mercredi 30 octobre 2013

Jean-François Beauchemin - Le jour des corneilles


Éditeur : Phebus - Collection Libretto- Date de parution : Août 2013 (date de première parution : 2004)- 174 pages surprenantes et terriblement attachantes! 

Le père Courge et son fil vivent dans la forêt depuis toujours à l'écart du village. Sa femme est morte en donnant naissance à leur enfant et c'est son père qui l'élève.  Le père un homme robuste et  solide l'abandonne le premier jour pour finalement le nourrir du lait d'une femelle hérisson morte. Le fils grandit sous les ordres de son père qui  lui confie des tâches ingrates et lui inflige des punitions extrêmes.

Quand on ouvre ce livre, les mots nous sautent à la figure. Un mélange de vieux français, de mots qui s'entrechoquent par leur sonorités inattendues ou déploient une certaine élégance dans une simplicité qui touche l'esprit et le coeur. S'il est impossible de savoir exactement quand l'histoire se déroule, au fur et à mesure des pages une indication révèle que nous ne sommes pas dans des temps si reculés. Le fils voue à son père un amour et de l'admiration car il  est capable de lire les étoile dans le ciel mais une question le hante "m’aime-t-il seulement ?". De plus son père a la visite "dans le casque" de gens étranges. Cette folie va en grandissant n'épargnant pas le fils. Le fils lui reçoit la visite des "maccabées" comme sa mère. Tous deux évoluent dans un monde peuplé d'animaux où vie et mort sont omniprésentes.

Ce récit raconté par le fils s'adresse à un tribunal donc nous savons pertinemment qu'un drame a eu lieu. Un livre OVNI attachant, surprenant et dont la fin est un uppercut ! Tendre, poétique, dur et malgré tout tellement humain : surtout ne passez pas à côté de ce livre ! 

Non, amour ne doit pas être invisible, non plus qu'immatériel. Quoi, amour serait comme vapeurs, comme riens, intouchable et introuvable ? Je ne peux m'y résoudre. Je dis : amour est comme nous-mêmes, bâti de chairs et de substances flagrantes et observables. Mais peut-être aussi notre oeil lui-même est-il par trop aveugle, et incompétent à saisir matière aussi fuyante. Voilà pourquoi je me questionnais tant : père m'aimait-il, m'aimait-il seulement ?

Les billets de Cathulu, Elela

mardi 29 octobre 2013

Rencontre avec Paul Bloas autour des Saigneurs

Il y a une semaine, j’ai eu la chance de rencontrer Paul Bloas et de lui poser quelques questions. Je ne parle jamais de peinture sur ce blog mais les géants de Paul Bloas m’ont toujours fascinée. Des géants éphémères peints sur du papier qui est ensuite collé sur un mur. Autant de découvertes qui m’émeuvent ou dans lesquels je puise une force, une sérénité. Ces géants font désormais partie de ma vie.

Copyright Paul Bloas - Reproduction interdite


Vous avez été à New-York, Berlin, Beyrouth, Bordeaux, Belgrade, Barcelone, Paris et bien d'autres villes,   comment vous choisissez les lieux ? 
Ca peut être des commandes parfois des envies personnelles. Quand ce sont des commandes, on me donne carte blanche. Quand ce sont des envies personnelles, c’est que j’ai déjà une idée en tête.

C’est le cadre qui vous inspire comme au plateau des capucins à Brest ?
Oui car je voulais travailler sur la mémoire ouvrière.

Copyright Paul Bloas - Reproduction interdite


Vous êtes un homme engagé ?
A partir du moment que vous travaillez dans le milieu urbain, il y a une forme d’engagement généralement.

Comment vous est venu cette idée de peindre ces grands personnages?
Quand j’étais étudiant aux Beaux-Arts, je peignais déjà des personnages de 5 mètres de haut. Le travail de certains artistes m’intéressait aussi. Mon premier personnage était sur le pont de l’Harteloire, les voitures passaient rapidement et les gens devaient être interpellés par le personnage donc le monumental s’imposait.

Vous êtes un électron libre dans le monde de l’Art ?
Oui, je pense. J’ai la chance de vivre de mon travail car je vends mes études préparatoires. Une grande majorité de mon travail se situe dans le milieu urbain et est destiné à la destruction.

Comment vous vient l’idée de vos personnages ? D’ailleurs, ils sont majoritairement masculins y a-t-il une raison ?
La femme est la plus représentée en peinture. J’ai une certaine pudeur à déformer une femme. Nous sommes dans une société où la représentation de la femme est « surveillée ». On voit toujours des pin-up, des femmes de 30 ans et belles. Je ne me le permettrai pas car sinon on m’affublerait de caractère machiste ou misogyne…Le public qui aime mon travail est essentiellement féminin car je n’hésite pas à déformer les hommes pour montrer leur fragilité. Quand je représente un homme c’est un caractère général. En l’occurrence pour moi c’est plus facile pour moi de faire d’une droite une courbe.

Est-ce que la littérature vous inspire ?
Oui, les écrits de Jean Genet qui est pour moi est un des plus grands auteurs du 20 ième siècle, c'est un magicien des mots. Je lis plusieurs bouquins à la fois mais je ne suis un très grand lecteur. En ce moment je lis le chant du bourreau de Norman Mailer.

