Éditeur : Le Seuil - Date de parution : Août 2019 - 256 pages
Cité du 11-Décembre-1960 de Dely Brasilia en Algérie, Jamyl, Mahdi et Inès, des enfants du quartier s’occupent en jouant au foot sur un terrain vague. La cité construite en 1987 a vu leurs aînés en faire leur terrain de jeu. Mais un jour de février 2016, deux généraux en fin de carrière débarquent avec l’intention de se l’approprier pour y construire leurs maisons. Certains des adolescents se rebellent, encouragés par Adila une ancienne moudjahida militante de l’indépendance algérienne. Ils ne veulent pas se laisser faire même contrairement à leurs parents qui vivent avec la crainte d'éventuelles repérésailles. Et si le courage innocent, presque puéril, était l’étincelle qui met le feu aux poudres pour se lever contre un système gangréné ? Sous l’impulsion des adolescents, le terrain devient un emblème fédérateur pour les habitants du quartier.
Si l’auteure évoque l’indépendance de l’Algérie à travers notamment le personnage d’Adila une femme forte et respectée, elle revient principalement sur l’évolution politique récente de ce pays. A travers la voix d’Adila et de ses souvenirs, j’ai découvert les émeutes de 1988 durant lesquelles l’armée a ouvert le feu sur des manifestants, mais aussi l’émergence du groupe islamique armé, les attentats qui ont semé la terreur et la violence. Kaouther Adimi dresse également le portrait d’un pays entre passé et présent où les mentalités ont du mal à s’émanciper du poids culturel et de celui des traditions, et où les voix politiques discordantes tentent de s’élever.
Loin d’être rébarbatif, ce contexte politique est très instructif mais j’ai trouvé que l’auteure se répétait un peu dans sa trame. Et si le personnage d’Adila est étoffé, les autres personnages sont un peu moins aboutis à mon sens car brossés dans les grandes lignes.
Au fil des pages, ce roman prend l’allure d’une fable.
Sans en dévoiler de trop, il m’a manquée une histoire plus conséquente, une empathie et des émotions. Au final, je retiendrai ce vent engendré par une nouvelle génération portée par l’envie de changement et de renouveau. Et même si quelquefois les vents dominants sont les plus forts, l’espoir est bien là. Peut-être fragile mais lumineux.
Papa, si tout le monde ne pense qu'à son petit avenir et son petit confort, comment ferons-nous pour changer les choses?
Le billet de Mimipinson qui a aimé
lundi 30 septembre 2019
vendredi 27 septembre 2019
Diana Evans - Ordinary people
Editeur : éditions Globe - Traduit de l'anglais par Karine Guerre - Date de parution : Septembre 2019 - 400 pages
Parfois, dans la vie des gens ordinaires, il y a une étape décisive, une révélation, un grand changement. Il survient sous un ciel bleu, jamais lumineux. Jamais quand tout va bien.
Londres. Après la naissance récente de son deuxième enfant, Melissa a quitté son emploi pour travailler en free-lance. Avec son compagnon Mickael, ils viennent d'aménager dans leur nouvelle maison. Tout pourrait être rose ou devrait d'être mais non. L'équilibre est devenu une illusion pour Mélissa qui jongle entre les enfants et les tâches domestiques. Chez leurs amis Damian et Stephanie, dans la campagne londonienne, Damian est englué dans son quotidien sans pouvoir l'expliquer depuis la mort de son père. Sa femme Stephanie le pousse à se ressaisir mais c'est en vain.
Les deux couples, solides en apparence, s'effritent. Les ambitions et les aspirations se voient désormais étouffées par une envie de changement et la lassitude. Seule Stephanie dont le bonheur de ses enfants passent avant tout semble maintenir son cap. Si on est plongé dans les affres et les tourments de ces deux couples ordinaires de la classe moyenne, l'auteure y ajoute subtilement une autre équation celle des origines sans que ce se soit le socle de ce roman. Quelles sont les aspirations de ses personnages à la peau de couleur alors que Barak Obama vient d'être élu ? Damian, enfant, a baigné dans les discours engagés de son père tandis que Mickael rêve d'une plus grande égalité.
Ce roman fourmille de détails sans saouler le lecteur est comporte des réflexions très intéressantes sur la crise identitaire, le couple et le mariage. Avec des pointes d'un humour acéré et une écriture qui m'a littéralement aspirée par sa vivacité, Diana Evans radiographie le couple moderne avec beaucoup de nuances et c'est très, très bien vu.
- (...)Je ne suis pas opprimés. Mes enfants ne m'oppriment pas. Ils me libèrent. C’est l’homme qui pose problème.
