lundi 30 septembre 2013

Deux livres pour le dernier jour du mois de septembre au Québec !

Éditeur : Leméac - Date de parution : 2000 - 225 pages 

Le narrateur Jack est un écrivain public dont la compagne Kim est "une sorte de psychologue qui n'essaie pas de rendre les gens normaux" et qui travaille uniquement la nuit. Un homme âgé demande à Jack d'écrire une lettre pour reconquérir celle qu'il aime. L'homme se montre peu loquace et mystérieux. Jack aime par dessus tout écrire des lettres d'amour car il y insère des phrases empruntées à de grands écrivains. N'ayant aucune nouvelle de l'homme, il part à sa recherche.

Il s'agit d'un livre dans lequel on entre sur la pointe des pieds pour s'y installer confortablement. Jack et Kim sont deux personnages drapés d'un halo d'apaisement qui se diffuse et nous gagne. L'écriture et la littérature ont une belle place, les citations d'auteurs nombreuses. Jack arpente le Vieux-Québec et découvre que le vieil  homme est chauffeur de calèche. La ville est un personnage à part entière et tandis que notre écrivain public se pose des questions sur cet homme, ses recherches le mènent à donner un autre sens à sa propre vie. Un léger brouillard énigmatique règne dans ce roman et la fin m'a surprise. Pas entièrement conquise mais suffisamment intriguée pour vouloir découvrir d'autres romans de cet auteur ! 

Le billet de Sylire




Éditeur : Actes sud - Date de parution : 2005 - 333 pages

Le cahier rouge fait suite au Cahier noir. Céline a quitté son emploi de serveuse pour devenir hôtesse de bar dans une maison de travestis. Nous sommes en 1967 et l'exposition universelle se déroule à Montréal. Fine Fumas la maquerelle qui régie tout ce petit monde espère avoir plus de clients grâce a cet événement.

Dans ce second tome,  Céline raconte essentiellement le monde des maisons closes, les petits ou grands déboires des travestis. Ce sont toujours des personnages hauts en couleurs pour lesquels l'empathie est immédiate. On plonge dans un monde où on se serre les coudes et Céline est toujours prête à rendre service. Même si contrairement au cahier noir, Céline ne parle pas d'elle, on sent qu’elle a mûri.

J’ai trouvé cette suite moins réussie  avec des longueurs mais l’écriture de Michel Tremblay est toujours un délice avec des expressions purement québécoises si savoureuses. Une écriture qui s’attache à décrire des personnages avec une grande humanité !

Il me reste "Le cahier bleu" à découvrir pour terminer cette trilogie mais hélas il ne ne se trouve dans aucune médiathèque de Brest ( bien que les deux premiers y soient...).
Vous n'avez pas fini de m'entendre parler de Michel Tremblay car je veux continuer à lire cet auteur. Son écriture est un coup de cœur ! 

Un grand, grand merci à  Karine:) et Yueyin pour ce challenge !


samedi 28 septembre 2013

Meyer Levin - Crime


Éditeur : Phébus - Traduit de l'américain par Magdeleine Paz- Date de parution : 2011 - 443 pages captivantes et glaçantes!

Le thème de ce livre repose sur des faits authentiques, bien connus aux Etats-Unis : le 21 mai 1924, à Chicago, un jeune garçon de quatorze ans, Bobby Franks, était enlevé et assassiné par deux jeunes gens de dix-huit et dix-neuf ans, Richard Loeb et Nathan Leopold, tous deux étudiants à l’université de Chicago, considérés tous deux comme des prodiges d’intelligence, et tous deux fils de milliardaires. Les meurtriers n’avaient d’autre mobile que de réussir un "crime parfait ". 
Cette histoire est vraie comme il l’est dit dans l’avant-propos et seuls les noms des personnages ont été changés. Artie Strauss et Judd Steiner  sont tous deux génies nés avec une cuillère en argent dans la bouche. Après l'enlèvement de Paulie, Artie et Judd ont réclamé une rançon en faisant croire aux parents que leur fils est bel et bien vivant. Mais la découverte d’un corps d’un jeune garçon rapidement identifié étant comme celui de Paulie est la première fêlure dans leur plan machiavélique. A l’époque des faits, Meyer Levin était lui-même étudiant dans cette même université et écrivait des piges pour payer ses frais de scolarité. Il a donc été donc lui même mêlé à l’affaire et a côtoyé  les deux meurtriers.

Dès le départ, on sait qui sont les coupables. Mevin Leyer relate les faits, les procès et surtout les personnalités complexes d’ Artie et Judd, leur relation ambiguë. Artie est celui qui décide, Judd a pour lui une fascination totale mêlée à une pulsion sexuelle Tous deux imprégnés de Nietzsche se figurent être des surhommes au-dessus des lois.
On suit l’enquête, les agissements de Judd et Artie qui cherchent à dissimuler les preuves de leurs actes. Ils se montent très coopératifs pour l’enquête en aiguillant la police et Cid (Meyer Levin) sur de fausses pistes.

Comment et pourquoi ces deux jeunes hommes promis à un brillant avenir en sont-ils arrivés à commettre l’horreur ? Quelles étaient leurs motivations ? Meyer Levin nous immerge dans l’enquête puis dans le procès. Et là, on assiste aux avis divergents de deux écoles de psychiatrie qui s’affrontent. Mais ce qui choque est l'attitude d'Artie et de Judd : impassibles et n'éprouvant aucun regret.
Avec précision, Meyer Levin creuse et relate au plus juste les faits pour tenter de cerner la psychologie de ces deux jeunes hommes.
Captivant, glaçant, hypnotique et dérangeant !

Si nous les considérions comme des jumeaux  les rapport des psychiatres ont révélé deux personnalités fort différentes. Différentes, mais complémentaires, et particulièrement dans le monde imaginaire que chacun s'était créé.
Judd, dans ses rêves, ou les vagabondages de son esprit, se figurait en esclave, Artie se représentait en maître  : le chef d'une bande de criminels, souverain absolu de sa troupe. Mais l'opposition même de ces rôles offrait une symétrie. Judd, esclave, jouait un rôle de premier plan; supérieurement beau, supérieurement intelligent, il était le mentor des rois. Artie, prince de la pègre, maître absolu, se voyait  toujours emprisonné, fouetté, couvert de chaînes et de haillons, et il s'en délectait. 

Un conseil de lecture de Julien ( mon libraire chouchou) et (seconde couche) le billet tentateur d'In Cold Blog.



vendredi 27 septembre 2013

Alexander McCall Smith - L'air d'été est rempli de promesses


Éditeur : Editions des deux terres - Traduit de l'anglais par Martine Skopan - Date de parution : Septembre 2013 - 297 pages et une déception...

Isabelle Dalhousie a la réputation d’aider tout le monde. Aussi cette rédactrice d’une revue de philosophie ne peut refuser quand on lui demande son concours car un tableau d’une grande valeur a été volé chez un particulier.

Une 4ème de couverture alléchante et je me réjouissais  à l'avance de cette lecture. Autant le dire d’emblée, je n’ai pas aimé ce livre et pire, je me suis ennuyée ! Déjà je n’ai pas accroché au postulat de départ. A savoir un tableau de Poussin est t volé et le propriétaire se retourne vers une bonne âme d'enquêtrice amateur. Je n’ai trouvé aucun intérêt  à la vie édulcorée d’Isabelle qui occupe une bonne partie de roman au détriment de l'intrigue qui forcément en pâti. Et les quelques considérations (dites) philosophiques m’ont laissée dubitative...

Une déception  pour ce roman qui visiblement n'était pas pour moi...

Oui je sais, c’est court, mais pourquoi faire des tartines quand on n’a pas aimé : il s'agit d'une de mes " philosophies "....