Quel sera votre projet après l’exposition des saigneurs ?
En 2014, ce sera les 30 ans de mes personnages. Mon premier été collé en juin 2084 sur le pont de l’Harteloire. Je pense qu’il y aura quelque chose d’organisé.

 A Brest ?
Non, car personne de Brest m’a fait de proposition

 Non ???? 
(Message de ma part à François Cuillandre, maire de Brest : Paul Bloas est brestois et pour l'anniversaire de ses personnages, la ville ne fait rien? Tout fout le camp !)
Je suis train de travailler sur la suite que j’avais effectué dans la prison de Pontaniou à Brest en 1990.


Copyright Paul Bloas - Reproduction interdite

Copyright Paul Bloas - Reproduction interdite


Pendant deux mois vous êtes resté dans la prison coupé de tout ?
Ca a été éprouvant car j’ai fait pas mal de cauchemars par la suite mais je n’avais pas le choix car il faut s’imprégner du lieu. A Madagascar, tous les jours j’étais en repérage, j’observais les gens dans la rue.


Copyright Paul Bloas - Reproduction interdite
Copyright Paul Boas - Reproduction interdite
Quand j’ai travaillé à Valenciennes avec Jean-Bernard Pouy sur la précarité, j’ai passé énormément de temps à discuter avec des gens dans cette situation.
Je veux m’approcher du plus près de la réalité pour rendre sensible mes sujets.

Toutes ces photos sont issues du livre les Saigneurs paru aux Editions Dialogues en  Octobre 2013. Ce livre est une rétrospective de son travail depuis 1984 et il permet d'admirer ce qu'il a produit, ce qui l'anime, comment il procède.  174 pages splendides  ! 

Si toute émue que j'étais lors de  cette rencontre, j'ai oublié de prendre une photo de Paul Bloas, je n'ai pas oublié de faire dédicacer mon livre : 




Le site de Paul Bloas.
L'exposition Les Saigneurs se déroule du 3 octobre au 7 décembre 2013 à Saint Gratien (95).

Un grand, grand merci à Paul Bloas que j'admire et qui m'a consacrée de son temps et à Laure-Anne de Dialogues d'avoir permis cette rencontre.

lundi 28 octobre 2013

Serge Bramly - Arrête, Arrête


Éditeur : Nil - Date de parution : Août 2013 - 118 pages remplies d'humanité !

Après seize passées passées en prison pour meurtre, Vincent sexagénaire en liberté conditionnelle à Nantes coupe son bracelet électronique. C'est l'incompréhension de la part de la police, lui qui était devenu un détenu modèle et s'occupait de la bibliothèque. Il est parti à Paris voir sa fille pour lui dire adieu. Son frère médecin mis au courant par la police ne comprend pas lui non plus. Car non rien dans ses lettres ne laissait présager cet acte.

Vincent se promène sur les Champs Elysées puis va dans un club échangiste, un endroit où il a trempé dans les affaires. Il se mêle à la clientèle et se retrouve assis à coté d'une femme. Anne-Gisèle mal à l'aise cherche la conversation. Mais pour Vincent l'urgence est autre.
 Tout au long de la lecture, on n'a qu'une question en tête : pourquoi ? Tout comme le frère de Vincent qui en majeure partie raconte le récit. Sa femme qui n'a jamais aimé ce frère source de problèmes et de honte ne le soutient pas. Des chapitres courts, des scènes brossées avec une acuité qui fait ressortit toujours le temps compté. Le temps qu'il reste à Vincent avant d'être arrêté. Justement Anne-Gisèle, cette femme paumée veut lui en offrir. Une nuit, une pause dans sa cavale pour vivre le temps présent. Sans le chercher, Vincent retrouve l'amour et le prend. Mais la réalité d'une vie avec un compte à rebours le rattrape et au matin il repart.

Quand on découvre le pourquoi, on comprend le geste de de Vincent.
Que d'émotions dans ce roman où tous les personnages sont attachants! Vincent qui aime écrire de la poésie, son frère habité par l'amour et la peur, Anne-Gisèle qui n'a aucun préjugé.

Serge Bramly possède l'art de dépeindre des atmosphères, de nous y plonger très vite. Un roman d'une grande humanité qui laisse entrevoir la possibilité de renaître comme le goût retrouvé de la liberté !

Pour des raisons de cohérence et de linéarité, s'apercevrait-il, la pensée écrite n'égalera jamais la richesse débridée de la pensée naturelle.

Les billets de Cachou , Mille&unepages,  StéphanieYv.

Une lecture dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire organisés par PriceMinister.




samedi 26 octobre 2013

Eric Pessan - Muette


Éditeur : Albin Michel - Date de parution : Août 2013 - 211 pages vibrantes, douloureuses comme un cri qui déchire une gangue de silence...

Parce que les mots assénés sont parfois plus violents que les coups, parce que l’indifférence, l’humiliation permanente et le manque d’amour creusent des abîmes, Muette fugue. A 17 ans, la jeune fille a prémédité son départ. Pas très loin de la maison parentale, ce lieu où les petites phrases assassines, mesquines fusent sur elle comme des balles. Les mots, des situations blessantes la lestent. Pour se débarrasser de ce fardeau, elle va se cacher dans la nature.