Melissa ne voyait pas les choses ainsi, mais elle aimait l'audace de Stephanie, la liberté d’esprit dont elle faisait preuve. Elle admirait sa capacité à vivre à l’écart des attentes que le monde extérieur faisait peser sur elle. Elle se fichait pas mal de l’opinion d’autrui. Elle était totalement singulière dans ses choix et ses objectifs, elle s'en tirait de la satisfaction et, par voie de conséquence, un profond sentiment de sécurité. Elle s’était construite comme une maison solide. Elle n'était pas biscornue et ne s'effondrait pas.
Le billet d'Antigone
Parfois, dans la vie des gens ordinaires, il y a une étape décisive, une révélation, un grand changement. Il survient sous un ciel bleu, jamais lumineux. Jamais quand tout va bien.
Londres. Après la naissance récente de son deuxième enfant, Melissa a quitté son emploi pour travailler en free-lance. Avec son compagnon Mickael, ils viennent d'aménager dans leur nouvelle maison. Tout pourrait être rose ou devrait d'être mais non. L'équilibre est devenu une illusion pour Mélissa qui jongle entre les enfants et les tâches domestiques. Chez leurs amis Damian et Stephanie, dans la campagne londonienne, Damian est englué dans son quotidien sans pouvoir l'expliquer depuis la mort de son père. Sa femme Stephanie le pousse à se ressaisir mais c'est en vain.
Les deux couples, solides en apparence, s'effritent. Les ambitions et les aspirations se voient désormais étouffées par une envie de changement et la lassitude. Seule Stephanie dont le bonheur de ses enfants passent avant tout semble maintenir son cap. Si on est plongé dans les affres et les tourments de ces deux couples ordinaires de la classe moyenne, l'auteure y ajoute subtilement une autre équation celle des origines sans que ce se soit le socle de ce roman. Quelles sont les aspirations de ses personnages à la peau de couleur alors que Barak Obama vient d'être élu ? Damian, enfant, a baigné dans les discours engagés de son père tandis que Mickael rêve d'une plus grande égalité.
Ce roman fourmille de détails sans saouler le lecteur est comporte des réflexions très intéressantes sur la crise identitaire, le couple et le mariage. Avec des pointes d'un humour acéré et une écriture qui m'a littéralement aspirée par sa vivacité, Diana Evans radiographie le couple moderne avec beaucoup de nuances et c'est très, très bien vu.
- (...)Je ne suis pas opprimés. Mes enfants ne m'oppriment pas. Ils me libèrent. C’est l’homme qui pose problème.
Melissa ne voyait pas les choses ainsi, mais elle aimait l'audace de Stephanie, la liberté d’esprit dont elle faisait preuve. Elle admirait sa capacité à vivre à l’écart des attentes que le monde extérieur faisait peser sur elle. Elle se fichait pas mal de l’opinion d’autrui. Elle était totalement singulière dans ses choix et ses objectifs, elle s'en tirait de la satisfaction et, par voie de conséquence, un profond sentiment de sécurité. Elle s’était construite comme une maison solide. Elle n'était pas biscornue et ne s'effondrait pas.
Le billet d'Antigone
mercredi 25 septembre 2019
Brigitte Giraud - Jour de courage
Éditeur : Flammarion - Date de parution : Août 2019 - 160 pages
Pour son exposé d'Histoire sur la Seconde Guerre mondiale, Livio, 17 ans, a choisi de parler des autodafés nazis et de Magnus Hirschfeld. Ce médecin allemand inconnu pour beaucoup a oeuvré dans la lutte contre la discrimination envers les homosexuels. Il avait avait créé une institution dont la bibliothèque fut brûlée en 1933 par les nazis. Devant sa classe et son professeur, il revient sur la vie de cet homme et de ce qu'il a subi.
Petit à petit, il se dévoile aux yeux de tous. Et il faut du courage à cet adolescent pour énoncer sa vérité. Une qui ne pourtant ne devrait pas faire réagir ou choquer. Mais certains de ses camarades de classe se moquent de lui. Sa meilleure amie Camille, secrètement amoureuse de lui, a du mal à admettre ce qu'elle comprend à travers son exposé.
Brigitte Giraud arrive à retranscrire très exactement l'ambiance de ce cours. On ressent la tension, l'étonnement, la moquerie, on visualise Livio, la rougeur qui lui monte aux joues, le trouble de Camille, la méchanceté bête et l'ignorance. On aimerait que quelque chose de positif se passe pour rompre la tension et cette condamnation d'être différent.