Des avis partagés : Manu a un avis plus que mitigé, Aproposdelivres a été déçue, Cachou, LaureSoukee sont plus enthousiastes.



jeudi 26 septembre 2013

Nelly Alard - Moment d'un couple


Éditeur : Gallimard - Date de parution : Août 2013 - 376 pages captivantes, terribles mais une fin décevante ! 

Voilà. J’ai une histoire avec une fille, c’est une élue socialiste, ça dure depuis trois semaines, et maintenant elle veut que je te quitte, et là, nous parlions au téléphone, je lui ai dit que j’allais au cinéma avec toi, elle a commencé une crise d’épilepsie, elle a laissé tomber le téléphone, elle crie, je ne sais pas ce qu’elle a, je ne sais pas quoi faire, il faut que j’aille la voir. 
Il reprit sa respiration, ajouta. Je ne pourrai pas aller au cinéma. 

Juliette est au parc avec ses enfants quand son mari Olivier l’informe par téléphone qu’il a une liaison. Le ciel lui tombe sur la tête. Comment Olivier a pu lui faire ça ? A elle son épouse, la mère de ses deux enfants ? Est-ce qu’il lui a seulement téléphoné pour demander conseil parce qu’il est désemparé face au tournant inattendu que prend son adultère ? Oliver et Juliette  avaient tout pour être heureux jusqu’au grain de sable dénonimée Victoire. Juliette ignore au départ son prénom, elle  refuse même de le connaître. Elle est juste déterminée à sauver son couple mais il faut qu’Olivier rompe. Juliette aurait pu lui dire de partir mais non elle s’accroche à ce qu’ils ont construit. Elle a compris que Victoire est une manipulatrice, Olivier lui voit une femme sensible et fragile. Il faut la ménager... Rompre mais en douceur. Et Juliette accepte, le met en garde face à cette femme. Elle découvre qu’Olivier s’est gardé de lui dire toute la vérité alors que la maîtresse passe au harcèlement, l’appelle même à son travail. La situation s’embourbe, Olivier est perdu tout en voulant ménager sa femme et sa maîtresse. Et qui prend les devants ? Juliette. Son entourage proche se demande où elle puise son courage. Car Victoire s'est transformée en tempête de sable . Mais Juliette veut gagner cette guerre tout comme sa rivale prête à tout.

Ce qui aurait pu n’être qu’une simple histoire d’adultère est bien plus que cela. Depuis son premier roman Le crieur de nuit, Nelly Alard a gagné en force d’écriture et elle nous le démontre!
On est balloté, mis à mal par  le mal-être grandissant et pris dans l’engrenage du suspense.
Nelly Alard excelle à décortiquer ce couple actuel marié depuis depuis dix ans de quadragénaires comme tant d’autres. L'auteure émaille le récit de leur passé celui de toute une génération. De leurs aspirations en terme d’amour, de carrière, de vie familiale et sociale à ce qu’ils sont devenus. La trahison comprise. Le tout avec acuité et sans pathos !
Tout était réuni pour que je crie au coup de cœur mais voilà les cinq dernières pages qui pourraient une sorte d’épilogue m’ont déçue. Elles sonnent faux comme si l’auteure les avait ajoutées à la dernière minute. Ce n’est pas le message passé qui me dérange mais la forme et une partie du contenu (je les aurais écrites différemment en laissant planer un doute chez le lecteur mais après tout je ne suis pas écrivain…).
Captivant, dérangeant et terrible sur toute la ligne en excluant ces cinq dernières pages...

Rencontre puis Trahison puis Amour puis Rupture puis Mariage puis Vie commune.
C'est n'importe quoi.
Depuis la naissance des enfants, les choses semblaient avoir repris un cour normal.
Mais le projectionniste, apparemment, continue de picoler

Les billets de Cuné, Laure


mercredi 25 septembre 2013

Mary Wesley - Rose, Sainte-Nitouche


Éditeur : J'ai lu - Traduit de l'anglais par Michèle Albaret - Date de parution : 2010 - 414 pages délicieuses! 

Depuis le décès de Ned l’époux de Rose, ses amis s’inquiètent pour elle. Elle a toujours su cacher ses émotions depuis très longtemps et si sa vie semble d’un terrible conformiste, la réalité en est loin, très loin.

Après des lectures qui m’ont remuée, j’avais besoin d’un bon roman où je puisse m’attacher à une héroïne, sourire grâce à un humour dosé d’une pointe d’ironie. Et ce roman a comblé mon attente. Pétillant, tout comme à l’image de Rose.
Jeune fille, Rose a été mise en garde par sa mère contre les hommes pour qui les plaisirs de la chair sont un pur mensonge. A l’occasion d’une réception donnée chez des personnes de la bonne société anglaise, Rose fait la connaissance de Mylo originaire de France. Précepteur des enfants, il dévoile à Rose son tempérament fougueux et intrépide. Chacun tombe sous le charme de l’autre. Mais la Seconde Guerre mondiale qui se prépare vient bousculer toutes les vies. Mylo est reparti en France et sans aucune nouvelle de sa part, Rose accepte d’épouser Ned qui part au combat. Elle gère la maison et la ferme de son époux, s’affirme dans sa personnalité et surtout entretient avec Mylo une liaison. La jeune femme timide est devenue une femme de caractère mais elle ne peut se séparer de Ned. Car il s’agit également d'une personne qui ne revient pas sur ses promesses.

On suit la métamorphose de Rose qui s’est émancipée, on partage ses doutes, ses joies et ses peines. De la jeune femme qui deviendra mère, épouse et maîtresse qui jongle habilement entre deux vies. Les soi-disant amis, les convenances sont épinglées avec ironie. Et Mary Wesley n’oublie pas le contexte social ni les carcans imposés à ces femmes.
Sans être guimauve, ce roman est absolument délicieux ! 

Les billets  d'AnneAntigone ( merci!!), Cathulu, LaureManu, Theoma, ...




mardi 24 septembre 2013

Arnaud Rykner - La belle image


Éditeur : Rouergue - Date de parution : Août 2013 - 141 pages qui font réfléchir...

Cette histoire donc, encore une histoire vraie. Et fausse aussi. (…) 
Mais ce livre est né d’une révolte. De cette sorte de mort légale infligée à un homme qui avait purgé sa peine. « Double peine » qui ne dit pas son nom. Comment croire à la société si la société ne cesse de se mentir à elle-même et ne croit plus en ceux qui la composent ? Notre vie est faite de tous ces chemins que nous n’avons pas pris : tournée à droite quand il fallait tourner à gauche. On ne choisit pas la forêt. Je voulais seulement faire un livre impossible à aimer. Sans morale, sans issue. Ce livre n’est pas un livre "social", encore moins "politique". Il ne veut pas donner de leçon. 

Ces extraits sont issus de la postface que j’aurai pu citer en entièrement tant elle m’a fait réfléchir comme ce livre d’ailleurs. Ce roman est basé sur une histoire vraie. L’auteur a correspondu avec un homme sorti de prison.

Dans ce livre, un homme est libéré après avoir purgé sa peine de prison. Derrière les barreaux, il a entamé une correspondance avec un universitaire car il voulait effectuer une thèse sur la littérature. Sa première lettre d’homme libre est destinée à cet universitaire. Il a payé sa dette par une longue peine de prison. Mais les barreaux de prison sont remplacés par des barreaux invisibles : regards gênés, l’impression de plus exister dans cette société qui implicitement ne veut plus de lui.  Il est libre seulement sur le plan juridique. L’universitaire se fait réceptacle de ses pensées sans jamais oser formuler ses questions. Pourtant, il en a. L’homme le devance sans se chercher d’excuse ou l’absolution.