Muette ne parle pas par choix « Manier les mots, Muette sait le faire ; ouvrir la bouche, arrondir les lèvres et tordre la langue pour articuler des phrases, elle y parvient si bien que beaucoup se leurrent et ne voient pas qu'au fond d'elle, elle est Muette ». Ne pas répondre aux provocations, aux méchancetés de sa mère. Muette enfant non désirée , élevée par des parents pour qui elle ne compte pas et qui se contentent de leurs vies restreintes. La nature lui offre la paix, le silence. Cette harmonie qu’elle ne trouve pas dans sa famille. Elle n’a pas de quoi tenir longtemps. Juste quelques provisions qui ne lui permettront pas de vivre plusieurs semaines. Elle le sait. Elle se demande si ses parents vont s’inquiéter ou être contents. Muette profite de cette parenthèse dans cette grange abandonnée pour faire corps avec la nature, se couper du reste du monde.
Le récit de la fugue de Muette est entrecoupé des paroles de sa mère comme « Tu es empotée ma pauvre fille, Elle nous en donnera du souci, Epargne-moi la honte ».

Je pourrais taire que ce roman sur l’enfance et l’adolescence saccagées par des parents a trouvé un écho en ma personne. Si je n’ai pas entendu des mots aussi durs que Muette, ils l'étaient suffisamment pour que je passe des heures dans la nature à les déposer sur l’écorce d’un arbre ou l’humus de la terre. Essayer de les chasser, rêver d'une autre vie car les mots font mal tout comme le sentiment d'être un poids.

Aucun pathos et  l'écriture d'Eric Pessan est sensible, poétique et sans fioriture.
Un livre que t’ai lu les yeux remplis de poissons d’eau. Vibrant, douloureux, cruellement beau comme un cri qui déchire une gangue de silence... 

Les billets de Fransoaz, Malice,  MimiZazy, Yv.


vendredi 25 octobre 2013

Arthur Loustalot - La ruche


Éditeur : JC Lattès - Date de parution : Août 2013 -186 pages qui interpellent...

Dans son recueil de nouvelles Là où commence le secret, Arthur Loustalot faisait preuve d’une écriture harmonieuse, classique. Dans ce roman,  il effectue changement de cap à 180 degrés ! Le titre,  la ruche synonyme d’essaim, de bruits incessants colle parfaitement au contenu.
On est bousculé, valdingué par l’écriture : phrase courtes, nerveuses, échanges souvent cinglants qui s’enchaînent sans temps mort.

Un huis clos clos entre Alice la mère et ses trois filles dont la cadette est encore une adolescente. Deux ans se sont écoulés depuis que son mari l’a quittée et elle sombre.
Tout le roman se déroule dans l’appartement. Brouillard de fumée de cigarettes et où  verres d’alcool et tasse de café sont laissés sur la table. Alice a l’impression d’avoir tout donné pour son mari et ses filles. Ca fait mal, Marion, Claire et Louise prennent en pleine figure ces crises qui frôlent l’hystérie (et nous aussi). Alice a instauré des codes dans ce lieu :  les portes doivent rester ouvertes. Ses filles lui tendent une bouée de sauvetage En vain. Elles sont fatiguées d’endosser les responsabilités et le rôle que leur mère ne veut plus jouer. Car Alice n’a pas digéré le départ de son mari. Si ses filles cherchent à la protéger, jusqu'où peuvent-elles aller ?

Les douleurs, la frustration, la culpabilité mais aussi l'amour parasité, les remords jaillissent à chaque page. L’écriture ne plaira pas tout le monde. Paradoxalement, elle sert et nuit à cette lecture créant une tension mais pouvant donner le tournis ou une sensation d’étouffement ( j'ai dû interrompre ma lecture à plusieurs moments car je me sentais oppressée).
Difficile de dire si j’ai aimé ce roman  mais j’ai été interpellée…

Marion se met à pleurer : mais tu te rends compte de ce que tu nous fais-maman- tu transformes nos vis en - vos vies? Vos vies? crie Alice : et le mienne? Hein, c'est quoi ma vie? C'est quoi ma ma vie depuis trois, depuis vingt ans? Il y a de nouvelles règles maintenant ! On me respecte et on ne parle plus de votre père- non mais- hein, mes pauvres chéries - c'est ça, ma vie? 

Les billets de Blablamania, Coccinelle







jeudi 24 octobre 2013

Leonard Rosen - La théorie du chaos


Éditeur : Le Cherche Midi - Traduit de l'anglais (Américain) par Hubert Tézenas - Date de parution : Septembre 2013 - 486 pages efficaces !

S’il n’est pas mathématicien comme son arrière grand père, Henri Poincaré est commissaire à Interpol depuis presque trente ans. Il pourrait prendre sa retraite et profiter paisiblement de sa demeure du Sud-Ouest la France et de sa famille. Difficile pour lui de raccrocher définitivement car il aime son métier. Il a envie de continuer à travailler encore un petit peu, un dernier dossier … Mais le prix de cette envie sera lourde de conséquences.

Henri Poincaré vient d’arrêter un criminel de guerre Banovic connu dans les Balkans et est chargé de la sécurité d’un sommet concernant le commerce. Un attentat à Amsterdam conduit à la mort du mathématicien James Fenster reconnu pour ses travaux et qui devait y intervenir. Sans compter que dans d’autres endroits de la planète, d’autres attentats ont lieu. Est-ce que les deux affaires ont un lien ? Pourquoi la fiancée de Fenster a disparu mystérieusement? Voilà les questions que se pose Henri Poincaré et quand sa famille est personnellement visée (attention :  le mouchoir peut être sorti), il est hors de question pour lui de ne pas trouver les coupables.
J’aime les thrillers page-turner et pourtant celui-ci n’en est pas à un à proprement parler. Pas d’ongles rongés, mais une enquête qui fait la part belle à l’analyse et à un personnage principal très creusé (on a l’impression de le connaître vraiment !) qui croit aux valeurs humaines.