Mais le malaise s'accentue car dans sa famille, Livio sait qu'il ne sera jamais accepté. L'onde choc se propage et nous gagne. Un roman empli de justesse, à mettre entre toute les mains.
Il y avait eu cette matinée, pendant laquelle Livio avait longuement pris la parole. Il avait bravé le regard de tous, debout pendant une heure sur l'estrade, et n'avait pas dévié de son cap quand il avait raconté l'existence et le combat de Magnus Hirschfeld dont personne dans la classe n'avait entendu parler. Mais cela lui importait peu, il avait été brillant et incroyablement gonflé, comme s'il n'avait plus rien à perdre.
Le billet de Cathulu
Lu de cette auteure : Avoir un corps - Pas d'inquiétude -Une année étrangère
jeudi 19 septembre 2019
Marie Darrieussecq - La Mer à l'envers
Editeur : P.O.L. - Date de parution : Août 2019 - 256 pages
Accompagnée de ses deux enfants Rose part en croisière en Méditerranée. Son mari qui boit de trop et trop souvent n'est pas venu mais cette coupure est une bonne chose pour Rose, elle a besoin de faire le point. Une nuit, le paquebot « un immeuble flottant (..) une ville rêvée, l’utopie à la portée des déambulateurs » recueille des migrants en pleine mer. Rose donne à un jeune migrant nigérien Younès le téléphone portable de son fils. C’est sa façon d’aider.
Ce geste partant d’un bon sentiment sans attendre un retour quelconque et sans chercher à paraître courageuse ou héroïque est un point d’ancrage. Dans la vie de Younes et dans celle de Rose. Ce personnage féminin s’interroge sur sa vie, sur ce qu’elle transmet à ses enfants et sur son couple. Loin d’être un cliché, Rose est un personnage contemporain par ses fragilités, ses réflexions, avec toutes ses ambiguïtés, tiraillée par l’envie d’en faire plus et celle de se protéger. De protéger sa vie et sa famille.
Ce sujet d’actualité est traité sans pathos ou larmoyant par Marie Darieussecq. Elle fait preuve d’un ton loin d’être grave où elle réussit à placer de la légèreté, à nous faire sourire et à rendre hommage à ceux et à celles qui tendent une main pour aider malgré tout. Sans leçon de morale ou de jugement, la politique migratoire est abordée par le prisme de Rose si proche de nous mais que que n'ai pas entièrement comprise.
Au final, il m'a manqué la petite musique et la grâce d'Il faut beaucoup aimer les hommes. Et cette fois ci malgré une belle humanité sans fard , Marie Darrieussecq n'a pas réussi à me convaincre totalement.
Elle eut ce réflexe, de tendre la main vers eux, d'essayer quelque chose, mais.
Sur le blog : Etre ici est une splendeur - Il faut beaucoup aimer les hommes
Accompagnée de ses deux enfants Rose part en croisière en Méditerranée. Son mari qui boit de trop et trop souvent n'est pas venu mais cette coupure est une bonne chose pour Rose, elle a besoin de faire le point. Une nuit, le paquebot « un immeuble flottant (..) une ville rêvée, l’utopie à la portée des déambulateurs » recueille des migrants en pleine mer. Rose donne à un jeune migrant nigérien Younès le téléphone portable de son fils. C’est sa façon d’aider.
Ce geste partant d’un bon sentiment sans attendre un retour quelconque et sans chercher à paraître courageuse ou héroïque est un point d’ancrage. Dans la vie de Younes et dans celle de Rose. Ce personnage féminin s’interroge sur sa vie, sur ce qu’elle transmet à ses enfants et sur son couple. Loin d’être un cliché, Rose est un personnage contemporain par ses fragilités, ses réflexions, avec toutes ses ambiguïtés, tiraillée par l’envie d’en faire plus et celle de se protéger. De protéger sa vie et sa famille.
Ce sujet d’actualité est traité sans pathos ou larmoyant par Marie Darieussecq. Elle fait preuve d’un ton loin d’être grave où elle réussit à placer de la légèreté, à nous faire sourire et à rendre hommage à ceux et à celles qui tendent une main pour aider malgré tout. Sans leçon de morale ou de jugement, la politique migratoire est abordée par le prisme de Rose si proche de nous mais que que n'ai pas entièrement comprise.
Au final, il m'a manqué la petite musique et la grâce d'Il faut beaucoup aimer les hommes. Et cette fois ci malgré une belle humanité sans fard , Marie Darrieussecq n'a pas réussi à me convaincre totalement.
Elle eut ce réflexe, de tendre la main vers eux, d'essayer quelque chose, mais.