Dans cette correspondance on découvre pourquoi il a été emprisonné. Cet enseignant a tenté de tuer une femme. Une histoire d’amour rompue, d'un amour passionnel,  qui l’a poussé à commettre cet acte. Maintenant, Il veut juste exister.
Et les questions de cet homme vont engendrer chez son correspondant d’autres questions, réveiller des peurs et des doutes. Qu’est-ce ce que la liberté ? Peut-on être emprisonné dans sa vie ?

L’écriture est tout simplement magnifique ! Sans aucune fioriture, porteuse de réflexions.  Ce roman bouscule et nous questionne. Une lecture à méditer ! 





lundi 23 septembre 2013

Alix Ohlin - Inside


Editeur : Gallimard - Date de parution : Août 2013 - Traduit de l'anglais (Canada) par Clément Baude - 363 pages qui m'ont conquise !

1996, Montréal. Alors qu'elle fait du ski, Grace heurte un homme qui veut se suicider. Elle appelle les secours et passe sa journée à ses côtés. Est-ce son métier de psychologue qui a pris le dessus ? Pour être certaine que Tug n'essaiera pas à nouveau de mettre fin à ses jours, elle reste chez lui la nuit. Le lendemain à son cabinet, elle voit Annie une adolescente qui se scarifie . Elle est enceinte et demande conseil à Grace.
2002, New-York, Annie qui se fait désormais appeler Anne veut devenir comédienne  Son agent lui décroche des rôles dans des publicités et  de brèves apparitions dans des séries  télé.  Rien de plus mais elle ne perd pas espoir. Elle recueille chez elle une adolescente Hillary qui a fugué. Celle-ci s'immisce petit à petit dans sa vie.
2006, Mitch psychologue et ancien mari de Grace accepte une mission  pour Iqualit. Une mission en forme de fuite pour faire le point sur sa liaison avec Martine mère d'un jeune garçon atteint du syndrome d'Asperger. Sur place, il fait connaissance de Thomasi dont la mère est dans le coma.

Grace est le pivot de ce roman, tous les autres  personnages gravitent ou ont gravité autour d'elle par son métier ou dans sa vie personnelle.
Ce roman fluctue dans le temps et dans l'espace. Avec Tug nous découvrirons le Rwanda, nous assisterons aux retrouvailles de Grace et de Mitch des années plus tard. Des personnages qui ont forcément changé soit par le cours de la vie non linéaire soit par des rencontres, des actes commis ou non.
Toutes les clés ne nous sont pas données au départ. Le puzzle prend forme  au fil des chapitres qui sont consacrés à chacun des personnages. Habilement, les remords, la solitude, la recherche du bonheur, les échecs ou les douleurs tapies se dessinent en faisant la part belle au travail du psychologue. Des destins qui se croisent, se chevauchent, s'éloignent et autant de mains tendues. Mais l'acceptation de l'aide d'autrui n'est pas sans conséquence tout comme son refus.

L'écriture d'Alix Ohlin émaillée d'humour et jamais plombante nous guide dans ce roman.
Et lorsque l'on  connaît tous les aboutissement de ce livre et tous les thèmes abordés, on est impressionné par la densité de ces personnage si humains et des relations si justement bien décrites ! Conquise je suis ! 

Depuis son divorce, elle avait eu quelques aventures, mais rien n'avait pris. Elle avait trente-cinq ans et se disait qu'après tout elle n''était pas fait pour le mariage - constat qu'elle aurait rejeté, ou du moins considéré  avec soupçon, s'il était sorti de la bouche d'un patient. Le privilège du psy consistait, parfois, à remettre les œillères.

Les avis enthousiastes de Cathulu, Laure, Lou lit là, Mimipinson n'a pas aimé.






samedi 21 septembre 2013

Pierre Lemaitre - Au revoir là-haut


Éditeur : Albin Michel - Date de parution : Août 2013 - 564 pages et un vrai plaisir de lecture ! 

2 novembre 1918, le soldat Albert Maillard est sauvé de la mort par le soldat Edouard Pericourt. Ce dernier en aidant bravement son camarade est blessé grièvement au visage. A partir de ce moment, Albert va veiller sur Edouard à la gueule cassée et les deux hommes vont devenir inséparables.

S’en suit l’armistice et des hommes démobilisés dont la France ne sait que trop que faire. Pour la famille riche et aisée d’Edouard, celui-ci est mort au combat. A la demande d’Edouard, Albert a falsifié des documents. Un autre homme est au courant : le lieutenant Henri d'Aulnay-Pradelle qui est élevé au rang d’héros. Pourtant, il n’a que l’étoffe d’un arriviste peu scrupuleux et avide d’argent. Il s’est marié à la sœur d’Edouard pour profiter du carnet d’adresse influent de son beau-père. Son épouse n’est pas dupe de ses liaisons et son beau-père le considère comme un bon à rien. Et Pradelle a flairé un bon filon car le pays se retrouve avec des milliers de morts entassés dans des charniers à qui l’on doit offrir un lieu de repos décent. Son entreprise remporte le marché et il s’enrichit de manière écœurante. Sans regret et sans morale. Pendant ce temps, Edouard et Albert survivent misérablement. Edouard est devenu accro à la morphine et Albert enchaîne les petits boulots pour lui en procurer. Il n’a pas retrouvé sa place de comptable d’avant guerre et sa fiancé l’a remplacé. La mère patrie les a oubliés financièrement et socialement tout comme leurs concitoyens. Edouard ne se montre jamais, gueule cassée dont ce qui reste de visage est effrayant. Il ne dessine plus alors que c’était son grand plaisir. La France occupée par ses soldats morts lance un appel d’offre pour des monuments aux morts. Et Edouard a une idée, une escroquerie qui leur permettra à lui et à Albert d’être riches grâce à son don de dessinateur. Je n’en dirai pas plus sur l’histoire, ni pourquoi Albert veut se venger de Pradelle depuis cette journée du 2 novembre 1918.

Ce roman est fichtrement bien rythmé et l’auteur nous immerge dans cette période de l’après Grande Guerre. Grise, peu glorieuse avec l’argent fait sur le dos des morts, les arnaques, les magouilles entre personnes des mêmes cercles au bras long. Avec une écriture vive qui crisse aux oreilles ou qui sait se faire diablement cynique pour nous interpeller, les pages se tournent à toute allure !

Un roman avec un vrai suspense, un contexte historique creusé. Certains diront que ces trois personnages ont tout des deux gentils et du méchant. Ce serait nier le talent de Pierre Lemaitre qui nous campe des personnages plus vrais que nature et qui nous réserve des surprises. 
L'auteur habitué à jouer avec nos nerfs, à nous glacer le sang et à nous tenir en haleine a habilement retourné sa veste d’écrivain dans un genre où je ne l’attendais pas en nous offrant un premier roman.
Un vrai plaisir de lecture sur toute la ligne! Je me suis régalée! 

Même si la pauvreté, des deux côtés, remontait à la première dynastie, Madeleine avait cela dans son histoire, le manque, la gêne, c'est comme le puritanisme ou la féodalité, ça ne se perd jamais tout à fait, les traces suivent les générations.

Les billets d'Argali, Cuné, DominiqueStephie, Ys

Lu du même auteur : Alex - Cadres noirs - l'excellent Robe de marié - Sacrifices - Travail soigné




vendredi 20 septembre 2013

Laurent Seksik - Le cas Eduard Einstein


Éditeur : Flammarion - Date de parution : Août 2013 - 294 pages troublantes!

Le nom Einstein est associé à Albert. Avant d'ouvrir ce livre, je ne savais pas que génie avait eu deux fils dont le cadet  Edouard souffrait  de schizophrénie, maladie déclaré à ses vingts ans. Ces deux enfants sont issus de son premier mariage avec Mileva femme dévouée à ses fils et plus particulièrement à Eduard. Il faut dire qu'Albert s'est détourné de son fils et de sa folie. Tandis que la guerre gronde, Albert émigre aux Etats-Unis avec sa nouvelle épouse. Edouard sera interné à l'hôpital psychiatique de Burghölzli en Suisse et sa mère ne vit que pour lui. Sacrifices compris.