Pas de flic  alcoolique et/ou dépressif, une trame bien menée et ancrée dans un contexte économique et mondial  :  le résultat est ce thriller efficace !

Si vous n'êtes pas convaincus après la lecture de ce billet, je vous renvoie aux avis de Brize, de Dominique et de Keisha


mardi 22 octobre 2013

Milena Michiko Flasar - La cravate


Éditeur : Editions de l'Olivier - Traduit de l'allemand (Autriche) par Olivier Mannoni - Date de parution : Août 2013 - 164 pages et un livre hérisson !

Quelque part au Japon, un jeune homme Hiro s’aventure au-delà de sa chambre dans laquelle il est resté deux ans pour aller dans un parc. Assis sur un banc, il observe un homme avec son attaché-case et en cravate qui prend son déjeuner. Le lendemain et le jour suivant, il y retourne et le voit à nouveau à la même place. Si Hiro pensait qu’il s’agissait d’un homme d’affaires comme tant d’autres, l’homme passe sa journée entière au parc et s’en va à la même heure. C’est l’homme à la cravate qui en premier va nouer la conversation entre eux deux.

Hiro est un adolescent qui s’est coupé du monde, un « Hikikomori » qui a vécu deux ans cloîtré dans sa chambre et qui ne parle plus à ses parents ou à quiconque. Il a volontairement quitté l’école portant un lourd fardeau. L’homme à la cravate lui apprend qu’il a perdu son emploi et qu’il ne l’ose pas l’avouer à sa femme. Petit à petit, Hiro et Tetsu se livrent un peu plus au fil des jours. Par fragments, par confidences. Chaque jour, Hiro attend impatiemment de revoir Tetsu le lendemain. Il puise en ce dernier sa force d’affronter le monde. Une amitié hors du commun naît entre ces deux êtres sortis de la conformité. Hiro le narrateur plonge dans ses souvenirs qu’il a longtemps calfeutrés par peur d'avoir mal.

Il s’agit d’un de ces  romans portés par une écriture délicate où l’on entre sur la pointe des pieds et qui traite de sujets graves. Le statut et la place que confère le travail dans la société, la pression sociale exercée à différents niveaux, le suicide, la perte d’un enfant mais aussi l'espoir de se relever quand on est tombé .

Ce livre n’est pas engagé il  mais nous livre de belles réflexions sur l’individu avec une humanité touchante et il s'en dégage une belle luminosité ! Un roman devenu hérisson par le nombre de post-it que j’y in inséré tant j’ai été frappée ( vous le comprendrez) par de nombreux passages !

Je ne tentai pas de me faire des illusions. Hier comme aujourd'hui, mon but était d'être seul avec moi-même. Je ne voulais rencontrer personne. Rencontrer quelqu'un, c'est s'impliquer. On noue un fil invisible. D'humain à humain. Une foule de fils. Dans tous les sens. Rencontrer quelqu'un, c'est devenir une partie de son tissu, et c'est cela qu'il fallait éviter.

Plus jamais, je me l'étais juré, je ne voulais avoir part à la souffrance d'un autre. Il devrait le savoir. Que pleurer et agoniser sont des affaires privées.

Le billet de Leiloona


lundi 21 octobre 2013

Mary R.Ellis - Wisconsin


Éditeur : 10 x 18 - Traduit de l'américain par Isabelle Maillet - Date de parution : 2008 - 443 pages superbes! 

Wisconsin, 1967. La famille Lucas vit dans une ferme isolée. Bill âgé de huit ans aime se promener dans la nature et suivre son frère aîné James qui est un fan d’Elvis Presley. John le père est un alcoolique brutal et leur mère Claire semble perdue en permanence dans se pensées, ne se souciant pas de ses deux fils. Souvent Bill et James vont chez les Morriseau un couple sans enfant et qui sont leurs plus proches voisins. James ne supporte plus les brimades de son père et s’est engagé dans les Marines.  Le Vietnam l’attend. Bill se sent abandonné par son frère et le départ de James est pour sa mère un électrochoc. Bill écrit à son frère ajoutant à chaque fois un élément de la nature du Wisconsin : une fleur, de la terre. Mais le jour où des officiers se présentent chez ceux, Claire a compris. James est porté disparu. Bill lentement s’enfonce dans un processus d’autodestruction et devient de plus en plus solitaire.

Dans ce roman choral qui se poursuit jusqu’en 2000, on assiste bien plus qu’à la description et l’évolution de la vie de personnages. Mary R. Ellis nous décrit un père qui noie ses échecs dans l’alcool et se venge sur les siens, une mère qui reconnaît avoir été passive trop absorbée par ses problèmes, des voisins dont la bienveillance est une seconde nature, l’absence cruelle d’un frère dont a peur de perdre le souvenir de son visage ou du son de sa voix, de la nature omniprésente. Et il y a toutes les blessures, les attentes et les déceptions anciennes ou récentes de chacun qui sont nous dépeintes admirablement comme l’espoir que James nourrissait de revenir en héros. Et puis, il y a Bill fracassé depuis la mort de son frère qui réapprendra à vivre.
Mary R. Ellis donne à ses personnages la possibilité de s’exprimer sur une même situation offrant ainsi un angle de vue varié. Pas de pathos et l’auteure nous offre une fin pleine d’espoir.

