Qui dit dimanche, dit l'atelier d'écriture chez Gwénaëlle !
Aujourd'hui, elle nous propose un exercice qui ne doit pas dépasser vingt minutes. Pas une de plus, pas une de moins. Vous devrez minuter votre temps d’écriture. Le défi : une phrase de début, une phrase de fin et vingt minutes pour écrire un texte cohérent entre les deux…
Trois propositions, donc trois textes possibles…
1.Phrase de début : La chaleur du soleil semblait fendre la terre./ Phrase de fin : Quelque chose n’était pas comme d’habitude. (extraites de Le soleil des Scorta, Laurent Gaudé)
2.Phrase de début : Tel qu’il est là dans son coin de chambre, entre le radiateur et la fenêtre, la tête dans le rideau, comme ça, de dos, on pourrait croire qu’il boude, pleure ou fait l’idiot, se tord de rire, de douleur, pas du tout, il joue du saxophone alto, le pavillon tout contre le rideau, ça étouffe le son. / Phrase de fin: Pour le chèque, on fait comment, alors? dit Jeanne (extraites de Be-Bop, de Christian Gailly).
3.Phrase de début : Personne n’a aimé comme j’ai aimé. / Phrase de fin : Qui se souviendra de moi? (extraites de Géométrie d’un rêve, Hubert Haddad)
J'ai dépassé un peu à cause de la relecture mais voilà ce que ça donne :
Personne n’a aimé comme j’ai aimé. Non personne. J’étais fou, pris d’un amour tourmenté, d’une passion pour cette femme. Croyez-moi, Monsieur le Juge, jusqu’ à ce jour du 12 mai dernier, ma vie était insignifiante, d’une banalité affligeante. Mon avocat m’a déconseillé de vous écrire. Il a beau faire des effets de manches, me regarder au dessus de se lunettes et se lancer dans de grands diatribes. Les mots qu’il prononce sont creux de sens. Je ne vous dirais ni mon âge ni mon adresse car tout ces renseignements vous les avez dans mon dossier. Mais, je vais vous expliquer ce qui c’est passé, encore que moi-même je ne le sais pas vraiment. Mes collègues de travail ont dû me décrire comme un homme gentil, serviable et pas très causant. Ma voisine de palier, Mme Perruchon a certainement dit que du bien de moi.
Enfant, j’ai été brûlé et la moitié de mon visage, la partie gauche, garde à jamais les séquelles de cet accident. A l’école, on me traitait de monstre et les autres enfants de mon âge me fuyaient. Mes parents ont tout fait pour que je grandisse sans trop souffrir. Mais comment m’épargner les injures ou les regards ébahis qui trahissaient du dégoût ? Ma mère avait beau serrer plus fort ma main pour me donner du courage, je baissais la tête, honteux de mon facies disgracieux. J’ai appris à aimer la solitude et à l’apprivoiser. Plus les autres rejetaient ma personne et plus je me réfugiais dans la contemplation du monde. Eh oui, Monsieur le Juge, vous ne trouverez pas dans vos papiers que je passais mon temps les yeux rivés vers le ciel. Vous allez me trouver idiot ou bête, c’est votre droit. Mais n’allez pas croire que je cherche à vous attendrir ou à éveiller en vous de la pitié ou de la compassion.
Car, maintenant je souffre ! Désormais la nuit, je fais des cauchemars. Je me réveille trempé de sueur, le cœur prêt sortir de ma poitrine et tremblant comme un vieil homme. Dans ces moments là, j’aimerais pouvoir mourir parce que ma douleur est si profonde, qu’elle me ronge et qu’elle me broie ! Si je pouvais seulement m’arracher le cœur, je le ferais. Plusieurs fois, j’au tenté mais en vain. Le courage m’a manqué au dernier moment et je me suis effondré en larmes. Cette peur du couteau s’enfonçant dans ma poitrine fait de moi un homme encore plus malheureux et méprisable.
Ce 12 mai, quand je l’ai vu se diriger vers moi, j’ai crû devenir fou. Elle portait un chapeau de paille, une robe d’été et son visage était si beau. Je ne l’avais jamais vu avant mais il a suffi d’une fois pour qu’elle hante mes pensées à jamais. Du matin au soir, les nuits entières, je ne rêvais qu’à elle.
En septembre, je l’ai suivi et je vu l’ai attablée à la terrasse d’un café avec un homme. Ils se tenaient par la main tous les deux et il la dévorait du regard du regard. Mon amour s’est transformé en haine ! Elle ne pourrait pas m’aimer à cause de lui.
J’ai coincé cet homme le soir même dans une ruelle et j’ai tailladé le coté gauche de son visage pour qu’on soit à égalité. Après mon geste, j’ai erré toute la nuit et le matin je suis venu me rendre au poste de Police.
Je ne serais pas capable de supporter son regard sur moi lors du procès. En bon lâche que je suis, j’ai trouvé ce matin le courage de mettre fin à mes jours. Quand vous recevez ce courrier, je serais parti pour toujours…. Et dans quelque temps, même ma mort sera oubliée comme ma vie. Qui se souviendra de moi?
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