Gwen nous propose du creative writing. A partir de cette photo qu’elle a prise au musée des Abattoirs de Toulouse, à nous d’imaginer…
J’ai longtemps cherché le bonheur. Moi, je suis vide à l’intérieur. Remplie de vide. Je ne sais pas comment on fait pour être heureux. Alors, toute ma vie, j’ai ramassé, entassé celui des autres.
Mon frère disait que son soda était le meilleur moment de sa journée. Quand il ouvrait sa cannette, j’écoutais attentivement le bruit libérateur des bulles. Il fallait que mon vide parte. Je me disais qu'il allair être remplacé par ces bulles. Elles allaient remplir mon ventre et se répandre dans tout mon corps. Occuper tout le vide, se cogner, exploser et libérer de la joie. J'ai gardé une cannette pleine pour le grand jour. Après les cours, j’observais notre voisine. De sa fenêtre, elle jetait un coup d’œil à ses enfants qui jouaient dans le jardin. Elle était toujours au téléphone. Elle riait, prenait le cordon et l’enroulait autour de ses doigts. De sa bouche ne sortaient pas des mélopées mais des flots de mots. Des ruisseaux presque ininterrompus qui semblaient être le son du bonheur. J’ai prié, supplié mes parents de m’acheter le même téléphone. Quand mon oncle et ma tante venaient nous voir, mon cousin avait tout le temps avec lui sa raquette de ping-pong. Il disait qu’il n’imaginait pas une seule journée sans frapper la petite balle blanche. Bien plus tard, un homme assis sur un banc sifflotait. Je me suis approchée de lui et je lui ai demandé pourquoi il était heureux. Il m’a répondu « hey, Miss, tu vois ces bottes ? J’ai travaillé dur, j’ai économisé pendant 6 mois pour me les acheter. Maintenant, je suis le plus heureux des hommes sur terre ». J’ai fait de même. Et à chaque personne rencontrée, je leur demandais et elles m’expliquaient en quoi consistait leur joie. De la boite en fer de ma grand-mère où elle rangeait ses timbres au pull de ma sœur qui lui portait chance, je les ai tous précieusement conservés.
Aujourd’hui est un grand jour. J’ouvre la valise qui contient tous ces trésors. C’est à mon tour d’être heureuse. J’expire un grand coup. Le vide me pèse. Du bout des doigts, je touche chaque objet, je m’en empare. Je décapsule la cannette mais depuis tout ce temps, le soda n'en est plus un. Les bulles ont disparu. Tant pis, je mime une conversation au téléphone chaussée de mes bottes. Mais rien. Je ne ressens rien. J’ai passé des années à chercher le bonheur, à saisir celui des autres En vain. La nuit vient de tomber. Assise parmi tous les objets éparpillés autour de moi, je viens de comprendre. Même si je n’ai l’ai pas trouvé, je détiens celui de plusieurs personnes. Et, j’ai réussi à épingler des moments fugaces, rares. Je suis une collectionneuse d’un genre particulier. Collectionneuse de bonheurs.
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