Un roman dur mais majestueux, ample d’humanité et de sensibilité ! J’ai été submergée d’émotions à la gorge!

Les billets de Brize, George,  Joëlle, Manu, Valérie



samedi 19 octobre 2013

Bruno Tessarech - Art nègre


Éditeur : Buchet Chastel - Date de parution : Août 2013 - 240 pages dont je me suis régalée ! 

Louis est un écrivain dont plusieurs de ses romans lui ont valu du succès. Mais il n’a rien écrit depuis un moment. Or il faut bien payer son loyer, se nourrir et à l’occasion employer une femme de ménage. Un appartement propre, rangé pour démarrer du bond pied un nouveau roman. Alors quand un éditeur lui propose dignement et avec les grands mots d’être co-auteur pour un ancien taulard, il accepte. Le voilà donc nègre. Si le premier livre est un échec (l’ancien détenu n’étant pas plus repenti qu’un voyou pris la main de sac), Louis enchaîne sur d’autres co-écritures.

Louis retrouve la confiance qui lui manquait et les livres qu’ils signent masqué rencontrent du succès. Dans le monde de l’édition, son nom circule (car personne n’est dupe sur les qualités littéraires des personnages publics connus). Notre Louis est ragaillardi, se sent enfin prête à écrire pour lui surtout qu’il a renoué avec son ancienne compagne.
Les personnages divers sont aussi vrais que nature, comme l'ami de Louis ancien acteur et  notre gost-writer est foncièrement gentil et attachant. Et quelle écriture ! Pétillante, élégante qui sait se faire ironique mais jamais méchamment, très visuelle avec certaines scènes ou certains dialogues truculents !  Enlevé, sans temps mort, ce roman laisse place aussi à la réflexion.  L’écriture, le monde  des écrivains et de l'édition sont au cœur de ce livre mais aussi la vie. Le tout avec avec humour (un humour comme je les aime!) et une vraie lucidité.
Je me suis régalée du début à la fin ! Une très belle découverte !

Il était étrange de voir que combien ce travail de nègre me réinstallait de plain-pied dans l'univers romanesque.Non pas tel un pianiste faisant ses gammes avant le concert, mais parce que, travaillant pour les autres, j'avais saisi une vérité essentielle. Nègre et romancier  il n'y avait pas un si grand écart entre les deux démarches. L'une comme l'autre mettaient en jeu le réel et l'imaginaire. Simplement elle inversaient les polarités. Une des tâches du romancier consiste à rendre un personnage aussi crédible qu'un être de chair, tandis que le nègre élève son client aux dimensions d'un personnage. En somme, j'avais installé le courant alternatif au cœur de mon travail. Ce qui me menaçait désormais, c'était le court-circuit, non plus la panne de secteur.

Le billet de Cuné.


jeudi 17 octobre 2013

Judith Perrignon - Les faibles et les forts


Éditeur : Stock - Date de parution : Août 2013 - 156 pages qui prennent aux tripes! 


Nous sommes en août 2010 en Louisiane, Mary Lee assiste impuissante à une descente de police dans leur appartement visant Marcus son petit-fils aîné âgé de dix-sept ans. Fouille au corps, les affaires mises sens dessus dessous :  la violence de la situation saute aux yeux. Les policiers repartent bredouillent mais la nervosité est papable. La fille de Mary Lee, Dana mère célibataire n’arrive plus à communiquer avec son fils. Ses trois autres enfants  ne disent rien. Ils sont une famille afro-américaine dans un quartier défavorisé : cela suffit à ce que la police s’intéresse à eux. Beaucoup d’amis de Marcus ont déjà eu des soucis avec les forces de l’ordre ou connaissent la prison. Les pères des enfants sont aux abandonné absents depuis longtemps. Heureusement que l’après-midi, toute la famille a prévu d’aller faire un pique-nique au bord de la rivière Rouge en compagnie de leurs cousins. Il fait beau et les sept enfants vont se baigner. Marcus est pris dans un courant, tous se prennent la main et sont engloutis par les eaux. Seul Marcus est sauvé de la noyade.

Retour en 1949 à Saint-Louis dans le Missouri. La politique de ségrégation sévit et les Noirs n’ont pas accès aux piscines. « Légalement rien n’empêche un Noir qui veut nager d’entrer dans une piscine » : cette phrase prononcée par le maire-adjoint de la ville va mettre le feu aux poudres. Howard le frère aîné de Mary Lee obtient l’accord de ses parents de se rendre à la piscine. Mary Lee cachée dans un arbre l’observe. Mais elle voit plus que son frère qui franchit les portes du lieu puis qui entre dans l'eau Elle voit des gens se rassembler, crier des insultes, des menaces. Une foule enragée qui grandit et qui ne demande qu’à rétablir la loi. Une journée d’émeutes violentes qui laissera à Howard des séquelles.Dès le lendemain, la piscine n'ouvre ses portes qu'aux Blancs.