On plonge dans l'âme torturée d'Eduard qui admire et déteste ce père si célèbre. Sa souffrance est criante tout comme l'amour maternel de Mileva. Un amour qui dépasse toutes limites car elle veut qu'Eduard soit soigné correctement. Le nom Einstein étant souvent un barrage auprès des spécialistes qui s'affrontent car la psychanalyse en tant que traitement n'est pas partagée par tous. Si Eduard est atteint de schizophrénie, il est pourtant extrêmement intelligent. Dans sa nouvelle vie, Albert est obnubilé par travail mais la culpabilité envers son fils est bien réelle. Amputé des manifestations d'amour, il sera toujours maladroit avec son fils. Eduard ne sort guère de l'hôpital psychiatre. Spectateur du monde monde qui change, des années que porte plus difficilement sa mère.

Ce roman polyphonique donne la parole à Eduard, à son père Albert et à sa mère. Il retrace le parcours sur plusieurs dizaines d'années de leur existence mettant à  nu leurs pensées les plus intimes. Les remords sont communs à Albert Einstein et à Mileva. Ils ont perdu un premier enfant, une douleur enfermée à double tour dans une gangue de silence. Eduard est partagé par la fardeau de ce nom lourd à porter lié à son père et l'admiration. Il l'aime et le hait simultanément. Et Mileva si touchante, si dévouée qu'on a envie de prendre dans ses bras ! 
Tous les trois se heurtent à des difficultés, chacun ayant sa vision qui ne correspond pas forcément à celle de l'autre.

Extrêmement bien construit et écrit, ce livre lève le voile sur Eistien personnage public en le décrivant dans les relations avec sa famille. Un père absent dont le fils Eduard est son talon d'Achille...difficile d'éprouver cependant de l'empathie pour Albert.
Un roman passionnant,  touchant et troublant à ne pas rater ! 

Mon fils est le seul problème qui demeure sans solution. Les autres, ce n’est pas moi, mais la main de la mort qui les a résolus .

De nombreux billets dans le récapitulatif Challenge rentrée littéraire 2013 de Sophie Hérisson

jeudi 19 septembre 2013

T.C. Boyle - America


Editeur : Le livre de poche - Date de première parution : 1997 - Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Robert Pépin - 447 pages incisives et magistrales!

Un soir, en regagnant son domicile situé dans la résidence de l'Arrya Blanco, Delaney renverse un homme. L’homme blessé accepte vingt dollars et s’enfuit. Il s’agit d’un Mexicain clandestin qui se cache dans le canyon avec sa jeune épouse America qui est enceinte. Candido lui a promis une belle maison et l’American way of life. Mais la réalité est différente car sans papiers officiels, travailler est un problème.

Cet accident aurait pu en rester là mais il sert de point de départ à une collision. Celle du monde aseptisé et  riche de Delanay et celui de Candido pauvre et rejeté. Car les « chicanos » ces immigrants clandestins sont nombreux dans cette région de Californie et beaucoup de personnes voient leur présence d’un mauvais  œil. C’est à ne plus se sentir chez soi... Delaney écolo et pacifiste pense le contraire et il  n’est pas d’accord pour que l’on érige des hauts murs autour de la résidence. Sa femme agent immobilière va se laisser convaincre de l’utilité de cette forteresse. La sécurité de tous : c’est le slogan  des habitants de la résidence car après tout on se sait pas de quoi sont capable ces individus pour manger et vivre. Candido et America ne vivent pas mais survivent. America se mord les doigts d’avoir suivi Candido qui en  est réduit à fouiller les poubelles. Convaincu de son droit d’être libre sur le sol Américain et d’y travailler, il refuse  toute idée de rentrer au  pays.  Suite à des incidents  mineurs mis sur le dos des Mexicains, la peur grignote du terrain et se transforme en paranoïa. Même chez les  plus réfractaires comme Delanay.

Et c’est là qu’intervient tout le talent  de  T.C. Boyle ! Il nous démontre intelligemment comment dans ce contexte  Delanay se sent menacé. Son l’imagination prend le  pas sur l’objectivité, accélère le revers de la main pour balayer ses principes même les plus profonds. Candido suit le même processus.  

T.C. Boyle  nous inflige une claque ! Sans se faire moralisateur, il déleste la vertueuse  Amérique de son masque d’apparat. Le mal et le bien sont omniprésents et  hantent les personnages.  Rien n’est  simple et toute l’ambivalence de ces deux notions  résonnent  longtemps. Avec  beaucoup d’humanité, il nous pousse à la réflexion sur les dérives et les contradictions de notre société.
J’ai été touchée et interpellée par ce livre incisif, percutant  que je ne suis pas prête d’oublier !

Mais cette pensée l'effrayait, elle aussi : quel genre de vie était-ce donc que celle où on se sent à l'abri dans les buissons et s'accroupir pour pisser par terre comme une chienne? 

Lu (et aimé)  de même auteur (chouchou) : Après le carnage - Histoires sans issue

mercredi 18 septembre 2013

Simon Van Booy - Outre Atlantique


Éditeur : Autrement - Traduit de l'anglais par Micha Venaille - Date de parution : Août 2013 - 213 pages et une jolie découverte !

Outre Atlantique est un roman ou le destin et le hasard façonnent, entremêlent des vies. Le livre s’ouvre avec Martin en 2010 à Los Angeles qui travaille dans une maison de retraite. Sa famille était venue s’installer aux Etats-Unis après la guerre grâce à de l’argent reçu pour un acte de bravoure. La guerre justement, John la connaît. Cet américain a combattu en France à bord de son bombardier. Monsieur Hugo s’est installé en Angleterre et a souvent dépanné sa voisine en 1981 en gardant son fils Danny. En 1968, en France, Sébastien et un ami découvrent la carlingue d’un bombardier B-24.

Il faut prendre son temps pour cette lecture car à travers chaque chapitre on fait la connaissance d’un personnage et au départ on se demande quel est le fil qui les relie. Pourtant, d’Amélia la petite-fille de John à Danny producteur célèbre, une toile est tissée à travers les époques et deux continents. Comme dans un puzzle, les éléments s’assemblent petit à petit mais sans que toutes les clés nous soient données. Les destins des personnages se croisent, s'entremêlent furtivement et se dessinent.

Ce roman choral sur les origines et la part du destin est bourré de tendresse ! Même s’il n’est pas parfait car on peut lui reprocher justement à cette construction de décourager trop facilement le lecteur, il n’empêche que j’ai eu a souvent la gorge serrée d’émotions.
Un livre qui demande de l’attention pour bien écouter l’histoire de chacun de ces personnages qui nous est racontée avec une sincère pudeur touchante.
Et même si la guerre est en filigrane, ce roman n'est pas sombre. Une jolie découverte ! 





mardi 17 septembre 2013

Jocelyne Saucier - Il pleuvait des oiseaux


Éditeur : Denoël - Date de parution : Août 2013 - 202 pages et un ravissement !

Une photographe enquête sur un dénommé Ed Boychuck , « l’homme qui avait survécu aux Grands Feux et qui avait fui sa vie dans la forêt ». Cet incendie s’était produit au début du vingtième siècle au Québec. Tout naturellement, elle oriente ses recherches dans la forêt et découvre un campement où habitent Charlie et Tom qui « à eux deux font presque deux siècles ». Ils ont décidé de rompre avec  leurs attaches anciennes et de vivre dans la forêt. A leur guise et sans aucun compte à rendre à personne.

