoires. Elle poursuivait son cours pour transmettre son enthousiasme à nous ses élèves qui ressemblions à un croisement douteux d’invertébrés et de concentrés d’hormones acnéiques. Eh oui, pour la bande de futurs bacs scientifiques que nous étions, les cours de français puis de philo n’avaient pas grand intérêt…

A l’annonciation de la phrase fatidique « vous devez lire untel ou tel livre», nous nous avachissions un peu plus en décrétant que ça ne pouvait qu’être nul vu que c’était la prof qui l’avait choisi. Ah, la bêtise de l’adolescence…

« Nouvelles à chutes » aurait pu s’intituler « pépites et trésors » car ces nouvelles sont formidables et superbement écrites. J’ai retrouvé ce que j’aime depuis toujours dans les nouvelles : cet art subtil qui réside à amener le lecteur rapidement dans un lieu, de le plonger dans une tranche de vie puis à l’étonner, à le surprendre par le fin mot de l’histoire. Et pour le lecteur, les différentes possibilités de les aborder, de les lire : se demander, le cœur battant d’impatience, comment sera la chute ou d’attendre sagement pour apprécier d’avantage le final.

Une nouvelle est un bateau sur lequel j’embarque et où je me se laisse guider les yeux fermés par l’auteur. Aux dernières lignes, je souris, je m’amuse de n’avoir pas soupçonné la chute, ou alors je suis complètement estomaquée, sonnée comme le boxeur qui reçoit un dernier crochet et s’écroule sur le ring.

Entassés sous Camus et Sartre, coincés entre Molière et Ionesco, j’ai retrouvé « Bel Ami » et « Une Vie »de Maupassant. Les pages ont bien jaunies depuis la classe troisième ou de seconde mais quel plaisir de les relire avec un œil nouveau.