Un chiffre : 60% des Afro-Américains ne savent pas nager. Pourquoi ?
Judith Perrigon nous immisce dans les pensées de chacun des membres de la famille lors de l'arrivée de la police puis elle revient sur sur la vie de Mary Lee. Ensuite, elle livre la parole à un professeur lors d'un émission à la radio suite aux noyades et nous projette après le drame. Des premiers esclaves enchaînés aux pieds par des chaînes, de la ségrégation construite sur des interdictions et des barrières, la peur s’est ancrée chez les Noirs. La peur :  un héritage transmis de génération en génération comme une sorte de fatalité. Tout comme la discrimination, les inégalités et les préjugés ancrés dans le temps et les difficultés rencontrées à l’heure actuelle par les afro-américains. L'auteur nous livre des faits et par la construction habile nous laisse le soin de tirer nos propres conclusions.
Ce roman est âpre, fort, dur et prend aux tripes. Le chant de révolte qui s'y lève tout comme les faits ne peuvent que susciter qu’émotions, indignation et réflexion ! Alors oui, ce livre m'a plus que remuée...

Mme King répétait entre deux sanglots, Nous ne savons pas nager, nous ne savons pas nager. C'était comme une phrase apprise par cœur que nous aurions tous pu prononcer et qu'ils ont dû diffuser en boucle à la télévision. C'était une conjugaison. Je ne sais pas nager, nous ne savons pas nager, ils ne savent pas nager. Une conjugaison à tous les temps. 

Le billet de Lili M

Merci à Babelio pour ce livre reçu dans le cadre de Masse Critique!





mercredi 16 octobre 2013

Pascal Garnier - Comment va la douleur?


Editeur : Livre de poche - Date de parution : 2008 - 187 pages et un bon moment de lecture !

Le titre fait référence (on l'apprend dans le livre) à une coutume dans un pays d'Afrique. Quand une personne rencontre une autre, elle lui pose cette question. A savoir que chacun d'entre nous a sa part de bonheur et de souffrance. Justement, Simon tueur à gages est malade et va prendre sa retraite. Mais avant il lui reste un dernier contrat à effectuer. En s'arrêtant à Vals les Bains, une petite ville thermale d'Ardèche, il rencontre Bernard avec qui il n'a aucun point commun. Simon désabusé dit travailler en tant qu'"éradicateur de nuisibles" tandis que Simon est un jeune homme naïf débordant de gentillesse et d'optimisme à qui il manque deux doigts: "c'est juste l'auriculaire et l'annulaire, je m'en servais jamais. Et puis, c'est la main gauche, je suis droitier. - Alors tout va bien ! Vous n'avez perdu qu'un peu de poids". Simon propose à Bernard contre une rémunération juteuse de lui servir de chauffeur pour deux jours car il lui reste une dernière mission à effectuer Avec l'accord de sa mère qui aime trop le rhum Négrita et dont les anciens commerces n'ont jamais fonctionné, Bernard accepte et les voilà partis en direction du Sud de la France. Simon est sur son petit nuage car grâce à Bernard il va enfin voir la mer.

Leur route leur réserve des rencontres et des surprises : Fiona jeune mère célibataire sans attache avec sa fille Violette, Rose une taxidermiste belge qui n'attendait plus le coup de foudre et quelques cadavres. Attendri par Fiona et sa fille, Bernard décide de les aider en les faisant voyager avec eux. Simon refuse mais finit par abdiquer.

Avec tendresse et un cynisme féroce, Pascal Garnier réussit à transformer le désespoir de ses personnages en une humanité touchante. Des personnages truculents campés avec un sens aigu du détail, de l'humour noir, de la sensibilité, des dialogues dont je me suis régalée et même si certains événements sont prévisibles, j'ai passé un bon moment !

Les billets d'Aifelle, Caté, Cuné, Kathel, MidolaPapillonSylire, Yv

lundi 14 octobre 2013

Delphine Coulin - Voir du pays


Éditeur : Grasset - Date de parution : Août 2013 - 267 pages saisissantes ! 

Les femmes soldats existent et on en parle peu. Ou pas. Aurore et Marine deux jeunes filles unies par une amitié indéfectible. Alors quand Aurore devenue majeure s’est engagée dans l’armée, Marine l’a suivie. Des engagées dans un monde masculin où elles ont dû prouver qu’elles étaient aussi fortes que leurs camarades et gommer leur féminité. Et puis, une mission pas comme les autres : six mois en Afghanistan. Avant de rejoindre la France, elles sont à Chypre pour trois jours. All in inclusive : hôtel, piscine, baignées parmi les touristes. Trois jours et un sas de décompression pour reprendre pied avec la vie. Faire somme si : rire, boire en soirées, s'amuser mais les séances obligatoires de débriefing où l’on doit parler et revenir sur les opérations qui ont mal tournées font rejaillir toute la violence, le stress accumulés. Car l’Afghanistan les a tous changés. Marine a perdu le goût de vivre, Aurore a été gravement blessée et toutes deux semblent des étrangères l’une pour l’autre. Chacune essaie d’avancer, de soutenir l’autre. Mais leur amitié n’est plus la même comme si elle n’était qu’un vestige du passé.

On est plongé dans cette guerre avec toute son horreur. On ressent la chaleur du soleil, la peur insidieuse et les questionnements d’Aurore, de Marine. Et cette question presque taboue qui tournoie dans l'esprit de chacun  mais que l'on formule pas : comment vivre après sans baisser la tête ?
Sans voyeurisme et sans chercher à adoucir les angles, Delphine Coulin lève le voile avec réalisme  sur les séquelles post-traumatiques, sur des illusions perdues (l'engagement militaire), sur la mort vue et côtoyée de si près qu’elle vous hante toutes les nuits et creuse la psychologie de ses deux femmes en devançant nos questions.