Si ce livre commence par le récit de la photographe, d’autres personnages prennent le relais comme Bruno qui cultive la marijuana ou Steve. Tous les deux habitent aussi dans ce campement. Et quand Maris-Desneige la vieille tante de Bruno qui a passé sa vie internée est libérée, ils vont l’accueillir parmi eux. Tous sont des êtres fracassés, blessés mais ils cultivent la vie et sont bien décidés à en profiter avec le droit de choisir le moment où ils tireront leur révérence.

Ce roman est un véritable ravissement ! Avec une écriture très sensorielle, l'auteure nous invite au cœur de la la nature et nous décrit des personnages très attachants. Ayant eu des parcours chahutés  mais extrêmement humains, sensibles aux autres et à leur détresse. D’ailleurs,  l’arrivée et l’installation de Marie-Desneige si frêle, si menue démontre toute la bienveillance du groupe. Elle se lie d’amitié avec la photographe qui poursuit ses recherches et exhume ainsi des histoires que l’on croyait oubliées depuis longtemps.

Un roman où Jocelyne Saucier nous décrit la palette de l’âme humaine et des émotions : de la gentillesse sincère à la noirceur en passant par l’amour. L’individu est au centre de ce livre ainsi que son libre-arbitre concernant la vie et la mort. J’ai été touchée et coulée par cette lecture !

J'aime les histoires, j'aime qu'on me raconte une vie depuis ses débuts, toutes les circonvolutions et tous les soubresauts dans les profondeurs du temps qui font qu'une personne se trouve soixante ans, quatre-vingt ans plus tard avec ce regard, ces main, cette façon de vous dire que la vie a été bonne ou mauvaise.

Les billets de Cathulu, Lewerentz


lundi 16 septembre 2013

Isabelle Coudrier - J'étais Quentin Erschen


Éditeur : Fayard - Date de parution : Août 2013 - 401 pages magnifiques!

Depuis toujours, Natacha fille unique passe tout son temps libre avec ses voisins les enfants Erschen : Quentin, Raphaël et Delphine. Elle éprouve une amitié profonde envers Raphaël et Delphine, et un amour inconditionnel pour Quentin l’aîné. Seules trois années la séparent de Quentin. Quentin, Raphaël et Delphine ont perdu leur mère alors qu’ils étaient encore touts petits. Ils sont élevés par leur père un cardiologue très pris et une gouvernante. La mère de Natacha n’est pas dupe des sentiments de sa fille pour Quentin. Mais Natacha et les enfants Erschen sont inséparables. A l’adolescence, Quentin a beaucoup de succès auprès des filles mais elles ne l’intéressent pas ce qui laisse de l’espoir à Natacha. Elle enchaîne les tentatives pour que l’amitié de Quentin se transforme en amour. En vain.

Sérieux, réservé et brillant élève, Quentin est le premier à partir d’Olsenheim leur ville de l’est de la France pour des études de médecine à Paris. Raphaël le suivra l’année suivante. Delphine a toujours montré un intérêt pour devenir boulangère mais selon son père, elle doit poursuivre des études supérieures. Elle rajoindra ses frères et s’inscrira en fac de lettres. Quand arrive le tour de Natacha, elle choisir médecine et comme les Erschen louent un spacieux appartement boulevard Brune, elle s’installera avec eux. Quentin étudie sans relâche, Raphaël sort beaucoup et enchaîne les conquêtes féminines. Delphine s’ennuie dans ses études et Natacha toujours amoureuse de Quentin subit l’attente qu’un jour enfin il la regarde avec des yeux différents. Et soudainement, cet ordre des choses établi tacitement entre eux quatre et qui règne Boulevard Brune vole en éclat car Delphine disparaît.

Ce roman est hypnotique ! Dès le départ, Isabelle Coudrier installe un rythme lancinant, musical. Elle détaille la vie quotidienne de ses personnages et nous introduit à leurs côtés. On assiste aux tourments de l’amour éprouvés par Natacha alors que Quentin ne semble qu’être intéressé par ses études et la médecine. Responsable avant l‘heure, menant une vie d’adulte avant avoir d’été jeune tandis que son frère Raphaël croquait la vie à pleines dents.
Pourquoi Natacha n’a t-elle pas pu  se défaire de son obsession pour Quentin alors qu'elle souffre? La disparition non élucidée de Delphine les affectera tous, pèsera sur leurs choix futurs.  
L'atmosphère de ce roman colle à la peau chargée de non-dits et  où les dommages collatéraux de l’amour sont nombreux.
Les sentiments non réciproques, la culpabilité d’une mère ou d’un père, l’incapacité à être heureux,  le bonheur derrière lequel on court, que l'on pense atteindre et qui nous échappe subrepticement, ce moment où l'on devient adulte et où il faut se défaire ou non de l'enfance.

D'autres rebondissements inattendus interviennent et la fin m'a glacée... 
Un roman où les émotions à prisme sont finement décrites avec  une écriture posée et envoûtante ! Magnifique !

Natacha savait qu'il était inutile de rêver que le monde se figeât à un instant et pour toujours, mais quelques images du passée resplendissaient  suspendues et immuables, vibrantes et inaltérables  dans sa mémoire, et c'était comme si déjà s'y résumait sa vie, qui ne faisait pourtant que commencer.Ce n'était pas de la nostalgie, elle n'en avait pas l'âge. C'était plutôt la certitude d'avoir déjà vécu tout le bonheur possible et la conviction qu'il ne reviendrait pas.



samedi 14 septembre 2013

Christophe Ono-dit-Biot - Plonger


Éditeur : Gallimard - Date de parution : Août 2013 - 444 pages et un avis mitigé...

César journaliste parisien rencontre par hasard une jeune femme. Attiré par sa beauté, il remonte le fil jusqu’à elle. Paz est photographe d’origine espagnole. Espérant déclencher un intérêt de sa part, il écrit un article sur son travail. Paz en effet se manifeste mais pour lui indiquer qu’il n’a rien compris à sa démarche. Non seulement la carrière de Paz se met en route mais surtout c’est sur la base de cette erreur ou de ce malentendu qu’un amour sulfureux voit le jour entre eux. De cette relation, Hector naîtra. Un enfant voulu par César. Et c’est à Hector âgé de quatre ans que César écrit pour lui parler d’eux, de sa mère Paz.

Christophe Ono-dit-Biot  est lui-même journaliste et grand reporter donc beaucoup de propos tenus par César doivent être ceux de l’auteur. Ce qui se conçoit car tout écrivain dépose dans un roman une part de lui infime ou plus importante. Mais les considérations sur l’Europe culturelle qui s’étiole et sur l’art tenues dans des dîners, des réceptions ont eu tendance à me mettre en retrait de ce récit. Car il y a en a beaucoup. Trop à mon goût. Pourtant j’ai continué  ma lecture car il s'en dégage un certain magnétisme.
Au fil des pages, on ressent que Paz si gaie et si solaire se flétrit et César perd de sa confiance qui est agaçante ( il a tout vu ou presque). Tous deux se lézardent de manière différente et Paz s’écarte irrémédiablement.

Les dernières pages prennent toute leur intensité. Christophe Ono-dit-Biot possède une écriture élégante et comme pour l’histoire, elle devient à fleur de peau à mesure que les pages se tournent.

Un avis mitigé au final car un certain ennui a pointé son nez et c’est dommage !

Les billets d'Anne, Leiloona, LucieNoukette, SophieLit,  Valérie


vendredi 13 septembre 2013

Michel Tremblay - Le cahier noir


Éditeur : Actes sud - Date de parution : 2004 - 258 pages et une très belle découverte!

A vingt ans, Céline est serveuse de nuit « waitress » dans un restaurant le Select à Montréal « célèbre pour ses hamburgers platters et sa faune bigarrée des fins de soirées ». Une jeune fille qui se sent invisible aux yeux des autres. La nuit, prostituées et travestis viennent au Select, une clientèle en compagnie de laquelle Céline se sent moins différente.

