« Le trafic routier s’annonce chargé sur les autoroutes du soleil. Des bouchons et des ralentissements sont prévus dès le milieu de la matinée. La circulation sera plus fluide sur les axes desservant… ».
Il n’en fallait pas plus pour que la pater nous sorte son refrain :
-Tu vois, je t’avais bien dit ! Chaque année, c’est la même chose et chaque année, il y en a qui ne comprennent rien ! Au lieu de partir plus tôt et bien non. On reste dormir, on en profite et après on râle parce que l’on est coincé dans les bouchons.
Il s’adresse à maman qui ne répond pas. D’ailleurs, je me demande si elle l’écoute ou si elle blasée de ses réflexions à la noix.
La radio déverse son flot d’informations. Immuables d’une année sur l’autre en cette journée du 1er août, jour de départ en vacances. Synonyme de plus de 8 heures de voiture coincé avec mon père, ma mère co-automobiliste dont la patience m’épate, moi et mon petit frère. Bizarrement, le son de mes écouteurs faiblit. Oh non pas ça ! Batterie déchargée ! Ce qui veut dire que je vais devoir subir la conversation générale. Super, je suis maudit.
-Eh, regarde, celui qui me double. Non mais, il se prend pour qui au volant de sa grosse voiture ? Monsieur frime dans sa berline allemande. Allez, vas-y dépasse-moi !
Ce n’est pas de malédiction mais du supplice. Mais, comment maman fait elle pour ne pas lui dire de se la fermer ?
Entendre mon père pendant des heures, c’est rien par rapport à un interrogatoire du FBI. Soit vous avez un mental d’enfer et vous en sortez indemne, soit vous craquez et vous êtes un minus.
-J’espère que cette année nos voisins ne feront pas la rumba tous les soirs. D’ailleurs, je n’hésiterai pas à aller dire deux mots aux propriétaires. Sinon,comment on fait pour se reposer ?
Du repos ? Super, je sens que je vais m’éclater ! La plage, les sorties en famille, ne pas faire de bruit pendant la sieste du pater. Le pire : les parties de monopoly ou la promenade au port pour occuper les soirées! J’ai passé l’âge, j’ai 16 ans et je compte bien avoir de droit de sortir un peu le soir. Ce sera ma première revendication et s’il n’accepte pas, je jouerai sur la corde sensible avec maman. Avec elle, j’ai plus de chance. Et hors de question de me coltiner le frangin. Ce serait trop la honte !
-Et puis, quand on bosse toute l’année, on les mérite nos 3 semaines de vacances. Tiens, d’ailleurs, je t’ai raconté que le fils de Pomir a décroché un super boulot grâce à ses relations. Franchement, tu veux que je te dise…
-Tais-toi.
Maman vient de prononcer ces deux mots sur un ton péremptoire que j’entends pour la première fois.
-Attends, qu’est ce qui se passe ?
-Ce qui se passe ? Je vais te le dire ? Depuis plus de 12 ans, je supporte ta jalousie, ton aigreur envers les autres cette année alors j’ai décidé que j’avais le droit à de vraies vacances ! Alors, tu te tais ! La lutte des classes les riches, les patrons, j’en ai marre de tout ça !
J’ouvre de grands yeux, même le frangin a délaissé sa revue et me regarde en se demandant si on est dans la quatrième dimension.
-Non mais, j’ai le droit de dire ce que je pense, quand même ! C’est quoi ça ? Tant qu’on y est, tu veux peut-être prendre le volant à ma place ? Parce que tu crois que conduire pendant 8h00, c’est une partie de plaisir ?
- Justement, j’allais te le demander. Tu te gares dès que tu peux et c’est moi qui conduis dorénavant.
Le pater est rouge violacé à la limite de l’asphyxie. Maman, elle, s’est transformée en super héroïne. Oublié son statut qui se limite à préparer les sandwichs et à vérifier qu’on n’a rien oublié. Je ne sais pas à quoi elle s’est dopée ou si c’est la crise de la quarantaine mais je suis sidéré. En tout cas, je suis fier d'elle. Les vacances s’annoncent pas si mal que ça finalement…
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