L’auteure va droit au but, ne s‘encombre pas de langue de bois pour parler de la guerre et des femmes soldats mais n'oublie pas cette sensibilité si juste que j'avais tant aimé dans Samba pour la France. C’est qui ce fait toute la beauté et la dureté de ce roman saisissant !  Un livre lu en apnée totale...

Jusque-là, elle ne s'était jamais vraiment intéressée  à la morale de cette guerre. Aucun d'eux ne se préoccupait vraiment de ça. Comme ils disaient, ils n'était pas là pour parler politique. Ils étaient comme les gens qui ouvrent un compte en banque,sans comprendre les tenants et les aboutissants de l'économie mondiale. Mais elle avait compris qu'ils n'étaient pas là pour faire le bien. Alors elle voulait qu'on arrête de leur dire qu'ils étaient là comme  des anges gardiens au-dessus des troupeaux. Qui veut faire l'ange, fait la bête. Ils avaient tous perdu.


jeudi 10 octobre 2013

R.J. Ellory - Les anges de New-York


Éditeur : Le Livre de Poche - Date Parution : Septembre 2013 - 660 pages et une déception...

Dès le départ, c’était déjà mal parti avec ce livre. Car si un cliché m’hérisse le poil dans les polars c’est le flic alcoolo, divorcé avec des problèmes personnels. Donc pas de chance pour Franck Parish inspecteur au NYPD qui s’il est dans le collimateur de la direction, a en plus gagné d’emblée mon antipathie. Un flic plutôt agressif (style ours mal léché) qui aime se la jouer perso en ayant cure des règles. Pour l’aider à régler ses problèmes, il est obligé de voir une psy de la police tandis que des jeunes filles disparaissent. Si ce polar n’a pas subi le lancement par-dessus par l’épaule, c’est que l’enquête m’a accrochée mais le reste a glissé sur moi sans aucun intérêt. J’ai trouvé que la culpabilité de Franck Parish à l’égard de son père sonnait faux avec un air  "sortons les violons"…

L’enquête ne sauve pas ce livre à mes yeux… une déception !




lundi 7 octobre 2013

Alan Heathcock - Volt


Éditeur : Albin Michel - Traduit de l'américain par Olivier Colette- Date de parution : Septembre 2013 - 297 pages sous forme d'électrochoc !

L'erreur à ne pas commettre est de piocher au hasard de ces nouvelles ou de les lire individuellement. Car un des points forts de ce recueil est d’être à l’image d’un roman grâce à l'ensemble des huit nouvelles et de certains personnages récurrents. Le fil rouge est Krafton, une petite ville paumée d’Amérique qui semble coupée du reste du monde.  Avec ses habitants chevillés à cette terre comme s’il était impossible de fuir ce coin perdu avec ses quelques commerces, son église, ses fermes. Quand on quitte Krafton c’est pour combattre à la guerre ou alors pour fuir et tenter de s’expier d’une faute.
D’ailleurs, la première nouvelle de ce recueil qui est un uppercut à elle toute seule, aborde les thèmes du châtiment et de la rédemption. Un homme ne se remet pas de la mort de son fils qu’il a causé par accident. Il part de Krafton et devient un animal sur lequel on parie de l’argent pour des combats. Dans plusieurs nouvelles, les guerres apparaissent en filigrane ainsi que les marques indélébiles qu’elles ont laissées. D'un jeune homme qui  le jour de ses dix-sept ans est mis devant l’évidence que jamais il ne partira de Krafton, d'Helen gérante d’une épicerie qui s’est retrouvée nommée shérif de la ville sans rien demander à un père qui demande à son fils de l’aider à faire disparaître un cadavre, l’ambiance de ces nouvelles est sombre. L’atmosphère est lourde, chargée de tension tandis que Krafton subit des inondations ou des tempêtes. La ville semble être maudite tout comme ceux qui y vivent et il suffit d’une étincelle pour allumer la violence. Mais certains de ses habitants animés par la flamme de l’espoir se débattent.

Pour son premier recueil de nouvelles, Alan Heathcock tape fort ! Vous l’aurez compris, il vaut mieux éviter cette lecture quand le baromètre du moral oscille vers la morosité car on se prend une gifle !
Sans aucune concession et avec un réalisme presque brutal, l'auteur réussit à mettre en exergue les sentiments comme l'humanité qui persiste quand on croit avoir tout perdu. Un recueil de nouvelles électrochoc ! 

Lonnie reprit la bouteille. "T'as déjà entendu parler des bêtes qui se rongent la patte pour se libérer d'un piège?".Il posa la bouteille contre ses lèvres. "Ca revient à essayer ça, d'essayer de partir d'ici. Tu peux demander à Hep si tu ne me crois pas."
La route n'était gondolée ni sinueuse, les lignes de l'autoroute se déroulaient comme des cordes reliées à la ville. 
"Je vais pas vivre dans un piège, dit Walt. Je vais me tirer.
- On peut pas courir sur une seule jambe, petit."

Une lecture commune avec Anne et Jérôme  dont je suis curieuse de connaître les avis...


jeudi 3 octobre 2013

Guillaume Siaudeau - Tartes aux pommes et fin du monde


Éditeur : Alma Editeur - Date de parution : Août 2013 -  133 pages et un subtil dosage de douceur, d'ironie sous-jacente et de mélancolie!