Ecrit sous la forme d’un journal ou d’un livre même si elle sait que jamais elle ne sera publiée, Céline se confie. Elle y livre ses pensées et narre comment en faisant un remplacement de jour, elle rencontre Aimée une étudiante extravertie et sûre d’elle. Aimée veut se présenter pour un rôle dans une pièce de théâtre "Les Troyennes" mise en scène par des amateurs. Elle demande à Céline de l’aider et de l’accompagner à l’audition. Et là de but en blanc on apprend que Céline est une personne de petite taille. Sur la défensive, Céline imagine tout d’abord une manœuvre habile d’Aimée : tous les regards se porteront sur elle en faisant oublier les défauts de comédienne d’Aimée. Mais elle change finalement d'avis en y voyant une revanche envers sa mère. Cette dernière est alcoolique, haineuse envers elle. Tout est de la faute de Céline ou plutôt de sa petite taille. Céline va accompagner Aimée. Et là où on pourrait s’attendre à de la romance, à une happy end où Céline décroche le rôle de sa vie et devient une actrice célèbre, l'auteur nous donne une claque en nous rappelant la (triste) réalité humaine!

Les relations mère-fille, la différence, le rôle et l’importance cathartique de l’écriture sont au centre de ce roman. Michel Tremblay nous décrit la détresse humaine, les rapports de force, la souffrance mais aussi beaucoup d’humanité !
Un roman sombre qui ne verse jamais dans le pathos car Céline possède un humour et un punch incroyable ! Et l'écriture de Michel Temblay est un plaisir !
Une très belle découverte et je compte bien poursuivre avec cet auteur et "Le cahier rouge".

Je suis d'autant plus contente car sans le challenge initié par Karine:) et Yueyin, jamais je ne serai allée vers cet auteur !


jeudi 12 septembre 2013

Valentine Goby - Kinderzimmer


Éditeur : Actes Sud - Date de parution : Août 2013 - 218 pages qui prennent aux tripes.

Janvier 1944, Mila est déportée avec sa cousine Lisette pour avoir codé des messages à la résistance. Toutes les deux ignorent la destination finale du train où elles sont entassées avec d’autres dans des wagons à bestiaux. Ravensbrück, un camp de travail où elle sont quarante mille. Les différentes langues deviennent vite un seul et même langage où la promiscuité, la peur, la faim, la maladie se lisent sur les visages et les corps. Mila est enceinte .Que se passe t’il pour les femmes comme elle ? Elle cherche et ne voit aucun ventre arrondi. D’ailleurs le sien est plat à croire que l’enfant qu’elle attend se cache par peur. Si l’on découvre son état, elle sera amenée au Revier l’infirmerie d’où aucune femme ne revient.

Au camp,  il existe une solidarité entre les prisonnières d’une même nationalité mais aussi le chacun pour soi face à la mort qui rôde en permanence « une guerre dans la guerre ». Mila a informé ses compagnes de block et cet enfant qu’elle porte va devenir leur espoir à elles toutes. A Ravensbrück , il existe un endroit peu connu :  une chambre pour les bébés la "Kinderzimmer". Et des  nourrissons dont l’espérance de vie ne dépasse pas quelques semaines. Mila espère que son enfant aura une chance et qu’il vivra. Quand elle n’a plus de lait, une autre femme l'allaite mais l’enfant meurt. Pourtant Mila échappera à la mort avec son fils. Je ne raconterai pas toute l’histoire autour du fils de Mila. Cet enfant du camp a été nourri par plusieurs femmes, aimé par plusieurs femmes : sa mère de sang, sa mère de cœur et ses camarades. Vie et mort cohabitent dans ce livre, comme l’espoir et les pensées de ces femmes pour oublier un instant cet enfer et le sentiment d'être enfermé dans un piège.

Dans une écriture forte qui puise l’indicible, Valentine Goby n’épargne pas le lecteur en émotions aussi dures et aussi belles qu’elles puissent l’être. Car oui il y a de la beauté dans ce livre par Mila et par  toutes les autres femmes !  Le tout avec une pudeur digne et respectueuse.
Ce magnifique et puissant roman prend aux tripes et je l’ai terminé avec des poissons d’eau dans les yeux… 

Tu n’y es pas! Etre vivant, elle dit c’est se lever, se nourrir, laver sa gamelle, c’est les gestes qui préservent et puis pleurer l’absence, la coudre à sa propre existence. (…)Vivre c’est ne pas devancer la mort, à Ravensbrück comme ailleurs. Ne pas mourir avant la mort, se tenir debout dans l’intervalle mince entre le jour et la nuit, et personne ne sait quand elle viendra. Le travail d’humain est le même partout, à Paris, à Cracovie, à Tombouctou, depuis la nuit des temps, et jusqu’à Ravensbrück.

Lu de cette auteure : Banquises- Des corps en silence - Qui touche à mon corps je le tue


mercredi 11 septembre 2013

Véronique Ovaldé - La grâce des brigands


Éditeur : Editions de l'Olivier - Date de parution : Août 2013 - 284 pages et un coup de cœur ! 

Années 1970, Maria Cristina Väätonen âgée de dix-sept ans quitte sa famille atypique et son village Lapérouse du grand Nord Canadien pour suivre des études à Los Angeles. Une vingtaine d’années plus tard, ce passé enterré ressurgit quand elle reçoit un appel téléphonique de sa mère. Installée à Santa Monica, Maria Cristina est écrivain.

Une mère rigide, paranoïaque imprégnée de religion qui les a empêchées elle et sa sœur de découvrir le monde même si celui-ci si ce cantonnait à Lapérouse et à ses habitants. Un père reclus dans le silence qui lui offrira la liberté de partir aux Etats-Unis contre l'avis de sa femme. Suite à un accident, la sœur de Maria Cristina s’est figée dans un état végétatif. Voilà ce qu’a laissé Maria Cristina derrière elle et qui a été la base de son premier roman à succès. Son passage à la faculté n’aura été que d’une brève durée et avant d’être publiée, grâce à sa colocataire Maria Cristina va se transformer. La jeune fille fille timide dans ce Los Angeles des années 70 bouillonnant et ultra-libéral va s’ouvrir à la vie. Sa rencontre avec Rafael Claramunt écrivain sur le déclin lui permettra d’accéder au succès et à la gloire. Mais son amant et mentor n’est pas aussi blanc que neige.

Dès les premières lignes l’écriture de Véronique Ovaldé nous enveloppe. Des phrases longues, un  rythme langoureux, une grâce sensuelle avec des pointes d’ironie qui sont un vrai délice ! On ressent la chaleur de Santa Monica, la moiteur de l’air tout comme l’ambiance familiale à Lapérouse. C’est que Véronique Ovaldé possède ce talent de créer des atmosphères et de les faire goûter pleinement au lecteur. Le personnage de  Maria Cristina, symbole de cette  volonté à accomplir ses propres choix et de l'émancipation pour une femme est empreint de tendresse. Et Maria Cristina a du caractère et une vraie vivacité touchante.

La faculté de Véronique Ovaldé à nous captiver est époustouflante par cette aisance dans l'écriture  si limpide et  qui semble si naturelle chez cette auteure !
Un coup de cœur entier !  Un roman brillant à plus d'un titre, piquant et enchanteur par l’écriture remarquable !

Ce genre de petite fille, quand elle devient grande, se transforme en une personne d'une intranquillité encombrante.

Un coup de cœur pour Cathulu également !Le billet de Céleste  conquise.

Lu de cette auteure : Des vies d'oiseaux


mardi 10 septembre 2013

Virginie Deloffre - Léna


Éditeur : Le Livre de Poche - Date de parution : Août 2013 - 238 pages et un premier roman très réussi ! 

On oublie vite la couverture hideuse car je sais qu'avec de telles couleurs et un graphisme digne des mauvais dessins animés des années 80, on a plutôt envie de fuir mais ce serait vraiment dommage car ce premier roman est une magnifique découverte !