Sur le blog : Etre ici est une splendeur - Il faut beaucoup aimer les hommes
mardi 17 septembre 2019
Jonathan Coe - Le cœur de l'Angleterre
Éditeur : Gallimard - Traduit de l'anglais par Josée Kamoun- Date de parution : Août 2019 - 560 pages.
Nous sommes en avril 2010 en Angleterre. Benjamin Trotter vient d’enterrer sa mère et à cinquante ans, il veut se lancer dans une carrière d’écrivain. Son vieux père Colin fustige le politiquement correct, sa nièce Sophie professeure à l’Université vient de rencontrer Ian un moniteur d’auto-école. Quant à Doug son ami de longue date, son métier de chroniqueur politique le passionne toujours autant.
Même si le Brexit semble encore loin, l’auteur sonde l’âme et le cœur de ses compatriotes dans toutes leurs subtilités et leurs contradictions. Le nationalisme, la peur des immigrés, la question identitaire sont mis à nu. Sophie défend le maintien dans l’Union Européenne et se heurte aux idées de sa belle-famille. Benjamin ne sait sur pied danser tandis que son père associe le chômage à l’Europe.
En conteur hors pair, Jonathan Coe détaille finement les destinées individuelles de ses personnages, et celle, collective, d’une nation. Les événements qui ont façonné la vie anglaise de ces dernières années s’intègrent tout naturellement au récit, que ce soit les émeutes de 2011, l’euphorie de 2012 des jeux Olympiques (ce qui donne des pages hautement jubilatoires et très perspicaces ) ou la crise économique. Les années s’égrènent, les fractures sociales bien plus profondes qu’il n’y parait au premier regard ébranlent les convictions. A travers ce roman, on suit les choix personnels, les questionnements des membres de la famille Trotter. Et quand la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne jusqu’alors impensable se profile, elle provoque une béate incrédulité et des remises en question. Avec un humour ironique voire caustique, Jonathan Coe nous questionne subtilement et signe un roman creusé, drôle et pertinent. Un très, très grand plaisir de lecture !
- Ah, vous les gens de plume, franchement Douglas ! Avec votre interprétation délirante des choses. Vous sortez une formule tout à fait claire, tout à fait innocente, et vous la tordez, vous la déformez.
Les billets de Cuné et de Nicole.
Lu de cet auteur : Expo 58 - La pluie, avant qu'elle tombe - Numéro 11 -Testament à l'anglaise
Nous sommes en avril 2010 en Angleterre. Benjamin Trotter vient d’enterrer sa mère et à cinquante ans, il veut se lancer dans une carrière d’écrivain. Son vieux père Colin fustige le politiquement correct, sa nièce Sophie professeure à l’Université vient de rencontrer Ian un moniteur d’auto-école. Quant à Doug son ami de longue date, son métier de chroniqueur politique le passionne toujours autant.
Même si le Brexit semble encore loin, l’auteur sonde l’âme et le cœur de ses compatriotes dans toutes leurs subtilités et leurs contradictions. Le nationalisme, la peur des immigrés, la question identitaire sont mis à nu. Sophie défend le maintien dans l’Union Européenne et se heurte aux idées de sa belle-famille. Benjamin ne sait sur pied danser tandis que son père associe le chômage à l’Europe.
En conteur hors pair, Jonathan Coe détaille finement les destinées individuelles de ses personnages, et celle, collective, d’une nation. Les événements qui ont façonné la vie anglaise de ces dernières années s’intègrent tout naturellement au récit, que ce soit les émeutes de 2011, l’euphorie de 2012 des jeux Olympiques (ce qui donne des pages hautement jubilatoires et très perspicaces ) ou la crise économique. Les années s’égrènent, les fractures sociales bien plus profondes qu’il n’y parait au premier regard ébranlent les convictions. A travers ce roman, on suit les choix personnels, les questionnements des membres de la famille Trotter. Et quand la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne jusqu’alors impensable se profile, elle provoque une béate incrédulité et des remises en question. Avec un humour ironique voire caustique, Jonathan Coe nous questionne subtilement et signe un roman creusé, drôle et pertinent. Un très, très grand plaisir de lecture !
- Ah, vous les gens de plume, franchement Douglas ! Avec votre interprétation délirante des choses. Vous sortez une formule tout à fait claire, tout à fait innocente, et vous la tordez, vous la déformez.
Les billets de Cuné et de Nicole.
Lu de cet auteur : Expo 58 - La pluie, avant qu'elle tombe - Numéro 11 -Testament à l'anglaise
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