Un souvenir d’enfance en décroche un autre : le chien Bobby mort puis le départ de sa mère. Tout s’est enchaîné : avec sa sœur, il n’a pu que constater le penchant de son père pour la bouteille et les coups qui pleuvaient. Puis les boulots alimentaires et son appartement meublé de solitude. Au supermarché, grâce à une boîte de conserves, il fait la connaissance d’Alice. L’amour le submerge, il fait des projets. Arni un collègue devenu ami qui suite à son licenciement sombre dans la dépression et en plus Alice met fin à leur histoire. Et lorsque son nouveau compagnon devient un flingue qu’il ne quitte plus, on a peur que notre narrateur prenne un autre chemin plus grave, plus dramatique.

Encore me direz-vous un livre sur la génération de  trentenaires qui se cherchent, entre l’enfance à quitter et la vie d’adulte à embrasser. Peut-être mais ce court roman met en exergue les rêves brisés, l’emploi précaire et la solitude qu’il faut combler. Pas de pathos mais un humour souvent décalé, une fausse légèreté dans le ton pour nous parler des difficultés, des bulles d’espoir et celles qui adoucissent la vie. Beaucoup de finesse pour faire passer les émotions dans ce roman au goût doux, piquant et tendre.

Si quelques pages supplémentaires auraient été les bienvenues, j’en redemande et vivement un second roman ! Guillaume Siaudeau possède déjà un style affirmé !

Carole n'a rien compris à mon explication. Elle était persuadée qu'elle pouvait faire le ménage là-dedans. En sortant il m'a semblé voir l'ombre de Carole à la fenêtre, un sécateur dans une main et le cœur dans l'autre.

Les billets d'Anne, Jérôme, Le carré jaune

Une lecture de plus pour le Challenge Premier Roman chez  Anne et celui de La rentrée littéraire 2013 chez Sophie Hérisson


mardi 1 octobre 2013

Courtney Collins - Sous la terre


Éditeur : Buchet Chastel - Traduit de l'anglais (Australie) par Erika Abrams - Date de parution : Août 2013 - 341 pages de grands espaces et d'un destin hors du commun ! 

Ce roman s’ouvre sur une scène très dure. Une femme accouche en pleine nature d’une enfant prête à emprunter le chemin des morts. Elle enterre sa fille et part. Car Jessie a tué juste avant  un homme violent. Son mari.
Nous sommes en 1921 en Australie. Quatre ans plus tôt, Jessie sortie de prison s’est retrouvée sous la tutelle de Fitz. Eleveur de bétail, il est un intermédiaire dans les vols de chevaux et il  y implique Jessie. Ce type de vol  elle connait. D’ailleurs c’est pour cela qu’elle a fait de la prison. Si elle dit non à Fitz, elle retournera derrière les barreaux. Elle a été contrainte de se marier avec cet homme qui lève la main à tout bout de champ sur elle. Voilà l’existence que Jessie fuie.

Première surprise dans ce roman, une voix s’élève pour narrer la vie de Jessie celle de son enfant. Lumineuse, poétique, remplie d’amour et de compréhension pour celle qui l’a portée. Deuxième surprise : l’auteure ne nous dépeint pas Jessie comme étant à priori sympathique mais comme une femme qui a su se forger une carapace dans un monde brutal. Une femme hors-la-loi éprise de grands espaces et de liberté. A ses trousses, deux hommes : un sergent héroïnomane et Jack Brown son ancien amant noir qui travaillait pour Fitz. Sur son chemin, elle rencontrera des enfants qui vivent eux-aussi clandestinement, des voleurs de chevaux. Dans sa cavale qui semble sans fin, même si par moments elle veut abandonner, sa rage de vivre est toujours la plus forte. Elle la pousse à ne pas abandonner son but.

Au fil des pages, Jessie se montre avec ses faiblesses et ses fêlures et l’humanité du personnage prend le dessus dans un décor souvent hostile. Si au départ j’ai été gênée par la  narration de l’enfant mort, elle m’a par la suite procurée des émotions fortes.
Un destin de femme hors du commun pour ce roman inspiré de la vie de Jessie Hickman cette Bushranger de l’Australie. Un livre où cette nature inhospitalière est omniprésente et décrite magnifiquement !
Un premier roman puissant et réussi ! 

Si la terre pouvait parler, de qui raconterait- elle l’histoire ? Sa préférence irait- elle à ceux qui, à genoux sur elle, se sont écharpé les doigts à la retourner à mains nues ? À ceux qui, soir après soir, s’y laissaient choir comme sur le sein d’une mère, l’arrosant de leurs larmes et de leur sang ? Ou à ces autres qui aspirent à s’en éloigner, aussi loin que les oiseaux, coupant le ciel dans une stridence qui ne connaît pas les pleurs ? Tel est sans doute le désir de la terre, pour ceux que des ailes tiennent en suspens. En bas où je suis, j’ai fini par comprendre deux choses  : les oiseaux retombent et la terre sait attendre. Tôt ou tard, tout lui sera remis, avec les dents et la peau et les rognures d’os. Un jour, ceux- là mêmes qui cherchent à planer là- haut se retrouveront plantés comme une racine torse dans sa noirceur compacte. Comme moi. Telle est sans doute la leçon de la terre.

Les billet de MimipinsonMirontaine