Fin des années 80 en URSS. Léna bien que mariée est très souvent seule. Son mari Vassili pilote dans l’armée de l’air s’absente pour des missions. Solitaire, rêveuse et d’un tempérament effacé, elle écrit à Mitia et Varia, blottie dans une mélancolie feutrée où la Sibérie lui manque. Lena refuse de connaître précisément le métier de son mari et  préfère se rappeler son grand Nord. Varia communiste convaincue regrette le temps d’avant alors que Mitia a été muté justement en Sibérie à cause ses opinions. Logé chez Varia, il a participé à élever Lena recueillie à l’âge de sept ans. Enfant silencieuse, calme. Et ce sont deux caractères opposés qui commentent chaque lettre reçue de Lena. Des lettres où elle se confie à nue et raconte comment la contemplation d’un arbre la comble. Autant de phrases qui laissent Varia perplexe et interrogative. Tandis que Mitia géologue de formation reconnaît dans ces mots l’amour de la beauté du silence, du pays et du temps.
L’Histoire intervient grâce aux souvenirs de Varia mais aussi avec la mutation du pays et sa conquête de l’espace. Des changements subis, des espoirs et des rêves inassouvis...
Je n’en dirai pas plus pour ne pas vous gâcher le plaisir de cette lecture !

On entre dans ce roman sur la pointe des pieds, on s’immisce dans la bulle et dans l'âme de Léna, d’aspect fragile et d’une nostalgie aussi belle que délicate dissimulant bien des tourments. Les descriptions de la Sibérie et de l'URSS dont les coutures craquent sous les pressions du changement sont remarquables!  Et l’écriture de Virgine Deloffre est splendide. Poétique, subtile, puissante.

Un premier roman qui serre la gorge et  allume des étincelles de bonheur dans les yeux et dans le coeur !

Mon bon et cher Mitia et toi ma douce Varia,
Je crains le stylo du départ et le moment de le reprendre. Je crains  le papier, l'enveloppe pour la  la lettre de son départ. Ils sont là pourtant, étalés sur ma table. Vassili est reparti à la Base. Et me voilà repartie moi aussi, dans l'attente, qui m'est comme un pays. Comme il est long mon pays, comme il est plat, infiniment plat et long. Il n' a pas de terme mon pays, il n'a pas de contours, il offre au regard ses alentours semblables, de tous côtés la même étendue devant soi étalée.

Le billet de Theoma, un livre lu par Aifelle,  Anne , Kathel, Yv... et bien d'autres !


lundi 9 septembre 2013

Des matchs ? Oui, ceux de la rentrée littéraire avec PriceMinister !


La rentrée scolaire rime avec la rentrée littéraire et PriceMinister comme l'année dernière nous offre des matchs autour de la rentrée (la  littéraire et non pas la scolaire...).

Avec George, Lili Galipette et  Stephie, j'ai participé à une sélection d'ouvrages du cru 2013 que voici :

Danse Noire de Nancy Huston - Actes Sud
Une part de Ciel de Claudie Gallay - Actes Sud
La grâce des brigands de Véronique Olvalde - Editions de l’Olivier
Lady Hunt d’Hélène Frappat - Actes Sud
Arrête, arrête de Serge Bramly - Nil
Rome en un jour de Maria Pourchet -Gallimard
Esprit d’hiver de Laura Kasishcke – Christian Bourgeois
La lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson - Zulma
La garçonnière d’Hélène Grémillon - Flammarion
Dans la lumière de Barbara Kingsolver- Payot & Rivages
Petites scènes capitales de Sylvie Germain - Albin Michel
Pietra viva de Leonor de Recondo - Sabine Wespieser

Pour participer, rien de plus simple!  Vous choisissez un roman parmi cette sélection ( bonus : vous avez également la possibilité de recevoir un deuxième ouvrage en parrainant un blogueur ) et vous vous engagez à le chroniquer sur votre blog. Les inscriptions se font via ce fichier.

En tant que marraine de l'opération et conjointement avec le jury PriceMinister, je déterminerai le meilleur article rédigé par les blogueurs ayant choisi un des trois titres de ma sélection :
Lady Hunt d’Hélène Frappat
Arrête, arrête de Serge Bramly
Rome en un jour de Maria Pourchet

Toutes les infos sont sur le blog de PriceMinister


dimanche 8 septembre 2013

Thomas B. Reverdy - Les évaporés


Éditeur : Flammarion - Date de parution : Août 2013 - 299 pages fascinantes et troublantes ! 

Au japon lorsqu’une personne disparaît, elle rejoint le rang des "johatsu" c’est-à dire des évaporés. Personne ne cherche à savoir ce qui pu pousser la personne à partir ou ce qu’elle est devenue. Un halo de mystère et de respect les entoure. Après trente-cinq annéss de mariage, Kaze licencié par la banque qui l’employait a fait ce choix. Sa fille Yukiko qui vit à San Francisco veut savoir pourquoi. Elle demande à son ex petit ami, Richard B., détective privé de son état de l’accompagner au Japon pour retrouver son père. 

Nous sommes au Japon de l’après Fukushima. Un pays en proie à soigner ses propres blessures, frappé par la crise économique et les catastrophes et où l’argent domine. Sale ou corrompu. Un pays où les yakuzas font régner la loi. L’enquête de Yukiko et de Richard B. est loin d’être facile car parler des évaporés porte malheur. Richard B. est partagé par sa fascination envers ceux que l’on appelle les évaporés et son désir pour Yukiko. Ce roman n’est pas uniquement porté par le personnage de Richard B.   Kaze, Yukiko et Akainu un jeune garçon dont les parents ont disparu lors du tsunami interviennent nous faisant part de leurs questions et de leurs craintes.
Cette porte donnée à chacun de disparaître sans se justifier est tout aussi envoûtante que douloureuse. Tourner une page de sa vie pour en écrire un autre sans se justifier n’est pas si simple qu’elle y paraît. Roman sur l’exil, la disparition, la renaissance mais aussi cette quête existentielle que nous portons tous en nous. L’image du Japon actuel côtoie une poésie, une mélancolie douce. L’écriture délicate et subtile presque évanescente de Thomas B. Reverdy nous offre un autre regard sur ce pays. Et la quiétude qui s’en dégage n’est qu’un apparat car les récifs et la détresse sont bien présents.

Une lecture fascinante et troublante !

Aujourd'hui, voilà ce qui leur importait. Pour le reste, on verrait. Aujourd'hui, c'est l'assurance d'aller jusqu' à demain. Et demain, c'est peu mais une promesse suffisante. Les camionnettes se remplissaient. La misère est une énergie renouvelable.

Lu du même auteur :  La montée des eaux
De nombreux billets sur Babelio  que je remercie !



samedi 7 septembre 2013

Delphine Bertholon - Le soleil à mes pieds


Éditeur : JC Lattès - Date de parution : Août 2013 - 184 pages qui interpellent et résonnent longtemps après lecture!


Elles sont deux : La grande et la Petite. Deux sœurs adultes, seule famille l’une pour l’autre habitant à parie et que tour oppose. La Petite solitaire préférant restée dans son appartement à récurer, n’aimant pas sortir ou parler. La Grande imprévue qui prend malin pervers à la dominer. Elle sait que se sœur la craint et lui obéit. Dans son fort intérieur, la Petite comme prisonnière de la Grande aimerait pouvoir dire non. Mais un drame survenu alors qu’elles étaient enfants semble avoir pipé les dés.

J’avais découvert Delphine Bertholon avec L’effet Larsen, la singularité du style et de l’histoire m’avait conquise. Si pour Grâce, je n’avais pas eu le même enthousiaste, j’ai lu ce nouveau livre en apnée totale ! Tout de suite l’écriture m’a accrochée : des phrases courtes et des expressions qui font mouche comme « les jambes encagées dans des bas de contention ». Il y a donc le renouveau de l’écriture avec ce roman, un pari risqué mais réussi ! Et puis l’histoire, fascinante et dérangeante racontée par la Petite. Chacune des deux  a essayé de franchir l’insurmontable de l'enfance à sa façon. La Grande en instaurant et en jouissant de son droit d’aînesse, la Petite n’ayant pas mon mot à dire et qui lutte intérieurement. Silencieusement.

De la première à la dernière page, on oscille. Bousculé par la tension qui s’en dégage, l'ironie cruelle et la folie que l’on touche du bout des doigts. Mais ce livre n’est pas morose ou glauque. Les souvenirs du passé racontés par la Petite sont des touches de soleil bercées d’amour maternel. L'ombre peut planer,  renaître rime quelquefois  avec la mort et  la fin que je n'ai pas vu venir est salvatrice.

Delphine Bertholon démaille avec subtilité la mécanique des liens de la famille, les tord jusqu'à l'extrême. Un roman qui par son écriture et sa subtilité interpelle, émeut encore longtemps après sa lecture !

A grands coups de lingettes, nettoyer, récurer, aseptiser. Mais on a beau frotter, rien ne s'efface jamais - la solitude, la honte, ce foutu temps qui ne passe pas et toutes anémones qui refusent d'éclore quand on a besoin d'elles, plantes stupides du ventre, inutiles et ingrates - elle aurait tant voulu dire, il faut dire les choses quand on le peut encore, dire à Maman "Je t'aime, à la grande" Je te hais", au jeune homme "J'existe", mais elle n'a jamais rien  dit, jamais rien fait, jamais rien pu, je suis depuis toujours un plot de béton au fond d'un lac, avec un cadavre de fillette pendu au bout d'une corde.

Lu également de cette auteure : Twist

Les billets d' A bride abattue, Blablamania,  Charlotte, Sophie , Stephie...


vendredi 6 septembre 2013

Barbara Kingsolver - Dans la lumière


Éditeur : Rivages - Date de parution : Août 2013- Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Martine Aubert - 555 pages agréables !

Au cœur des Appalaches, Dellaboria se remet en question. Mariée à dix-sept ans car elle était enceinte, sa vie de mère au foyer n’a rien de réjouissant et ses beaux-parents ne l’apprécient guère. En se rendant à un rendez-vous avec son jeune amant, elle est aveuglée et fascinée par une lumière rouge car des papillons aux ailes oranges colonisent les arbres de la vallée. Dellaboria le prend comme un signe et décide de retourner chez elle.

Ces papillons appelés les monarques vont bouleverser la vie de la petite ville et celle de Dellaboria. La plupart des habitants y voit une manifestation divine alors qu’un scientifique arrive pour étudier ce phénomène anormal. Ces papillons depuis la nuit des temps passent l’hiver au Mexique. Pourquoi ont-ils changé leurs habitudes ? Ce coin perdu des Appalaches attire journalistes et curieux car tout le monde veut voir le phénomène qui se produit sur les terres des beaux-parents de Dellaboria. Cette dernière et son mari Cub vivotent et dépendent financièrement des parents de Cub. Mais justement petit à petit les papillons vont donner l’occasion à Dellaboria de prendre son envol.
A la grande surprise du professeur Obid Byron venu étudier le phénomène, Dellaboria semble peu préoccupée du réchauffement climatique et des impacts. Et là, on assiste à la confrontation du monde scientifique, des dérives extrémistes écologistes, des intérêts financiers et de  personnes dans une certaine nécessité comme Dellaboria dont les réalités et les préoccupations sont différentes.

Si au départ Dellaboria m’est apparue vraiment naïve et par moment agaçante, elle a su gagner mon empathie ce qui n’était pas gagné d’avance. Deux enfants, un mariage par obligation, aucun diplôme : peu de possibilités ouvertes pour changer de vie. Peu à peu, elle va arriver à gagner confiance en elle et à s’ouvrir à de nouveaux horizons.

Malgré des longueurs inutiles et quelques bons sentiments, ce livre a le mérite de démontrer que tout le monde peut être sensibilisé aux problèmes de notre planète et surtout d’en prendre conscience. Au vu de la quatrième de couverture, j’en attendais peut-être un peu plus mais finalement je ne regrette pas de l’avoir lu !

- C'est vrai, Cub, on le mérite, répondit-elle. Je dis pas le contraire. Mais la chance c'est un coup de dés. Tu ne peux pas bâtir une industrie sur l'espoir qu'ils vont revenir. C'est ça qui bousille les gens. Se lancer à l'aveuglette comme ça.

Des avis partagée  :  Brize  a été déçue,  Dominique  a aimé , un coup de coeur pour Lucie et Valérie  l'a trouvé  moralisateur.






jeudi 5 septembre 2013

Lionel Salaün - Bel-Air

Éditeur : Liana Levi - Date de parution : Septembre 2013 - 223 pages âpres, intelligentes et terriblement juste ! 

Années 1950, dans une sous-préfecture en France le café le Bel-Air est l'endroit de la cité où les habitants du quartier se rejoignent. Les conversations y vont bon train comme les nouvelles commentées par chacun. Trente ans plus tard , Franck y revient. Le café est sur le déclin mais Gérard que Franck considérait comme son meilleur ami officie toujours derrière le comptoir. Enfants puis adolescents, Franck et Gérard étaient unis comme deux doigts de la main.

Alors que la guerre d’Algérie couve au Bel-Air certains esprits s’échauffent car les préjugés et le racisme sont le petit lait de certains. La guerre d’Indochine vient de se terminer en ayant laissé un goût de défaite. Des patriotes jusqu’à l’os comme le père de Gérard rêvent de revanche et regardent d’un mauvais œil les immigrés. Gérard rêve de s’engager. Pour lui, l’Algérie appartient à la France. En bon fils, il partage les idées de son père. Ces opinions sont la première fracture dans l’amitié entre Franck et de Gérard. De nature solitaire et aspirant à la liberté, Franck qui vient de terminer le lycée n’a pas d’ambition spéciale alors que ses copains ont tous des choix en tête. Il est convenu que Gérard fils unique reprendra le Bel-Air l’affaire de la famille. Si pour le moment, Franck et les siens rêvent encore d’Amérique, de filles aussi belles que celles des affiches, la menace de la guerre et de la lettre d’incorporation va dévoiler le pire comme l’inattendu. La génération de Franck est projetée dans une vie d’adulte avant d’avoir eu le temps de profiter de la jeunesse. Mais Franck y laissera bien plus que l’insouciance…

Je l’attendais impatiemment ce nouveau roman de Lionel Salaün ! Après Le retour de Jim Lamar, l’auteur nous immerge dans la France des années 50 où le charme suranné est tâché par le racisme nourri par des gens ordinaires. Sans aucun superflu ou cliché, il nous renvoie l’image de notre pays en pleinf mutation sociale, d'une  jeunesse brisée comme l’amertume des amitiés que l’on croyait indéfectibles. 
Avec intelligence, il réussit à nous faire ressentir  l'ambiance du Bel-Air comme si on était aussi bien que les émotions trahies par un signe du visage.
Ce second roman de Lionel Salaün est une totale réussite avec une écriture âpre qui colle au plus près des personnages !

S'il est vrai que le fonctionnement de notre communauté, tant en raison de sa situation géographique, en marge de la Ville, que du statut social de ses habitants, ouvriers pour la plupart, petits artisans ou employés subalternes, créait un sentiment fort d'appartenance à la classe qui la composait, avec l'esprit de solidarité, de partage et d'entraide qui en découle, celle-ci souffrait des maux inhérents à toute société  évoluant en vase clos, où l'ordinaire de chacun est la pâture de tous.

Un grand merci à Dialogues Croisés !